Punchlines du 2 octobre 2022

Le site /

  • Pas de papier cette semaine sur le blog, mais le Lire Magazine Littéraire d’Octobre est disponible en kiosques et vous pourrez y trouver des billets sur trois nouveautés qui en valent la peine, Le tumulte de Sélim Nassib, La forêt pourpre d’Algernon Blackwood et Billy Summers de Stephen King. Sans doute en dirai-je un mot ici lorsque le magazine aura fait son temps sur les présentoirs.
Spoiler : les trois sont bons
  • Les statistiques sont implacables. Longtemps l’article le plus lu du blog dédié aux livres et à la boxe qu’est 130livres.com fut un papier sur le Nadal-Federer de Roland Garros 2019, j’ai aussi bénéficié du buzz particulier de l’affaire Matzneff après avoir relaté une soirée aberrante donnée en l’honneur du vilain bonhomme où des gens s’étaient battus, au moins le sujet avait-il un vague rapport avec les bouquins, puis Google m’a rendu un fier service en faisant sortir ma chronique de L’anomalie d’Hervé Le Tellier très haut dans les recherches parce que j’y avais glissé le mot « explication » alors que bon nombre de lecteurs se grattaient la tête en refermant le Goncourt 2020. Un phénomène inexpliqué a depuis rendu le site populaire pour la version Android de WordPress, de sorte qu’une improbable ruée sur une sélection de 30 albums de métal publiée en juin dernier fit de ce papier le plus consulté de 130livres.com. Un jour viendra où j’intéresserai des gens à la boxe. Promis, juré.

Les auteurs /

  • Le risque de bide était modéré à faible, mardi soir soir dernier, lorsqu’Emmanuel Carrère vint présenter son dernier opus V13 dans sa « librairie de quartier » Ici Grands Boulevards, et le public vint effectivement nombreux. Le livre en question est une compilation de ses chroniques pour L’Obs des 9 à 10 mois de l’extraordinaire procès des attentats du 13 novembre 2015, enrichie de textes inédits. Dans l’exercice de la rencontre en librairie, on a ici affaire à un bon client : la voix est aussi profonde, le verbe profus et la digression facile qu’à la radio. De fait, l’image apporte un plus, la figure atypique d’un jeune vieux qui porte beau. L’implantation toujours intacte de ses cheveux ras nargue ses cadets – moi le premier –, son visage et ses avant-bras glabres au hâle tibétain seraient difficiles à dater au repos, et les rides profondes qui se creusent à la moindre expression appuient son propos plus qu’elles ne trahissent ses 64 ans. Tout juste la silhouette s’est-elle un peu épaissie. Sur le fond, on est vite frappé par la positivité résolue du bonhomme. Certes le marathon des audiences dans la « boîte à chaussures » érigée en pleine salle des pas perdus fut parfois un fardeau « peu communicable », mais enfin l’expérience s’avéra hautement thérapeutique, les parties civiles firent preuve d’une authentique grandeur, la justice « riche » déployée pour l’occasion fut aussi exemplaire qu’attendu, tous les chroniqueurs et experts présents rivalisèrent de compétence, les participants au long cours formèrent une communauté solidaire et bienveillante, Carrère lui-même exerça son art dans des conditions tout à fait enviables (le confort de deux pages sacralisées chaque semaine dans le magazine), etc. Tout juste déplora-t-il la posture de « tête à claques » de Salah Abdeslam (mais il abonda illico dans le sens d’une avocate présente rappelant la dureté de ses conditions d’incarcération) ou l’apparent paradoxe de certaines des peines infligées – peut-on vraiment être reconnu terroriste et ne récolter que 2 ans de prison ? Tout lecteur de Yoga pourra comprendre son attachement à extraire le meilleur de ce qu’il décrit, aidé en cela par l’empathie profonde dont chacun de ses récits est empreint, aussi fasciné par les procès et ce qu’ils révèlent de l’humanité qu’un André Gide dont il dit aussi partager la propension à adopter le dernier point de vue exprimé (lui-même emploie le mot « girouette »). Je lirai sûrement V13, avec une certaine appréhension et lui sachant gré de me ménager de cette façon.
Le livre de recettes de F-R. Gaudry à l’arrière-plan vaut lui aussi son pesant de blanquette
  • C’est l’histoire d’un texte impubliable, une copieuse somme d’entrées présentées dans l’ordre alphabétique mais qui « n’est pas un dictionnaire », face auquel la maison qui régla l’à-valoir finit par commettre un refus d’obstacle. Admettons que le livre en question, monumental, riche d’illustrations et recelant quantité de commentaires parfois douloureusement sincères sur des personnages pas encore décédés, présente son lot de complexités éditoriales. Mille et une reprises est le grand œuvre de Frédéric Roux, rare pointure française de la littérature pugilistique, donc de la littérature tout court – ajoutons que l’intéressé ne raffole pas du caisson thématique étanche dans lequel on eut tôt fait de l’enfermer. Les lecteurs réguliers du présent blog ont pu avoir un avant-goût de son travail de romancier, d’essayiste à propos du noble art et d’essayiste sur d’autres thèmes universels. Ils mesurent donc, du moins je l’espère, combien il eût été regrettable que pareil effort demeurât au fond d’un tiroir. Pour dire ce qu’est la boxe, donc tendre aux hommes un miroir bien particulier, Frédéric Roux a œuvré en technicien du ring, variant angles, styles et distances : il nous parle de sport, de performances sublimes ou ridicules, d’histoires grande et petites, de business souvent véreux, de crevures et de mecs droits, d’existences uniques, de gloires volatiles comme d’exploits dérisoires, de lieux communs très vérifiables et de mensonges à la peau dure, de faits divers scabreux, de citations fleuries, de représentations artistiques heureuses ou pas et dans certains cas de tout à la fois. Le mordu y trouvera autant de pépites érudites que le béotien y piochera de précieux moments de lecture, considérant qu’il y est avant tout question de littérature tout court (cf. supra). Car Mille et une reprises est bien accessible à tous, son auteur ayant décidé de le publier pour pas un rond – on l’imagine toutefois en retirer la satisfaction méritée de faire référence en francophonie sur le sujet –, par paquets de lettres, sur son propre site web. Mention au cahier spécial cinéma, où Raging Bull et Million Dollar Baby finissent sulfatés comme il faut. Nous en sommes au « F », comme « Faites donc œuvre utile : partagez celle-là ».

