Punchlines du 19 mars 2023

Le site /

  • RAS sur le site cette semaine. Queudchi. Nada. Désolé.
La semaine sur 130livres.com

Il est grand temps de rallumer la littérature (A.F.) /

  • A 102 ans, Ahmad Samii Guilani, le traducteur iranien de Montaigne et Flaubert, est élevé par la France au rang de Commandeur des Palmes Académiques. On dira que celui qui dévora Fénelon, Molière et La Fontaine au temps où il n’existait pas de dictionnaire français-persan aura fait œuvre utile. Sa première œuvre traduite, un conte de Daudet, fut publié dans le magazine de la police de Téhéran : le colonel en charge de la revue avait des lettres… Ahmad Guilani se rappelle l’avant Khomeini, quand les livres français abondaient la capitale iranienne. Sésame pour une vie meilleure, l’anglais y a supplanté notre langue depuis longtemps. Si quiconque a le droit d’être un peu nostalgique, c’est bien ce monsieur-là.
  • La France, ses 1200 sortes de fromages et ses 2000 prix littéraires : on sera ravi d’apprendre que ces derniers jours furent annoncés les sélectionnés du prix Nice Baie des Anges, du prix Maison de la presse, du prix Jésus Paradis et du prix du Meurice ainsi que les lauréats des prix Pierre Giquel de la critique d’art (dont un récompense désormais le travail d’un artiste sur un autre artiste), des Rendez-vous du premier roman, du prix Ouest, du prix Arverne, du prix Cazes, du prix Landernau polar, du prix de la Contre-Allée, des prix Drouot, etc. J’annonce très sérieusement envisager un prix du meilleur prix littéraire 2023.
  • Et puis difficile d’évoquer régulièrement ici les livres qui m’ont marqué gamin sans un mot pour Pierre-Élie Ferrier alias Pef, écrivain et illustrateur fameux pour son personnage culte du Prince de Motordu. J’ai sans doute égaré le premier tome de ses aventures, La belle lisse poire du Prince de Motordu, où notre héros coiffé d’un château qui vit dans un chapeau trouve en la Princesse Dézécolles l’amour de sa vie ainsi que celle qui le guérira – un peu – de sa furieuse tendance à distordre la langue française. Militant communiste de longue date (un détail que ma Maman chiraquienne, aussi fan que moi, ignorait probablement) dont une école de Saint-Ouen porte le nom, Pef s’est battu toute sa vie pour lutter contre l’illettrisme en parallèle de sa carrière d’auteur. En jouant sur les quasi homonymies, Pef a crée un monde poétique et farfelu qui favorisait une approche ludique du langage. Dans le Dictionnaire des mots tordus, chaque entrée loufoque comme il faut est accompagnée du dessin à l’avenant. On apprend ainsi à « Litre » que  » Dans leur cartable, les enfants emportent de nombreux litres. Litre de calcul, plein de vingt, litre d’histoire et géo, litre de lectures… Et avalez-moi tout ça ! ne cessent de leur répéter leur traître et leur traitresse. » L’ivre de français est l’occasion pour Motordu de suppléer sa chère épouse à l’école pour tester auprès de ses élèves des méthodes pédagogiques pour le moins révolutionnaires. Années 80 obligent, ils conjugueront ainsi le verbe fumer : « Je fume, tu fumes, il tousse, nous toussons, vous toussez, ils arrêtent de fumer. » Enfin, Pef quitte l’univers de Motordu mais pas la fantaisie dans le mythique Réponses bêtes à des questions idiotes, ou il parcourt le monde pour « explorbserver la nature » et en retire nombre de réponses fondamentales et passionnantes à autant d’interrogations tout à fait incontournables : comment les poissons lavent-ils leur linge, peut-on renvoyer la pluie dans les nuages, les autruches finiront-elles par s’envoler un jour, etc. La quatrième de couverture stipulait : « Pour ceux qui n’aiment pas lire ». Si l’on m’écoutait, Pef entrerait plus rapidement à l’Académie française que Beigbeder ou Éric Neuhoff.
Vivement la Pléiade !

