Il était plus que temps de finir cette joyeuse seconde playlist de confinement – ou assimilable.
50 / Be aggressive, Angel Dust, Faith No More
Une bombe de funk metal s’ouvrant sur un orgue de train fantôme, s’appuyant sur un riff thrashy, dont le refrain est entonné par un chœur d’enfant et qui s’avère sans ambiguité un hymne joyeux à la fellation entre garçons ? Du Faith No More, forcément. Be aggressive compte parmi les sommets du collage bordélique et génial que fut Angel Dust. La section rythmique Bordin / Gould fissurent les murs porteurs, les paroles du sacripan Roddy Bottum font mouche et Mike Patton s’amuse comme un fou à scander « I swallow » sur tous les tons. Irremplaçable.
49 / Old, Burn my eyes, Machine Head
Si le monstrueux Davidian aura plus marqué les esprits, le second single Old de l’album initial de Machine Head Old s’en distingue par une section rythmique encore plus habitée, la basse cette fois au diapason de la batterie virtuose. Deux bons gros breaks garantissent autant de coups du lapin, les riffs mahousses prennent tour à tour des accents de thrash et de groove metal, tandis que la voix de Robb Flynn s’aventure volontiers du côté du grunge. On l’aura compris, Old consiste en un concentré de 90s chimiquement pur.
48 / Toxic waltz, Fabulous Disaster, Exodus
Dans le berceau du thrash metal que fut la Bay Area, le mosh pit – ou pogo – relève autant de la tradition chorégraphique que la valse dans les salons viennois, quand bien même les gestuelles diffèrent sensiblement. C’est le principe de Toxic waltz, moins fameux mais tout aussi efficace que l’emblématique Caught in a mosh des newyorkais d’Anthrax. Les grands anciens d’Exodus y lancent une invitation chaleureuse et bougrement rythmée à balancer ses copains contre les murs et leur balancer de vigoureux coup de tatane dans la gueule. On a fait moins convivial.
47 / Rock you like a hurricane, Love at first sting, Scorpions
Le moindre des mérites de Stranger things, madeleine de Proust pour gamins attardés des 80s, n’est pas d’avoir exhumé l’extraordinaire Rock you like a hurricane. Car l’album Love at first sting, tournant hard FM assumé des Allemands de Scorpions, avait bien plus à offrir que l’hymne universel à la fertilité intitulé Still loving you. Admirez l’impeccable duel de guitares de l’intro, la puissance élémentaire du riff de Rudolf Schenker enrobé des divines fioritures de Matthias Jabs à la guitare solo : de quoi vous faire pousser sur le champ un mullet luxuriant.
46 / Colors 2020, Carnivore, Body Count
C’est à l’auto-reprise qu’on reconnaît les vrais mégalomanes, et qu’Ice-T puisse en être ne surprendra guère d’observateurs. Emblématique du gangsta rap des années 80, son tube Colors avait honoré la bande originale du film du même nom. L’idée géniale du toujours irritable sexagénaire consista à en remplacer les samples par le travail de ses joyeux camarades de Body Count, renforcés pour l’occasion à la batterie par Dave Lombardo, pieuvre officielle du Slayer de la grande époque. Plus létal qu’un drive-by shooting.
45 / Magic touch, Permanent vacation, Aerosmith
La vraie renaissance des toxicomanes patentés d’Aerosmith date de l’album qui précède, mais Permanent Vacation, produit par le spécialiste des chefs d’œuvre en péril Bruce Fairbairn, marqua leur retour au sommet du game. Parmi les pépites de ce bœuf triomphal dispensées sans effort apparent, Magic touch, dont le refrain catchy au possible entonné par un Steven Tyler à son sommet ferait presque oublier l’alchimie savante du duo Perry – Whitford aux guitares lead et rythmique.
44 / Rooster, Dirt, Alice in chains
Il faut un talent particulier pour entraîner l’amateur de gros riffs énervés dans un monde de contemplation méditative aux limites du métal et d’un rock résolument expérimental – la frontière valant ce qu’elle vaut, vu qu’on arguera à raison de la nature foncièrement expérimentale de la musique extrême. Sur un tempo lent, le groupe alterne puissance et retenue pour évoquer le souvenir oppressant rapporté du Vietnam par le père du guitariste Jerry Cantrell. Rooster se situe diamétralement à l’opposé des fresques guerrières chéries par les métalleux, ce qui fait sa force.
