Golovkin vs Alvarez II : à qui le steak ?

Après un cru 2017 exceptionnel, on pouvait craindre une année pugilistique 2018 un peu pâlotte. Il n’en est rien : vu de début septembre, les candidats au titre de combat de l’année se bousculent déjà. Parmi les grandes confrontations dont tout amateur appréciera le visionnage figurent ainsi Sor Rungvisai – Estrada, Takam – Chisora, Jack – Stevenson, Saucedo – Zappavigna, Lara – Hurd, Gassiev – Dorticos ou Usyk – Breidis. Le week-end prochain, l’alléchant Garcia – Porter en welters marquera le retour aux choses sérieuses, tandis que la fin de l’année pourrait nous proposer deux véritables demi-finales en vue de l’unification des titres mondiaux et linéal des poids lourds, Joshua – Povetkin et Wilder – Fury.

Bref : la boxe anglaise va bien, merci, sans même avoir encore évoqué LE superfight qu’attendent les connaisseurs. Je veux bien sûr parler de la revanche entre les deux meilleurs poids moyens de la planète Gennady « GGG » Golovkin et Saul « Canelo » Alvarez, programmé le 15 septembre prochain à Las Vegas. Soldé par un match nul voici un an, le premier combat avait fait jaser, la faute au pointage éminemment suspect de la juge Adelaide Byrd (un délirant 118-110 en faveur de Canelo). Mais il convient surtout de se rappeler l’excellent niveau des débats, 12 rounds serrés, tactiques et intenses entre deux superbes champions, aussi respecteux en dehors du ring que résolus entre les cordes.

Je m’étais fendu à l’époque d’un débrief complet de cette première rencontre, disant en substance que la décision, si elle avait chagriné pas mal de fans de Golovkin, était assez juste une fois analysé le contenu des 12 rounds. Revoir ce combat permet de constater qu’Alvarez est loin d’avoir subi l’essentiel des échanges, contrairement aux dires des fans de GGG, et que Golovkin est loin d’avoir été mis dans le vent, comme le prétendent les inconditionnels de Canelo. Difficile de faire plus indécis et passionnant que la revanche d’un match nul mérité. Pour s’essayer au jeu du pronostic, sachant que les bookmakers donnent pour l’heure un léger avantage à GGG, essayons d’analyser ce qui aura changé de part et d’autre par rapport au 16 septembre 2016.

1/ No more nice guys

L’ambiance entre les camps Golovkin et Alvarez n’a plus rien à voir avec les manières de gentlemen qui précédèrent le premier combat. Comme c’est l’usage, chacun revendiqua la victoire à son issue. Moins habituel fut en revanche le report de la seconde confrontation, initialement prévue en mai, la faute au désormais célèbre « Clenelogate » : un contrôle positif du champion mexicain au clenbuterol, connu pour ses effets anabolisants. L’excuse prévisible invoquée par Canelo fut une contamination involontaire due à la fréquente présence de la substance dans la viande de boeuf consommée au Mexique. Ne riez pas : d’autres l’utilisèrent avant lui. Le fin mot de l’histoire restera sans doute à jamais inconnu, mais l’effet concret du chaos qui s’ensuivit fut l’annulation de la première date choisie. De quoi provoquer un légitime courroux côté GGG, et des négociations âpres et émaillées d’échanges fleuris entre les protagonistes pour la suite. Si l’on en croit les déclarations incendiaires des deux hommes, c’est une affaire d’honneur : ils chercheront tous les deux le KO, jetant par dessus bord toute précaution inutile.

Faut-il pour autant s’attendre à une slugfest à l’ancienne, dépourvue de défense et de réflexion ? Ce serait mal connaître deux boxeurs aussi expériementés que Canelo et GGG. Comme d’habitude, le trash talking aura pour principale vertu de faire vendre le combat. Quant à savoir si l’un ou l’autre s’ouvriront plus aux redoutables contres adverses, il est permis d’en douter. Les provocations se poursuivront sur le ring et le combat sera intense, mais il sera tout aussi tactique que le premier.

