Hellfest 2019 : Retour vers l’enfer (partie 3)

Retour vers l’enfer : partie 1

Retour vers l’enfer : partie 2

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Dimanche matin, le camping que tu traverses en début d’après-midi pour accéder à Hell City est empreint d’une douce torpeur. La fatigue est palpable, les demarches ont raidi et quelques pattes traînent dans la poussière ambiante. Aux douches, la file d’attente s’allonge. Tout le monde n’est pas pressé de rempiler. Tu éviteras de les juger : eux n’ont pas pioncé dans un gîte, mais entendu diverses modulations du cri « APÉROOO » jusqu’à 6 du mat’, suivies par un choeur déchaîné de « Respectez les gens qui dorment ! » pour peu qu’un malheureux ait réclamé le silence. Le camping n’est certes pas une truc de touristes. Las, ton équilibre nerveux, ton bas du dos en balsa et l’accès facilité à des sanitaires te sont désormais trop précieux pour tenter l’expérience à l’âge que tu traînes. Et les plus hagards des visages croisés ne suscitent guère ta jalousie.

Tu repasses devant ton échoppe favorite, nommée Metal for kids. La layette frappée de l’aigle germanique et du pentagramme de Slayer aurait un joli succès au pied des sapins. Sans doute la jeune femme torse nu et copieusement enceinte que tu croises, smiley dessiné sur le bide, sera-t-elle tentée. Plus loin, une boutique ciblant les adultes fait preuve d’un bel écclectisme, proposant sapes Lonsdale et Tshirts Antispéciste. Éternel paradoxe du métal underground. Après ton dernier passage sous la cathédrale, le gros son qui te submerge relève de l’agression amicale : le corps s’accoutume au vacarme de fond, aussi bien les tympans que tout ce qui vibre à l’unisson. Pas question de se ruer sur le premier set, puisque cette troisième journée est une pure épreuve d’endurance. Tu engloutis donc un ramen bouillant en plein soleil. Autour de toi, les bobs Cochonnou foisonnent. Avec les potes, c’est déjà l’heure du bilan, et sans surprise les béotiens disent d’une voix lasse combien ils sont conquis. Il faudra que la jauge à Kronenbourg atteigne de nouveau un plancher raisonnable pour recouvrer l’énergie requise par la suite.

Tu glisses ton premier orteil du festival à Valley, la scène qui accueille, en marge de celles dédiées aux punks, énervés et satanistes, les artistes les plus inclassables du lot. La veille, les Japonais d’Envy, adeptes d’un savant mélange de screamo et de post rock, y ont livré un set très remarqué tandis que tu savourais celui – plus convenu – de ZZ Top. Avec entre autres les norvégiens de Kvelertak et l’inxoydable Didier Wampas, l’un des gigs que tu as dû sacrifier à regret, tant les collisions de groupes qui en valent la peine sont fréquentes en plus de 45 heures à 3 concerts en simultané. Autant être honnête : en comparaison, Yob fait plutôt figure de bouche-trou, même si le nom minimaliste te plaît beaucoup. Ses trois rageux remuent sur un tempo lent et atmosphérique, produisant un épais mur de son. Il s’agit, paraît-il, de doom métal teinté de sludge. Le chanteur aurait un sacré potentiel s’il grognait un peu moins, du moins est-ce ton avis, hein, mais tu respectes, pas de problème, on est tous des hardos, les gars, pas des touristes, ça se saurait, Apéroooo, là !