43 / Metal Command, Bonded by blood, Exodus
Reste que l’amateur de riffs énervés se sent mieux que bien une fois de retour en terrain connu, et aimé. Ainsi, parmi les neuf grenades offensives compactées dans Bonded by blood, la brutale et simplissime Metal Command, où il est grandement question des racines punk du thrash metal. Pour qualifier le chef d’œuvre de Metallica Ride the lightning, Lars Ulrich dit un jour que son ambition allait bien au-delà du côté crétin, violent et répétitif du thrash. Dieu merci, Metal Command s’y tient scrupuleusement.
42 / Louie, Louie, Overkill, Motörhead
Lemmy Kilmister n’était pas seulement un monsieur très grossier habillé en général sudiste qui jouait une musique parfaitement inaudible pour le commun des homo sapiens sapiens. C’était aussi et surtout un historien du rock n’roll, immense fan des Beatles, qui inscrivait Motörhead – partant, l’intégralité du heavy metal – dans l’évolution plus globale du rock n’roll. La présente reprise de Louie, Louie de Richard Berry (rien à voir avec Chuck, encore moins avec un acteur français amateur de yahourts à 0%) illustre son infinie déférence pour grands standards américains, tout en mettant en évidence le son unique de Motörhead une fois contraint à jouer dans le respect des limitations de vitesse du monde civilisé.
41 / A new level, Vulgar display of power, Pantera
Et crac, tout allait bien, et il nous ressort un Pantera. En deuxième position dans l’exercice bas du front d’affirmation viriliste qu’est Vulgar display of power, A new level est une manière de perfection. Ses couplets à la fois pesants et bondissants expliquent le pourquoi du « groove » dans groove metal, tandis que l’arrivée du refrain constitue un break titanesque à elle seule. Comme le vin jaune ou les tripes à la mode de Caen, Pantera est un goût acquis. Et quand on kiffe, quel panard.
40 / Into the crypts of Rays, Morbid tales, Celtic Frost
Rares sont les figures historiques françaises honorées dans le folklore des métalleux ; dans le cas présent, qu’il ne s’agisse pas tout à fait d’un candidat au Panthéon n’étonnera guère. Si les pionniers suisses du black metal Celtic Frost saluent la mémoire de Gilles de Rais, c’est moins pour ses exploits de compagnon d’armes de Jeanne d’Arc que des hobbies guère aimables au grand public, la pédophilie et le satanisme. Rarement une thématique aura mieux correspondu au son lugubre et viscéralement méchant de Celtic Frost, dont la simplicité du riff confine ici à une sorte de punk malfaisant. Et ça marche salement bien.
39 / Chainsaw Charlie (Murders in The New Morgue), The Crimson Idol, W.A.S.P.
Comme le titre ne l’indique pas, on passe ici à un tout autre niveau de raffinement musical. Concept album ultime du leader d’un groupe autrefois fameux pour ses préoccupations au ras des pâquerettes, The Crimson Idol est un trésor – presque trop – finement ouvragé. Chainsaw Charlie introduit un personnage particulièrement antipathique de la geste du jeune Jonathan, héros maudit qui voulait devenir juste une rock star et faire la paix avec ses parents : le patron de son label. 8 minutes 43 d’un glorieux bazar mi-prog mi-comédie musicale sous stéroïdes expliquent combien ledit Charlie ne gagne pas à être connu.
38 / Spit out the bone, Hardwired… to Self-Destruct, Metallica
Le dernier titre de l’ultime album studio de Metallica a tellement été salué comme un retour de flamme de leur grande époque d’empereurs du thrash metal qu’on commencera par pointer les différences flagrantes avec leurs productions des 80s : guitares très graves, son propre et ultra compressé, vocalises plus élaborées de Papa Het… Mais l’esprit thrashy qui souffle d’emblée sur Spit out the bone rajeunit clairement le fan de longue date, tandis que la technicité et les relents progressifs de la seconde moitié l’orientent plutôt vers la période …And justice for all. Pas la pire des références.
