Il faut lire Ce monde disparu, de Dennis Lehane. C’est le dernier volet de la trilogie consacrée à une famille irlandaise du Boston des années 10 à 40, dans le style merveileusement fluide et sans concession de l’auteur de Shutter Island et Mystic River, le champion toutes catégories du polar rythmé et profond.
Un pays à l’aube nous faisait découvrir grâce au personnage de jeune flic-et-fils-de-flic Danny Coughlin et de deux domestiques de sa famille au lourd passé, le noir Luther et l’immigrante Nora, les fractures raciales et idéologiques de la société des nouveaux maîtres du monde, ainsi qu’une lutte des classes qui ne disait pas son nom.
Ils vivent la nuit s’attachait au parcours de son brillant frère cadet Joe, embrassant une fulgurante carrière de gangster floridien après des choix personnels tout aussi guidés par les valeurs et la rencontre amoureuse que ceux de l’idéaliste Danny. Personnage central étonnamment attachant de ce roman d’initiation, Joe luttait pour conserver un semblant d’éthique personnelle tout en nourissant une ambition et des appétits de grand prédateur.
Ce monde disparu clôt donc magistralement le cycle des Coughlin en renouant avec Joe, devenu 10 ans plus tard la puissante éminence grise de l’une des 5 grandes familles de la Mafia, entre Cuba et le coeur historique de Tampa. L’intrigue dense et travaillée fait office de révélateur des angoisses et dilemmes de milieu de vie d’un homme réputé intouchable qui découvre sa vulnérabilité. Le poids de ses réflexions crépusculaires sur la transmission, l’héritage, la fidélité, la culpabilité et la morale, le talent de manoeuvrier dont il sait toujours faire usage, et le dénouement qui ferait passer celui du Parrain pour du Stephen King trop pressé, nous amènent pas loin du chef d’oeuvre.
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