Audio :
Depuis 1973, avec l’obstination de l’artisan sûr de son rustique tour de main, ACDC s’applique à faire du ACDC. Très ancrée dans la culture pop, leur oeuvre est pour beaucoup un éternel empilage de gros riffs de guitares interchangeables sur lequel couine une voix abrasive, cadencés par le « poum – tchac » définitif de la batterie. Les zélateurs d’Acca Dacca, eux, traquent une alchimie sublime sous le simplisme de façade ; l’écoute de chaque galette, du blues de pubs au hard rock d’arènes combles, est la quête d’une sensation bien particulière, lorsque la conscience se dissout dans le rythme binaire des cordes et percussions tandis que s’y substitue une animalité libérée, nourrie du son essentiel et du ton primitif de l’ensemble. Bref, pour que le bazar fonctionne, un album d’ACDC doit être à la fois ciselé à l’extrême et crétin comme tout.
Le premier extrait de Power Up, le 17eme album studio d’ACDC annoncé pour le 13 novembre, s’intitule Shot in the dark. À défaut de subjuguer, il donne aux fans de quoi se rassurer : un single à la fois attendu au possible dans sa composition et très rigoureux dans l’exécution et la production. Ça swingue et ça sonne juste. Aléluia.
A shot in the dark, all through the whole night
A shot in the dark, yeah, electric sparks
A shot in the dark beats a walk in the park
De 1974 à 2014, les 16 disques précédents offrirent autant de modulations subtiles – oui, l’adjectif peut dérouter – autour du principe de base de la maison Young, lui-même aussi immuable que la formule du Coca-Cola. L’oreille avertie y distinguera des différences sensibles, au gré des changements d’époque, de lineup, d’échelle… et d’inspiration. Le classement qui suit est éminemment subjectif et me vaudra peut-être deux ou trois jets de cailloux. Il se veut surtout l’occasion de réviser ses classiques en attendant Power Up : un lien vers LE titre incontournable de chaque album est gracieusement proposé après son descriptif.
Let there be rock.
16- Fly on the wall (1985)
Dit simplement, le seul album d’ACDC que je n’arrive pas à écouter d’un coup. 2 ou 3 compos honorables que je ne mentionnerai même pas, car noyées dans une production infâme commise par Angus et Malcolm. En 1985, les stars montantes du Thrash et de la New Wave Of British Heavy Metal volaient cent coudées au-dessus d’un tel pensum. Fermez le ban.
Aye-aye-oh, shake it to the floor
15- Blow up your video (1988)
Après le naufrage Fly on the wall, le grand frère George Young et son compère Harry Vanda reprennent du service à la production pour la première fois depuis Powerage. Exception faite de l’écho pénible sur la voix de Brian, le son redevient digne… mais les compos ne suivent guère, hormis les deux singles – sublimés dans l’indispensable ACDC live de 1992 – Heatseeker et That’s the way I wanna rock n’roll. L’album d’une convalescence.
You gotta keep that serpent clean
You gotta make her sound the siren
You gotta hear that lady scream
14- Black Ice (2008)
Cette ultime collaboration avec Malcolm Young s’avère une tentative de livrer un album plus ambitieux que de coutume, presque 9 ans après Stiff upper lip. 15 titres, quoi. Seulement voilà : hormis l’efficace War machine et le tonitruant Rock n’roll train, inamovible dans les setlists depuis sa sortie, c’est un album répétitif et manquant de relief, ce qui colle mal avec sa durée. Ah, j’oubliais Stormy May day, qui surprend par son étrangeté entre guitare slide d’Angus et voix claire de Brian. Pas d’opinion tranchée sur la question : je bugue.
Son of a devil
A school boy spelling bee
A school girl with a fantasy
13- Rock or bust (2014)
Un hommage à Malcolm aussi ramassé que Black Ice n’en finissait pas. Les trois singles Play ball, Rock or bust et Rock the blues away – aux rares accents springsteeniens – fonctionnent, la production est propre et l’ensemble reste du bon côté de la frontière entre sympathique et indigent. Ronronnant ? Accordé.