Le cinéma est mort, la preuve : il respire encore (G.M.) /

  • Oscars 2023. ANGLE MORT, ON T’A DIT. On l’avait dit, on l’avait soutenu : 2023 serait l’année de la réconciliation des oscars avec le cinéma avec un grand C. Même en jouant les résultats au bingo, le high level des nominés rattraperait de facto les nombreuses errances de l’académie ces dernières années. Mais, comme le dit le coach de sapologie du MMA game, il faut travailler les angles morts. En l’occurrence pour les oscars : courir derrière le narratif de son époque pour juguler une perte d’influence massive, à coups de mâles blancs de plus de 50 ans qui distribuent leur titres de reconnaissance pour ne rien céder de leurs privilèges. De fait, la présence d’Everything everywhere, All at once au palmarès n’a rien de déconnant en soi. Mais la razzia de sept statuettes hisse le film des Daniels sur un piédestal qui sera sans doute un peu dur à assumer avec les années, surtout au regard d’une concurrence répartie bredouille ou presque (Fabelmans, Tar rien ??!! Top Gun, un ??!!). Bref, encore des récompenses attribuées au doigt mouillé pointé sur les trends de l’oiseau bleu soumis à la terreur woke ? Mollo cowboy. À défaut d’être le lauréat le plus méritant d’un point de vue purement artistique, EEAO était sûrement le meilleur candidat. Derrière sa façade d’OFNI sorti de nulle part, ce remix de La Vie est Belle à la sauce Multiverselle cochait toutes les cases du champion fédérateur. Un casting « non-blanc » enfin sous les feux de la rampe, une sophistication « elevated genre » approved, une narration qui ramène la génération Z en salles et défie les conventions de leurs (grands)parents…. Et le regard planté dans le rétroviseur de l’ultimate american classic movie de Frank Capra, qui réunit les bipèdes de 7 à 77 ans autour de la cheminée de Noël de janvier à décembre depuis 70 ans. Bref, ça aurait pu être mieux, mais ce n’est pas foncièrement plus mal. Le cinéma américain a trouvé son chaînon manquant entre deux extrêmes que la complaisance du  » eux contre nous » avait terminé de condamner à une guerre de tranchée. Les petites défaites des uns sont aussi les grandes victoires de tout le monde.
  • Mission Impossible 7 s’affiche, et la concurrence saigne du nez. Tom Cruise revendique sa majesté verticale et descend de sa montagne par-delà les nuages sans cheval et en chute libre derrière sa moto. Il parait que même le soleil a chopé une cataracte depuis.
Sky is not the limit anymore
  • Oscars 2023, again. Comme prévu, le blockbuster indien RRR a remporté le cœur du public et l’oscar de la meilleure chanson avec Naatu Naatu, et sa performance scénique qui a secoué jusqu’aux bootys les plus arthrosés de l’assistance. Une bonne nouvelle en cachant une autre, Desi Enternainment, le distributeur français du film, a annoncé la ressortie imminente du film de SS Rajamouli dans les salles hexagonales. On ne saurait que trop encourager le public camembert à découvrir cet échantillon de grand-écran qui dégorge tous les quarts d’heure de cinéma en majuscules sans sacrifier la beauté du geste à la cohérence narrative, et vice versa. L’avenir de l’expérience salles mondiale ne repose plus que sur les épaules de Hollywood. Et c’est mieux comme ça.
  • Du rififi chez Mickey. A l’époque de sa première mandature (2011-2019), on aurait sans doute préféré être sourd que de s’entendre dire que Bob Iger serait celui qui ramènerait un jour un peu de « common sens » chez Disney. Écouter le même CEO qui a encouragé à manufacturer Star Wars et Marvel pour rentabiliser les licences achetées à milliard comptant à leurs créateurs, déclarer aujourd’hui (en substance) « il faut privilégier la qualité sur la quantité », ça peut donner des envies de gifles à la Will Smith.
  • Oui mais voilà : on ne choisit pas ses héros, et encore moins ses alliés. Le Hollywood d’actionnaires du Bob Iger des années 2010 est directement responsable du Hollywood de contenus assis sur la bulle du streaming des 2020’s, surement. Reste qu’il est compliqué de bouder son plaisir en regardant Iger détruire méthodiquement l’héritage de son prédécesseur Bob Chapek, qui avait sauté sur l’occasion du Covid pour fermer les portes du Château aux salles de cinéma et accélérer la digitalisation à tout-crin de l’empire avec Disney +. Qu’on se le dise : à défaut de décroissance, l’époque est définitivement au ralentissement. Dans tout et pour tout. Il suffit de voir les capitaines d’industrie du monde d’avant renifler les tendances du monde d’après pour se faire une idée du sens du vent. Après tout, la scène la plus marquante de l’an passé, c’est Tom Cruise redescendant sur Terre après s’être approché trop près du soleil dans Top Gun : Maverick (oui, ENCORE). Le Bob Iger nouveau, c’est : moins de volume audiovisuel, maitrise des coûts de production, baisse des prix des entrées des parcs attractions. Bref : le « J’ai dépensé sans compter a vécu » de John Hammond a vécu, et c’est tant mieux.  Ne jamais sous-estimer la capacité du vieux mâle blanc de plus de 70 ans à faire la différence entre les envies et les besoins d’une époque à laquelle il n’est pas censé appartenir. On attend les actes maintenant.
  • James Gunn, nouveau « Kevin Feige » de DC Comics (qui est à Marvel ce que les Rolling Stones sont aux Beattles, Biggie à Tupac), va réaliser le prochain Superman. Sans Henry Cavill, sans Zack Snyder et l’entartage numérique du Snyderverse, et sans Dwayne « The Rock » Johnson qui se voyait déjà poser ses 120 kilos de protéines modifiées dans le fauteuil du calife en forçant la porte de derrière avec Black Adam. Tant mieux pour lui, et tant mieux pour nous : dans un cas comme dans l’autre ou dans les deux à la fois, on a surement échappé au pire. Mais, on s’en fout quand même un peu. Les chiffres ne mentent pas, l’ère des super-héros touche à sa fin. Le cinéma a besoin d’autre chose, et les spectateurs de films qui les aident à grandir. Pas de contenus mal (sur)produits conçus pour brosser leurs doléances d’enfants-rois dans le sens du poil et les enchainer à la base de données des GAFA. Bref, de retrouver l’envie de (re)devenir adultes pour sortir de la matrice, comme dirait un autre old white dude de plus de 50 ans qui fait l’actualité littéraire. Oui, ce sont des phrases de jeune vieux con qui s’assume.

