Punchlines du 5 mars 2023

Le site /

  • Une semaine de plus sans nouvel article, mais je ne crains pas de vous annoncer un papier consacré à une expérience de psychologie sociale qui relèguera celles de Milgram et Festinger au rang d’aimables travaux de stagiaires de 3eme : réunir trois fondus pathologiques des Beatles qui ne se connaissaient pas autour d’une table, et observer leurs réactions. Les résultats sont édifiants (et pour bientôt).
  • C’était annoncé – et salement attendu, m’a-t-on laissé entendre – depuis la semaine dernière : un nouveau rédacteur rejoint les Punchlines de 130livres.com pour y ouvrir des rubriques cinéma et MMA. Les plus attentifs auront noté le parallélisme plein de sens (ou pas) avec les livres et la boxe. Je laisse donc l’ami Guillaume Meral, ex-plumitif de Slate sévissant aujourd’hui dans So Film et Le Mag du Ciné rencontré sur l’éclectique chaîne Youtube du Cap’tain Crochet, présenter cette nouvelle ère du site avec ses mots à lui :

Il faut parfois prendre le temps de (re)visiter lieux communs. « L’union fait la force » par exemple : on ne sait plus si c’est une évidence où un cliché, une vérité ou un slogan, un peu des deux sûrement. Car comme le disait ma grand-mère : « Y a pas de fumée sans feu », et de toute façon Rome est déjà en train de bruler, l’ère de l’homme touche à sa fin. Il y a déjà des IA pour tout, bientôt il y en aura pour tout le monde, bref l’homme par l’homme est en passe de devenir un algorithme comme un autre. La victoire de Skynet sera totale quand le disruptif à 500€/ Jour se retrouvera logé à la même enseigne que l’ouvrier en trois-huit à 1500 balles par mois : remplaçable par un programme moins cher qui fera mieux que lui ce pour quoi il est (grassement) payé. Karma is a bitch, et y’a pas de raison que ceux qui font bien d’en profiter échappent à l’addition. « C’est le jeu ma pov’ Lucette ». Bref, il est temps pour les gratte-papiers quasi anonymes de faire front commun contre les moulins à vent. Du coup, avec Antoine Faure, on s’est fait une promesse : si Chat GPT veut nous prendre la plume, sans permission ni SACD, « il faudra qu’il vienne la chercher avec les dents ». On l’attend avec les fourches.

Enfin d’authentiques conférences de rédaction.

