Le site /
- Non seulement c’est une nouvelle semaine sans chronique, mais j’ai poussé le vice jusqu’à continuer la retape autour du papier sur Game of Thrones d’il y a dix jours. La honte m’est aussi étrangère qu’à un Balkany. C’est dégoûtant.
Les auteurs /
- Si Belfast a inspiré à Robert McLiam Wilson le chef d’oeuvre d’humanité brute de fonderie qu’est Eureka Street, elle est aussi la matrice de l’oeuvre de l’un des auteurs de polars les plus remarqués du moment, Stuart Neville. L’ancien prof de guitare fit une entrée remarquée dans la (grande) littérature de genre en 2009 avec Les fantômes de Belfast. L’épais nappage de gentrification qu’a connu la ville depuis la fin de la guerre civile n’a pas éteint les vieilles rancunes, comme en témoigne l’errance de Gerry Fegan, ancien exécuteur de l’IRA hanté par les spectres de ses victimes depuis sa sortie de prison. Pour que s’éteignent les voix qui résonnent dans son cortex cérébral d’alcoolique, il doit éliminer un par un les commanditaires de ses anciennes exactions. La cavale meurtrière replonge la ville dans son passé douloureux. Rythme frénétique, richesse de l’arrière-plan historique et anti héros aussi fascinant qu’effrayant : ce premier thriller est un coup de maître. Neville y rejoint Wilson dans le démantèlement sans concession de toute vision romantique d’une lutte indépendantiste ayant succombé à la dérive mafieuse. Les amateurs de ce premier roman se régaleront de ses suites, dont quatre sont déjà traduites en français chez Rivages noir (Collusion, Âmes perdues, Le silence pour toujours et Ceux que nous avons abandonnés) et abordent pêle-mêle les liens entre police nord-irlandaise, militants loyalistes, pouvoir britannique, proxénètes d’Europe de l’Est et anciens criminels de guerre. À noter que de nouveaux protagonistes apparaissent au fil des épisodes, de sorte que la sombre figure de Gerry Fegan se voit complétée par les points de vue de – rares – flics intègres taraudés par leurs propres démons. Le liant de la série est Belfast, sa grisaille collante, ses tombereaux de secrets honteux et l’attraction-répulsion qu’elle suscite chez l’auteur, qui traita aussi dans Ratlines des réseaux d’exfitration d’anciens dignitaires nazis dans l’Irlande des années 60. Les amateurs de feel-good literature peuvent parfaitement passer leur chemin ; les autres y laisseront un ongle ou deux.
- Et non, toujours pas de papier sur ce qui est toujours ma lecture du moment. Ledit moment s’allonge de façon bien suspecte. Ça fout les jetons.
- Ce qui fout aussi les jetons, c’est bien l’annonce dès la fin mai des titres de la rentrée littéraire d’Albin Michel. Sollicités par le Service Presse de la maison, certains blogueurs littéraires s’en félicitent. D’autres pointent les similitudes de plus en plus flagrantes entre ceux qui tentent de suivre l’actualité littéraire et les mignons petits rongeurs qui aiment à courir dans des roues.
Les puncheurs /
- Parce que la boxe reste la boxe, le sculptural champion anglais WBA, IBF et WBO des poids lourds Anthony Joshua s’est fait casser la gueule la nuit dernière par un américano-mexicain méconnu, au physique de videur de strip-club de Tijuana. Qui pis est, Andy Ruiz Jr remplaçait au pied levé Jarell Miller, premier adversaire choisi par le promoteur Eddie Hearn pour les débuts américains de son poulain avant d’être triplement convaincu de dopage. Avec l’invincibilité du champion anglais partent en fumée les rêves de chèques à neuf chiffres de ses rivaux Deontay Wilder et Tyson Fury ; leurs managers, qui refusèrent une à une les offres d’Eddie Hearn dans l’espoir de faire toujours plus monter les enchères, peuvent désormais se mordre tout ce que leur souplesse naturelle leur permettra d’atteindre. Hilarante, l’histoire a de franches allures de fable moraliste. Il faut néanmoins rendre justice à Andy Ruiz Jr, digne successeur de Jim Braddock, James Douglas et Hasim Rahman au panthéon des champions poids lourds les moins attendus. J’avais pointé ici les réelles qualités du challenger, tout en soulignant son manque d’expérience au plus haut niveau. Ajoutons que les déficits de taille et d’allonge de Ruiz semblaient plus rédhibitoires encore que ses 268 livres (!) à la pesée pour donner la réplique au monumental Anthony Joshua. Mais le pansu « Destroyer » dispose d’un atout rare dans la catégorie : des mains étonamment rapides, qui avaient déjà causé toutes sortes de difficultés au néo-zélandais Joseph Parker, bénéficiaire d’une décision généreuse face à lui dans son fief d’Auckland.
- Lorsque Joshua envoya Ruiz à terre au 3eme round sur un enchaînement upercut droit – crochet gauche à mi-distance, après avoir peiné à imposer son jab en reculant, il commit l’erreur de vouloir forcer la conclusion de près. Parfaitement remis du knockdown, Ruiz profita de l’aubaine, et fit prévaloir sa vitesse contre un adversaire enfin à la portée de ses bras de T-Rex. Par deux fois, ses séries – en particulier un méchant crochet gauche à la tempe – firent tomber (de haut) son prestigieux adversaire, qui finit la reprise sauvé par le gong. Sonné et hors d’haleine, l’anglais reprenait la marche arrière, tandis que Ruiz le suivait posément, les mains hautes, guettant l’ouverture. Dès que Joshua se découvrait, sa lenteur mécanique offrait au Destroyer un festin de contres fulgurants. Si l’on peut lui reconnaître de réelles capacités d’encaisseur, déjà aperçues contre Wladimir Klitschko, le round 7 fut fatal à AJ. Rendu par deux fois à son exploration méticuleuse du tapis, il fut jugé inapte à continuer par l’arbitre Michael Griffin, impeccable sur ce coup-là. On ne saurait déjà dire si cette surprise aussi massive que le vainqueur d’hier soir évoque plus les limites drastiques de Franck Bruno ou les errements ponctuels de Lennox Lewis. Mais les déficits criants de vitesse et d’endurance accusés hier par Anthony Joshua doivent à nul doute le faire réfléchir à la pertinence de son programme de musculation. Torse nu, Andy Ruiz Jr rendra certes moins bien sur les 4×3… Et il est le nouveau triple champion du monde des poids lourds.
- S’ils sont les grands cocus collatéraux de la défaite d’Anthony Joshua, Deontay Wilder et Tyson Fury ont annoncé la revanche de leur match nul pour début 2020. Notons qu’ils devront d’ici-là avoir triomphé de leurs prochains adveraires Luis Ortiz et Tom Schwartz. À leur place, et vu de ce matin, on éviterait de vendre la peau de ces deux ours-là…
- Au même programme que Joshua – Ruiz, on tirera le voile de la charité sur la défaite d’Hassan N’Dam contre le champion super-moyen Callum Smith, par KO à la 3eme reprise. Elle rappelle, malgré l’énormité de la surprise évoquée plus haut, que le Noble Art a bien souvent des allures de science exacte. Le médaillé de Rio Souleymane Cissokho a lui remporté aux points son premier combat outre-Atlantique contre un gaucher mexicain. Le métier rentre.