Le MMA va bien, merci pour lui (G.M.) /

  • Le MMA a l’avantage de sa jeunesse : il évolue vite et constamment. Il y a encore peu de temps, il ne faisait pas bon d’être un striker d’affiliation (c’est-à-dire un combattant pieds-poings) face à un grappler (c’est-à-dire un lutteur ou au sol) de vocation. Proprement imprenable, notamment à travers l’écrasante domination de l’ancien champion Khabib Nurmagomedov sur la division des -70 kilos de l’UFC, l’école daghestanaise a longtemps cristallisé la supériorité de la préhension sur la percussion dans le pugilat mixte et total. Mais là encore, le cycle touche à sa fin. Le quasi-exploit d’Alexandre Volkanovski contre Islam Makhachev le mois passé, et la masterclass du Britannique Leon Edwards face à l’Américain Kamaru Usman hier lance des appels de phare à un renversement du rapport de force. Dans un O2 Arena blindée à rabord et chauffée à blanc, Edwards a livré à domicile ce qu’il convient d’appeler une leçon de style. Contre un Usman pourtant bien revenu du terrible KO infligé par le premier en mars dernier, et qui lui avait couté la ceinture welter par la même occasion, Rocky a affiché une sérénité absolue face à la lutte pourtant redoutée de son adversaire. Edwards a laissé au challenger le centre de la cage pour mieux diriger les débats en mouvement de gauche à droite et de droite à gauche, a maintenu son avantage d’allonge à coup de leg et body kick à briser un chêne centenaire, et faisait valoir sa spectaculaire défense de takedowns quand Usman réussissait à percer le game-plan. Debout, le jab d’école du dernier et son volume de power-punch ne suffisait pas contre l’esthétisme chirurgical du premier. Une victoire propre et nette qui conclut la trilogie, met un point final au règne du plus grand champion des welters depuis Georges Saint-Pierre, et ajoute un paragraphe au cahier de jeu du pieds-poings pour reprendre le terrain concédé au grappling. Vivement la suite.
  • Rubrique « Antoine passe une tête » : deux remarques pour la bonne bouche. La première est que la domination d’un style en MMA semble être affaire de cycles. Je me rappelle avec émotion la période où les compétitions se déroulaient dans des hangars à bestiaux du Midwest pleins jusqu’à la gueule de rednecks ivres et où domina le jiu-jitsu brésilien (Royce Gracie en tête) jusqu’à ce que les lutteurs tankés comme The Rock apprennent à défendre une clé de bras, avant qu’eux-mêmes dérouillent quand les spécialistes du pied-poing surent se défaire des tentatives d’amenés au sol ou de ground and pound approximatif – revoyez Mark Coleman contre Maurice Smith ou Pete Williams. À lire Guillaume en cette année de 30e anniversaire de l’UFC, le MMA est un perpétuel recommencement. Seconde observation : j’ai moi-même regardé Edwards vs Usman III et peux témoigner que ce combat atteste de la maturité du combat libre. Pas de sang, peu de pics de tension, un duel très tactique disputé sur un rythme intense que le béotien eût pu trouver poussif et remporté par un champion en pleine maîtrise. Que Dana White fasse gaffe : à force de mûrir, son show ressemble parfois à l’anti-modèle qu’est la boxe anglaise… Les rednecks d’antan auraient sifflé.
La revanche des strikers

