Punchlines du 9 octobre 2022

Le site /

  • Il va me falloir arrêter d’annoncer « toujours pas de nouveau papier cette semaine », vu que les Punchlines du week-end sortent désormais avec une régularité certaine. Convenons-en une fois pour toutes : c’est déjà ça.
Dé-bor-dé

Les auteurs /

  • Difficile de ne pas revenir sur le prix littéraire mondialement connu dont l’attribution défraya la chronique la semaine passée, je veux bien sûr parler de l’édition 2022 du Prix Sade, qui récompense depuis 2001 « un livre qui déjoue l’ordre moral et se veut hors des carcans de la littérature et de la société ». Crée avec la participation de Frédéric Beigbeder, le Prix est parisien depuis son éviction du château de Sade à Lacoste (Vaucluse), devenu propriété de Pierre Cardin ; les quelques « soumises » invitées pour pimenter l’ultime soirée sur place n’étaient visiblement pas du goût des hôtes. Il a sacré Dennis Cooper, Jonathan Littell, Jean-Noël Orengo, Caroline de Mulder ou Christine Angot, qui l’avait refusé en 2012 pour Une semaine de vacances, et a compté parmi les membres de son jury sa première lauréate Catherine Millet, Catherine Breillat ou le regretté Guillaume Dustan. Depuis quelques années, le palmarès est annoncé à la galerie Suzanne Tarasieve – qui cette année sentait un peu fort la peinture et proposait une déroutante collection forçant sur les fonds mauve et fuchsia –, un lieu opportun compte tenu de la dotation du Prix, à savoir une œuvre d’art contemporain. Outre la découverte des lauréats, l’intérêt principal d’une telle soirée est naturellement de détailler l’aréopage de joyeux déviants qui s’y presse. La vérité oblige à reconnaître, toutefois, que la faune n’y est guère différente qu’aux autres soirées littéraires de la capitale. Parmi la grosse cinquantaine de personnes présentes, majoritairement membres du jury ou auteurs et éditeurs en compétition, à peine une combi-pantalon tigrée et un manteau panthère suggéraient un semblant d’animalité. Au reste : du loden, de la cape et surtout du noir. Le vieux monsieur renfrogné au nombril apparent sous son gilet Lacoste (de circonstance) et le cocher truculent à favoris, haut-de-forme et pantalon en cuir méritent une mention. Quelques jeunes saluent leurs aînés, dont l’écrivain Julien Cendres.
Le Prix Sade 2022, par Alexandra Yonnet
  • On n’accèdera au traditionnel vin en gobelets qu’après l’annonce proprement dite. Le jury se rassemble, on y reconnaît François Angelier, à qui l’on doit l’essentiel Mauvais genres sur France Cul, la patronne de la librairie la Musardine Anne Hautecoeur ou l’autrice Octavie Delvaux, sans compter la présence frêle et enturbanée de la nonagénaire Catherine Robbe-Grillet, veuve d’Alain, diplômée d’HEC et « organisatrice expérimentée de soirées SM » d’après Wikipédia. C’est le président Emmanuel Pierrat, avocat à la gouaille de bonimenteur, qui tient le crachoir pour un bon moment, nombre de prix spéciaux étant attribués cette année. Il ne peut résister au plaisir de rappeler une soirée antérieure, où la récompense – un fouet signé J-P Gaulthier – fut dérobé et « Catherine Millet était bourrée ». Cette fois la dotation principale s’avère une photographie d’Alexandra Yonnet remise à la primo-romancière belge Charlotte Bourlard, visiblement émue, pour L’apparence du vivant (Inculte). Il y est question de taxidermie atypique. Parmi les autres lauréats, on citera Christophe Bier et son intrigant L’obsession du Mato Grosso (Editions du Sandre) – il marque apparemment le grand retour du spanking book – ou le duo d’universitaires autrices du Dictionnaire du fouet et de la fessée (PUF), qui, aux dires d’Elisabeth Lusset (comparse d’Isabelle Poutrin), « ont dû cravacher » pour boucler cet imposant ouvrage collectif.
Photos ratées de la remise de leurs prix à Charlotte Bourlard et Christophe Bier
  • Largement éclipsée par le Prix Sade, donc, l’attribution du Nobel de littérature 2022 à Annie Ernaux aura suscité quelques débats. Je m’en sens largement étranger, n’ayant jamais lu l’autrice des Années (hou, les cornes) vu que je me sais plus sensible au style « à l’os » en charcuterie qu’en littérature. Il s’avère que je compte parmi mes connaissances au goût sûr autant de fans que de détracteurs de son œuvre. Jusqu’à ce je me décide à attaquer l’un de ses livres (celui choisi pour découvrir Patrick Modiano après son Nobel de 2014 m’était tombé des mains), je me contenterai de la satisfaction cocardière de voir triompher une autrice française. Quant au semblant de polémique qui remue toujours Facebook à l’heure où nous publions (enfin je publie) au sujet des engagements politiques de la lauréate, qu’il me soit permis de citer ici l’indispensable Mara Goyet, plus « à l’os » qu’à l’accoutumée : « Annie Ernaux, j’aime tout ce qu’elle écrit. Mais vraiment. Et beaucoup moins ce qu’elle pense. Voilà, c’est pas compliqué : c’est ça la littérature. » Gageons que sur les plans idéologique et stylistique on se serait écharpé à front renversé de l’exacte même façon si Michel Houellebecq avait été récompensé. Hihihi.
  • Alléluia : épuisé chez Points, le chef d’oeuvre de Robert McLiam Wilson Eureka Street est réédité chez Babel depuis septembre. Vous n’avez plus la moindre excuse.
  • Et puis les lettres G, H et I de Mille et une reprises de Frédéric Roux présenté ici-même la semaine dernière sont désormais en ligne. Foncez-y donc derechef.