In rock n’ roll we trust, it’s rock or bust
12- ’74 Jailbreak (1984)
Un EP de chutes de la période Bon Scott, opportunément exhumées alors que les ventes du groupe s’essoufflaient 10 ans plus tard, auquel je n’ai jamais accroché tout à fait. La chanson éponyme présente la rareté d’être engagée, pas vraiment une marotte de la maison Acca Dacca ; pour le reste on peut savourer avec curiosité la batterie inhabituellement créative de Soul Stripper.
And the judge’s gavel fell
Jury found him guilty
Gave him sixteen years in hell
11- For those about to rock (1981)
Tentative de reproduire le succès monumental de Back in Black, l’album fut un accouchement par le siège, à la fois pénible et coûteux. Il pâtit d’un déséquilibre majeur, puisque son monumental titre éponyme ouvre les hostilités, et que le reste paraît bien fade en comparaison… Rendre service à l’album consiste à garder FTATR pour la fin, et Put the finger on you, Let’s get it up ou Snowballed accomplissent alors un job honnête malgré un son vaguement hard FM, grâce notamment à un très bon boulot de Brian Johnson au micro.
Ready and aimed at you
Pick up your balls and load up your cannon
For a twenty-one gun salute
10- The Razor’s edge (1990)
Renaître n’est pas si complexe : il suffit de briller en comparaison de ce qui précède immédiatement, et quand c’est aussi terne que les années 85-88… Bref. Thunderstruck est la merveille qu’on sait, Fire your guns déboîte sa race et la chanson titre apporte une tonalité sombre et inquiétante, pas si fréquente dans la discographie d’ACDC. Reste un son moyen, le manque de groove de Chris Slade aux fûts, la voix glaireuse de Jonna, le minimalisme embarrassant de Money talks et des fillers parmi les pires du groupe. Adolescence oblige, j’y reste attaché et l’ai écouté plus que de raison. Mais Seigneur, Mistress for Christmas et She’s got you by the balls…
Could I come again please
Yeah them ladies were too kind
You’ve been
Thunderstruck
9- Ballbreaker (1995)
Retour aux sources blues rock après 5 ans d’absence en studio, Ballbreaker manque de titres emblématiques à l’exception d’un Hard as a rock puissamment érigé, mais forme un ensemble agréable et divers, du gros blues Boogie man à l’ultra heavy titre éponyme, en passant par les surprenants accords mineurs de The furor et la pépite Burnin’ alive. Le matos s’écoute vraiment bien, quoi. Ajoutons que la tessiture unique de Brian est de retour.
Will elevate you
Her bad behavior
Will leave you standing proud
Hard as a rock
8- High voltage (1974)
Du premier coup – enfin, en version européenne –, la formule magique : un blues rock de bâtard, tantôt énervé (T.N.T, Rock n’roll singer), tantôt lascif (The jack, She’s got balls) mais toujours venimeux, Bon Scott oblige – et que dire de son invraisemblable solo de cornemuse sur It’s a long way to the top, boudiou. Les mecs ont vite appris.
Gettin’ beat up, broken boned
Gettin’ had, gettin’ took
I tell you folks it’s harder than it looks
7- Stiff upper lip (2000)
Vrai plaisir coupable qui, placé à un tel rang, pourra faire soulever quelques sourcils, le successeur de Ballbreaker partage avec lui un manque certain de hits planétaires, mais son homogénéité sur trois gros quarts d’heure rend son écoute éminemment plaisante – en tout cas, à mes oreilles à moi. On a l’impression que ces rockeurs de stades livrent sans chichis un bœuf de bluesmen de clubs enfumés, servis par un son excellent. Un modèle d’album plus grand que la somme de ses morceaux, dont on retiendra la chanson titre, Satellite blues et House of Jazz.