Ce qui reste de la boxe anglaise (A.F.) /

  • Ainsi va la boxe : à une semaine riche d’annonces alléchantes succéda une nouvelle où rien ne fonctionna comme les fans l’auraient souhaité, sauf à verser dans un humour à la fois absurde et désabusé. Commençons par l’unification des titres mondiaux des poids lourds détenus par Olexandr Usyk et Tyson Fury annoncée pour le 29 avril. Il s’avère que l’accord verbal sur un partage de la bourse très favorable à l’Anglais (70%-30%) n’était pas une fin en soi : le Gypsy King a ensuite insisté pour que la clause de revanche disparaisse du contrat. Le camp Usyk a accepté, non sans rappeler que Fury en avait été le premier demandeur… Selon Egis Klimas, le manager de l’Ukrainien, la date butoir fixée pour la signature est fixée à aujourd’hui et Tyson Fury se fait toujours prier sans l’ombre d’une raison valable. On est peut-être sur le point d’assister au pire déballonnage de l’histoire d’un sport qui en est richement pourvu. Les boxeurs écrivent leur légende comme ils le peuvent.
  • Gennady Golovkin a donc abandonné les ceintures mondiales IBF et WBA Super des moyens unifiées en avril dernier après son succès contre Ryota Murata. Le Kazakh n’était intéressé par aucun de ses deux challengers officiels Erislandy Lara et Esquiva Falcao. Dans le même temps la WBC l’a propulsé n°1 de son classement des 160 livres, de quoi en faire le prochain adversaire légitime de Jermall Charlo. D’un côté, Golovkin aura 41 ans dans moins d’un mois. De l’autre, Charlo n’a pas boxé depuis juin 2021. Il fut un temps où l’affiche aurait pu être excitante sur le papier, heureusement qu’on a attendu 2023.
  • Suite des (pas si) grandes manœuvres de la planète boxe : apparemment ruiné et inactif depuis février 2021, le pire quadruple champion de monde de l’Histoire Adrien Broner annonce sa signature avec le sémillant promoteur nonagénaire Don King et les réseaux sociaux bruissent déjà d’une folle rumeur, celle d’un superfight absolu en mai prochain contre… Victor Ortiz. On rappellera que depuis 2018 ce dernier s’est incliné face au fantôme de Robert Guerrero puis a défait le redoutable Todd Manuel, lui infligeant sa 20e défaite en carrière (pour autant de victoires). Ce combat-là aurait suscité un semblant d’intérêt au temps où les Britanniques votèrent pour quitter l’UE.
Les années passent, l’élégance reste.
  • Mais foin des spéculations, il y avait de sacrées affiches programmées ce week-end, à commencer par Gilberto Ramirez vs Gabriel Rosado. Les mauvais esprits objectaient que voir le valeureux Rosado se faire dérouiller une fois de plus pourrait devenir un poil lassant (on parlait d’une première sortie chez les mi-lourds à 37 ans après 3 défaites de rang). Modèle de professionnalisme, « Zurdo » Ramirez leur a coupé la chique en se présentant à la pesée lesté d’un léger surpoids – à peine 7 livres et demi –, provoquant de fait l’annulation du tabassage annoncé. On cherchera sans succès quoi que ce soit à sauver dans ce sketch en tout point navrant.
  • À propos de « sketch navrant », comment ne pas évoquer le duel au sommet organisé hier à Dubaï entre « Big Baby » et « Big Daddy », les poids lourds plusieurs fois convaincus de dopage Jarell Miller et Lucas Browne, accusant respectivement 333 livres et 43 ans. Les âmes sensibles seront soulagées d’apprendre qu’aucun infarctus ne fut à déplorer à l’issue de 6 rounds d’une bagarre de saloon. Si « Big Baby » Miller s’est imposé sur arrêt de l’arbitre, le seul résultat authentiquement satisfaisant eût été un double KO retentissant.
  • Ah, si, on eut droit à un peu de boxe à Long Island, où le Philippin Mercito Gesta, ancien challenger de Jorge Linares, défit par décision l’ex-champion WBC par intérim des légers Jojo Diaz. Issu des plumes, ce dernier a manifestement un châssis trop étroit à 140 livres, mais il livra une performance honorable dans son style caractéristique de pressure fighter. Vu la teneur de cette semaine, vous imaginez bien qu’il y a un hic : en l’occurrence, il s’agit des pointages des trois juges, partagés entre 97-93 pour Diaz et 99-91 / 98-92 en faveur de Gesta. Imaginez-vous maintenant tenter de convaincre un néophyte qu’il pourra piger quoi que ce soit au plus beau des sports après pareil spectacle. Et soupirez profondément.

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