Le site /
- Pas de nouvelles publications cette semaine mais un billet est en gestation ; il concerne un roman dont l’action principale se déroule dans les Ardennes, où s’avère situé le fief historique de ma famille et auxquelles peu d’hommages aussi brillants auront été rendus que dans ce livre-là. Par association d’idées je ne résiste pas à l’impulsion de reproduire ici le récit de mon dernier (et récent) voyage en terres ardennaises, au cas où certains y auraient échappé sur les réseaux sociaux. Ils comprendront combien l’endroit est cher à mon cœur.
J’éteins le réveil à 5h50, j’ôte l’ingénieux dispositif qui m’empêche de ronfler, je quitte la chambre à pas de loup éclopé, j’effectue sur mon tapis de sol les exercices qui m’empêcheront d’avoir mal au dos au son de France Inter, j’ai 48 ans aujourd’hui, je me lave, j’ai accepté une pige dans mon ancienne boîte et remets donc la tenue qui ne me sert plus qu’aux mariages et aux obsèques, je me prépare un café, j’en apporte un à mon épouse quand sonne son réveil à elle, j’ai parfaitement tenu le minutage prévisionnel, j’ai 48 ans aujourd’hui, je prends la ligne 8 jusqu’à Gare de l’Est, je m’assois voiture 7 place 94 avec douze minutes d’avance, je soupire presque d’aise dans la voiture clairsemée, je reçois un SMS du junior qui m’accompagne, prénommé Gaspard, me demandant la voie parce que « mon métro a eu un gros temps d’attente et je suis vraiment au plus juste », je lui donne l’information et commence à m’inquiéter, j’ai 48 ans aujourd’hui, je réponds au téléphone, j’entends Gaspard s’exclamer « ils ne m’ont pas laissé monter dans le train », je sens ledit train qui démarre, je soupire de contrariété vu que Gaspard a tout le matériel, je lui texte que rien n’est grave et qu’il pourra arriver par le suivant, je n’aime pas accabler les jeunes consultants, je doute de l’utilité du procédé comme de sa légitimité, je remercie les premiers « bon anniversaire » jusqu’à l’arrivée à Reims, j’ai 48 ans aujourd’hui, je sens sur le quai qu’il fait un chouïa plus frais qu’à Paris, je cherche la correspondance pour Charleville-Mézières sans la trouver, j’ai deux minutes pour l’emprunter, j’attrape un contrôleur qui m’informe que c’est le TER pour Sedan, je trouve que c’est contre-intuitif vu que Charleville est au nord de Sedan, je connais vaguement les Ardennes pour venir d’une famille qui y fleurit parfois un imposant caveau, je me répète que c’est ironique d’y aller un 6 décembre, j’ai 48 ans aujourd’hui, je saute de justesse dans le TER, je regarde défiler la campagne givrée et les noms de gares inattendus, je réponds aux nouveaux messages de bons vœux entre deux ruptures de réseau, je sens que je pourrais m’endormir avant Charleville, je dors mieux depuis que j’utilise l’ingénieux dispositif qui m’empêche de ronfler et évite ainsi la boulette, je sors place de la gare juste avant 9h30, j’évite les taxis à lumière verte et consulte ceux qu’on a réservés, je constate qu’aucun ne m’attendait moi, je regarde partir ceux qui étaient disponibles en me pelant franchement le jonc, j’appelle Gaspard cinq minutes plus tard, je l’entends bredouiller qu’il avait seulement cru devoir réserver celui du retour, je soupire d’accablement, je raccroche en doutant qu’il occupe un jour la place vacante de « Gaspard » célèbre et me rappelle que le client d’ici n’est pas des plus commodes, j’ai tout fait pour éviter ces moments-là, j’ai 48 ans aujourd’hui, je remue les taxis carolomacériens, j’en trouve un vingt minutes après mon arrivée, je lui laisse entendre mon retard, je revois des épisodes diversement aimables de mon existence alors qu’il fend la brume à 150 à l’heure, je me réjouis qu’on emprunte ensuite de plus petites routes, je cherche sur mon téléphone l’emplacement de la salle des fêtes où ma réunion doit avoir lieu, je constate qu’on s’enfonce en pleine zone blanche mais qu’une « salle polyvalente » existe bien, je perds tout signal en arrivant sur place, je dis au chauffeur qu’on trouvera bien ladite salle dans un village de 370 âmes où l’on arrive vers 10h30, soit la limite impartie vu qu’une demi-heure d’avance était convenue, je ne doute pas de mon bon sens, j’ai 48 ans aujourd’hui, je ne vois rien qui ressemble à une salle polyvalente, je prie le chauffeur de s’arrêter à une pharmacie, je demande mon chemin à une gentille dame qui m’indique le local jouxtant la mairie juste à côté de l’officine, je règle le taxi dont la note copieuse met un temps fou à s’imprimer, de fait, je me rends à la salle en question pour constater qu’elle est petite et tout à fait fermée, je soupire de désarroi, je rentre dans la mairie où j’ai vu pénétrer une vague silhouette, je tape à toutes les portes vu que quelqu’un doit forcément être au courant, je crois que j’ai fait peur à l’employée qui ne répond pas, où qu’elle se terre, je sors de la mairie et retourne