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Comme souvent, les Mainstages proposent une came aux antipodes des scènes annexes. C’est particulièrement le cas sur le 1, où se produit Blackberry smoke. Drappé dans de belles chemises façon country western, l’attelage d’Atlanta envoie du bon gros rock péquenot mâtiné de blues. Leurs trognes à rouflaquettes sortent tout droit de That 70’s show. Même s’ils reprennent les Beatles, l’ensemble voix – batterie hurle l’influence décisive que Led Zeppelin a eu sur eux. Très plaisant pour ambiancer une digestion, à défaut d’être complètement dans l’esprit du lieu. La sidérurgie reprend ses droits dans la foulée en Mainstage 2 avec Trivium, mélange – parfois – subtil de thrash et metalcore. L’une de ses originalités réside dans l’alternance de deux voix, avec une logique de flic gentil et flic méchant qui se retrouve sur le faciès des intéressés. Sous un cagnard implacable, ils réclament et obtiennent de la fosse d’honorables trémoussements. Pendant ce temps, un pote te fait saliver, affirmant avoir croisé un convaincant Team François Valéry que tu chercheras en vain du regard jusqu’au bout des réjouissances. Le chanteur à la gueule de premier communiant ose l’hommage à Bruce Dickinson avec un « Scream for me, Hellfest ! » La zique reflète aussi un goût prononcé pour Metallica. Toi, tu salues l’effort d’ensemble très audible des Floridiens, tout en doutant qu’ils acquièrent un jour assez de personnalité pour être reconnus par les touristes. Non, pas « dans ton genre ».

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Avec ta bande, vous vous êtes tous rencardés à 16 heures à Altar pour ce qui devrait être un moment fort de cette édition 2019. Il reste quelques minutes à tuer, alors que Temple résonne toujours d’engageants hurlements impies. Difficile de résister. Tu débarques donc dans le show un poil clairsemé des Grecs de Lucifer’s child – les fans de leurs compatriotes d’Aphrodite’s child sont invités à ne pas confondre, faute de quoi une vraie surprise est possible à l’écoute. Alors que tu te faufiles près de la scène, tu remarques le recueillement des fans de ce black métal progressif proprement réalisé. Aucune touche de couleur n’est discernable dans le décor ou les tenues des protagonistes, dont le bassiste et le guitariste font artistiquement tourner leurs crinières dans des sens différents. L’effet produit est hypnotique. C’est alors qu’un circle pit se structure près de toi. Il est famélique, et l’on y trottine. L’occasion inespérée de prendre part, une fois dans ta vie, à ce genre d’ébat collectif, et réfuter à tout jamais la moindre accusation de tourisme. Qu’y risquerais-tu vraiment, hormis un peu d’embarras, et la possibilité réelle de faire le nombre dans une cérémonie ouvrant un portail dimensionnel par lequel une horde de démons envahirait la Terre ? Tout bien pesé, tu te retiens.

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L’heure est venue de retrouver tes potes à l’Altar voisin pour assister à la prometteuse performance des Suédois de Vomitory, auxquels on doit apparemment une galette intitulée Terrorize, brutalize, sodomize. Le programme officiel les classe en death metal, un parti-pris certes audacieux pour un groupe parodique. Tu gardes néanmoins un souvenir assez amusé de Gloryhammer et surtout de leurs quasi homonymes Ultra Vomit pour en espérer beaucoup. Difficile cependant de trouver beaucoup de fantaisie dans la dégaine des quatre colosses hirsutes à l’air peu commode qui déboulent sur scène, dans un décor minimaliste. C’est après les quelques premières mesures jouées que survient le moment gênant, celui où tu t’aperçois qu’il n’y a rigoureusement aucun second degré dans ce que propose le groupe nommé Vomitory. Bien. Dont acte. Qu’ils y viennent, les touristes. À côté de toi, un type en bob à fleurs est extatique. Tu fais assez durer le châtiment auditif pour assister à une pause surréaliste, durant laquelle l’un des mastars doit changer une corde qu’il caressait pourtant avec une vraie délicatesse. En quittant enfin Altar, au moins reconnais-tu à ces joyeux lurons un jusqu’au-boutisme assumé. Bah, tu y as survécu, même si tu remarqueras plus tard, amusé, que tu as oublié ta date de naissance et que tu écris désormais de la main gauche.

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Lorsque tu t’échoues, lessivé, sur la pelouse dans l’axe du Mainstage 1, le hasard de la programmation te fait bichonner les oreilles par l’aimable stoner rock de Clutch. Sans que tu en retiennes grand-chose, l’effet produit est appréciable. Un groupe que tu réécouteras dans des conditions saines de température et de pression. On t’a vendu Testament, qui enchaîne sur le Mainstage 2, comme un clone historique et presque assumé de Metallica. Ce que l’intro énervée de Brotherhood of the snake corrobore assez clairement, instrument par instrument, et jusqu’à la voix. Et pourquoi pas ? La suite s’avère du même tonneau. C’est putain de divertissant, conclus-tu en partant attraper un burger et une bière. Sur le chemin, un jeune arborant un Tshirt « Tu Suze le premier soir ? » doigte avec virulence la plaque commémorative d’une précédente édition où figurait Manowar. Au food court, ça barbote sévère dans la fontaine flambant neuve.

