Punchlines du 2 mars 2025

Le site (Antoine) /

  • 20 minutes de lecture d’après WordPress : vous avez sous les yeux la plus longue édition des Punchlines de l’Histoire, après quoi leur reprocher une périodicité irrégulière ne serait franchement pas du jeu.
Les Punchlines de 130livres.com, bientôt en format papier.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /

Sans vouloir me vanter, j’ai toute la collec’.
  • Rares sont devenues les librairies qui vous permettent de repartir avec une dédicace et un album de Motörhead. C’est le cas de Parallèles, sise à Paris dans le quartier des Halles, où Michel Embareck dédicaçait le 20 février la réédition augmentée de son indispensable Rock en Vrac. Ceux qui savent auront lu ici même la recension de ce recueil de chroniques parues dans le défunt magazine Best (1974-1983, méfiez-vous des imitations) et dans Rolling Stone, auquel l’auteur eut le bon goût d’ajouter des entretiens avec « des caïds » du roman noir américain, tels James Crumley et James Lee Burke, ainsi que des nouvelles portant sur le blues et le rock n’roll. Parue aux Editions Relatives, la réédition dont il est question comporte des photos inédites issues de la collection personnelle dudit Michel – dont l’incroyable cliché de Joe Strummer en couverture – ainsi que six nouvelles supplémentaires. Copinage ? Peut-être. Ce qui n’empêche pas le bouquin d’être admirablement écrit et foutrement informatif. Cette réédition est la première bonne nouvelle d’une année qui risque d’être chiche en la matière. Foncez, c’est précieux.
L’auteur en bonne compagnie.
  • Le magazine Lire daté de Mars est sorti, ce qui donne l’occasion de faire le point sur les parutions de ce début d’année. Tout ce qui suit est parfaitement lisible :
    • Le Chant du prophète, Paul Lynch, Albin Michel : une dictature s’installe à bas bruit dans l’Irlande d’aujourd’hui. Assommée de responsabilités domestiques depuis l’enlèvement de son mari par la police politique, une mère dublinoise tente de faire face. Rate au court-bouillon garantie.
    • Le Prix de la victoire, Karl Marlantes, Calmann Levy : aux prémices de la Guerre Froide, deux officiers russe et américain détachés en Finlande se lancent un défi au ski de fond dont l’inévitable récupération crée des remous jusqu’à Washington et au Kremlin. Du roman historique troussé comme il faut.
    • La Figure, Bertrand Belin, P.O.L : le récit en prose poétique d’un gamin devenu grand qui diffère une ultime confrontation avec son père, le grand tourmenteur de son enfance. Déroutant, et pourquoi pas ?
    • Plus noir que noir, Stephen King, Albin Michel : un recueil de nouvelles guère loin du niveau de Danse Macabre, Différentes Saisons ou Brume, l’horreur le cédant désormais à une profondeur psychologique certaine. Le King est en forme et on ne s’en plaindra guère.
    • Je suis ma liberté, Nasser Abu Srour, Gallimard : un récit qui coupe le souffle par sa profondeur et sa beauté, celui d’un prisonnier palestinien incarcéré depuis plus de 30 ans. Il faut ici rendre un hommage spécial au travail de la traductrice Stéphanie Dujols.
    • Le Vengeur, Thomas de Quincey, L’Arbre Vengeur : réédition d’une fiction courte et percutante où l’auteur des Confessions d’un mangeur d’opium anglais (traduites par Baudelaire) et de De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts invente à la fois le roman policier contemporain et la figure du serial killer en littérature. Rien que ça.
    • Perle, Siân Hughes, Le Bruit du monde : premier roman onirique et très incarné d’une poétesse anglaise où il est question d’une petite fille qui grandit et se construit en tentant de comprendre pourquoi sa mère a disparu. Je n’étais pas dans le cœur de cible, mais j’ai couru.
    • Des beaux jours qu’à ton front j’ai lus, Céline Lapertot, Viviane Hamy : la culottée biographie à la première personne de Marceline Desbordes-Valmore, actrice et poétesse qui fut l’amie d’Hugo, Balzac et Sainte-Beuve ainsi qu’une grande amoureuse. Et surtout, une femme debout.

Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /

  • Parlons cinéma, parlons de quelqu’un qui n’en fait plus beaucoup. Pourtant, Olivier Marchal, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a longtemps défendu une espèce sous-représentée en France : celle des réalisateurs qui conçoivent la grande Toile comme une surface de spectacle. Au cinéma, tout doit être plus grand que la vie pour l’ancien flic, à qui on a toujours reproché en filigrane de ne pas rester à niveau de vécu en caméra-reportage. C’est comme ça : en France, filmer d’où l’on vient, c’est ne pas faire autre que d’y rester. Or pour Marchal, raconter un peu de sa vie de flics ce n’est pas retranscrire ce qu’il a vu, mais traduire ce qu’il a ressenti.
  • C’est partager avec le (grand) public son regard d’écorché vif qui ne trouve d’exutoire que dans la fiction dimensionnée à son hypersensibilité. Car en dépit de leurs physionomie mainstream de mastodontes calibrés pour occuper les dimanches soir du peuple gaulois, ni 36 quai des orfèvres, ni Les Lyonnais, ni Carbone ne respectent les codes du film de prime-time qui en touche une mais surtout sans bouger l’autre. Non, Marchal fait du cinéma de sanguin, qui hurle Je t’aime comme Lara Fabian et broie du noir comme Leonard Cohen. Forcément, ça demande un gros moteur et un certain doigté pour gérer un tel effort. Mais quand bien même le cinéaste a souvent eu les yeux plus gros que le ventre, personne ne pouvait lui de ne pas se donner les moyens de cinéma de ses grandes ambitions. Ni d’avoir appris à mettre de l’eau dans son single malt pour (nous) s’économiser, et taper juste plutôt que taper fort (Les Lyonnais et surtout Carbone, son chef-d’œuvre).
  • Enfin, ça c’était avant.
Quoi ma gueule, qu’est-ce qu’elle a ma gueule ??
  • Parce depuis qu’il a présenté sa démission aux salles obscures – sans doute le bide de Carbone a t-il précipité son préavis- pour rejoindre l’écurie Netflix, Marchal fait du cinéma de plateforme. Avec tout ce que cela suppose en termes d’approximations techniques, esthétiques, scénaristiques jusque-là absentes de son travail. On fera une exception pour sa série Pax Massilia– sous réserve que la saison 2 valide les raisons de s’accrocher donnée par la précédente-, mais que ce soit Bronx, Overdose, où Bastion 36 (disponible depuis ce vendredi sur le N rouge), aucun ne déroge avec sa vocation de contenu vite tourné pour être vite vu et oublié. Les ambitions romanesques sont toujours là, mais Marchal semble désormais abonné à une version détériorée de lui-même.
  • Comme s’il n’avait plus aucune raison de ne pas succomber à son surmoi, qui tendrait délibérément le bâton pour se faire battre du haut de sa colline. Ironique et édifiant, de constater à quel point certains réalisateurs, quand ils ont carte blanche pour faire du eux -même, valident davantage les arguments de leurs détracteurs que ceux de leurs supporters.
  • En l’occurrence, pour Marchal : des films qui sentent le tabac froid la cuite de trois jours, ont l’air d’avoir dormis dans leurs fringues et sont « plus NWAR que NWAR, il y a plus que le désespoir ». Pour se préserver de la dépression, mieux vaut encore se taper les 3h30 de The Brutalist que les 1H30 d’Overdose. C’est plus cher et c’est plus long, mais la persécution sociale des survivants de l’Holocauste dans le vieux-Nouveau monde à côté de la flaque d’aigreur gisant sous les pieds du mec bourré au jus de moteur, ça a la douceur d’une menthe à l’eau aux premières lueurs du printemps.
  • Il convient de mettre au crédit de Bastion 36, puisque c’est la raison pour laquelle on parle Marchal dans cette maison vénérable, une réelle volonté de lever la voilière de la sinistrose, histoire de n’accabler le spectateur que sous des problématiques purement cinématographiques. En l’occurrence, cette fausse suite de 36, quai des orfèvres fait du néo-Marchal, dans le texte et dans l’image. À savoir une V -1 de scénario qui ne fait le tri de rien, un manque de préparation aussi flagrant que la nonchalance de l’exécution, des bons débuts d’idées qui n’aboutissent à pas grand-chose, et des punchlines existentielles à base de « flics contre le monde » qui ne provoquent même plus de réaction. Niveau interprétation, ça souffle le chaud et le froid. Marchal a toujours du goût en termes de casting, mais s’emmerde beaucoup moins à diriger ses acteurs, même si Tewfik Jallab confirme sa stature de nouvelle tête de gondole de la scène française, et que Victor Belmondo donne quelques raisons de croire en ses capacités à se faire un prénom. Quant à Yvan Attal, éternelle rature sur le trombinoscope, il se montre plus passable que d’habitude… Sauf lorsqu’il se casse la voix en essayant de prendre l’accent café/whisky/clopes associé à l’univers du réalisateur. Un peu comme Macron, lorsqu’il hurle « C’est notre projet ». On repassera.
  • Vous l’avez sans doute remarqué : Gene Hackman, le plus grand acteur de films du dimanche soir au monde, est décédé ce jeudi à l’âge vénérable de 95 ans mais dans des circonstances pour le moins suspectes. On ne va pas nourrir la rubrique des chiens écrasés, mais il serait scandaleux de s’économiser un hommage forcément insuffisant à l’un des plus grands acteurs du cinéma américain du siècle passé. Pour l’occasion, Antoine ne m’en voudra pas de copier/coller le texte publié sur mon mur Facebook pour la circonstance :