Il est grand temps de rallumer la littérature (A.F.) /

  • Réjouissons-nous que les quelques buzz du faux plat dans l’actualité littéraire qu’on pourrait appeler l’entre-deux-rentrées concernent des auteurs et œuvres qui le méritent. Ainsi, difficile d’échapper à Cormac McCarthy, et c’est tant mieux. Le passager, son premier roman depuis 2006 – La route m’avait alors rendu incapable d’attraper tout autre livre que le Guide Hachette des vins pendant les 6 mois ayant suivi sa lecture –, est partout, et chacun semble en dire du bien à défaut d’en comprendre tout à fait les digressions sur la mécanique quantique. Fallait-il y piger quoi que ce soit pour adorer Méridien de sang ? Certes non. Quant au nouveau Bret Easton Ellis, Les éclats, sa sortie est prévue pour le 16 mars et devrait satisfaire les nombreux amateurs de feel good de l’Hexagone, entre florilège pandémoniaque de fantasmes adolescents et exactions d’un inévitable tueur en série persécutant le narrateur et ses amis. Il restera donc de la bonne came à se procurer en librairie pour tenir jusqu’aux vacances de Pâques, après quoi paraîtra Stella Maris, second volet du diptyque entamé avec Le passager. Joie.
  • 130livres.com s’enorgueillit néanmoins de parler à tous les lecteurs, y compris ceux qui brûlent d’une irrépressible envie de lire mal. À ce titre on pourra s’intéresser aux livres écrits ou co-écrits par ChatGPT, désormais au nombre de 200 dans la boutique Kindle d’Amazon. Coqueluche de ce genre nouveau, Le sage petit écureuil : une histoire d’épargne et d’investissement de Brett Schickler enseigne le capitalisme à nos chères têtes blondes. Apprendre tôt à thésauriser les glands et lire des atrocités permettra à nul doute de partir armé dans l’existence. On signale de premières bisbilles juridiques sur fond de plagiat, ChatGPT n’étant ni plus ni moins qu’un aspirateur doublé d’un filtre à contenus existants. Nul doute que l’on a pas fini de rigoler sur le sujet, quand bien même certains esprits subversifs pourront rappeler que ni le plagiat en littérature, ni les torche-balles vendus comme « livres » ne furent exactement inventés en 2022.
2,99$ sur Kindle, 9,99$ en format papier
  • En rubrique « Les ennemis de mes ennemis », signalons la plainte que Guillaume Meurice et Nathalie Gendrot s’apprêtent à déposer contre Editis pour « non respect du contrat d’édition ». On peut ne pas raffoler du pharisien pontifiant des micro-trottoirs subventionnés et détester la censure dont il fut apparemment l’objet pour avoir projeté d’égratigner le propriétaire breton d’Editis dans Le fin mot de l’histoire. 201 expressions pour épater la galerie – après quoi l’opus fut publié chez Flammarion. No pasarán.
  • Les beautés cachées du secteur du livre (par extension, de ce qui s’imprime) ne s’arrêtent pas aux oukases de milliardaires chatouilleux. Une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) publiée par Le Monde révèle comment Paper Excellence, groupe papetier canadien éminemment respectable et implanté en France, est contrôlé par l’indonésien Asia Pulp & Paper, bien moins en pointe sur les questions environnementales. Usant des moyens les plus vomitifs, l’hydre à deux têtes s’emploie à devenir hégémonique sur le marché mondial du papier. Bien. Culpabiliser à chaque fois qu’on ouvre un bouquin achèvera de nous rendre l’époque délicieuse.
  • Difficile enfin de faire l’impasse sur la nomination de Christine Angot à l’Académie Goncourt. On peut affirmer sans pilonner l’ambulance que ce choix très people semble répondre à des objectifs médiatiques, et que d’autre part l’intéressée est connue pour la qualité remarquablement variable de son œuvre romanesque. Après quoi je constate n’avoir publié ici qu’un billet sur Un tournant de la vie, qui fut peut-être le pire de ses romans. J’essaierai d’en faire autant sur Le Voyage dans l’Est, enfin quand ma pile à lire aura diminué, promis. Éthique et engagement sont les mamelles de nos Punchlines.

