Le site /
- Cette semaine, des papiers éclectiques : côté noble art, le compte-rendu de Wilder vs Fury II, côté belles lettres, une expérience inédite de tournée des bars bruxellois avec pour compagnon J’ai un projet : devenir fou, d’Eric Neirynck.
- Autorpromotion toujours, avec la sortie du Nouveau Magazine Littéraire de mars. Il comporte, outre un copieux dossier sur un obscur dramatruge d’outre-Manche, une chronique de L’âne mort, de Chawki Amari, métaphore romanesque de l’Algérie contemporaine, par votre serviteur.
Les auteurs /
- Une fois n’est pas coutume, j’ai assisté cette semaine à une soirée littéraire des plus expérimentales, au sanctuaire de la chanson francophone des Trois Baudets – je dois ce pic de branchitude artistique à l’ami Nicolas Houguet. Lecture musicale ou concert littéraire, l’idée de Lauren Malka consistait à mettre en scène des auteurs scandant leurs créations, accompagnés de musiciens en live ou d’une bande son savemment préparée. À l’évidence, un minimum de lyrisme ou de poésie s’imposait dans le choix des textes ; un certain talent pour la lecture à voix haute chez les écrivains, aussi – on peut douter par exemple qu’un Patrick Modiano soit complètement à l’aise dans l’exercice. Gilles Marchand, cité ici pour son recueil de nouvelles Des mirages plein les poches, n’a pas (encore) la notoriété du plus bafouillant de nos Prix Nobel, mais il coche à l’évidence les bonnes cases pour s’y livrer. Ses histoires courtes et gentiment chtarbées, d’une part. Sa présence de Pierrot lunaire un rien espègle, aussi. En plus du violon très joueur d’Emmanuel Gross, Gilles, batteur de son état, s’accompagnait d’une boîte à rythmes parfaitement calée sur le relief de ses trois récits. Entre lui et le public, un vrai plaisir partagé. Chez Chloé Delaume, seule sur une scène baignée du son synthétique de Sophie Couronne, la recherche musicale portait moins sur le plaisir de l’écoute que sur la puissance du propos : renforcer encore l’impact d’un message féministe tranchant et bien dans son époque, fustigeant patriarcat et mâles alpha, avant d’appeler à l’avènement d’une sororité nouvelle. Toute adhésion sur le fond prise par ailleurs, j’avoue avoir été moins convaincu par l’adéquation au procédé d’un discours politique avant tout, malgré un vrai effort sur la musicalité des phrases dites haut et clair. Enfin, Véronique Ovaldé livra un avant-goût de futures émissions radiophoniques consacrées à Nina Simone, accompagnée au clavier par Sylvain Griotto. Une réussite éclatante que ce mariage d’un texte à la fois aérien et tempêtueux, loin d’une biographie scolaire, et d’un piano dérivant de l’oeuvre de la virtuose Américaine à celles d’autres musiciens géniaux. Je ne m’attendais pas à être aussi remué par le final, cadencé par Gilles Marchand aux percussions. Foin des lectures à la Papa : on peut imaginer, à voir les mines réjouies des participants, que ce genre de soirée novatice vienne à se multiplier.
- Un an de blog littéraire, à se faire une petite place dans la famille du #Bookstagram, mais toujours des questions non résolues : aujourd’hui, les livres reçus en Service Presse. Avant, j’avais des principes. Aujourd’hui, j’ai des bouquins que je ne lirai pas. J’aimais autrefois à me représenter drapé d’une éthique résolue : on ne m’achètait jamais. Solliciter des « SP », comme on dit chez nous ? Très peu pour moi. Avec le succès inévitable et planétaire viendraient naturellement des envois spontanés, que je n’accepterais qu’au compte-gouttes, soucieux de toujours lire selon mes envies. Enfin, c’est ce que je me disais. Après 12 mois, je constate en vrac : que les démarchages spontanés dont je fais l’objet restent rares (et parfois absurdes, telle cette maison liégeoise tenant à ce que je m’engage à rendre 15 jours après réception la chronique d’un essai aux antipodes de la ligne éditoriale de 130 livres), que je ne sais pas refuser les propositions directes d’auteurs sympathiques – et probablement talentueux – dont je doute d’avoir le temps de commenter la prose avant 2035, que les bouquinistes parisiens proposent quantités de livres dédicacés et manifestement jamais lus, que je n’en ferai rien, hein, faut pas déconner, que ma seule sollicitation directe d’une maison d’édition – après 4 chroniques à 2000 mots de ses belles productions – m’a valu un silence embarrassant, et que la tentation grandit chaque jour de proposer des papiers complaisants à des éditeurs ciblés dans l’espoir qu’ils s’intéressent un jour à mes propres manuscrits. Bref. Un jour, je saurai gérer les SP.