37 / Hangar 18, Rust in Peace, Megadeth
Alors oui, Rust in Peace ne se contente pas d’être une vitrine surchargée de fioritures chantournées à la Peace Sells ; il reste que Dave Mustaine et ses trois complices du plus impressionnant des lineups de Megadeth se font franchement plaisir sur Hangar 18. Parmi les plus emblématiques du groupe, le tube enchaîne les solos déments par pleines brassées, telle une spirale infernale qui sied bien à son propos. Rarement les théories du complot – ici, les petits hommes verts de Rosewell – furent aussi convaincantes.
36 / The sentinel, Defenders of the Faith, Judas Priest
En plus de 50 ans de carrière, Judas Priest sut se réinventer un paquet de fois, par goût de l’expérimentation autant que pour coller aux modes. Après un Screaming for vengence tout en titres nerveux et catchy, Defenders of the Faith franchit un nouveau palier dans la complexité des compositions. Sur The sentinel, délire futuriste dédié à une sorte de vengeur masqué qui lance des couteaux, il faut tout le talent de Rob Halford pour rester sérieux pendant le pont grandiloquent, et le duel que se livrent Tipton et Downing touche au grandiose.
35 / Riding shotgun, Stomp 442, Anthrax
En parlant de coller aux modes, Anthrax poussa sa mue des années 90 jusqu’à renier son thrash vitaminé des origines, verser dans un métal alternatif de skaters barbichus, troquer les vocalises de Joey Belladona pour celles de John Bush… et inviter Dimebag Darrell de Pantera à pousser deux jolis solos sur l’album Stomp 442, daté de 1995, dont celui de Riding shotgun. Pas le titre le plus fameux d’Anthrax, il est l’un de ceux sur lesquels le bassiste Franck Bello prend la main. Et moi, j’aime bien Franck Bello.
34 / Highway Star, Machine Head, Deep Purple
On a moins entendu Highway Star que Smoke on the water, la faute à une complexité supérieure et la vitesse diabolique du solo dont le non-guitariste que je suis subodore qu’elles auront dissuadé quantité de boutonneux de s’abîmer les doigts dessus dans l’espoir d’impressionner leurs copines de 2nde. Tant mieux : redécouvrir ce monument est toujours un plaisir, idéalement en fonçant sur une autoroute bien droite.
33 / Caught somewhere in time, Somewhere in time, Iron Maiden
Somewhere in time inaugure une ère d’Iron Maiden où les bougres, pour continuer à innover, instillèrent une dose de claviers à leur son, ce qui explique que l’on puisse leur préférer les précédents. Reste que Caught somewhere in time a tout d’une dinguerie, y compris selon les standards élevés du groupe. L’opener de l’album fout les poils dès l’accélération succédant à l’intro, puis chacun des membres du quintette s’éclate littéralement, avec mention aux cris de harpie mélomane de Dickinson, la basse rarement plus agressive de Harris et sa mère le solo de sa majesté Dave Murray.
32 / Flick of the switch, Flick of the switch, ACDC
À force de qualifier Flick of the switch de secret le mieux gardé de la discographie d’ACDC, on finira par l’imposer à la flûte à bec dans les programmes scolaires. Retour aux sources après l’accouchement par le siège de For those about to rock, il est caractérisé par la production rustique voulue par Malcolm et Angus, ce son rêche à souhait qui colle parfaitement à une tonalité d’ensemble plus sombre et moins blagueuse que celle de FTATR. On passera sur la galanterie discutable du propos du titre éponyme pour se concentrer sur son riff imparable et la réjouissante méchanceté qu’il exsude.
31 / Aftershock, Spreading the disease, Anthrax
Aftershock ou quand Anthrax se prend pour Exodus : c’est dire le plaisir procuré à quiconque se revendiquera fan des deux. Des riffs simples sans être simplistes balancés à toute blinde comme des briques dans des vitrines, la patte Anthrax en plus – notamment le chant mélodique, la double grosse caisse de muerte et les chœurs. Éreintant et jouissif comme tout.
30 / War ensemble, Seasons in the abyss, Slayer
On dit volontiers que Slayer est le groupe le plus écouté par les militaires américains. L’assertion est à la fois compréhensible et effrayante quand on considère l’ordinaire de leurs textes. War ensemble ouvre Seasons in the abyss, le plus équilibré des albums de la meilleure époque des quatre croquemitaines de Huntington Park. Il y est question de la guerre comme d’un jeu vidéo où s’empilent les cadavres lorsqu’on vise le high score. Entre deux drum fills explosifs de Dave Lombardo, War ensemble est le déversement d’une rage compulsive, d’autant plus effrayante qu’elle est parfaitement maîtrisée.
