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Pendant près de vingt ans, j’ai appartenu à la catégorie des Français qui ont le moins à perdre, dans une grève des transports : celle des cadres salariés. Peu de risques d’y laisser son job ou son pognon, tout juste deux ou trois réunions à déplacer, la possibilité de travailler depuis chez soi. Au pire, ça m’en touchait une. Et, dans le récurrent chaos tricolore, ce confort-là valait son prix.
C’est çui qui dit qui est – épisode 4372
Aujourd’hui dépourvu d’employeur, je pourrais être fondé à m’en foutre encore davantage. Seulement voilà : en décembre, ce ne sera pas le cas. La faute à pas de bol. Ma mère entre dans une phase de sa maladie dont j’aurais souhaité, sans rien cacher du pénible paradoxe induit par un tel vœu, qu’elle ne la connaisse pas. Son état exige désormais que l’on soit encore plus présent à son chevet. Le hasard, pas complètement indulgent sur ce coup-là, aurait pu moins bien faire les choses, puisque j’ai du temps. Il y a un hic : comme d’autres de ses proches, je ne peux me rendre à la clinique qu’en transports en commun.
Aussi délicate qu’elle soit, une telle situation ne confère aucune légitimité particulière pour dire, sur le débat du moment, qui aurait tort ou raison. Au contraire : je demande solennellement à être dégagé de toute obligation à émettre un avis sur cette nouvelle réforme des retraites. À bien y réfléchir, ce serait presque une bénédiction. Sur le fond, personne ne maîtrise le sujet, et moi, bien moins encore que d’autres. Tout juste sent-on confusément que des choix seraient à faire, sans qu’aucun soit le bon. Se fondant sur des prémisses à ce point solides, macroniss’, syndicaliss’, gauchiss’ et fasciss’ se rejetteront avec véhémence la responsabilité du merdier, rejouant les matchs passés et préparant les prochains dans des postures surjouées, sous l’œil gourmand d’experts de chaînes d’info également incompétents.
Pour un grand méchoui républicain
Parce que le consensus national est introuvable et qu’il importe pourtant de l’atteindre, faute de quoi des fractures béantes iraient encore s’élargissant, j’invite tout ce monde-là, dans l’esprit de fraternité qui ne devrait jamais quitter les fiers descendants d’Astérix, à aller ensemble se faire rôtir le fondement. Croyez bien que je m’inclus dans le lot : sans une adolescence aussi paresseuse, savoir conduire m’aurait peut-être permis de me tamponner de l’hystérie prévisible des pro et des anti, tout en accomplissant quelque chose d’utile – c’est bien sûr présumer de l’état de la circulation, qui fait d’ailleurs peser un risque certain sur toute hypothétique solution de covoiturage. Aurais-je été cycliste de bon niveau que j’envisagerais sans doute plus sereinement l’option des 4 heures d’aller-retour à vélo, dans des conditions climatiques incertaines. À vrai dire, j’accumule les insuffisances, et ne vaux donc guère mieux que les autres.
Ça fait tout drôle, pour une fois, d’être à peu près certain d’en chier. Et ça agace. Ce pays est malade. Ma mère aussi, mais j’en profiterai moins longtemps.
courage….
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Merci
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