Les puncheurs /

  • La semaine dernière également, on pouvait regretter les atermoiements qui plombaient la signature de Tyson Fury vs Anthony Joshua ou Errol Spence Jr. vs Terence Crawford. La situation n’a guère bougé vu de ce week-end, à ceci près que l’on semble désormais menacés d’un inutile Fury vs Chisora III plutôt que d’un dispensable Fury vs Charr. On avance, donc.
  • Prévu hier soir, le duel de « fils de » prévu entre Conor Benn et Chris Eubank Jr. n’aura pas lieu, la faute à un contrôle positif du premier nommé au clomifène, une molécule qui stimule la production de testostérone. On avance vraiment beaucoup.
  • Hier soir à Carson, l’interminable super welter Sebastian Fundora s’est imposé aux points contre un Carlos Ocampo plus coriace que prévu. J’avais été impressionné par sa résistance et son activité lorsqu’il stoppa Erickson Lubin en avril dernier ; il faut toutefois constater que la tendance naturelle de Fundora, passé les quelques premiers rounds, consiste à venir se battre de près, là où plus court que lui dispose d’un accès d’autant plus facilité à son menton que sa défense est poreuse. On peut craindre pour lui un destin à la Paul Williams, que son copieux avantage d’allonge n’empêcha pas de subir un violent KO contre Sergio Martinez. Jusqu’à présent ses adversaires se sont concentrés sur le travail au corps, considérant combien celui-ci est fin et supposément vulnérable, mais j’imagine qu’un puncheur digne de ce nom finira par trouver le bouton off de la « Tour Infernale » de Californie.
Phil Defer dans ses oeuvres
  • Rare rayon de soleil dans la morosité pugilistique ambiante, Deontay Wilder fera son retour sur les rings samedi prochain au Barclays Center de Brooklyn face au Finlandais Robert Helenius. Après une reprise en main consécutive à ses trois premiers revers en carrière, le « Nordic Nightmare » reste sur deux succès probants sur l’ex-espoir polonais Adam Kownacki. L’affiche promet des étincelles, son unique défaut étant la très probable brièveté du combat. Si l’on aurait tort de n’accorder aucune chance à Helenius, une si belle et grande cible devrait être trouvée tôt ou tard par la droite la plus létale de la boxe contemporaine. Également au programme, on suivra avec intérêt le 21eme combat professionnel du très technique poids lourd cubain Frank Sanchez, la confrontation d’anciens champions super moyens Caleb Plant et Anthony Dirrell ou la sortie d’un 3eme frangin Russell, Gary Antonio, contre Emmanuel Rodriguez, ex-victime du « Monster » Naoya Inoue.
  • Peut-être le grand serviteur de l’état brésilien que fut Eder Jófre ne souhaitait-il pas spécialement assister à la suite de la campagne présidentielle dans son pays, toujours est-il qu’il nous a quittés dimanche dernier à l’âge de 86 ans. Devenu champion du monde des coqs unifié lors du creux des années 60 puis défait par deux fois aux points par son co-sociétaire du Hall of Fame Masahiko « Fighting » Harada, le « Galo de Ouro » Jófre accomplit un rare comeback archi victorieux en remportant 25 combats d’affilée chez les plumes, dont un championnat du monde face au grand technicien cubano-espagnol José Legra et un KO administré au redouté gaucher mexicain Vincente Saldivar. Premier champion du monde végétarien issu d’une lignée de boxeurs et de lutteurs émérites, Jófre fut un modèle de professionnalisme sur et en dehors des rings. Fondé sur une inlassable activité, son style polyvalent et adaptable le rapprochait du Portoricain Carlos Ortiz, autre légende récemment disparue titrée dans deux catégories qui boxait tête baissée. Si l’on peut souligner qu’il combattit le plus souvent à domicile et bénéficia ainsi d’une certaine mansuétude arbitrale – Jófre eut d’ailleurs l’élégance de reconnaître que son ultime combat lui avait été attribué à tort – ses rares 50 succès par KO entre coqs et plumes démontrent qu’il dut l’essentiel de ses succès à son efficacité. Diplômé d’architecture, Eder Jófre entama après avoir raccroché les gants (72V-2D-4N) une carrière de conseiller municipal puis d’employé du gestionnaire des autoroutes de l’état de São Paulo. À la fin du siècle dernier, l’historien Bert Sugar le classait parmi les 30 plus grands boxeurs de tous les temps. Il fut assurément le plus grand des pugilistes brésiliens.
Un modèle de cross du droit

2 commentaires sur “Punchlines du 9 octobre 2022

  1. Il n’est jamais trop tard pour découvrir l’existence ô bien jouissive d’un prix Sade ! Il fallait la plume primesautière d’un Antoine Faure pour saisir la profondeur du cocktail. Je vais m’inscrire pour la prochaine édition…

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