29 / Sabbath Bloody Sabbath, Sabbath Bloody Sabbath, Black Sabbath
Quatre albums en trois ans, la drogue qui dévore tout, les tournées épiques à l’avenant. À LA, l’inspiration en berne, Sabbath n’y arrive plus. Le coup de génie consiste à investir un château de la campagne anglaise. Il en sortira une cinquième pépite de rang intitulée Sabbath Bloody Sabbath, dont l’opener éponyme ajoute une strate supplémentaire de complexité aux compositions du groupe. Riff tonitruant sur les couplets, aimable refrain acoustique, solo appliqué attendu, puis une bascule étrange dans leur séquence la plus sombre depuis Into the void et un final frénétique achevé sur un fade. Tony Iommi en avait encore sous la semelle.
28 / Into the coven, Melissa, Mercyful Fate
On est en 1983 et la New Wave of British Heavy Metal a mis à jour la grammaire d’un genre régénéré et triomphant. Quatre Danois décident alors de sacrément pousser le bouchon : des duels de guitares lead à n’en plus finir, une bonne dose de prog dans la structure des chansons, un chant littéralement possédé et l’allègre franchissement de la ligne jaune du satanisme. Si Mercyful fate fut l’un des grands inspirateurs du black metal, l’écoute de son premier album Melissa évoque surtout une évolution Pokémon du Judas Priest post Stained Class. Et, à l’image de l’imparable Into the coven, le résultat est assez épatant.
27 / Going down / Love in an elevator, Pump, Aerosmith
Parmi les nominés pour le prix du tube de hard rock qui dégage la plus forte odeur de cul joyeux, Love in an elevator d’Aerosmith (et son intro suggestive Going down) mérite une place de choix. Le titre en laisse largement deviner la teneur du propos. Si d’autres ont fait bien pire question paroles – kikoo Steel Panther – il faut tirer son chapeau à Steven Tyler pour son phrasé salace entre tous et à Joe Perry pour un solo extraordinaire dont l’abus peut rendre sourd.
26 / Unsainted, Slipknot, We are not your kind
Le septième jour, après six à parfaire son vacarme hybride de nu metal et d’électro et les mille et une façons de se blesser sur scène en l’interprétant, Slipknot créa la mélodie, et le monde entier s’illumina. On exagère à peine. L’opener de We are not your kind, avec sa chorale de voix éthérées et le chant clair sur le refrain, pourrait presque séduire un auditoire sain d’oreilles et d’esprit. Accessoirement, il est la confirmation du talent de Corey Taylor, l’un des meilleurs frontmen du metal contemporain, dont l’impressionnante étendue du registre s’apprécie ici sans modération.
25 / Metal Militia, Kill’em all, Metallica
« We are as one as we all are the same, Fighting for one cause
Leather and metal are our uniforms, Protecting what we are
Joining together to take on the world, With our heavy metal
Spreading the message to everyone here, Come let yourself go »
Toute la première galette de Metallica consiste en un manifeste de l’esprit thrash, et son dernier titre Metal Militia le résume avec panache. J’en entends qui ricanent en écoutant le reprendre à l’unisson les titulaires d’un pass Carré or aux concerts d’aujourd’hui d’Hetfield, Ulrich et associés. C’est pas faux, mais franchement : a-t-on vraiment mieux vieilli qu’eux ?
24 / The Mob rules, Mob rules, Black Sabbath
Reconnaissons au Black Sabbath période Ronnie James Dio une étonnante faculté à reproduire à quatre le grondement insane d’une foule en colère. Trois minutes trente d’une perfection rageuse.
23 / Killing in the name, Rage Against The Machine, Rage Against The Machine
Tiens, toujours à propos de foules très énervées, il faut saluer l’économie de mots et la préscience de Rage Against The Machine, dont le titre bulldozer de 1995 encapsulait 25 plus tôt l’esprit de Black Lives Matter – tant que nous y sommes, rendons aussi hommage à l’Histoire d’être un perpétuel recommencement, ou pas. Derrière le symbolisme écrasant et les slogans intemporels, sachons aussi discerner la putain de bonne chanson : rythmiquement parlant, Killing in the name n’est rien de moins qu’un tour de force.