Looking for thrills to get me some kicks
Now, I warn you ladies, I shoot from the hip
I was born with a stiff, stiff upper lip
6- Flick of the switch (1983)
Mon autre plaisir coupable, complètement banni des setlists depuis des siècles, prototype de la galette « seuls-les-vrais-savent ». Les frères gratteux reprennent la main sur la console après l’échec artistique relatif de For those about to rock. C’est méchant (Flick of the switch), lourd (Nervous shakedown, Rising power) et rapide (Landslide), sans oublier l’hymne catchy Guns for hire. Plantage commercial et préambule à un vrai accident industriel, mais je kiffe ce disque-là.
With a flick of the switch she’ll blow you sky high
With a flick of the switch
With a flick of the switch she can satisfy
5- Dirty deeds done dirt cheap (1976)
High Voltage, en meilleur. Plus heavy (Dirty Deeds Done Dirt Cheap), plus rebelle (Problem child), plus sale gosse (Big Balls), plus achevé artistiquement (Ride on, Ain’t no fun). Les mecs ont vite mûri.
And I broke another heart
But I ain’t too young to realize
That I ain’t too old to try
Try to get back to the start
4- Let there be rock (1977)
En 1977, le rock prend le pas sur le blues, comme le suggère fièrement la mamouthéenne chanson éponyme. Réglé à 11, brut à l’extrême et parfois aux frontières de la justesse, le son de Let there be rock suggère que cette musique-là est calibrée pour le live – ce que confirmera l’extraordinaire If you want blood you’ve got it l’année d’après. Rien à jeter parmi les 8 titres mythiques. Mention à Dog eat dog, parce que j’aime bien les chiens.
About woman I know
When it comes to lovin’
She steals the show
3- Highway to hell (1979)
Parti à la conquête du monde, Acca Dacca s’est trouvé un Pygmalion en Mutt Lange. L’album perd en aspérités grasses ce qu’il gagne en refrains entêtants taillés pour la radio (Highway to hell, Touch too much, Girls got rythm), même si on reste à 100 lieues de la facilité (Beating around the bush, Love hungry man, Night Prowler). Un album somme, testament à la démesure d’un Bon Scott parfait de bout en bout.
Playing in a rocking band
Hey mama, look at me
I’m on my way to the promised land
2- Back in black (1980)
Vous connaissez, non ? Se rappeler que cette galette-là a été achetée 50 millions de fois est un perpétuel ravissement. 40 ans plus tard, le frisson sur l’ouverture lugubre de Hells Bells demeure intact. Back in black n’envoie rien de moins que le plus gros riff du monde. Et sur You shook me all night long, on préfèrera légitimement le travail de Brian Johnson à celui de Céline Dion.
I got nine lives
Cat’s eyes
Abusin’ every one of them and running wild
1- Powerage (1978)
Powerage est un paradoxe, une merveille d’équilibre entre rock (Riff raff) et blues (Down payment blues), agressivité (Kicked in the teeth) et maîtrise (Gimme a bullet, Rock n’roll damnation), dépravation joyeuse (Sin city) et mélancolie profonde (Gone shootin’, What’s next to the moon), mais il reste clairement sous-représenté dans les setlists de l’ère Brian Johnson. Il est mon préféré pour cet équilibre souverain, le son rustique au service d’un groove irrésistible, la basse du nouveau venu Cliff Williams un poil plus libre que dans les suivants, les frangins Young jamais plus complices, et peut-être un peu par snobisme. Powerage est l’apogée d’un groupe encore canaille en passe de devenir un monstre sacré du rock n’roll.
And never said bye bye
Something missing in the neighborhood
Of her cryin’ eyes
GENIAL!
Et merci pour la madeleine de Proust « Touch too much » (je m’en souvenais plus)que l’on ecoutait en colo ,la ou j’ai embrassé ma premiere fille ,a mon retour je l’ai ecouté tellement qu’a la fin ma mére connaissais les paroles
Bravo
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J’adore ce titre ! C’est ce qu’ACDC a fait de plus proche du disco 🙂
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On est raccord, je mettrais aussi « what do you do for money honey » que j’aimais beaucoup
super article ces mecs sont des legendes vivantes et si un genie me demandait 3 voeux ,pouvoir revenir en arriére et voir en live leur concert a River Plate ferait partie des choix
Merci encore Antoine bonne journée
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