Le plus grand acteur de films du dimanche soir du monde vient de nous quitter. Écrire cela, ce n’est pas minimiser l’apport de Gene Hackman au cinéma, mais au contraire dresser un constat qui ne s’applique (quasiment) qu’à lui : il n’a jamais été mauvais. Pas une seule fois en cinquante ans de carrière.

Ce qui ne signifie pas qu’il n’a pas joué dans de mauvais films – il y en a. Mais Gene Hackman est invariablement sorti indemne de tout ce qui aurait pu raturer le mausolée à son effigie. Beaucoup d’acteurs plus adulés que lui ne peuvent pas en dire autant : les De Niro, Pacino, Hoffman et d’autres thuriféraires de l’Actor’s Studio resteront comme des modèles à ne pas toujours suivre.

Mais pas Gene. Rien à jeter, même dans ses films les plus jetables. Dans la vie comme au cinéma, on ne peut jamais être sûr de rien, sauf d’une chose : quoiqu’il arrive, Gene Hackman sera AU MINIMUM bon. Et très souvent, bien plus que ça.

Devenir un pilier, ça demande plus que du talent, mais une éthique de travail qui s’astreint à ne jamais se faire prendre en défaut. Chez Gene Hackman, ça signifiait deux choses : être bon donc, et juste. Jamais au-dessus de la note jamais en dessous, le bon accord sur la bonne tonalité au bon moment. Juste et toujours juste, pour ne jamais donner l’impression de jouer.

La photo préférée d’Antoine, avant celles de son mariage

Ça fait partie du contrat liant les plus grands à leur public, de ne pas se livrer en spectacle. De ne pas exhiber les ficelles de jeu qui transforment une prestation en performance et une scène de film en estrade de soi-même. Gene Hackman lui était passé maître dans l’art de faire semblant de ne pas faire semblant, de chasser la plus petite trace d’effort du processus d’acting. Comme s’il suffisait au réalisateur de crier Action ! pour que la somme de tous ses personnages se multiplie dans celui qu’il doit incarner à l’instant T.