E comme « Erreur »

« Si vous faites une faute en dansant, vous avez honte, si vous faites une faute en boxant, vous êtes mort. » Twyla Tharp

On n’aurait jamais dû partir côté fermé, entrer dans le concours à six mètres, jamais prendre ce crochet à la con, jamais appuyer sur la touche « ne pas enregistrer » ni tenter le tout pour le tout. Il n’empêche que… on l’a fait, on a perdu une occasion de revenir au score, on a été au tapis, fait disparaître ce à quoi on tenait en un clin d’œil… on l’a fait, on a pris ce crochet à la con alors que l’entraîneur nous avait dit : « Sur son crochet du gauche à la con, tu avances et t’envoies la droite », il ne reste plus qu’à se manger l’échec, défoncer la cloison du vestiaire, et tout reprendre à zéro en ayant un vague souvenir du poème de Rudyard Kipling… « Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie/Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir/Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties/Sans un geste et sans un soupir […] Tu seras un homme, mon fils », tout en traitant Rudyard Kipling de « con » et en se frottant les phalanges.

Ne jamais regretter.

Recommencer.

Les puncheurs /

  • Le sketch à répétition offert par les deux patrons invaincus des poids welters Errol Spence Jr. et Terence Crawford est susceptible de surpasser en durée celui que nous infligèrent Floyd Mayweather Jr. et Manny Pacquiao. C’est dire à quel point l’exemple de la pantalonnade auquel nous eûmes finalement droit en mai 2015 ne dissuade personne de continuer à nous prendre pour des jambons. Sur les forums, les fans des deux camps s’étripent, renvoyant au rival de leur idole la responsabilité des fiascos répétés de leurs négociations. Je prends ici la ferme résolution de me ficher complètement du détail des raisons invoquées par les uns et les autres pour ne pas signer le foutu contrat. En attentant, Crawford vient de fêter ses 35 ans, et l’UFC continue à offrir aux amateurs de MMA les affiches qu’ils attendent au moment opportun. Surtout, surtout ne changez rien.
Continuez, les gars. On n’a que ça à faire.
  • Dans le même ordre d’idées, après nous avoir fait miroiter une « Battle of Britain » contre Anthony Joshua, les dieux de la boxe pourraient opposer Tyson Fury au très passable Mahmoud Charr pour l’un des championnats du monde des poids lourds les moins intéressants de mémoire récente. Sachant que l’intérêt de Fury vs Joshua a déjà baissé d’un bon cran depuis que ce dernier a subi par deux fois la loi d’Olexandr Usyk, ce dernier ne demandant pas mieux qu’un combat d’unification contre Fury… Surtout, surtout ne changez rien (bis).
  • Avant un très hypothétique choc de poids lourds anglais, les sujets du nouveau souverain Charles III peuvent s’intéresser à une sorte de remake du duel de « filles de » ayant opposé Laila Ali à Jacqui Frazier il y a 20 ans : le duel programmé le 8 octobre prochain entre Conor Benn et Chris Eubank Jr. Le premier est un poids welter invaincu en pleine ascension, le second un vétéran à 160 et 168 livres aux qualités physiques aussi évidentes que ses limites pugilistiques. Leurs darons s’administrèrent deux peignées mémorables dans les années 90 ; insatisfait que le combat soit négocié à 157 livres, Chris Eubank Sr. s’est désolidarisé de l’événement, craignant pour la santé d’un fils contraint à une sévère déshydratation… des réserves bien compréhensibles pour un homme endeuillé l’an passé par la perte de Sebastian, frère cadet de Chris Jr.
  • Il arrive malgré tout qu’on signe encore des affiches dignes de ce nom : la belle entre les super mouches Roman « Chocolatito » Gonzalez et Juan Francisco Estrada aura lieu le 3 décembre prochain. Depuis la revanche controversée remportée par le Mexicain, celui-ci s’est défait d’un coriace Argi Cortes le 3 septembre après que Gonzalez avait continué à défier le temps qui passe en renvoyant à ses études le champion mouche Julio Cesar Martinez. Ça sent les 2500 coups échangés, les combos jusqu’à plus soif et les contres tranchants donnés front contre front. Ça sent la boxe, et ça fait du bien.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s