Punchlines du 16 octobre 2022

Le site /

  • Enfin un nouveau papier, issu de matériaux 100% recyclables qui plus est, un pot-(pas)pourri automnal rassemblant de brefs billets publiés sur Instagram à propos de cinq lectures de l’été dernier : la saga événement Blackwater de Michael McDowell, le déroutant et novateur City d’Alessandro Baricco, l’éclatante illustration du sombre génie d’Harry Crews qu’est Nu dans le jardin d’Éden, Les paralysés, quintessence de l’insoutenable réalisme social de Richard Krawiec, et un rafraîchissant premier roman de cette rentrée littéraire, Lulu de Léna Paul-Le Garrec.
Que du frais, que du bon.

Les auteurs /

  • Justice pour François Busnel : j’ai suffisamment ricané de son brushing et de son onctuosité pour saluer les initiatives auxquelles il associe son nom et qui en valent la peine. Ainsi, la septième édition de l’opération Donnez à lire dont l’ancien présentateur de La Grande Librairie est le parrain pour la seconde fois. Cette initiative des 3500 librairies indépendantes du Syndicat de la librairie française (SLF) consiste à proposer à leurs clients, du 17 octobre au 20 novembre prochains, d’ajouter un livre jeunesse à leur panier afin qu’il soit offert aux enfants et adolescents des familles accompagnées par le Secours populaire. On a fait moins estimable que cette idée-là – ou que soutenir les librairies indépendantes, tant que nous y sommes.
  • De cette année littéraire marquée par la sortie des derniers opus de Michel Houellebecq et Virginie Despentes, et indépendamment des mérites respectifs d’anéantir et Cher connard, on peut retirer l’impression d’un débat d’idées simpliste et convenu entretenant le fossé entre progressistes et conservateurs revendiqués. Les voix fédératrices sont plus rares, donc précieuses, et celle de Delphine Horvilleur résonne fort agréablement. Ni vraiment roman, ni complètement essai, Il n’y a pas de Ajar est un monologue destiné à être dit sur scène qui exploite la figure de l’auteur fictif de La vie devant soi pour affirmer que l’identité est un choix personnel plutôt que le fruit d’un déterminisme génétique ou culturel. À l’heure où les passions identitaires entretenues d’un bout à l’autre du spectre de nos sensibilités politiques ne cessent de toujours plus fractionner le corps social, une telle parole fait un bien fou. Merci de votre attention.
Et puis le jeu de mots est pas mal solide
  • Il était déjà amusant de constater combien Instagram, un média a priori complètement étranger à la littérature, avait permis de structurer une communauté aussi riche et active que Bookstagram (NB : pour les béotiens, il s’agit d’un vaste groupe qui échange ses impressions de lecture en marge de photographies des livres en question livres assortis d’un cactus en pot, une tasse de thé parfumé, une bougie multicolore, un chat mou ou toute sorte de bibelots mignons). Or on apprenait cette semaine l’organisation par TikTok d’un « café littéraire » avec des représentants du groupe Hachette pour évoquer « les synergies mises en place pour développer l’audience du livre auprès des booktokeurs ». Moi qui ai attrapé le hoquet la seule fois où je me suis rendu sur TikTok, j’avoue être un poil intrigué par la nature desdites synergies. Reste que toute initiative pouvant contribuer à rapprocher du monde des livres toute une population n’approchant pas encore l’âge de la retraite reste forcément digne d’intérêt.
  • L’écrémage progressif des listes des prix d’automne se poursuit et l’on murmure que Gallimard pourrait viser le carton plein parmi les plus réputés d’entre eux. Après quoi il importe de se ridiculiser au jeu des pronostics. Croyant malgré tout au profond souci d’équité prévalant chez ceux qui exercent les plus élevés de nos magistères culturels – et de manière prosaïque au fait que des palettes de Collection Blanche vont déjà s’écouler d’ici Noël entre Céline et Annie Ernaux – je serais tenté de mettre une pièce sur un Flammarion pour le Goncourt 2022. On notera qu’on reste chez Madrigall, ce qui n’en fait pas tout à fait un choix punk. La méticulosité toute « Jaenadesque » de Grégoire Bouillier dans son roman Le coeur ne cède pas fait l’objet d’un bouche-à-oreille particulièrement enthousiaste, tandis que le très autobiographique Vivre vite de Brigitte Giraud aurait fait pleurer jusqu’à Arnaud Viviant, et donc probablement Lord Voldemort lui-même. Je vais dire Bouiller, et vous promets donc un nouveau pronostic lorsqu’il aura été viré des finalistes.

