Le site (Antoine) /
- J’aimerais susciter du clic sur des sujets plus guillerets mais le papier de cette semaine, consacré à une expérience vécue de harcèlement scolaire et quelques conclusions à en tirer aujourd’hui, a suscité un intérêt certain à l’échelle de 130livres.com. Le débat sur le harcèlement scolaire a remué des souvenirs qui ne m’auraient pas laissé tranquille cette fois-ci sans y mêler un peu d’écriture. C’est fait, et l’histoire en question fait son chemin chez d’autres ex-adolescents sensibles à la question ; voire, elle sera apparemment lue à des collégiens. J’en suis heureux et assez ému.
- C’est promis, un jour viendra où de nouveaux articles de ce blog évoqueront la boxe ou la littérature.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /
- Souvent la grosse bête mange la petite, il est plus rare qu’elle la célèbre. Autant dire que la soirée de jeudi au Divan, croiseur lourd parmi les librairies parisiennes mouillant dans les eaux calmes de la rue de la Convention, était à ne pas manquer. On y célébrait autour d’un godet de Vouvray les 20 ans de l’Arbre Vengeur, une maison d’édition aussi aquitaine qu’indépendante plutôt bien représentée dans les pages du présent blog. On citera en vrac les œuvres de Frédéric Roux, Emmanuel Bove , Jean-Louis Bailly ou André Dhôtel. Sur le divan éponyme du lieu, les deux fondateurs livrèrent un numéro de duettistes éprouvé : David Vincent, en charge de la sélection des textes et de leur vente, parle, tandis que le directeur artistique Nicolas Étienne parle moins. Les deux hommes se vouvoient toujours, arguant du fait que les engueulades potentielles s’en voient désamorcées – le fait de peu se voir aide aussi. La complicité entre le tandem d’éditeurs et leur hôte Philippe Touron n’est pas feinte ; lui-même ancien libraire, David avoue avoir été motivé par le scepticisme de ce dernier, un peu plus surpris chaque année de voir perdurer l’entreprise. Une aventure qui commença par des rééditions de textes injustement oubliés et opportunément libres de droits (Pierre Louÿs en tête) aux couvertures sérigraphiées, artisanalement découpées et cousues. Le nom de la maison fut trouvé en un an après force tâtonnements rigolos. Si les ouvrages de l’Arbre Vengeur ont un cachet particulier, c’est parce que leur format intermédiaire répondit initialement à un souci d’économie (moyennant quoi on les case souvent parmi les poches) et que leur aspect chamarré résulte d’une approche iconographique iconoclaste – orner Léon Bloy d’un jerrycan d’essence a par exemple provoqué quelques réactions courroucées. Notons que selon les principaux intéressés l’identité de l’Arbre Vengeur résulte plus de rencontres et de la confrontation explosive entre textes et illustrateurs que d’une ligne éditoriale claire ; en tout cas David Vincent récuse le parti-pris de l’insolence et du poil à gratter systématique souvent attribué à la maison.

- On est tenté de le croire : ce qui frappe à la lecture de leurs bouquins est avant tout l’assurance d’un véritable travail sur la langue. Un sentiment cohérent avec la méthode du responsable éditorial, puisqu’il affirme se ficher du sujet des textes et abhorrer toute espèce de « pitch » introductif si caractéristique des manuscrits contemporains. Seules comptent la tenue des premières pages, puis une seconde lecture aussi concluante que la première avant de transmettre le texte à Nicolas. « La ligne, c’est notre bibliothèque idéale » concluent-ils sur le sujet. Longtemps le fait d’être éditeurs peu rémunérés a autorisé le binôme à miser sur des textes sans considération pour leur potentiel commercial supposé ; c’est prétendument moins le cas aujourd’hui mais on cherche toujours Joël Dicker au catalogue. D’ailleurs une version de celui-ci fut publiée en l’honneur de ce vingtième anniversaire, le panache de la démarche consistant à l’annexer à un texte d’Heinrich von Kleist. Pour y faire entrer certains auteurs fétiches, on n’hésita pas à jouer près des lignes… ceux qui étaient là connaissent les combines. Magie de l’édition, certains textes ont mieux fonctionné à l’Arbre qu’ailleurs, tels ceux de Michel Bernanos. Le micro passe à Éric Dussert, directeur de la collection L’Alambic, puis un panel d’auteurs présents comme Jean-Michel Fouassier, Raphael Rupert ou Tiphaine Le Gall, ou a des partenaires privilégiés de la maison dans l’illustration ou la traduction. On échange des histoires de chasse sur des coups de théâtre de dernière minute avant publication, des vilénies de concurrents prestigieux ou des dialogues délicats avec des auteurs pointilleux – sur ce dernier point, David se dit peu interventionniste une fois chaque texte contemporain sélectionné. La rencontre aura duré plus de 90 minutes avant qu’on ressorte le Vouvray. Reste à livrer ici la phrase sortie de son contexte la plus remarquable de la soirée : « Les toilettes étaient plus sobres ».
