Le « combat de trop » est à la boxe ce que le « poker menteur » et la « grande bagarre » sont aux étapes de montagne Tour de France, ou ce que la « formidable camaraderie entre les concurrents » est aux épreuves combinées de l’athlétisme. Un poncif usé comme la « lutte contre la pensée unique » en politique, et qu’on a envie de violemment faire rentrer dans le gosier des commentateurs sportifs à encéphalogramme plat qui le dégainent aussi sûrement que le premier tiers prévisionnel tombe en mars.
Reste que dans les faits, le combat de trop est une réalité pour l’écrasante majorité des grands boxeurs. Pour un Rocky Marciano, satisfait de sa fortune et qui voulait préserver sa santé et son palmarès vierge de défaites après pas mal de dégâts subis en 7 championnats du monde victorieux, combien de profondes blessures d’orgueil chez des hommes qui, par essence, en sont tout sauf dépourvus ? Car le combat de trop n’est pas nécessairement la défaite qui clôt une glorieuse ligne de statistiques. Il est avant tout la prise de conscience brutale par le champion de la réalité de son déclin.
Ce peut être une victoire que le champion jugera trop étriquée pour lui. C’est Monzon qui bat Valdes, mais subit l’indicible outrage d’un rarissime voyage au tapis en carrière et d’un visage rapiécé en fin de combat. Il peut être une défaite controversée, comme Hagler battu par un Leonard dont la boxe ce soir-là était tout ce qu’il détestait, mais à laquelle il n’avait plus vraiment la réponse. Il peut être une punition encaissée avec bravoure, comme Leonard survécut à la droite de Terry Norris, ou avec une inconscience frôlant la déraison, tel un Ali dont les hommes de coin durent stopper le martyre face à Larry Holmes. Il peut être une exécution sommaire, comme les douloureuses 91 secondes que Michael Spinks passa en compagnie de Mike Tyson, voire une mutilation, comme peuvent en témoigner Michael Watson et Gerald McClellan, restés invalides après de fabuleux derniers combats.
Au combat de trop peuvent succéder une ou plusieurs tristes répliques avant la retraite. C’est le poignant come-back d’un Joe Louis sur la paille face à un Marciano qui pleura d’avoir malmené à ce point son idole, alors que le mojo de Louis était parti depuis longtemps déjà. C’est un Sugar Ray Robinson qui subit 16 de ses 19 défaites après son premier come-back à l’âge de 34 ans, et 5 sur ses 15 derniers combats, parce que sa tentative de carrière de chanteur et de danseur de claquettes avait tourné court.
Le combat de trop de Roberto Duran a ceci de remarquable qu’une une période de plus de 20 ans le sépare de sa retraite. C’est à dire plus longtemps qu’une carrière de boxeur déjà bien remplie. On mesure le caractère extraordinaire de Roberto Duran à ce simple chiffre.
Quel est-il, ce combat de trop ? Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler : c’est la revanche du Brawl in Montreal disputée en novembre 1980. Avant, Duran a vécu 12 ans d’une ascension irrésistible puis d’une implacable domination de la catégorie des poids légers, dont il est probablement le plus grand champion de l’histoire. L’apogée de sa carrière est donc le fameux Brawl in Montreal face à l’invaincu Sugar Ray Leonard, où il ravit à 29 ans le titre des welters à la star montante de la boxe US, galvanisé par la rage d’avoir reçu 20% de sa bourse de son rival pour le combat. Après la revanche, la suite sera un long crépuscule, entrecoupé de purs moments de gloire aussi rares que précieux, et seul un accident de voiture en 2001 l’éloignera définitivement des rings à l’âge insensé de 50 ans. 72 victoires pour une défaite avant son deuxième combat contre Leonard, 31 victoires et 15 défaites à partir de cette revanche. Roberto Duran a vécu 2 carrières distinctes, et c’est bien ce qui rend le personnage fascinant.