Les puncheurs /

  • « Timbeeer ! » put-on crier hier soir au Barclays Center de Brooklyn, où deux KOs fracassants récompensèrent l’assistance. Côté Deontay Wilder, l’affaire était prévisible : en dégommant Robert Helenius dans les ultimes secondes de la première reprise, le « Bronze Bomber » revenu à son poids de forme a démontré qu’il était toujours lui-même après ses revers contre Tyson Fury (et qu’il n’était pas allergique aux géants pâles et chauves avec de l’embonpoint). La manière étonne plus : alors que le Finlandais se jetait dans une attaque au corps bien pataude, il s’effondra pour le compte sur ce qui ressembla fort, de la part de Wilder, à une pichenette sur le museau. Sa droite va bien, merci. Reste qu’on observe plus souvent ce genre de KO tard le soir quand deux ivrognes se cachoutent à la sortie d’un bar PMU. Il fut plus question de technique lors de la demi-finale mondiale des super moyens disputée entre les ex-champions du monde Caleb Plant et Anthony Dirrell. Âgé de 38 ans, « The Dog » Dirrell avait largement envenimé les débats d’avant-combat en moquant le supposé manque de punch de « Sweet Hands » Plant. Sans doute essayait-il d’attirer son adversaire plus rapide et mobile dans un combat de tranchées à son avantage. Hélas pour lui, il finit exaucé après 8 rounds à tenter sans succès de lui couper la route : Plant se campa soudain dans l’axe, le toucha d’un violent crochet gauche au corps et profita d’une main droite descendue par réflexe et d’un adversaire concentré sur son contre de l’autre pour répéter son coup à pleine puissance, visant cette fois le menton. On achève bien les canidés.
Ah oui, il tape, en fait
  • La revanche la moins utile de l’année 2022 a livré sa vérité ultra attendue : 36 minutes d’une nouvelle leçon de boxe administrée à Melbourne par l’Américain Devin Haney à l’Australien George Kambosos. Pour que subsiste le moindre suspense, il aurait fallu que ce dernier démarre pied au plancher et accélère progressivement. Las, il s’est contenté d’effectuer d’inefficaces ajustements tactiques face à un adversaire en complète maîtrise, très supérieur techniquement et d’un gabarit désormais impressionnant en poids légers. Vainqueur de 10 à 11 rounds selon les juges, « The Dream » Haney reste ainsi champion unifié de la catégorie sans guère avoir eu à puiser dans ses réserves – il aura écarté la menace Kambosos en boxant pour l’essentiel sur un ou deux coups, toujours au même rythme. Espérons que ses challengers à venir le pousseront au-delà de sa vitesse de croisière.
  • Un prochain adversaire intéressant pour le patron des 135 livres pourrait être le gagnant du duel annoncé entre les Américains invaincus Ryan Garcia et Gervonta Davis, qui devrait advenir avant fin 2022. Disons-le tout net : depuis son retour d’une année blanche consacrée à soigner d’apparents troubles psychologiques, le chouchou d’Instagram « King Ry » n’a pas franchement impressionné, échouant à stopper le poids plume Emmanuel Tagoe puis triomphant d’un Javier Fortuna inoffensif à 140 livres. Depuis sa victoire la plus significative chez les pros acquise de haute lutte face au préretraité Luke Campbell, le bilan est maigre. Bien que sa carrière à lui aussi ait été gérée « intelligemment », « Tank » Davis peut se prévaloir de succès d’un autre calibre (José Pedraza, Leo Santa Cruz, Mario Barrios, Isaac Cruz), en plus d’avoir gagné des titres mondiaux des super plumes aux super légers. Contre un adversaire dont le jeu de jambes évoque toujours Bambi monté sur une paire de roller blades, Davis devrait parvenir à casser la distance et installer sa boxe sans s’exposer inutilement au surpuissant crochet gauche adverse, qui sera le « facteur X » de la confrontation.
  • Saluons enfin l’audace payante de Sky et ESPN+, diffuseurs d’une soirée de prestige 100% féminine dans une O2 Arena londonienne chauffée à blanc. Le premier combat d’unification proposé, pour 3 des 4 ceintures mondiales des super plumes, opposait les Américaines Mikaela Mayer et Alycia Baumgardner. Si les deux championnes habituées du mannequinat ne s’estiment guère, comme en témoigna une pesée électrique, elles proposèrent un duel tactique avant tout. Mayer mit peu à peu en place sa boxe classique, mains hautes et travail fondé sur le jab derrière une allonge supérieure, après un départ timoré. Les ajustements auxquels procéda Baumgardner dans les dernières reprises lui permirent cependant d’arracher une décision partagée. Tout en vivacité, son style plus imprévisible, mains basses et efficace en contre, aura prévalu dans ce duel d’escrimeuses. Changement d’ambiance pour le main event avec une vraie bonne bagarre de saloon entre la double championne olympique Claressa Shields et son unique tombeuse en amateurs, l’Anglaise Savannah Marshall. Il faut saluer la capacité de Shields à multiplier les enchaînements fluides de près ou à mi-distance sans paraître essoufflée ni troublée par la puissance des coups adverses, compensant par un menton solide son propre manque d’efficacité. Il y avait un monde, techniquement parlant, entre les deux championnes des poids moyens, les lacunes de Marshall l’empêchant d’exploiter son allonge tentaculaire à bon escient, mais on ne s’est pas ennuyé une seconde à voir « T-Rex » Claressa Shields unifier les 4 titres majeurs de la catégorie par décision unanime (et fermer ainsi pas mal des bouches anglaises qui avaient sifflé l’hymne américain…). Mon unique regret tient au format des deux confrontations : Dieu que les rounds de 2 minutes passent vite, alors que ces filles-là ont largement démontré qu’elles n’étaient pas en sucre.
La « GWOT » Shields en action

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