Le cinéma est mort, la preuve : il respire encore (G.M.) /

  • Le cinéma est-il en train de mourir ? À en croire Steven Spielberg, ça se pourrait. À sa décharge, le 7ème Art pourrait difficilement rêver plus beau tomber de rideau que le dernier plan de The Fabelmans, le film où Tonton raconte sa vie en cinéma avec une caméra à la place des yeux et défie le lexique du cinéphile persuadé d’avoir des mots pour tout. Car Spielberg ne parle pas la même langue que vous et moi : il s’exprime en images et en sons, en focales et en profondeur de champ, en point de montage et en travelling. Le cinéma n’est pas un besoin mais une condition existentielle, bref un FAIT BIOLOGIQUE, et ça fait 50 ans qu’il communique son don au spectateur. Spielberg est le seul réalisateur pouvant se permettre d’envisager l’épilogue du médium avec sa propre sortie de scène. Pourquoi, comment ? Parce que. Ici comme ailleurs, il y a ceux qui ont gagné le droit de parler, et ceux qui ont le droit de respecter le silence. Spielberg, comme Scorsese lorsqu’il en rajoute une couche sur Marvel, peut bien dire ce qu’il veut sur le sujet : c’est le privilège qui est dûment gagné par une filmographique qui aligne Les dents de La Mer, Indiana Jones, Il faut sauver le soldat Ryan etc.  etc. Il faudra ajouter The Fabelmans en haut d’une liste qui claironne sans arrogance mais avec lucidité : « Qui dit mieux ? ». Pas grand monde.
  • S’il y a bien un terrain que la boxe anglaise n’a pas encore cédé au MMA, c’est celui du cinéma. Noble et 7ème Art font toujours autant la paire sur grand écran, et à en juger par le carton que s’apprête à ramasser Creed III, ça n’est pas près de changer. Car qu’on le veuille ou non, l’héritier d’Apollo qui ne s’imposait (vraiment) pas a réussi ce que Sylvester Stallone avait accompli avec les Rocky : compter et signifier quelque chose pour sa génération de spectateurs. Mais la comparaison s’arrête là. Sans même parler des proportions, Rocky et Creed ne racontent tout simplement pas la même histoire. Le premier, c’était le récit des laissés-pour-compte qui avaient tout à gagner et encore plus à prouver au monde qui leur en avait pris beaucoup et donné très peu. Creed, c’est non seulement l’inverse mais l’antithèse : ceux qui ont tout font semblant de ne rien avoir, comme dans un jeu de rôle. Creed III assume complètement le renversement de paradigme, et ne se cache plus derrière la caution de l’Étalon Italien à l’écran pour acter la reprise du narratif par la start-up nation. Ici, Adonis s’est retiré des rings pour œuvrer en coulisses : il est désormais promoteur de futurs champions. Jusqu’à la sortie de taule d’un ami d’enfance et ancien prospect ultra prometteur, qui a gâché une vie d’athlète derrière les barreaux après avoir payé l’addition pour deux suite à une erreur de jeunesse initiée par bébé Creed. On est autant dans Rocky-Creed que dans Les Nerfs à Vif : le méchant a de bonnes raisons de l’être tandis que le gentil a construit son rêve américain sur une faute morale. Mais là encore, la comparaison s’arrête là.
Nick Nolte vs Robert de Niro, 2023
  • Dénuée de cette culpabilité judéo-chrétienne qui transforme l’enfer en pénitence nécessaire et méritée chez Scorsese, Michael B. Jordan achète sa rédemption à prix cassés. Son personnage prend toutes les mauvaises décisions qu’un adulte sur le toit du monde peut prendre, et étale sans vergogne sa réussite et son pognon à son ancien compagnon d’infortune. Mais comme lui dira en substance sa femme « Tu es trop dur avec toi-même ». La self-indulgency, c’est la mort de la dramaturgie de grand écran. Plus personne n’est ni vraiment gentil, ni vraiment méchant parce que plus personne n’est comptable de quoique ce soit. Ce n’est pas un rejet du manichéisme, mais simplement un refus de se poser les questions qui fâchent pour éviter les réponses qui s’imposent.  En l’occurrence, la lutte des classes est prégnante dans Creed III, mais paradoxalement Jordan l’annule dans le pugilat : c’est juste un problème d’individus. Il rester PO-SI-TIF et A-VAN-CER : Marx s’est définitivement fait bouffer par les promoteurs du développement personnel. Creed III, c’est les nantis qui imposent leur loi aux prolos qui, de toute façon ne rêvent que de partager leur richesse avec eux-mêmes. C’est le Mel Gibson de La Rançon qui fait courir le pauvre et spectateur, qui se trouve devant son écran de télévision après le cash qu’il étale face à la caméra. C’est la consécration de ce monde d’après où les personnages combattent mais ne se battent plus contre rien. Moi, moi, moi et mon chèque, merci bonsoir : la boxe y est devenue un sport « hors-sol », coupé de ses racines anthropologiques dans lesquelles s’ancraient ses têtes de gondoles pour incarner quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes. Bref, un spectacle sans enjeux ni récit. Un loisir de riches. Comme le cinéma ?