On ne comprend pas Roberto Duran quand on n’intègre pas le mélange délirant d’orgueil et de fierté qui a pu pousser le même homme à déposer les armes au milieu d’un combat qu’il avait entamé nimbé de l’aura de meilleur boxeur du monde, certes dominé, mais pas à bout de forces, puis à poursuivre jusqu’à l’absurde une carrière où il accepta d’être souvent pathétique pour ajouter à sa légende quelques fragments de plus. Pourquoi Duran a-t-il abandonné contre Leonard ? Beaucoup de choses ont été dites et écrites à ce sujet. Il a fêté comme il se devait son titre des welters. En tout cas beaucoup plus que ne peut se le permettre un boxeur de haut niveau, ce sur quoi a d’ailleurs tablé le camp Leonard en demandant une revanche dans les 6 mois. Après avoir eu toutes les peines du monde à faire le poids, il s’est goinfré pendant les 24 heures qui le séparaient de la revanche. Résultat, on a évoqué après coup des crampes d’estomac pour expliquer son abandon. L’autre explication plausible est la rage et frustration que lui inspirèrent le traitement inspiré par un Leonard revanchard, bien décidé à lui faire payer le premier combat. Un Leonard chambreur, affûté comme jamais, franchement moqueur dès qu’il comprit au 7e round que la revanche était gagnée parce que Duran n’avait sans doute plus les armes pour le contrer.
Nous sommes au 8e round et Leonard mène de 2 points. Pas un gouffre, mais Duran n’y est plus. Son déplacement est faible, il n’arrive plus à couper la route de l’américain et ne peut que lui courir après, ses attaques sont téléphonées, il est contré avec une précision diabolique dès qu’il tente une série à mi-distance et il ne peut empêcher Leonard de s’accrocher ou de le repousser dès qu’il s’approche. La légende retiendra qu’il dit « No mas » à un arbitre médusé, mais la réalité est sûrement plus proche de « je ne veux plus me battre avec ce clown ». La vérité, c’est qu’il sait que les 7 rounds à venir seront la copie conforme du 8e, qu’il va vers l’infamie d’un cinglant 13 à 2, voire d’un KO. La vérité, c’est qu’il sait sans doute qu’il ne dominera plus jamais un boxeur comme ce Leonard-là, et que le rang de n°1 de son sport ne peut que lui échapper. Leonard est plus jeune, plus rapide, plus fort, il a appris de son échec de juin et il est naturellement plus à l’aise en welters que Duran, qui n’arrivera jamais plus à faire la limite des légers ou des super légers pour reprendre une série victorieuse en terrain familier. L’étonnement des commentateurs est à la mesure du caractère improbable de l’événement. Ici, le dénouement :
Evidemment, pour qu’il y ait combat de trop, il faut qu’une grande carrière le précède. Et quelle carrière : Roberto Duran a probablement dominé les poids légers (135 livres) plus pesamment encore que Benny Leonard, Henry Armstrong et Joe Gans avant lui, et Alexis Arguello après lui. Il est né au Panama en 1951 et passe pro en 1968. Celui que l’on surnomme « Manos de piedra » (mains de pierre) ou « el cholo » (l’indien) remporte alors ses 28 premiers combats professionnels en légers, ne laissant que 4 adversaires en voir la limite. Parmi ses premières victimes, Ernesto Marcel, futur vainqueur d’Alexis Arguello pour le titre des plumes en 74, et Kobayashi, ancien champion des super plumes.
Son style est à mi-chemin entre le bagarreur (qui bombarde à mi-distance) et le gratteur (celui qui accule sa proie contre les cordes en lui coupant la route, puis travaille de près). Sa frappe de droitier est lourde, sans être celle d’un pur puncheur. Il score des KOs des deux mains, mais rarement en début de combat. Il est très dur à atteindre proprement, gardant la main droite haute et bougeant très bien la tête, qu’il garde basse. De taille moyenne pour un léger (1m70), il sait utiliser le jab pour s’approcher de la cible et initier une série. De près, il frappe avec une très grande variété d’angles des crochets et des uppercuts au corps et à la face. Duran a la force physique nécessaire au maintien de son adversaire dans un petit périmètre. Il s’appuie souvent de la tête contre l’épaule du vis-à-vis pour souffler tout en le fatiguant et en déclenchant des uppercuts. Son menton lui permet en dernier recours d’absorber tout ce qu’un léger peut offrir, et sa rage et son endurance lui autorisent à imposer un pressing constant. Dernier point, comme beaucoup de grands gratteurs, Duran connaît bien les moyens légaux de gagner… et les autres. Son premier combat au Madison Square Garden en 1972 pour le titre WBA des légers est édifiant sur le sujet.