à la pharmacie, j’obtiens un nouveau tuyau comme quoi il s’agirait du gymnase sur les hauteurs du village, je demande si c’est loin à pied et oui un peu quand même, je cours en costard dans un froid à congeler les bébés sous l’œil médusé des gens du cru, je passe devant une classe de primaire en rang par deux qui s’apprête à visiter l’église, j’en vois qui rigolent, les accompagnatrices notamment, j’ai 48 ans aujourd’hui, je remonte la rue du gymnase en petite foulée, je vérifie mon chemin auprès d’un monsieur rougeaud, j’arrive aux alentours bien calmes du gymnase et y trouve porte close, je vérifie l’horaire et il reste cinq minutes avant la réunion, je soupire de détresse pure, je vois qu’un numéro local a tenté de me joindre, je le rappelle en reprenant le chemin de la mairie, j’articule tout en haletant que je suis désolé mais complètement perdu, j’entends une dame me demander si je vais bien avant de chercher à me vendre une cuisine ou quelque chose d’approchant, je raccroche et cherche le numéro du client pas commode, je l’appelle toujours hors d’haleine et me répands en excuses, je l’écoute me prendre en pitié et me passer le numéro de son adjointe sur place, j’ai 48 ans aujourd’hui, j’appelle cinq fois l’adjointe sans qu’elle réponde, je suis de retour vers la mairie, je vois un automobiliste qui discute avec un passant, je lui demande si par hasard il ne va pas à la réunion du ministère, je réprime un sanglot quand il m’annonce que oui, vu qu’il est à la fois maire et docteur, je les remercie lui et la Providence à haute voix, je monte avec le maire et constate que la bonne salle est pile à l’entrée du village, à côté du Proxi et de la boulangerie, et que j’avais réussi à la louper, je me rue à l’intérieur dès que mon sauveur s’est garé et m’aperçois qu’il n’y a pas grand monde, je salue la sous-préfète et l’adjointe du client dans une bouillie de formules de contrition exagérées, j’apprends que je suis bien en avance, qu’on m’avait donné un horaire bidon et que Gaspard arrivera donc à temps, j’ai 48 ans aujourd’hui.

Les auteurs /
- La nouvelle prend de l’ampleur depuis ce week-end : Puffin Books, une filiale de Penguin Random House, élabore actuellement une nouvelle édition des textes de l’écrivain britannique Roald Dahl en lien avec la Roald Dahl Story Company, entreprise en charge de la gestion de son patrimoine littéraire (aujourd’hui propriété de Netflix) et le collectif Inclusive Minds, dont la mission est de promouvoir « inclusivité et accessibilité dans la littérature pour enfants ». Plusieurs exemples de modifications apportées aux versions d’origine semblent bien dans les canons du sensitivity reading contemporain : plus personne n’est « gros » ou « laid » ou « fou », les Oompas-Loompas ne sont plus de « petits hommes » mais de « petites personnes », « garçons et filles » deviennent des « enfants », une phrase est ajoutée après qu’on eut appris la calvitie naturelle des sorcières pour préciser qu’il y a « beaucoup d’autres raisons pour lesquelles des femmes peuvent porter des perruques et il n’y a certainement aucun mal à cela », etc. Considérant que l’industrie culturelle anglo-saxonne s’adresse à nous depuis un futur proche, réjouissons-nous de savoir que nos chères têtes blondes seront très bientôt protégées comme il se doit. Je m’abstiendrai de commenter plus avant ce que m’inspire la nouvelle elle-même, c’est à dire beaucoup de mal, me restreignant à deux remarques connexes. D’une part, je relevais il y a peu la censure qui frappait les bibliothèques moscovites à l’heure où des livres faisant une présumée promotion de l’homosexualité en disparaissaient. On serait hélas fondé à renvoyer dos-à-dos les pays qui escamotent les textes et ceux où ils sont réécrits, le tout au nom d’une idéologie, quelle qu’elle soit. D’autre part, celui par qui j’appris l’affaire via les réseaux sociaux n’est autre que Benjamin Whitmer, un auteur que Le Point évoquait la semaine dernière dans un dossier consacré aux auteurs ignorés outre-Atlantique ayant trouvé preneur auprès des éditeurs (et du lectorat) français. Nous devons à cet écrivain d’excellents polars, dont un remarquable premier roman intitulé Pike. Rêvons un peu : comme la France a fait bon accueil aux textes d’un Benjamin Whitmer, elle pourrait aussi faire un refuge adéquat pour les versions originales de ceux de Roald Dahl.

- Flambée des prix du papier oblige, d’aucuns eurent récemment la désagréable surprise de devoir s’acquitter en caisse d’un prix supérieur à celui indiqué sur les bouquins de leur choix, ceux-ci n’ayant pas été réétiquetés à temps. Soyez rassurés : dans un avis daté du 16 février, le Médiateur du livre a enjoint les détaillants et leurs partenaires de la chaîne du livre à accélérer le mouvement. D’ici peu, les clients des librairies connaîtront ainsi au plus près l’étendue de leur malheur.