Tu es de retour pour les Stone temple pilots, et leur grunge mimi tout plein au pays de la musique extrême. Te reviennent des souvenirs des 90s, lorsque tu te targuais d’écouter du rock véritable et que tu fustigeais les geignards de l’époque. Vu du Hellfest 2019, les Stone temple pilots te semblent toujours appartenir à la seconde catégorie, malgré quelques sursauts bienvenus aux accents punks. Autour de toi, un copain reconnaît un barbu costumé façon KISS avec qui vous aviez tapé la discute l’an dernier. Tu t’en vas le saluer, et le mec te reconnaît. Il est toujours courtois et nantais. Son comparse a cette fois renoncé à l’armure futuriste, en prévision de la canicule. Le mec trouve neanmoins les fosses « plus respirables » cette année. En vous claquant la bise, vous vous promettez de vous recroiser. A priori, c’est plutôt toi qui le repèreras.

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Bien que la température ait un peu baissé, cette fin d’après-midi devient un rien pépère, voire émolliente. Le coup de pression salvateur se fait attendre. Il sera le fait de papys du thrash qui cogent fort d’entrée en envoyant l’intro lourde de menaces de Caught in a mosh, synonyme de pogo sous amphètes. Les vénérables Newyorkais d’Anthrax ont visiblement décidé de ne pas faire de prisonniers. Ça joue vite, et bien. Monté sur ses ressorts habituels, le guitariste Scott Ian agite dans tous les sens sa barbichette culte, tandis qu’au chant la scansion harmonique de Joey Belladona est parfaitement posée. Leur reprise emblématique d’Antisocial de Trust produit l’effet escompté dans la fosse, qui rugit d’aise lorsque Ian se paie le luxe d’interrompre un circle pit… Pour en exiger un plus grand, et obtenir un succès éclatant. Aucune surprise dans ce concert-là, dont un ami connaisseur avait annoncé la playlist au titre près. La différence avec les autres légendes de Megadeth, vu ici l’an passé, est vertigineuse. Ta bienveillance proverbiale pour les groupes des années où perçait ta moustache ne l’explique donc pas à elle seule : sous tes yeux de myope tout jouasse, Anthrax vient de poutrer le Hellfest.

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En bon gérontophile, tu peux rester devant le Mainstage 1, puisqu’y débarque après KISS un autre groupe en pleine tournée d’adieux : les aviophobes sudistes de Lynyrd Skynyrd. Tu supposes, vu le nombre de drapeaux confédérés agités devant toi, que pas mal de membres de la Skynrd Nation sont dans la place. Le chanteur Johnny Van Zant pare son  pied de micro de la même bannière. Se lancer dans une approche sémiotique poussée de ces couleurs polémiques – ou des paroles de Gimme back my bullets – n’aurait foutrement aucun sens à ce moment précis. D’une part, on aura bien pire à l’heure de Slayer, et d’autre part la came qu’envoient ces hillbillies revendiqués, à peu près aussi nombreux sur scène que des Gypsy Kings, est d’une qualité assez remarquable. Au clavier officie, cohérent, un sosie du regretté Dr John. Comme attendu, Simple man te rend la tripe liquide. Trop de souvenirs, sur celle-là. Pendant Sweet Home Alabama, l’assistance tape dans les mains jusque très loin du Mainstage 1. Le groupe achève son set nostalgique, constellé de photos des disparus de 1977 projetées en arrière-plan, par une version de Free Bird absolument dantesque, sur laquelle résonne la voix enregistrée de Ronny Van Zant. L’envolée finale des trois guitares, de la basse et du piano foutrait les poils à Vladimir Poutine. Oui, bien qu’à la frontière des genres musicaux promus au Hellfest, ça valait largement Vomitory.

