Quand Dieu boxait en amateur, Guy Boley

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René Boley était un homme à la fois simple et pétri de talent. Né à Besançon en 1926, peu instruit mais fasciné par le Larousse, appelé du contingent puis forgeron, champion de France de boxe amateur et chanteur d’opérettes de cuisine devenu, par la grâce visionnaire de son meilleur copain abbé, la vedette d’une ambitieuse Passion du Christ montée dans la salle paroissiale à chaque dimanche de Pâques. Il est mort, étendu sur du lino tel le combattant au tapis, à trois étages de la chambre d’hôpital où il vit le jour.

Son fils Guy le raconte dans un roman intitulé Quand Dieu boxait en amateur. Difficile de faire plus essentiel que ces 175 pages-là. De l’enfance de René jusqu’à la genèse et au triomphe du spectacle vivant qui fit sa gloire locale, narrés par un fils consumé d’admiration et de bienveillance, l’histoire est gentiment convenue. Tout juste éprouve-t-on une sincère empathie vis-à-vis du brave René, un vrai bon gars du populo comme on aime les aimer, bon ouvrier, bon père, bon mari et bon camarade malgré la rudesse de son humble existence. Un dur au mal, un vrai, de ceux dont on a cassé le moule. Mouais.

Ce qui accroche le lecteur, plus que le propos, c’est le style incomparable de Guy. Des phrases ciselées, une obsession du mot juste, parfois inusité, une aisance aussi remarquable dans le lyrique que dans le concret, et une musique toujours présente. Pour ce faire, l’auteur glisse dans sa prose quantité d’octosyllabes masqués, d’alexandrins sous couverture et de décasyllabes furtifs. Certains paragraphes font d’authentiques poèmes. On devine le boulot considérable accompli par le touche-à-tout et autodidacte de l’écriture qu’est l’auteur. C’est très, très beau, à défaut d’être captivant.

Et puis arrivent les trente dernières pages, et le moment de s’apercevoir – trop tard, comme de juste – que Guy Boley a feinté au foie pour en coller une terrible à la pointe du menton. Parce qu’après l’apogée du rôle du Christ en croix vient la descente, la vraie, à base de drame, de tristesse, de déchéance accélérée et du regard soudain durci d’un fiston qui a grandi. Et qui regrettera le mépris et le temps perdu, à mesure qu’il se sentira devenir René lui-même. Ces passages-là ne sont pas beaucoup plus originaux que ce qui précède, mais le coup est salement bien donné. Pour peu qu’on ait un peu vécu, un vrai bon parpaing dans la tronche, assez rare pour être très apprécié.

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