Cartel, Don Winslow

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Quand il est réussi, le copieux page-turner est un plaisir élémentaire et franc qui peut même se passer d’un transat ou d’une plage. Lorsqu’il pose un regard sur le monde, qu’il émeut et qu’il apprend, il faut reconnaître le grand romancier avançant masqué derrière le Paul-Loup Sulitzer. C’est en cela que Don Winslow se distingue de l’écriveur si cher aux papas des années 80, alors que lui aussi a écrit un « Cartel ».

Du même auteur, La griffe du chien racontait avec une précision journalistique comment le Mexique passa d’un statut de nième pays du Tiers-monde producteur de stupéfiants à celui d’un incontournable hub mondialisé, monnayant l’accès à sa frontière américaine infiniment plus cher que sa propre came.

Cartel suit les survivants de ce premier opus du mitan des années 2000 à nos jours, alors que la « guerre contre la drogue » – déclarée aux trafiquants par les États-Unis et des gouvernements mexicains successifs d’une incroyable duplicité – terrorise et exploite les dizaines de millions d’habitants du nord du pays.

La lutte à mort entre un moine soldat de la Drug Enforcement Administration et un parrain aux manières de directeur des finances s’inscrit dans un contexte de violence nihiliste d’autant plus sidérante qu’elle n’est pas romancée, et Don Winslow n’oublie pas de donner une voix aux journalistes, médecins, activistes et gamins des rues instrumentalisés à leur corps défendant dans ce qui s’avère être une véritable « guerre contre les pauvres ».

Les assassinats en chaîne deviennent de moins en moins supportables, et les vengeances toujours plus vaines, sans guère qu’une solution viable puisse s’envisager tant qu’un pays voisin de 300 millions d’âmes restera disposé à sniffer, fumer ou s’injecter chaque année l’équivalent du PIB serbe.

Cartel n’a pas la singularité déjantée d’une oeuvre de James Ellroy, auquel on compare parfois Winslow pour la sécheresse et la brutalité de son style, et qui a lui-même qualifié Cartel de « Guerre et paix du roman sur la drogue ». On peut certes faire mieux écrit, mais surtout bien moins prenant, que ce livre-là.

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