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Sur le Mainstage 2, la ferronnerie sans affectation déplacée reprend ses droits avec le groove metal de Lamb of god. Enfin, à dire vrai, tu cherches le groove en question dans le jeu grave, massif et mécanique qui t’est balancé. Tu sens que la pesanteur est l’objectif ultime poursuivi par chacun des cinq membres, dans son registre particulier. Inutile d’espérer des bisous. Chaque instrumentiste pilonne comme à Verdun, charge à Dieu – ou son délégataire – de reconnaître les siens ; en leur milieu, la voix semble presque en retrait. Le batteur a l’air inquiet et l’activité d’octopode de celui qui fait la plonge et s’inquiète d’être submergé par la vaisselle sale, mais il tient la baraque d’une main de fer. Le décor, à base d’images de GIs ou du logo dépouillé de la présidence américaine frappé d’un aigle décharné, laisse supposer une critique politique subtile, en accord avec les sonorités du groupe. En définitive, l’ingrédient qui manque à ce quintette sérieux au possible est bien le fameux groove annoncé, surtout quand tu compares leur set avec celui d’Anthrax. Faudrait peut-être que quelqu’un leur dise, les gars. Toi, tu files à la Warzone choper la fin du gig de Beartooth.

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Tu découvres en cette occasion ce qu’est réputé être le metalcore mélodique, à la fois foutrement heavy et punk  – Warzone oblige – et capable de nuances momentanées et de refrains entraînants. À l’image du charismatique chanteur Caleb Shomo, dont le registre semble aller jusqu’au dépouillement d’un Maynard James Keenan entre deux cris de grosse bête qu’on empale. Le mec sollicite largement l’assistance, réclamant sur un titre le plus grand nombre possible de crowd surfers, initiative soldée par un fameux bordel en fosse. L’un de tes voisins brandit fièrement un Tshirt artisanal « J’ai pas vu Manowar ». Au son de Beartooth, tu te replies devant le proche bar à Muscadet, dernier point de ralliment avec les tiens. Pour la forme, trinquer avec un petit godet dudit breuvage te suffira : tu tiens à ta vue. Autour de vous, un jeune gars se fait dédicacer le corps en intégralité. D’autres se laissent aller à de terribles pratiques à base de pichets d’1,5 litres de l’inquiétante vinasse. En prévision de la cohue, il est temps de rejoindre l’axe du Mainstage 2 d’où Slayer fera les adieux raffinés qu’on imagine seoir au pays d’Apollinaire et de Charles Trenet.

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D’ici-là, il te faudra revoir Slash and Myles Kennedy, déjà croisés au Zénith en février dernier. Le guitariste de Guns n’Roses est toujours un interprète prodigieux, mais on pourra qualifier son talent d’auteur et compositeur de « moindre ». Or, à ton grand dépit, la setlist se consacre pour l’essentiel à des titres écrits pour la tournée, laissant aux inconditionnels des Guns – dont tu es – le seul Nightrain à se mettre sous les chicots. Si le reste est plutôt agréable, et servi par des seconds rôles sans tares rédhibitoires, tu passes le set à attendre les solos poussés par le maître, pleins du même feeling habité qu’au pic de ses addictions. Les touristes se réjouiront sans doute d’avoir vu Slash. Toi… toi aussi, en fait. Alors que les morceaux s’enchaînent, tu sens monter le long de ton échine une manière d’appréhension excitée : ce qui suit sera ton premier – et dernier – concert de Slayer. De ce que tu connais de leurs albums, le suspense est modéré à faible : ce n’est juste pas ton style de beauté, nettement au-delà de tes seuils de tolérance à la brutalité sonore. Cependant, le caractère historique du moment à venir ne t’échappe pas. La fascination qu’exerce ce groupe sur tant d’autres amateurs de métal de ta connaissance, non plus, fussent-ils aimables et bien élevés. Alors tu croises les doigts, et tu ouvres bien grand tes chakras.