22 / Arise, Arise, Sepultura
Arise marque l’apogée de la période thrash de Sepultura, une transition entre 80s et 90s où les Brésiliens s’emploient à affronter le Big Four américain – Slayer en tête – sur son terrain, un zeste de death metal en plus. Le bref déferlement éponyme de riffs sauvages qui ouvre l’album se décrit moins qu’il ne se vit. Mention à l’image saisissante du groupe jouant devant un Christ en croix affublé d’un masque à gaz, preuve que Sepultura savait faire preuve d’un goût très sûr jusque dans ses vidéos de l’époque.
21 / Sweet child o’mine, Appetite for destruction, Guns n’Roses
Ayez conscience de l’importance historique de ce simple fait : Sweet child o’mine fut mon premier contact conscient et attentif avec le hard rock. Véritable oasis de délicatesse dans le monument d’outrance gratuite qu’est Appetite for destruction, on peut qualifier ce titre de palier accessible. L’introduction sinusoïdale et le solo puissamment émotionnel permettent une découverte en douceur du génie de Slash, et les variations de registres et d’octaves celle du talent protéiforme d’Axl Rose. À faire goûter à la jeune génération tant qu’il est temps.
20 / Iron man, Paranoid, Black Sabbath
C’est peut-être LE plus grand riff de Black Sabbath, donc pas loin du plus grand, tout court. À supposer que l’argument massue ne suffise pas, c’est aussi un texte qui passe souvent inaperçu, mais illustre l’autre génie du bassiste Geezer Butler : l’histoire concise et percutante d’un émissaire envoyé dans le futur pour sauver l’humanité, mais qui se retourne contre elle devant son manque de gratitude. Colossal.
19 / The oath, Don’t break the oath, Mercyful fate
Après le strike d’entrée que fut Melissa, Mercyful Fate récidive l’année suivante avec Don’t break the oath, dont l’histoire du heavy metal retiendra qu’il fut enregistré à Copenhague à la même époque que Ride the lightining – Metallica n’a jamais caché sa proximité avec le groupe de King Diamond et Hank Shermann. Don’t break the oath représente un saut qualitatif par rapport à la production de Melissa, ses arrangements s’avèrent plus riches et ses mélodies carrément entêtantes après quelques écoutes. En particulier The oath, titre à rallonge dont l’introduction de film d’épouvante prépare à merveille le joyeux récit de messe noire qui s’ensuit, une sarabande insane qui ravira petits et grands psychopathes.
18 / Holy diver, Holy diver, Dio
Le regretté Ronnie James Dio ne fuyait pas la grandiloquence, bien au contraire. Rien d’étonnant à ce qu’il se soit prévu, dans le premier album du groupe portant son nom, un morceau de bravoure mid tempo qui sonnerait tristement pompeux entonné par tout autre frontman, mais auquel le lutin du New Jersey confère un incroyable souffle épique. À écouter avant toute tentative désespérée de briser un siège ou de réclamer une augmentation.
17 / The evil that men do, Seventh son of a seventh son, Iron Maiden
Le présent titre occupe une place particulière dans un concept album brillant par sa complexité progressive : on parle ici d’une sorte d’hymne de hard FM amélioré, porté par un riff suprêmement entraînant d’Adrian Smith, la basse galopante de Steve Harris et un Dickinson qui s’amuse comme rarement au micro. Peut-être LA chanson de métal que j’ai le plus chantée tout seul – fût-ce en yahourt -, à plein poumons et à l’abri de toute honte malvenue.
16 / Only, The sound of white noise, Anthrax
James Hetfield a qualifié Only de « chanson parfaite », et la vérité oblige à dire qu’il a raison. Pour Anthrax, The sound of white noise constitua d’ailleurs une sorte de Black Album, un virage commercial et mélodique de qualité choisi plutôt que l’impasse qu’aurait constitué une poursuite de la surenchère technique du thrash des origines. Only est le tube de l’album ; elle est aussi le titre sur lequel s’illustre le mieux l’apport de John Bush au chant. Plus accessible que l’Anthrax des origines ? Certes. Excellent ? Aussi.