Le tenant du titre est l’expérimenté anglais Ken Buchanan, un grand technicien pas réputé comme frappeur, mais stylistiquement irréprochable, et d’un goût très sûr dans le choix de ses shorts écossais. Le combat est passionnant. Duran le harcèle en permanence, réduit la distance et se régale au corps-à-corps. Buchanan résiste assez admirablement, reste mobile du buste, encaisse et tient le coup dans l’épreuve de force. Duran mène à l’issue du 13e round et l’on s’achemine vers une décision serrée en sa faveur. La cloche retentit, les deux hommes continuent à cogner, et au moment où l’arbitre les sépare Duran place un méchant coup bas. Buchanan abandonne quelques instants plus tard. Le panaméen aurait pu risquer un avertissement, voire une disqualification pour ce genre de coups.
Voilà un best-of :
Et le 13e round, ainsi que le dénouement :
C’est impressionnant et ça sent le souffre, voilà ce que le monde de la boxe se dit à l’époque et ce qu’il ne cessera jamais ne répéter pendant les meilleures années de Roberto Duran, qui n’accordera d’ailleurs pas de revanche à l’infortuné Buchanan. Lequel déclara des années plus tard qu’il souffrirait des séquelles du combat jusqu’à la fin de ses jours : « J’ai dit à Roberto : ‘Je ne t’oublierai jamais. Chaque fois que je pisserai, je penserai à toi’ ».
En préparation de sa première défense, Duran boxe le redoutable Esteban de Jesus, un droitier portoricain mêlant style et explosivité, devant un public newyokais chauffé à blanc. Surprise : Duran est envoyé au tapis au 1er round sur un crochet vachard et un cross puissant, et butera tout le reste du combat sur un adversaire qui feinte, qui tourne et à qui il n’arrivera pas à imposer le combat de près. C’est une défaite aux points, la seule de sa « première » carrière. C’est aussi une défaite prémonitoire, montrant que Duran pouvait être battu par un adversaire technique et suffisamment affûté. La faute à une boxe à l’instinct, mais aussi une carrière amateur très brève, et un passage en pros à 16 ans sans avoir emmagasiné tout le savoir-faire théorique du métier.
Le knock-down et la suite (la coupure pub de l’époque est mythique) :
Cette défaite n’empêche pas Duran de gagner par KO à la 5eme reprise sa première défense contre un certain Jimmy Roberston, chez lui à Panama. Le malheureux vient s’empaler sur une méchante droite et va à terre, puis Duran finit le travail de la même main (insérer ici une blague de mauvais goût).
2e défense contre le solide australien Hector Thompson, toujours à Panama. Thompson présente une garde hermétique, une certaine résistance, une technique propre et un jab redoutable. Duran est touché (observez-le aller dans le mauvais coin après le 6e round), il est forcé à travailler en tournant à mi-distance, à user son homme progressivement, mais finit par trouver l’ouverture à la fin du 8e : Thompson accepte la bagarre, il atteint même Duran nettement mais celui-ci le surprend d’une série fulgurante cross du droit / crochet gauche / court crochet gauche doublé et crochet droit d’école. Terrible, et limpide. L’arrêt vient peu après la reprise.
Le challenger suivant est un autre client, qui finira par emporter la ceinture WBC des légers et battre la vieille connaissance de Duran Ken Buchanan. C’est le japonais « Guts » Ishimatsu. Un combattant assez rugueux et dont la garde hermétique montrera à quel point, comme contre Thompson, Duran était doué pour varier les angles et trouver finalement le défaut d’une cuirasse.
Le début du combat :
La fin du combat : la machine est lancée, et Ishimatsu succombe au 10e round. Il se remet d’un premier knockdown sur un enchaînement droite/gauche/droite au 9e, Duran le renvoie à terre sur une nouvelle combinaison, il est finalement sauvé par le gong. Au début du 10e, Ishimatsu touche 1 ou 2 fois à mi-distance mais le crochet du gauche de Duran le trouve assez vite. Nouveau knock-down, dont se relève le japonais, contraint désormais à se protéger… jusqu’à retourner au tapis, se relever encore, et succomber sur une dernière droite, apparemment au corps.