Les puncheurs /
- Dans le business de la boxe, le résultat d’un superfight s’exprime en KO ou recours à la décision des juges, mais surtout en achats de PPV – pour « pay per view ». Intouchable durant des décennies, le modèle du paiement à la séance est aujourd’hui sérieusement concurrencé par celui de l’abonnement annuel à une plateforme dédiée, telle DAZN. Il reste l’étalon-or des promoteurs à l’ancienne, tel l’inoxydable Bob Arum, qui vient de révéler que le nombre de ventes en Amérique du Nord du triomphe de son poulain Tyson Fury sur Deontay Wilder approcherait 1,2 million. Un score honorable pour un spectacle facturé 80 dollars, en prenant en compte le succès croissant du streaming clandestin et le profil des combattants, tous deux récents dans l’exercice du PPV. Ce score traduit un intérêt croissant pour la locomotive de la boxe qu’est la catégorie des poids lourds. Peu de chances néanmoins que l’on crève des plafonds, faute d’un vivier suffisant de boxeurs américains de talent au-dessus des 200 livres. Mais la perspective d’un Joshua vs Fury pour l’unification des quatre titres mondiaux les plus prestigieux, fût-il entre deux Anglais, reste prometteuse. Les lourds sont bien de retour, et c’est une bonne nouvelle.
- À propos de DAZN, le fan de boxe lambda s’inflige assez de sous-cartes insipides pour rendre grâce à un matchmaking de qualité : ce fut le cas hier soir, en accompagnement de Mikey Garcia vs Jessie Vargas. Le lourd néozélandais Joseph Parker poursuivait sa route vers une nouvelle chance mondiale contre le vétéran américain Shawndell Terell Winters. Ce dernier tenta crânement sa chance en début de combat, coupant Parker à l’oeil droit, avant de subir un rush spectaculaire et déterminé, l’arrêt de l’arbitre survenant au 5eme round sur une terrible combinaison. Une mise en bouche de qualité avant deux formidables chocs de piles électriques. En poids mouches, d’abord, avec la confirmation du grand talent du champion WBC mexicain Julio Cesar Martinez, vainqueur aux points du courageux Anglais Jay Harris. 12 rounds d’échanges techniques et intenses sans presque aucun accrochage : la boxe comme on la savoure trop rarement. En super mouches, ensuite, avec la reconquête d’un titre mondial par l’ex meilleur boxeur de la planète Roman « Chocolatito » Gonzalez. Gonzalez est toujours petit pour la catégorie, ses 32 ans et 51 combats auraient usé tout athlète de 115 livres, mais il conserve son incomparable atout offensif, une faculté à placer des combinaisons précises dans tous les angles ouverts par son jeu de jambes scientifique. Contre lui, l’Anglais Khalid Yafai se trompa de combat, incapable d’exploiter son net avantage d’allonge. Il accepta la bagarre contre un homme très supérieur de près, et subit sa première défaite en carrière après 9 rounds de punition. Le main event ne déçut pas non plus : il fut pour le quadruple champion du monde Mikey Garcia, vainqueur aux points, l’occasion de montrer sa valeur… et ses limites chez les welters. Plus actif et misant sur son gabarit, Jessie Vargas domina ainsi les 4 premiers rounds. Mais sa mobilité insuffisante permit à Garcia de régler la mire, et le toucher enfin de sa droite brevetée au 5eme round. Le reste du combat, malgré l’effort de Vargas sur la fin, fut à l’avantage d’un Garcia incapable de capitaliser sur le knockdown et d’abréger les débats. Finir un adversaire de 147 livres n’est pas une sinécure. Or, s’il aspire à une couronne dans la catégorie, l’Américain trouvera sur sa route de plus gros frappeurs que Jessie Vargas. Bien qu’on l’annonce comme prochain adversaire de Manny Pacquiao, il est probable que la vraie place de Mikey Garcia soit en super légers… Chapeau en tout cas à DAZN pour la qualité d’ensemble de la retransmission.
- Si la boxe contemporaine a fait des duels d’invaincus son fonds de commerce, les affrontements de champions déchus en quête de rédemption donnent souvent des combats tout aussi intéressants. Ainsi, l’affiche opposant les Américains Regis Prograis et Maurice Hooker annoncée pour le 17 avril prochain, au catchweight de 143 livres. « Rougarou» Prograis est un virtuose à la boxe d’instinct, travaillant en jazzman des rings ; « Mighty Mo » Hooker, lui, bénéficie d’une taille et d’une allonge incroyables pour un super léger. Qui aura le mieux récupéré de son premier échec en carrière ? Je mets une pièce sur Prograis, et attends le 17 avril avec impatience.