15 / Domination, Cowboys from hell, Pantera
Dimebag Darrell a fait chanter sa guitare à l’unisson du torturé Phil Anselmo sur Cemetary Gates. Il a fait pleurer tous ses fans sur le solo final de Floods, avant de leur porter le coup de grâce en succombant sur scène sous les balles d’un forcené un soir maudit de l’année 2004. Objet d’un véritable culte, le jeune frère du batteur Vinnie Paul Abbott – qui l’a rejoint depuis – aura rarement poussé un solo aussi emblématique que celui de Domination, hymne burné entre tous d’un groupe expert du genre. C’est pour ce solo interrompu par un break dantesque que Domination décroche une place aussi élevée dans cette liste ô combien prestigieuse.
14 / Spiders, System of a down, System of a down
Il en est que System of a down irrite sans qu’on puisse mettre en cause leur bonne foi : les collages hallucinés que constituent l’essentiel de leurs titres sont à ça de provoquer l’épilepsie, pour ne rien dire de l’indigestion. C’est ainsi : le caractère volontairement syncopé et déroutant de leur métal hybride les condamne à en chagriner plus d’un. Cela dit, sur leur premier album, ils ont fait Spiders. Et Spiders, c’est linéaire, c’est dépouillé, et c’est juste beau.
13 / Sehnsucht, Sehnsucht, Rammstein
De Sehnsucht, beaucoup ont retenu le seul Du Hast, et il serait délicat de leur jeter la pierre tant ledit hit planétaire met le feu à l’arsch. Rendons malgré tout justice au titre éponyme, à peine plus brutal et moins dansant. Les graves caverneux de Till Lindemann y rayonnent littéralement. Comme souvent chez Rammstein, un élément perturbateur vient dérouter l’auditeur : ici, il s’agit une sorte de mélopée qu’on dirait diffusée depuis le haut-parleur d’un minaret. Qui aurait dit qu’elle collerait aussi bien à du métal industriel allemand ? Vous qui la découvrez, vous l’aurez dans l’oreille à peine une petite journée. Ne me remerciez pas.
12 / Dissident aggressor, Sin after sin, Judas Priest
Sin after sin a ceci de fascinant qu’il est l’oeuvre d’un groupe à la croisée des chemins. En 1977, pour ce troisième album studio, les lads hésitent encore entre un rock traditionnel mâtiné de pop et un heavy metal franc du collier. Tout Sin after sin raconte ce tiraillement, et son dernier titre le choix qui fut fait. Car pour que Dissident aggressor soit reprise par Slayer 11 ans plus tard, il fallait bien que la chanson soit aux antipodes de la pop. Sans doute eût-il été réducteur de se cantonner à un registre classique avec le talent exposé ici – pensez que nous ne sommes qu’en 1977 – dont celui, éclatant, de Rob Halford. Possible que son cri initial ait donné des idées à Tom Arraya…
11 / We rock, The Last in Line, Dio
Comme quantité de groupes avant et après lui, Dio n’est pas allé qu’en progressant suite à un premier opus devenu légendaire, mais le second album – entre autres – mérite une écoute attentive. L’opener de The last in line porte admirablement son nom. Rien de superfétatoire ne vient alourdir la démonstration : ça rocke grave. Derrière les énormes Ronnie James Dio et Vivian Campbell – qui nous gratifie encore d’un riff et d’un solo de maboul – le batteur Vinny Appice et le bassiste Jimmy Bain sont très mis en avant dans le mixage, reforçant l’impression d’une course éperdue de la première à l’ultime seconde. We rock est un modèle, un poing sur la table, une profession de foi.
10 / Man in the box, Facelift, Alice in Chains
Restons sur les premiers albums ayant marqué leur temps avec Facelift d’Alice in Chains, et son single d’anthologie Man in the box. Comme les chœurs de Jerry Cantrell, l’évidence du riff et des arrangements semble conçue pour hisser la performance du chanteur Layne Staley à des hauteurs insoupçonnées. Ce récit très contemporain sur la tentation manipulatrice des médias et gouvernements place Staley à part, dans une galaxie distincte de celle des astres Dio, Halford ou Dickinson, plus proche des soleils noirs Chris Cornell ou Maynard James Keenan… mais au-dessus, en ce qui me concerne. Bref. Il faut le réécouter chanter Man in the box.
