Creed II, Steven Caple Jr.

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Après la lecture de Houellebecq, un bon vieux shoot de premier degré absolu peut faire un bien fou, même si le film en question n’est qu’à moitié réussi. L’absence de Ryan Coogler à la réalisation ôte à la suite de l’excellent Creed une bonne part de sa force, malgré quelques clins d’oeil, et le scénario, sorte de fusion entre les Rocky 3 et 4, manque de vraies surprises. La musique, les combats et les scènes d’entraînement sont au niveau attendu, avec ce qu’il faut de licence artistique – c’est-à-dire beaucoup – mais sans casser la baraque, et les questionnements existentiels hors du ring, qui tournent encore autour de la filiation et de la transmission, font poussivement le job – rien de commun avec la poignante maladie de Rocky dans l’opus précédent.

Reste que la nouvelle confrontation entre l’étalon italien et le tueur d’Apollo Creed, Ivan Drago, cette fois par le truchement de leurs successeurs désignés Adonis et Viktor, se regarde sans lassitude. C’est le duo russe qui fascine le plus. En peu de dialogues, ils font admirablement passer la frustration et la souffrance nées de la défaite du père contre Rocky, et la disgrâce qui a suivi loin de Moscou. Dolph Lundgren a la même présence inquiétante et un rien timbrée que dans Expendables, et son fils à l’écran, montagne de muscles qu’on dirait issue d’un jeu vidéo, conserve un regard de môme perdu, conditionné depuis toujours par la rancoeur de son paternel. On aurait aimé une accolade finale avec leurs alter egos.

Le reste du casting est bien campé sur ses appuis. Dans le rôle titre, Michael B. Jordan tombe son masque d’enfant sans père à la colère rentrée et dévoile sa vulnérabilité. Sa compagne à l’écran Tessa Thompson est probablement incapable de décevoir. Le fils de l’entraîneur d’Apollo, interprété par Wood Harris (le Avon Barksdale de The Wire) et la veuve du champion Mary-Jane sont impeccables. J’ai remercié le ciel de revoir Brigitte Nielsen dans la peau de l’ex-madame Drago, même si son visage plâtré rappelle désormais, sous certains angles, celui de son ex-mari Stallone à la ville. Il faut saluer le reste du cast, interprété comme toujours par des personnalités du milieu de la boxe, comme le néo-retraité et futur membre du hall of fame André Ward, l’arbitre Kenny Bayless, et la clique d’annonceurs et commentateurs de HBO Boxing.

Ces derniers ajoutent malgré eux à la nostalgie suscitée par le film : la célèbre chaîne câblée vient d’arrêter la boxe après des décennies de directs prestigieux, et voir se tourner cette page sur un écran de cinéma ne peut guère que toucher les vrais fans. À propos de fin de règne, Sylvester Stallone, lui, émeut encore en héros fatigué. Descendant une fois de plus du valhalla des action heroes pour livrer une dernière salve de blagounettes et de perles de bon sens, il pourrait inspirer la sympathie en lisant le bottin, ce dont s’approchent parfois les dialogues qu’il a co-écrits. La caméra qui s’éloigne de lui, solitaire, assis en bord de ring à la fin du dernier combat de son poulain, laisse augurer un raccrochage de gants définitif.

Au panthéon des Rocky, Creed 2 boxe dans la catégorie de Rocky 2, autre suite honnête d’un grand film de boxe, aux côtes des kitchissimes et outranciers Rocky 3 et 4. C’est-à-dire loin des formidables Rocky, Rocky Balboa et Creed, mais bien au-dessus de Rocky 5, forcément. Le boulot est fait, et bien fait, Sly. Un pas, un coup, un round à la fois. Pour avoir pu grandir avec Rocky, puis lui avoir permis de m’accompagner jusqu’ici, le terme de gratitude n’est pas trop fort.

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