La probabilité de faire de la merde en adaptant la suite de The Shining au cinéma était si élevée, et les nuances de brun possibles si nombreuses, que Doctor Sleep se laisse franchement regarder.
Mike Flanagan n’en est pas à son coup d’essai avec King, lui qui nous gratifia d’un très bon Jessie (Gerald’s game en VO, disponible sur Netflix). Pour l’inévitable final, on retourne à l’hôtel Overlook sûr d’avoir moins la trouille qu’avec Kubrick, mais curieux de savoir comment l’affaire se décantera, signe d’une mise en scène et d’une écriture au niveau.
Hormis un ou deux plans balourds, il y a de la déférence pour le matériau d’origine, chez ce réalisateur, bien qu’on puisse lui rapprocher – mal du siècle – une image un peu trop propre et léchée pour susciter un malaise optimal. La plupart du temps, Flanagan prend en fait le contre-pied des attentes en insistant sur l’humanisme jamais démenti du maître de l’horreur. Pourquoi pas ?
Le manque patent de charisme d’Ewan McGregor joue pour lui, à l’heure d’incarner un Danny Torrance introverti, cassé par ses traumas d’enfance et dépassé par un pouvoir dont il n’a jamais voulu. Le vrai duel se joue entre la jeune Abra, sorte d’Anakin Skywalker voué cette fois à faire le bien sous la tutelle de Danny, et la vénéneuse Rose The Hat, cheffe d’une sinistre bande de vampires-gitans.
Rose suscite une vraie détestation en commettant le pire du pire – chapeau au studio d’avoir laissé passer une certaine scène d’immolation -, puis l’empathie en honorant la mémoire d’un compagnon à l’agonie. Ce mal-là, interprété par Rebecca Ferguson, se laisse lui aussi franchement regarder.