9 / South of Heaven, South of Heaven, Slayer
La genèse de South of Heaven est archi-connue : puisqu’il était physiquement impossible de surpasser la vitesse insensée des 29 minutes de Reign in blood, les durs de durs de Slayer optèrent pour un ralentissement de leur allure, tout en soignant le malaise palpable transmis par leur vile besogne : ainsi, la clôture de l’opener éponyme, plus de trente secondes d’un larsen aux franches allures de trolling musical. Auparavant, South of Heaven avait fait étalage d’une noire majesté, montant lentement en puissance, chaque instrument œuvrant distinctement à construire l’édifice maudit. Lorsque Tom Arraya crache « On and on, South of Heaven », l’arrivée en enfer ne se discute même pas.
8 / Rocket Queen, Appetite for destruction, Guns n’Roses
Plusieurs versions circulent quant à l’identité de la jeune personne qui gratifie le solo de Rocket Queen de ses gémissements ravis et les circonstances de leur enregistrement – a priori, il s’agissait de la bonne amie du batteur Steven Adler bénéficiant des attentions appuyées du chanteur Axl Rose. Conjugué au jeu vicelard de Slash, le résultat est répugnant, et c’est bien l’effet recherché : il y a plus de vice dans Rocket Queen qu’un vendredi soir dans la bonne ville de Tijuana. Le mélange de provoc’ bas de gamme et d’indéniable virtuosité est devenu la marque de fabrique d’Appetite for destruction, peut-être le meilleur de tous les premiers albums de rock n’roll. Et Rocket Queen en offre un pur condensé.
7 / The clairvoyant, Seventh son of a seventh son, Iron Maiden
Une bien étrange chanson que ce Clairvoyant, sorte d’animal hybride directement sorti des établissements Frankenstein : la montée en puissance presque paisible de l’intro, les couplets dans lesquels Dickinson injecte une vraie urgence, le refrain implacable et imposant comme un défilé de l’Armée Rouge et le solo aérien de Dave Murray. Le fait est que l’ensemble fonctionne du feu de Dieu.
6 / N.I.B, Black Sabbath, Black Sabbath
Sauf à considérer toute l’affaire comme un pléonasme, si je devais blasphémer en évoquant Black Sabbath, je dirais qu’il m’arrive de m’ennuyer un peu en écoutant leur premier album – dont la stricte valeur historique ne se discute certes pas. Reste que pondre un morceau aussi miraculeux que N.I.B au milieu d’un enregistrement d’une poignée d’heures – j’inclus la surprenante intro à la basse dans ledit miracle – est la marque d’un groupe voué à un destin d’exception. N.I.B me collera les poils jusqu’à sa dernière écoute. Je n’exclus pas de la réclamer pour la cérémonie qui viendra juste après. Qu’on se débrouille avec « My name is lucifer, please take my hand ». Hihihi.
5 / If you want blood (you got it), Highway to hell, ACDC
Parce que l’attaque impériale de Malcolm représente tout ce qu’il a apporté au groupe. Parce que la complémentarité folle des guitares des deux Young éclate rarement autant qu’ici. Parce que les hurlements de Bon sur le pont sont irremplaçables. Parce que le bordel subtil qu’y glisse Angus rend le final miraculeux. Parce que la chanson reprend le nom d’un live extraordinaire. Parce qu’une liste, c’est personnel, et que le frisson qui m’a parcouru l’échine en entendant l’intro de sa première interprétation sur scène depuis l’an pèbre à Marseille en 2016 n’a pas de prix.
4 / The Heretic (The Lost Child), The headless children, W.A.S.P.
On a déjà parlé de The Crimson Idol, projet ô combien personnel d’un Blackie Lawless nourrissant des aspirations plus élevées qu’un hair metal calibré pour tomber les gonzesses. W.A.S.P. avait changé de braquet créatif dès The headless children, excellent compromis rock n’roll entre glorieuse inconséquence et ambition artistique, comme en témoigne la merveilleuse reprise du The real me des Who. Le chef d’œuvre de l’album s’intitule The Heretic. Au chant, Lawless est prodigieux, et les autres musiciens à l’unisson. Un mastodonte en trois actes du calibre de Master of puppets.
