Comme il aimait

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Je suis devenu fan du Racing Club de Lens lors de la saison 82-83. Parce que je voulais mon club à moi, que mon frère aimait Saint-Étienne, que l’OM était en D2, que Lens avait la même tenue Europe 1 que les cadors du FC Nantes – substituant juste le rouge au vert -, que l’équipe d’alors avait de la gueule et que les joueurs, dont mon idole moustachue Daniel Xuereb, irradiaient d’une classe folle.

Je n’ai découvert que plus tard la ferveur si belle de son public transi d’amour et de froid. La virginité du palmarès de ce club aimable par tous, aussi, hormis l’honneur douteux d’un championnat de zone occupée et de deux coupes Drago – sorte de repêchage pour éliminés précoces de la Coupe de France. À vrai dire, je n’attendais rien de mieux. C’était mon club à moi, et il ne gagnerait jamais. Sauf peut-être une Coupe chapardée dans les six ou sept décennies à suivre, et basta. Pourquoi pas ? À un certain stade, la lose se fait snobisme.

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Et puis en 98, deux mois avant I will survive, le vent du Nord a soufflé sur la France. Et porté le RCL sur le toit du championnat, à la différence de buts, après un duel aussi épique qu’improbable livré au FC Metz de Pirès, Pouget et Meyrieu, le si revenchard ancien de la maison. La Coupe du Monde, j’y croyais dur comme fer. Le titre national, certainement pas.

Cette émotion de supporter, je la dois à un président visionnaire et onze salopards déterminés, les Wallemme, Sikora, Foé, Ziani, Vairelles ou Drobnjak, qui avaient tous des gonades et du ballon. Je sais en revanche que rien de tout ça n’aurait suffi sans le Druide. Un ex numéro 10 talentueux mais satellisé, devenu bistrotier hirsute et rougeaud, puis entraîneur du RCL et authentique repoussoir à caméras, toujours l’air d’avoir dormi dans sa bagnole à l’époque où ses confrères découvraient Monsieur De Fursac.

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Daniel Leclercq ne souriait pas. Il ne causait que d’exigence, de tactique, et de jeu. Il s’obstinait à aligner trois attaquants, à l’extérieur comme à Bollaert, et son équipe a régalé toute la saison. Quand on a fait d’eux des prétendants au titre, il a répondu « On joue comme j’aime ». Quand ils ont semblé décrocher après un 1-2 à Châteauroux, il a redit « On joue comme j’aime ». Quand ils ont paumé la finale de la Coupe contre le PSG de Rai, il a répété « On joue comme j’aime ». Et quand le Racing Club de Lens a arraché la D1 à la dernière journée, il est parti, sans rien demander.

Aujourd’hui et demain, il fera pas mal d’entrefilets, le Druide. Puis il retournera vers un oubli qui lui va bien au teint. Sauf dans le coeur des Lensois de 98, mais là, ça fait déjà plus de 20 ans qu’il a sa putain de statue.

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