- Il était incontournable que je trouve une vanne désopilante après l’édition de la Grande Librairie dans laquelle il s’agissait d’être iconoclaste en dérouillant des auteurs morts, vu qu’ils se défendent moins facilement que les vivants. Philippe Besson, Faïza Guène et Mathias Enard s’en sont donc pris à La métamorphose de Kafka et au Rouge et le noir de Stendhal sous le patronage bienveillant et ô combien impertinent d’Augustin Trapenard. Alors voilà : Philippe Besson, Faïza Guène et Mathias Enard s’en sont pris à La métamorphose de Kafka et au Rouge et le noir de Stendhal sous le patronage bienveillant et ô combien impertinent d’Augustin Trapenard. C’était la vanne désopilante.
Le cinéma est mort : la preuve, il bouge encore (Guillaume) /
- Parlons cinéma, donc de l’été U.S. de tous les dangers. Comme on l’a déjà abordé dans ces pages, le blockbuster U.S a repris ses droits dans les salles obscures, et ne fait pas semblant de récupérer son traditionnel spot estival. Théoriquement, on est pourtant encore hors saison : début juin, c’est la période où la com’ est censée mettre un coup de pression aux spectateurs en harcelant ses réseaux sociaux et ses émissions télés. Mais en 2023, y a pas que la météo qui fout le camp. À l’heure je vous écris ces lignes, ce sont pas moins de 5 films qui ont déjà joué les sous pour les études des gamins sur la roulette du grand écran. Bilan ? Mitigé. Au rayon gadin, Fast X bide à domicile et se rattrape à l’international, La Petite Sirène fait l’inverse. Il est déjà acquis que ces deux-là ne rentreront pas dans leurs frais, surement de quoi faire rouler quelques têtes en coulisses. Sur l’étagère du succès, Les Gardiens de la Galaxie 3 et ses bisous magiques de gros câlins intergalactiques rend un bilan propre, tandis que la première semaine de Across the Spiderverse nous assure de bouffer de l’homme-araignée sous toutes ses formes (au sens propre) pendant de longues années. Too old for this shit. Quant à Transformers : Rise of The Beasts, prequel/reboot des films de Michael Bay et outsider de cette liste malgré ses 200 millions de dollars de budget, il fait son entrée sur le ring ce week-end. Oui : en 2023, il y a tellement de films qui coûtent 200 patates qu’on leur a ouvert une ligue mineure. Je m’engage à aborder un jour le sujet qui vous brûle les lèvres à tous : mais pourquoi et comment ces films coûtent aussi cher. Petit teasing : tout l’argent n’est pas forcément à l’écran, loin s’en faut.

- Reparlons cinéma, et de Tranformers : Rise of the beasts justement, qui se confrontait à une question absolument pas vite répondue : comment on fait, un Transformers sans Michael Bay ? Parce que oui, Transformers c’était Michael Bay, au même titre qu’Indiana Jones était Steven Spielberg. Quoiqu’on pense de son cinéma, quoiqu’on pense de la saga, le réalisateur de The Rock a pris l’un des bâtons merdeux (donné par Spielberg d’ailleurs) les plus malodorants d’Hollywood pour en faire… Du cinéma. Où des robots venus de l’espace ont pris vie sur grand-écran donc dans la vie du spectateur, emmené dans un maelstrom de destruction de masse de 5 films qui ont repoussé les limites cinématographiques de la faisabilité et du montrable. Il n’y a rien d’impossible pour Michael Bay : c’est la force autant, peut-être, que la limite du bonhomme. Pour le reste, il fait partie qu’on le veuille ou non de ces cinéastes qui dans les années 2000 ont fait rentrer la culture dite « geek » dans les ordres du Hollywood classique. Sam Raimi et Spiderman, Peter Jackson et Le Seigneur des Anneaux, les Wachowski et Matrix, James Cameron et Avatar, Michael Bay avec Transformers. Si vous êtes pas d’accord, vous pouvez le notifier en commentaire, je viendrais poster tout plein d’extraits de scrotum de robots extraterrestres.
