Le site /
- Deux nouveaux papiers cette semaine, dans deux genres différents : la chronique à gestation lente d’Et quelquefois j’ai comme une grande idée, de Ken Kesey, et un saisissant reportage de terrain au dîner secret en banc de jeudi dernier.
- La course à l’armement de 130 livres se poursuit : ayant téléchargé une application qui permet de tracer la canaille d’Instagram – ceu ki t’unfollow kan tu lé a follow, koi -, je vais littéralement tout casser (et je m’inquiète un peu moi-même).
Les auteurs /
- J’ai eu le plaisir d’écouter Jeffrey Eugenides lors d’une rencontre organisée l’an dernier dans le cadre du festival America de Vincennes. La soirée proposait la rare interview croisée de quatre attributaires du prix Pulitzer de la fiction, chacun bien campé dans son personnage public. Michael Chabon jouait le modeste heureux d’être là, Richard Russo, le tonton affable et rigolard, et Colson Whitehead le beau gosse fier et plein d’aplomb. Mais le plus pur des stéréotypes présents sur scène était le prof de fac pince-sans rire, tout de tweed vêtu, que l’on croise si souvent dans le roman américain contemporain : Jeffrey Eugenides l’incarna avec maestria. S’il est surtout connu pour l’adaptation de son roman The Virgin Suicides par Sofia Coppola, c’est l’OVNI Middlesex, publié en 2002, qui lui valut le Graal des lettres américaines. Ce bouquin est profondement casse-gueule à résumer. Disons, pour simplifier, qu’il aborde par une infinie variété d’angles la question de l’identité et de sa reconnaissance. Le – ou la – protagoniste de Middlesex est elevé comme une fille dans une famille d’origine grecque de Détroit, et porte à partir de la puberté le lourd secret de son intersexualité. Son récit à la première personne croise celui de sa grand-mère Desdemona, contrainte à fuir le conflit gréco-turc de l’après Première Guerre mondiale… avec son frère et amant. Il sera question de lutte des classes, de la fin brutale des idéaux hippies, de quartiers cossus ou interlopes du Midwest et de la côte ouest, de guerres de religion, d’émeutes raciales, d’intégration comme d’assimilation, ou d’hermaphrodisme mythologique, biologique et vécu. En des temps où l’affirmation identitaire de tout poil se fait le prétexte utile du rejet d’autrui, lire ou relire ce concentré d’empathie absolument unique mérite d’être prescrit et remboursé à 100%.
- Dans une précédente édition des Punchlines, j’abordais la littérature pour ados et les bouquins qui donnent le goût de lire. Parmi les classiques, j’avais omis – et c’est impardonnable – Les aventures de Tom Sawyer et Les aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain. Des livres drôles, intelligents et bourrés de rebondissements. Voilà donc pour combler cette lacune ; n’hésitez pas à en suggérer d’autres.
Les puncheurs /
- En lever de rideau d’un samedi de boxe très dense, les demi-finales des lourds-légers dans le cadre du tournoi des World Boxing Super Series ont produit des résultats contrastés. D’une part, le vétéran cubain Yuniel Dorticos a prouvé l’étendue de ses ressources de boxeur-puncheur, en dépit de son échec par KO l’an passé au même stade de la compétition contre Murat Gassiev (un combat à voir absolument). Tandis que son adversaire, le jeune américain Andrew Tabiti, a montré combien il est dangereux de garder la main gauche aussi basse contre un cogneur comme Dorticos. Ouille. Un sérieux candidat au titre de KO de l’année. D’autre part, le letton Mairis Breidis a bénéficié du pire cas d’arbitrage à la maison récemment observé sur un ring, décochant un splendide coup de coude façon muay thai à l’infortuné Krzysztof Glowacki (répondant certes à plusieurs coups du lapin), sans que celui-ci bénéficie des 5 minutes réglementaires de récupération. Pire, Breidis envoya Glowacki une seconde fois au tapis bien après la fin du 2eme round – le préposé au gong tentait alors désespérément d’attirer l’attention de l’arbitre Robert Byrd. Breidis est un boxeur complet, comme en témoigna sa courte défaite contre Olexandr Usyk, mais un tel vol à main armée n’ajoutera rien à sa gloire. De quoi accorder un franc soutien à Dorticos dans la perspective de leur finale.
- Révélation de l’année 2018, l’anglais Josh Warrington, champion IBF des poids plumes, n’a guère à se plaindre des juges après son succès par décision partagée face à son compatriote Kid Galahad. Le gaucher a parfaitement déréglé Warrigton, l’empêchant de poser sa boxe de scie circulaire en multipliant déplacements, coups à longue distance et accrochages. Il aurait clairement pu être déclaré vainqueur d’un combat vilain comme tout.
- Il faillait bien qu’un anglais fasse le spectacle hier soir, et c’est l’incomparable Tyson Fury qui s’y est collé. Dans un MGM Grand à moitié vide, il a battu sans surprise l’allemand dépourvu de références Tom Schwarz. Rendons grâce à Fury d’avoir doublement mis la manière. En soignant son entrée, d’abord, puisqu’il reproduisit l’entrée d’Apollo Creed face à Drago dans le mythique Rocky IV – mention au short frappé de la banière étoilée. Sur le ring, ensuite, en ne prenant que deux petits rounds à établir la supériorité de son jab et de son 1-2, l’incroyable qualité de ses esquives du buste, et la vraie puissance de ses coups dès qu’il ose poser ses appuis. Il semble meilleur aujourd’hui que lors de son match nul de fin 2018 contre Deontay Wilder… De quoi saliver en attendant leur revanche.