3 / Enter Sandman, Metallica, Metallica
Metallica a créé un monstre, et son nom était … And justice for all. Un thrash metal aux arabesques si cérébrales qu’il en devenait compliqué à envoyer sur scène. Et un peu intello pour du thrash, pourrait-on ajouter, malgré son grand succès de niche. En embauchant le producteur Bob Rock, l’ambition d’un Metallica souverain dans les salles de concerts était désormais de remplir les stades. On sait ce qu’il advint de l’album qui porta son nom : le projet fonctionna au-delà des espérances, catapultant les Four Horsemen dans la culture pop et vouant le groupe aux gémonies pour les irréductibles fans métalleux des débuts. Il est difficile de se représenter, vu d’aujourd’hui, le bouleversement que fut l’accession aux sommets des charts d’un riff aussi monstrueux que celui d’Enter Sandman, quand bien même l’opener relevait déjà du compromis commercial. Qu’en dire trente ans plus tard ? Que la chanson elle-même poutre toujours autant.
2 / A dangerous meeting, Don’t break the oath, Mercyful Fate
« Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance » : dans la Divine comédie, ainsi étaient accueillis les nouveaux pensionnaires des enfers. Sur le fond, l’opener de Don’t break the oath ne signifie rien de plus guilleret, mais la forme s’avère nettement plus enjouée. Un riff magique, un chanteur au faîte de ses loopings vocaux contre-nature et ces diaboliques guitares de Shermann et Denner, à la fois complices et rivales, qui tissent un entrelacs infiniment complexe d’acclamations de Qui-vous-savez. Comme l’album dans son ensemble, A dangerous meeting est une merveille.
1 / Hell’s bells, Back in black, ACDC
Difficile de dissocier la portée historique de Hell’s Bells de sa valeur en tant que single. Il s’agissait de lancer la nouvelle voix d’un groupe enfin promis à une gloire mondiale, quelques mois à peine après la perte de leur leader charismatique, mais aussi un album de hard rock qui ferait date après l’énorme Highway to hell. Autant dire que le pari fut tenu. Une pleine minute d’un bourdon sépulcral et d’un riff menaçant font office d’introduction avant qu’opère la magie habitée de Jonna. La force paradoxale de Hell’s Bells est d’en faire des caisses sans trop en rajouter ; le solo d’Angus, l’un de ses tout meilleurs, illustre cet équilibre délicat. Qu’importe si Acca Dacca a perdu la recette de ces hymnes-là : ceux qu’ils ont dans leurs cartons ont tenu 40 ans sans prendre une ride.
0 / Angel of death, Reign in blood, Slayer
J’ai un problème avec Angel of death : c’est une très bonne chanson, l’une des meilleures dans son genre, et je me refuse pourtant à lui accorder les honneurs du sommet d’une liste dont beaucoup diraient qu’elle les mérite. En tant que thrasher ultime, la composition a tout pour elle. Ça riffe et ça tabasse avec une méchante précision, le break fait partie des modèles du genre et le cri de 8 secondes de Tom Arraya est à lui seul inscrit au patrimoine immatériel des métalleux. Mon problème ? Le propos. Rien ne doit entraver une expression artistique respectueuse de la loi, et en aucun cas Angel of death ne fait l’apologie de ce qu’elle détaille par le menu, soit les atrocités historiques commises par le docteur Josef Mengele.
Le projet de Jeff Hanneman et ses amis n’était pas de le glorifier ; on peut aussi avancer à leur décharge que le thrash metal peinerait à asseoir sa crédibilité s’il était tenu de transmettre les mêmes paroles qu’Imagine ou Friends will be friends. Ajoutons que de très bons livres et films furent inspirés par l’Holocauste. L’émotion véhiculée par Angel of death n’a cependant guère à voir avec celles que suscitent Si c’est un homme ou Nuit et brouillard : il s’agit du défouloir ultime, le prétexte à un pur déchainement de rage animale qui procure une satisfaction à l’avenant. C’est ma limite s’il est question de la classer tout en haut d’une liste – une limite un rien hypocrite, certes, car je l’ai maintes fois écoutée et ne renie pas le headbanging qui l’accompagna. Un fan de métal, amateur de Slayer de surcroît, ne saurait ignorer Angel of death : elle est exemplaire à bien des égards. Mais pour moi, elle reste à part. Voilà tout.