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Ta toute première impression est visuelle. Entre pyrotechnie et jeux de lumière très travaillés, on a zappé le purgatoire : l’enfer qui s’ouvre devant toi est indiscutable et immédiat. Sur la scène se découpent des silhouettes de titans, dont tout est fait pour accentuer la puissance physique, jusqu’à l’élégante demi-jupette en chaînes épaisses du guitariste tatoué Kerry King. La vague sonore t’atteint juste après. De quoi – presque – te rassurer : le bazar est audible, à défaut d’être délicat, et sur un tempo proprement délirant. Heureusement qu’un filet de vent aide à rafraîchir tes esgourdes. Que ça va vite, putain. Les trois premières « chansons » filent à un train d’enfer. Tu n’as pas pigé grand-chose, un peu comme quand tu as tenté de regarder un Fast & Furious. Lors de la courte pause, ton voisin te fait savoir que cette première sélection était planplan. Ah. Puis, le déluge reprend. La scansion furieuse de Tom Arraya te semble parfois confiner à un rap de croquemitaine. Les mecs restent d’un sérieux imperturbable jusqu’aux plus débiles de leurs outrances, véritables marques de fabrique de la formation. Seul le Tshirt « Kill the Kardashians » du second gratteux Gary Holt vient tempérer ce sentiment. Pas ou peu de tentatives d’intéraction pendant les breaks et les morceaux eux-mêmes : c’est une musique que l’on t’assène. Dit simplement, tu as la franche impression qu’on te déteste pour de bon.

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Le hasard – ou quelqu’ange cornu – aura voulu que de rares gouttes – de pluie, du moins l’espères-tu – tombent sur Raining blood, l’un des titres du bouquet final. Et le set se clôt sur l’indispensable Angel of death, gentille comptine consacrée aux travaux du Docteur Mengele, sur laquelle une jeune femme devant toi se croit enjointe à se déhancher lascivement. À ses côtés, une autre nana sera restée allongée tout du long. Laquelle te perturbe le plus ? Quand les lumières blanches se rallument, tu vis la libération du lapin piégé dans des phares. Un feu d’artifice se déclenche, peut-être un peu tôt. Arraya essuie une larmichette en te disant combien tu lui manqueras. Il t’aimait bien, en fait. Et puis ils quittent le Mainstage, roulant de leurs épaules de forains. Il est temps de réfléchir à ce que tu viens de subir : dans les faits, une sorte de Metallica sous pot belge et stéroïdes. Un ouvrage très précis au-delà de sa seule violence. Alors que plein de groupes réputés méchants te cognent dessus à grands coups de massue, il te semble ici avoir été harponné via le canon d’un baleinier. C’est pire.

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Avec deux sous de recul, le projet dérisoirement simple – mais pas simpliste – de Slayer ne te semble pas si éloigné de celui de tes chouchous d’ACDC. Les Australo-écossais veulent te faire vivre une osmose parfaite avec le boogie binaire ; les affreux de Huntington Park emploient tous les moyens légaux pour t’infliger la pire violence sonore qui soit. En agissant avant tout sur tes pulsations cardiaques, qui s’emballent invariablement du fait des BPM insensés, mais aussi de ruptures de rythme provoquant une sorte de tachycardie. Bien joué, les gars. Tu voulais voir Tool pour finir, mais tu en seras bien incapable. Tant pis pour toi : celles et ceux qui restent pour leur set soutiendront avoir assisté à un authentique prodige visuel et auditif. Tu les croiras bien volontiers. Il te tarde juste d’aller lécher tes plaies. Qui donc est le touriste, sur ce coup-là ? Toi, peut-être. Et tu t’en fous un peu.

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Quelques jours, plus tard, chez ta retoucheuse, surprise :

« Vous voulez coudre images sur veste ?

-Oui, comme sur la photo, là.

-Mettez images avec épingles. Plus facile comme ça.

-D’accord. Ouille. Ouille. Ouille.

-Ah mais pas facile coudre sur poches. Je dois démonter et recoudre.

-Attention, la poche à l’intérieur, c’est mon porte-gobelet.

-Quoi vous dites ?

-Laissez tomber. Faites ça bien symétrique, hein.

-Symétrique, oui. »

Entre une vieile dame. Elle observe, l’air amusé.

« Vous allez décorer votre veste ?

-C’est ça. De la décoration. »

Elle scrute toujours.

« Avez-vous une seconde pour parler de notre seigneur et sauveur Lemmy Kilmister ?

-Comment ?

-Quoi vous dites ?

-Bonne journée, mesdames. »

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