- Bref, du coup ce Transformers without Bay ? Sans surprise, ça ressemble à du Transformers sans Michael Bay. Donc à un épisode de Powers Rangers qui aurait eu accès aux meilleurs effets numériques d’aujourd’hui pour tourner des scènes d’actions sous fond d’écran windows 2000. Là ou Bay repoussait les murs du médium pour faire rentrer des concepts bigger than life à l’écran, Steven Caple jr fait l’inverse en rétrécissant le concept pour l’adapter aux proportions du cinéma tel qu’on en faisait… Dans les années 90, période où se déroule l’action du film. Qui fait donc absolument tout pour ne pas ressembler à ce que devrait être un blockbuster de 2023, et revenir à un temps ou Michael Bay n’avait pas encore ouvert la voie. D’un côté, c’est regrettable, et c’est tristement symptomatique d’une culture pop contemporaine qui se hisse sur les épaules des géants pour mieux regarder en bas. De l’autre, c’est écrit avec le minimum de soin qu’on ne retrouve plus aujourd’hui, y a le meilleur du hip-hop des années 90 qui ne fait presque pas playlist de soirées-retro, et c’est jamais honteux à défaut d’être spectaculaire. Bref, c’est exactement le film que le moi des années 90 voulait voir quand il grandissait dans les années 90. Bref, on peut parler cinéma, mais à la fin de la journée, un constat s’impose : votre serviteur est un iencli comme un autre.
- Le créateur de Black Mirror aurait tenté de faire écrire un épisode de la dernière saison avec Chat GPT. Ce qui, pour ceux qui connaissent la série, constitue une façon un peu cavalièrement méta de forcer le destin pour que la fiction dystopique devienne notre réalité de merde. Mais ouf : le résultat s’est avéré trop à chier pour que le bonhomme puisse en faire quoique ce soit. L’écriture créative a encore quelques années de sursis devant elle.
Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /
- Ring magazine avait testé un panel de 20 experts avant le championnat du monde WBO des super légers opposant l’Écossais Josh Taylor à l’Américain Teofimo Lopez samedi soir au Madison Square Garden : tous avaient voté Taylor, sans doute influencés par l’apparente fragilité mentale de l’ancien triple champion des légers. Réjouissons-nous que la boxe, souvent réduite à une science exacte par les calculs des managers et promoteurs, sache encore nous surprendre. Lopez n’avait pas semblé aussi affûté et concentré depuis sa victoire sur Vasyl Lomachenko et sa vitesse de bras impressionnante à 140 livres lui a permis de prendre peu à peu la mesure de Taylor, invaincu jusque-là en 19 combats professionnels. La « Tartan Tornado » a su casser la distance pour travailler de près avec un certain succès dans les premières reprises, mais de même qu’il s’est aliéné le soutien du public en usant de procédés tout à fait sales (notamment un faux tapage de gants au début du 3e round) il a peu à peu fait briller son adversaire en se montrant bien moins précis que lui, voire moins puissant, puisque ses gauches nettes de fausse garde paraissaient n’avoir aucun effet sur « The Takover ». Le succès de Lopez s’avéra bien plus éclatant que ne le laissent imaginer les deux cartes à 115-113 ; il parut clairement en mesure d’abréger les débats dans les derniers rounds, alors que Taylor en était réduit à subir et tenter de placer de rares contres. On peut imaginer que le divorce de l’Américain lui a permis de se recentrer sur la boxe et de montrer à nouveau son niveau véritable après une défaite et deux succès poussifs. Autant il sortit grandi hier d’une confrontation dont il fut le vainqueur surprise autant qu’indiscutable, autant la performance de Taylor interroge. Imprécis et manquant de caisse, on le voit mal changer la donne lors d’une revanche, mais ses armes physiques semblent également insuffisantes pour défier les cadors de la catégorie supérieure. À 32 ans passés, reverra-t-on Taylor remporter une ceinture mondiale ? Après tout, la boxe sait encore nous surprendre, ce dont on peut (ou doit) se réjouir.

- Jaime Munguia, l’un des derniers poulains de Golden Boy Promotions au palmarès vierge de défaites, s’est sorti in extremis du piège tendu avec grand soin par le vétéran Sergiy Derevyanchenko hier soir à Ontario (Californie). On imagine que l’âge de l’Ukrainien et son déficit de gabarit en avaient fait un adversaire jugé accessible sur le papier, mais Derevyanchenko s’est montré offensif et efficace d’entrée, exploitant à merveille de près la défense poreuse du Mexicain à mi-distance. Difficile d’affirmer catégoriquement que Munguia ait remporté 6 rounds de cette guerre d’usure tantôt spectaculaire, tantôt frustrante à force d’accrochages, mais son grand mérite fut de supporter la contrariété manifeste née d’un adversaire plus coriace que prévu et d’inscrire un knockdown sur un joli coup au corps lors du 12e et dernier round. Notons que la confrontation eut lieu en super moyens ; il est tout à fait possible que le management du boxeur de Tijuana vise un lucratif duel de Mexicains face à Saul Alvarez dans un futur proche. On peut aussi trouver que qu’une catégorie des moyens actuellement en déshérence irait mieux au teint d’un Munguia clairement limité au plus haut niveau en dépit de sa générosité sur le ring. Quant à Derevyanchenko, il peut nourrir des regrets légitimes sur un combat dont il a semblé contrôler l’essentiel des reprises. Son profil de gatekeeper de luxe peut désormais lui valoir un ou deux chèques convenables avant de tirer sa révérence. Sans-doute aurait-il mérité de porter un jour une ceinture mondiale. La boxe, quoi.