- La crise, suite : cofinancé par la librairie La Griffe Noire et la municipalité de Saint-Maur-des-Fossés, le festival Saint-Maur en poche renonce à son édition 2023. Je n’y ai certes jamais mis les pieds, mais la nouvelle peut attrister.
- La crise, pas pour tout le monde. Après Alexandre Jardin, Marc Levy, Katherine Pancol et Éric-Emmanuel Schmitt, l’autrice du livre préféré des Français Virginie Grimaldi rejoint la dream team des écrivains sous contrat avec McDonald’s dans le cadre de l’offre « un livre ou un jouet » ; elle signe dans ce cadre la neuvième collection d’histoires susceptibles d’accompagner le menu enfants. Les blagues sur la formule feel good de McDonald’s sont trop faciles à faire ; on aurait toutefois trouvé plus de panache à confier l’écriture de telles histoires à un Michel Houellebecq.
Les puncheurs /
- Leigh Wood avait remporté l’un des plus formidables combats de 2022 en disposant par KO (et par surprise) de l’Irlandais Michael Conlan. À cette occasion, le vétéran de Nottingham s’était emparé du titre WBA des plumes, qu’il remettait en jeu hier soir à domicile devant des fans aussi enthousiastes et des commentateurs anglais de DAZN aussi partiaux qu’on pouvait l’imaginer. Opposé au cogneur mexicain Mauricio Lara, Wood déroula un parfait plan de vol – hormis lors d’un second round où il joua le rôle de la piñata – en avançant à petit pas derrière un jab efficace à la tête et au corps. Il dictait ainsi les termes des échanges tout en empêchant Lara de s’organiser, et empochait 4 à 5 rounds dans la première moitié du combat. On imagine sur le moment la satisfaction d’un boxeur longtemps cantonné au rôle du frustre bagarreur imposant cette fois une tactique imparable. Du moins jusqu’à la toute fin de la 7e reprise, où un champion passé en vitesse de croisière renonça à faire reculer son challenger. Quelques instants avant la cloche, tous deux purent ainsi parfaitement planter leur appui avant pour envoyer un crochet gauche, et celui de Lara toucha le premier en plein menton. Autant dire en plein bouton « off », connaissant la puissance de feu du Mexicain. Qu’elle est paradoxale, cette situation où l’on peut affirmer que son coin fut bien cruel de jeter l’éponge à 10 secondes de la fin du round, mais aussi que Wood était assuré du destin du bébé phoque devant un chasseur brandissant son gourdin. Au fil du temps, Mauricio Lara se fait outre-Manche une fameuse réputation de gâcheur de fête. Dès sa victoire prononcée, il se précipita au bord du ring pour cracher un glaviot précis comme le crochet fatal sur son ex-victime Josh Warrington ; il faut dire que les deux hommes ne s’adorent guère depuis deux confrontations soldées par un succès inattendu du Mexicain par KO et un no contest sur coup de boule sanglant. Une troisième confrontation devrait remplir pas mal de sièges.

- Compatriote de Lara, Luis « Pantera » Nery s’est attiré l’inimitié de bien des fans en triomphant par deux fois de la légende Shinsuke Yamanaka, aidé par un stéroïde balayé sous le tapis par la WBC puis par 3 livres de plus que la limite autorisée des poids coqs. On doit malgré tout mettre à son actif une fort belle victoire, acquise hier soir en Californie aux dépens du rude Arménien Azat Hovhannisyan. Elle ferait de Nery un adversaire de choix pour le vainqueur du superfight annoncé entre le double champion super-coq Stephen Fulton et la star japonaise Naoya Inoue. Quoi qu’il advienne, les onze rounds de pugilat sanguinolant à la mode d’autrefois vus hier soir font un candidat crédible et précoce au titre de combat de l’année. Un régal à déconseiller aux estomacs délicats.
- Le prix de l’abonnement à DAZN proposé au public américain a de nouveau augmenté, passant à 25$ mensuels. Au moins les abonnés ont-ils l’honneur de voir boxer Jake Paul en exclusivité. Je suis difficile, je l’avoue : toute nouvelle augmentation par chez nous entraînera ma probable résiliation. Non mais.
- Vendredi soir salle Wagram, la championne olympique française Estelle Mossely a défendu avec succès son titre mondial IBO par décision contre la Malawite Anisha Basheel. J’ai beau être cocardier, une ceinture de second rang ne me fait pas tout à fait vibrer. Reste que la Française présente la particularité d’être à la fois promotrice et boxeuse, de quoi garder un œil intéressé sur la suite de son parcours en professionnelles ; ajoutons qu’elle tentera de se qualifier pour les JO de Paris en vue d’y briguer une seconde médaille d’or. À ce titre, un succès après quasiment un an d’inactivité, soit-il remporté sur une adversaire bien choisie, est forcément une bonne nouvelle.