Ce qui reste de la boxe anglaise (A.F.) /

  • Courageux baroud d’honneur du monde d’avant, la soirée PBC proposée en direct d’Ontario (Californie) face au très médiatique retour de Jon Jones à l’UFC aura mérité l’intérêt des insomniaques et des mordus. La raison principale en fut le succès expéditif d’Elijah Garcia sur Amilcar Vidal Jr dans un duel de poids moyens invaincus à forte puissance d’arrêt. À 19 ans, le gaucher Garcia a pris plusieurs coups inutiles alors qu’il avait coincé son adversaire dos aux cordes, il bouge encore trop peu la tête et sa boxe paraît simplette en comparaison des plaisantes fioritures de celles de l’Uruguayen. Mais le môme est un rare spécimen de finisseur né, ses 12 KOs en 14 succès l’attestent, et son punch ne serait rien sans un sang froid de démineur en slip de bain. Il reste calme, placide même, jusqu’au moment où se présente l’ouverture qu’il remarquera forcément, après quoi il démonte son prochain telle une armoire Ikea aux écrous mal serrés. Garcia est un prototype de jeune pousse que nombre de managers redouteront plus sûrement qu’un contrôle fiscal. Après lui, Jarett Hurd a confirmé bien malgré lui que ses succès de champion du monde unifié étaient largement fondés sur un avantage de gabarit presque déloyal en super welters. Une fois rendu chez les moyens, contre Luis Arias en juin 2021 puis le Mexicain José Armando Resendiz hier soir, l’affaire s’avère fort différente. Resendiz n’était pas là pour perdre ; il a facilement surmonté son déficit d’allonge pour pilonner le toujours poreux Hurd de combinaisons à la tête et au corps destinées à faire mal. L’Américain a certes semblé prendre le dessus en passant la seconde lors des 3eme et 4eme rounds. Las, l’âge l’a privé de l’endurance qui le rendit jadis redoutable en fin de combat. Arrêté sur coupure à l’appel de l’ultime reprise, il était en retard sur les trois cartes. On lui souhaite de bien réfléchir à sa reconversion. Quant au combat vedette de la soirée, il vit Brandon « The Heartbreaker » Figueroa s’imposer logiquement aux points face au Philippin Mark Magsayo pour le titre WBC par intérim des poids plume. Si Magsayo est capable d’accélérations fulgurantes, il n’a pas la caisse pour tourner 12 rounds durant autour du pressure fighter qu’est Figueroa ni le punch pour lui faire vraiment mal ; une fois fatigué, ses accrochages incessants finirent par lui valoir deux points de pénalité parfaitement justifiés tant il réduisirent la qualité combat. Sur le papier, un duel entre Figueroa et le puncheur Mauricio Lara pour l’unification des ceintures WBC et WBA des 126 livres serait des plus salivants.
Garcia vs Vidal, démontage en 4 rounds
  • La soirée de dimanche dernier proposant en tête d’affiche Jake Paul vs Tommy Fury a dépassé les 750000 achats en pay per view, soit un nouveau signe objectif de l’imminence de la fin du monde.
  • On espérait Terence Crawford vs Errol Spence Jr. pour le titre incontesté des welters depuis que « Bud » s’était séparé de Top Rank, prétendument pour faciliter les négociation avec PBC et Al Haymon. À l’issue d’un nouveau sketch navrant, nous eûmes droit à un Crawford vs Avanesyan que personne ne réclamait et dont le promoteur BLK maintint un silence pudique sur le nombre final de ventes à la séance. Crawford annonce maintenant son ralliement à Golden Boy Promotions et l’on évoque désormais un duel l’opposant à Alexis Rocha, à peu près aussi attendu que le combat contre Avanesyan. Pendant ce temps-là, de plus en plus de fans s’intéressent à Jake Paul et Tommy Fury. Non, rien.
  • La dernière sortie de l’ex champion incontesté des super welters Josh Taylor remonte à plus d’un an, avec un succès controversé par décision partagée arraché à Jack Catterall. Une revanche fut programmée pour le 4 mars avant que Taylor ne se blesse au pied. Top Rank et ESPN semblent désormais plus enclins à opposer la « Tartan Tornado » à l’ancien champion incontesté des légers Teofimo Lopez. Seule la ceinture mondiale WBA, dernier titre auquel Taylor n’aura pas dû renoncer, serait en jeu. Stylistiquement parlant, l’affaire a de quoi intriguer au bon sens du terme : Lopez n’est jamais aussi dangereux que face à un adversaire qui aime avancer ou se voit contraint à la faire (cf. Richard Commey ou Vasyl Lomachenko) et Taylor adore venir se battre de près. Il faudra observer attentivement ce dernier à la pesée, tant devoir faire la limite des 140 livres avait semblé le momifier avant d’affronter Catterall. Ce type d’écarts pourrait lui coûter cher contre un Teofimo Lopez à 100% – le garçon ayant ses propres démons à tenir à distance.

Sinon, le MMA va bien, merci pour lui (G.M.) /

  • Pas grand-chose à dire sur Jon Jones vs Cyril Gane, sinon que l’Américain est venu rappeler quelque chose d’essentiel au Français et au monde : there are levels in this game. Et à en juger par la mine moyennement réjouie affichée par Stipe Miocic – ancien champion de la division reine présent en tribune –, called out par Jones à l’issue du combat, le niveau de l’enfant prodige et terrible du MMA n’est pas près de s’abaisser jusqu’à la concurrence. Jones a passé trois ans hors de la cage à préparer sa montée chez les poids lourds. Dans le monde du sport de haut niveau, on compte en années de chien, et à l’ère des réseaux, tout ce qui ne se fait pas tout de suite est perdu pour l’éternité. Sa méthode, Son timing, Son sacre : Jon Jones rappelle que l’apanage des champions est aussi de maîtriser le temps long.
« Pour la livraison chez moi, c’est tout là-haut. »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s