- À propos de Canelo Alvarez, le manager de David Benavidez, Sampson Lewkowicz, a affirmé que les négociations pour un superfight en septembre prochain n’avaient pas abouti malgré les 50 millions de dollars garantis à l’actuel champion incontesté des super moyens. On s’orienterait plutôt vers un duel entre son poulain et l’actuel titulaire de la ceinture WBA « regular » de la catégorie, le Cubain David Morrell. Sur le papier, cette opposition de cogneurs patentés aux gabarits conséquents est à peine moins alléchante , surtout en y ajoutant une revanche entre Sebastian Fundora et son tombeur surprise du mois dernier Brian Mendoza en sous-carte. Tout porte à croire que le dossier Canelo vs Benavidez connaîtra encore un deux rebondissements avant l’été. De son côté, Canelo Alvarez poursuit toujours l’octroi d’une revanche par son tombeur de l’an passé Dmitry Bivol, et sa seconde option préférentielle serait de défier le champion WBC des lourds légéers Badou Jack pour un titre mondial dans une cinquième catégorie de poids. La boxe, quoi (bis).
Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /
- Parlons MMA, reparlons… UFC. Ben oui, on beau tirer des plans sur la comète comme avec Chat GPT, dans le présent la ligue de Dana White is still the number one (même si plus forcément only). Ce samedi se tenait l’UFC 289, qui aura notamment vu Amanda Nunés annoncer sa retraite sur une victoire sans éclat face à Irene Aldana. Tant mieux : la lionne brésilienne a tout fait, tout gagné et tout vaincu, et il ne lui reste franchement plus rien à prendre. Il y a deux ans, sa défaite contre une Julianna Péna méritante mais trois ou quatre classes en dessous n’était pas concédée mais offerte, tant Nunés semblait avoir tendu le cou pour taper l’abandon et rentrer plus vite chez elle. Bref, c’est le moment pour la strikeuse aux directs qui nagent le crawl. Nunés a remis les pendules à l’heure contre Péna l’an passé, s’est ménagé une sortie de scène dans les formes. Bref, le boulot est fait. On lui souhaite tout le meilleur.
- Mais l’UFC 289, c’était aussi l’occasion pour Nassourdine Imavov de se remettre en selle après sa défaite poussive contre Sean Strickland en début d’année. Le pensionnaire de la MMA Factory affrontait un Chris Curtis plus âgé et surtout plus petit, donc contraint de casser la distance pour faire parler sa lutte. Bref, du pain bénit pour le sniper qui s’attelait patiemment à briser briques après briques le mur râblé et compact en face de lui, à base d’attaques en ligne et de contres bien minutés. Le Daghestanais a même réussi à annuler le bilan immaculé de son adversaire en défense de takedowns : bref, tout allait bien dans le meilleur des mondes pour une victoire dans les petits souliers. Jusqu’à ce qu’un choc de tête accidentel n’ouvre l’arcade de Curtis et ne transforme une victoire acquise en no-contest sur le palmarès. Les Dieux du MMA international ne sont pas tendre avec nos ambassadeurs tricolores, again.
- Enfin, on conclura cette review avec le come-back en majuscules et feux d’artifices pour faire mentir les pronostics et vibrer le petit cœur de l’amateur de pugilat. Car la flamme qui animait Charles Oliveira paraissait s’être éteinte dans sa défaite cinglante contre Islam Makhachev. Le moment est passé, et les carottes étaient déjà cuites avant leur mise à l’eau contre le redoutable Beneil Dariush. Mais face au boogeyman de la division, Oliveira a fait du « Do Bronx » : subir l’offensive adverse, se faire amener au sol sans avoir peur de se retrouver à court de jiujitsu brésilien d’élite, se relever comme la résurrection et abattre le jugement dernier sur son opposant. Tout ça en un round de spectacle hyper-concentré. Il y a que Do Bronx pour porter une épopée de vie et de mort dans la cage à (presque) chacune de ses prestations. Cet homme est déjà une légende. Vivement le rematch contre Makhachev.