Le championnat suivant est important pour Duran, puisque c’est la revanche contre son seul vainqueur, Esteban de Jesus, cette fois-ci titre en jeu.
Voici un résumé du combat. On voit le fameux chroniqueur Howard Cosell – grand ami d’Ali et interprété par John Voight dans le très bon biopic de Michael Mann – dans le vestiaire de Duran pour le commentaire d’avant match. De Jesus a gardé sa vivacité, son déplacement et sa frappe sèche. Dès le 1er round, il choisit parfaitement ses coups face à un Duran plus circonspect que d’habitude. L’histoire se répète : le panaméen va au tapis sur une combinaison de près crochet droit/crochet gauche. Mais cette fois-ci, la machine se relance rapidement, forte des progrès techniques instillés par l’entraîneur Ray Arcel. Jusqu’au 6e, Duran presse De Jesus et le travaille au corps. Au 7e, Duran accélère encore et De Jesus tombe une première fois (non, je ne parlerai pas de chemin de croix), puis survit tant bien que mal jusqu’au gong. Il tiendra jusqu’au 11e, puni à mi-distance et en reculant par un enchaînement bouclé sur un crochet gauche suivi d’une bonne droite.
Après une défense anecdotique d’1’40″ contre un pauvre japonais qui trouve le temps de visiter 3 fois le tapis, Duran est mis en difficulté par l’américain Ray Lampkin, battu deux fois par Esteban De Jesus à l’issue de combats âprement disputés. Loin d’être intimidé par le public furieux de Panama City, Lampkin se déplace bien, marque son territoire dès le 2eme round, il travaille avec son jab et s’accroche quand il le faut. Il prend même l’initiative de certains échanges et son cross fait visiblement mal. Duran s’en sort sur un KO brutal à la 13e reprise alors qu’il est mené aux points. Sur un terrible crochet du gauche qui laissera Lampkin inconscient pendant plus d’une heure. Un bien lourd tribut à payer pour le douteux privilège d’avoir été le premier homme à tenir plus de 12 rounds contre Manos de piedra. Lequel déclare, avec la morgue qui le caractérise : « Je n’étais pas au meilleur de ma forme. Aujourd’hui, je l’ai envoyé à l’hôpital. La prochaine fois, ce sera la morgue ». Classieux.
Sans titre en jeu, Duran bat par décision l’excellent portoricain Edwin Viruet en 75, puis défend sont titre contre Leoncio Ortiz. Un barbu couillu qui fera bonne figure, rendra les coups autant que faire se peut, mais ne tiendra pas la distance … de peu. Joli KO au 15e. Duran ne lâche jamais sa proie, même assuré de la victoire. Grosse droite. Le combat est arrêté à 14 secondes de la fin.
Duran ensuite bat un futur champion des super légers sans titre en jeu, Saoul Mamby, et affronte l’invaincu italien Lou Bizzaro pour le titre en mai 76. Bizzarro est un très beau boxeur mobile, dont on voit bien à quel point il posa des problèmes de distance à Duran pendant 10 rounds. Il score même un knockdown au 7e dont l’arbitre estime qu’il s’agit d’une glissade… KD ou pas, la bête est d’autant plus énervée. Au 10e, Bizzarro danse toujours autour de Duran, mais finit par se faire cueillir d’une belle série à la face. Sur le knockdown, il reste au sol au maximum du temps imparti, puis tente de s’accrocher autant qu’il peut… Ca ne suffira pas. Duran le désosse implacablement, Bizzarro retombe, mais il est sauvé par le gong. « Sauvé » est un bien grand mot car il profite d’autant mieux de la colère de Manos de piedra sur les derniers rounds. Il a certes récupéré ses jambes, mais ne peut éviter un compte debout dans la 14e, avant que Duran ne finisse le travail dans le même round.
On tire le voile de la charité sur un nouveau challenger battu au 1er round en novembre 76, pour s’intéresser à Duran-Fernandez, nouvelle défense victorieuse achevée au 13e sur un douloureux KO au foie précédé d’une feinte de droite. Aïe. Encore un type qui bouge bien … mais n’arrive pas à courir pendant 15 rounds.
