Audio :
Nul n’est censé parler au machiniste, mais dès qu’il monte dans le bus, le gamin salue la dame au volant et s’installe debout à côté d’elle. Avec un didactisme vorace, il cause de tout, du cours d’Histoire Géo aux jeux vidéos vintage, reprenant son souffle plus vite qu’un nageur olympique. Elle acquiesce toujours, sourire aux lèves, et relance peu. Il n’en a pas besoin.
Le môme s’exprime plutôt bien pour l’âge qu’on lui donnerait. Voix sinusoïdale, joues encore pleines, lunettes et coupe de cheveux déjà ringardes, sans doute. Il soliloque en bougeant les mains, le geste est gauche, aussi forcé que le semble son sourire, malgré une évidente jubilation. Ce moment-là, il l’essore absolument.
On ne me la fera pas, dis : personne ne savoure à ce point quinze minutes de quasi monologue motorisé sans avoir regardé ses pompes, mutique, pendant les huit heures qui ont précédé. Voire, enchaîner sur autant de morosité domestique. Puis de sommeil, puis du bahut qui ne passera rien, avant le prochain quart d’heure d’apnée qui libère.
J’aimerais te dire que tu t’en défera, bonhomme, de tout ce qui se passe autour du bus, comme d’une vieille épluchure de toi. En pratique, c’est un peu plus compliqué que ça. Je te souhaite juste que ça picote à peine, dans trente ans, quand tu recroiseras ce gamin-là.
Décidément, j’aime vraiment te lire.
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Merci 🙂
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