2/ Shaking off the ring rust

Comment estimer les effets des 12 derniers derniers mois sur les deux hommes ? A 28 ans, Alvarez entre à peine dans son apogée, tandis que GGG en compte 8 de plus et peut craindre une certaine érosion de ses facultés. Dans l’absolu, le temps aura travaillé pour Canelo. C’est un jugement qu’il faut nuancer en regardant la façon dont chacun s’est occupé depuis. De son côté, Golovkin a tenu à combattre en mai malgré la défection de son adversaire, en choisissant pour remplaçant un Vanes Martirosyan inactif depuis 2 ans et inoffensif à souhait. Qu’apprit-on vraiment de ces 4 minutes et 53 secondes ? GGG a certes encaissé des coups puissants dans le premier round. Avant d’y voir un signe de déclin, il faut se remémorer le début de son combat contre Kell Brook : le kazakh ne rechigne pas à parer avec son crâne les coups d’un adversaire dont il ne respecte pas la puissance. Contre un animal comme Canelo, il sera plus prudent. Difficile de trouver des signes objectifs d’inquiétude dans ce stay busy fight. Reste qu’à l’âge de GGG, « Father time » peut frapper à tout moment.

Canelo, lui, est resté inactif pendant toute une année, et a subi une polémique forcément déstabilisante. Mais il y a peu de chances qu’un boxeur aussi professionnel se présente diminué le 16 septembre prochain. Il avait dominé l’entame du premier combat, engrangeant ainsi des points précieux. Peut-être aura-t-il du mal à reproduire une telle mise en action, face à un GGG conscient que sa propre lenteur au démarrage lui a coûté la première décision. Sauf vieillissement accéléré de Golovkin, attendons-nous donc à un début de combat plus serré.

3/ The Darwin theory

Comme l’a démontré Ward-Kovalev II, la revanche d’un combat serré est souvent remportée par le boxeur qui sait s’adapter à ce qu’il a appris de son adversaire. Ne rien changer à sa tactique conduit facilement à la catastrophe. Ce que GGG ajuste d’un combat à l’autre est essentiellement son agressivité. Il a déclaré qu’il n’avait rien à changer dans son approche d’Alvarez ; à son âge avancé, il y a peu de chances qu’il révolutionne sa recette éprouvée à base de jab, cross du droit et gauche au corps. Lors du premier combat, si le jab lui avait permis de marquer régulièrement, il avait beaucoup manqué en enchaînant la droite, trop lisible par Canelo. Contre un adversaire à la tête aussi mobile, une option consisterait à densifier le travail au corps. Il pourra aussi toujours compter sur une endurance et une activité supérieurs à ceux du mexicain, sachant que par ailleurs on l’imagine mal proposer quoi que ce soit de très neuf.

Les détracteurs de Canelo Alvarez insistent sur le fait qu’il semble moins bodybuildé qu’il y a un an, signe de l’abandon de substances illicites. Mais la ficelle est un peu grosse : Alvarez est tout sauf un imbécile, et sait surtout pertinemment qu’un cardio perfectible – certes combiné à la montée en régime de Golovkin – l’avait contraint à lever le pied pendant toute la portion médiane du premier combat. Gageons qu’il connaîtra moins de temps faibles cette fois-ci, et sera plus efficace encore en esquive du jab de GGG, en contre du gauche derrière la droite adverse, voire en uppercut droit contre le travail au corps, deux armes qui avaient très bien fonctionné face à Golovkin. Canelo aura aussi sûrement noté que parmi les coups puissants qu’il infligea à GGG, un violent crochet au foie fut le seul a éprouver Golovkin au 9e round. On peut faire confiance à Canelo : offensivement, défensivement et dans sa gestion de l’effort, il progresse à chaque sortie. Le premier combat contre GGG était son premier à la véritable limite de la catégorie, et il y a emmagasiné une expérience précieuse : sur 12 rounds, il sera meilleur qu’il y a un an.

Le prono : une pièce sur le rouquin

En inconditionnel de l’attitude de Golovkin sur et en dehors du ring, et en contempteur des excuses foireuses ordinaires des contrôlés positifs, je supporterai clairement GGG dans la nuit du 15 au 16 septembre. Mais, pour les raisons qui précèdent, sans compter la trouble mansuétude d’au moins un juge sur trois pour Canelo à chaque fois qu’il combat, j’imagine un affrontement de toute beauté au cours duquel Canelo se détachera progressivement, encaissant quantité de jabs, mais sortant vainqueur de la plupart des échanges via des contres et des enchaînements tranchants. Chacun ayant montré qu’ils pouvait encaisser les meilleurs coups de l’autre, un succès avant la limite semble peu probable. Dès lors, on peut s’attendre à une une décison en faveur de Canelo par 115-113 ou 116-112 (hors biais arbitral) ; le chèque du superfight, aux conditions revues à la hausse suite au Clenelogate, aura bien de quoi consoler GGG.

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