Prochain sur la liste : Edwin Viruet, déjà battu aux points en 75 par Duran mais qui cette-fois-ci le challenge pour le titre. Viruet ressemble beaucoup à Ken Buchanan. Un adversaire longiligne, bon technicien doté d’un excellent jeu de jambes, qui saura cadrer Duran avec son jab et le toucher plusieurs fois sans faire de vrais dégâts. En tout cas, il n’a pas peur et donne une bonne réplique au champion. C’est malgré tout plus dur pour lui lorsque la distance se réduit. Duran ne s’impose que par (large) décision, une première pour lui en championnat du monde, sans avoir mis une fois son adversaire au tapis. Edwin Viruet sera le seul de ses challengers en légers à tenir la distance.
Pendant ce temps-là, Esteban de Jesus a gagné la ceinture WBC des légers aux dépens de Guts Ishimatsu. L’occasion est inespérée d’organiser une unification du titre – pour la première fois depuis 1971 – qui soit aussi une belle entre les 2 meilleurs poids légers de l’époque. Le combat est organisé en janvier 1978 à Las Vegas. C’est une fois de plus du grand Duran, dans un affrontement tactiquement surprenant. De Jesus accepte la bagarre et prend souvent l’initiative des échanges, tandis que Duran accepte le combat à mi-distance et n’abuse pas du corps-à-corps. C’est aussi un excellent combat, où Manos de piedra montre bien qu’il est un grand technicien, très à l’aise dans les déplacements, en plus d’être un combattant brutalement efficace de près. Et il a toujours cette remarquable capacité à garder son énergie après la première demi-heure de combat, ce qui est l’une des autres clés de sa domination. Le 12e round reste serré, mais Duran attend son heure et trouve l’ouverture sur un jab suivi d’un uppercut du droit parfait. De Jesus ne survit pas longtemps après le knockdown, et Duran peut mettre le point final à la trilogie sur un définitif : « Je ne peux pas effacer ma défaite. Mais ce soir, j’ai effacé De Jesus ».
Les rounds 10 à 12 :
Les deux hommes se reverront une dernière fois 11 ans plus tard, dans des circonstances autrement plus humaines et émouvantes, lorsque Duran se rendra au chevet d’un De Jesus en phase terminale du SIDA, et gracié par le gouverneur de Puerto Rico après plusieurs années de prison pour meurtre. Le panaméen embrassera et étreindra longuement son ancien ennemi juré, avant d’enjoindre sa fille à faire de même, à la grande surprise des observateurs d’une époque où la maladie était autrement plus crainte et méconnue qu’aujourd’hui. Ce geste lui vaudra la reconnaissance et l’affection des portoricains, aussi fous de boxe que détestant traditionnellement les adversaires de leurs champions.
Revenons à 1978 : c’est maintenant officiel, Roberto Duran a battu tous les challengers valables en 7 ans de domination sans partage sur la catégorie des légers. Seul champion unifié de son temps avec un Muhammad Ali sur le déclin et le poids moyen colombien Rodrigo Valdes, il a de plus en plus de mal à faire le poids. Les spécialistes lui reconnaissent le titre officieux de meilleur boxeur en activité (l’argentin Carlos Monzon a pris sa retraite en 1977), tandis que les foules US regardent toujours vers Ali et son incroyable épopée dans la dense catégorie des lourds de l’époque, et vers un Sugar Ray Leonard auquel un brillant avenir est promis après sa médaille d’or aux JO de Montreal 2 ans plus tôt. Le prochain challenge de Duran ne peut être que plus haut, en super-légers, catégorie bâtarde certes dénuée de grands noms, ou directement en welters, 12 livres de plus qu’en légers, une autre des 8 catégories historiques de la boxe anglaise. Pendant l’ascension inévitable de Leonard, Duran combat 8 fois entre 78 et 80 à la limite des welters, voire au-dessus, et gagne facilement contre des adversaires dont certains ne sont pas des faire-valoirs, tels l’ancien champion welter Carlos Palomino, et l’ancien challenger en super-légers Monroe Brooks). Il sera compétitif pour une chance mondiale.