Gene Hackman, c’était un état de flow permanent et sans discontinuité d’un film à l’autre et d’une décennie à la suivante. Un rêve de cinéaste à n’en pas douter, et un souvenir de spectateur qui ne cesse de grandir avec la maturité.

Peut-être bien le plus grand tout court.

  • Les César ont tenu leur 50ème édition ce vendredi, et pour fêter son demi-siècle la cérémonie a semble t-il tenu à planter ses deux pieds dans le présent. Une comédie musicale sur la transidentité en meilleur film, meilleurs acteurs et actrices pour deux comédiens d’origine maghrébine, meilleur premier long-métrage attribué à la cavale d’un sans-papiers dans les rues de Paris… L’institution aurait voulu faire une déclaration politique qu’elle ne s’y serait pas prise autrement… Et peut-être tant mieux. On imagine les plateaux télé de Cnews brûler l’effigie du cinéma-français-bobo-wokiste-financé-avec-nos-impôts-qu-on-en-paye-trop en pleurant la mémoire de Michel Audiard, surement pas d’accord de là où il est de servir de totems à ceux qui osent tout.
  • Pour notre part, on se bornera strictement à parler de ce qu’on a vu. Pour ce qui est de la cérémonie : Alain Chabat en grande forme a été plus drôle que Jean-Pascal Zadi, mais quand même moins que Franck Dubosc, le sourire de Julia Roberts ferait toujours fondre un iceberg par -50. Pour le palmarès : Émilia Pérez restera l’éternelle faute de goût de la saison 2025, Hafsia Herzi mérite 10000 fois sa récompense pour son rôle de madone tourmentée dans l’excellent Borgo de Stéphane Demoustier (dont nous vous avions parlé à sa sortie), ça fait plaisir de voir Karim Leklou et Chabat récompensé… Et voilà.

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /

  • D’une revanche qui fut jusque dans les pointages officiels le négatif parfait du combat initial, on peut faire un commentaire quasi identique : Beterbiev vs Bivol II fut avant tout un hommage au plus beau des sports, une opposition de très haut niveau entre les deux tauliers d’une catégorie historique doublée d’un duel propre où l’arbitre eut fort peu à intervenir, et qui couronna un champion incontesté sans que le vaincu s’étale en excuses ou contestations dispensables. Ces combats-là sont trop rares. Je rejoindrai quand même Artur Beterbiev dans sa réaction à chaud : les débats furent d’une tenue encore meilleure qu’en octobre dernier.
  • On dut notamment ce surcroît de qualité à un Dmitry Bivol capable d’un exploit guère banal, celui du vaincu qui change la donne en faisant tout un peu mieux que la première fois. Affirmer qu’on sera meilleur est une chose ; c’en est une autre de savoir s’en donner les moyens. Bivol n’a pas beaucoup modifié un plan de vol consistant à contenir le pressing adverse en bougeant intelligemment et en donnant suffisamment à réfléchir à son tourmenteur 36 minutes durant, mais il en a peaufiné les détails : poser ses appuis pour toucher de manière plus nette, notamment en jab, mettre plus de volume qu’en octobre – certes moins que son rival, mais avec une précision supérieure -, répliquer de manière quasi systématique aux attaques adverses en vue de marquer les juges, limiter le temps passé dos aux cordes et parvenir aux championship rounds avec assez d’essence dans le réservoir pour éviter de voir Beterbiev le passer à nouveau sur la ligne. Si à 174 livres il accusait le même poids sur la balance que l’an passé, on jurerait que le Russe d’origine kirghize a fait évoluer sa préparation. Même lors d’un 12e round où il subit l’emballage final d’un adversaire conscient de son retard aux points – son arcade gauche n’y survécut pas -, Bivol s’appliqua à donner le change. Depuis Beterbiev I, voire quelques rounds initiaux disputés en appui arrière contre Canelo Alvarez, on le savait doté d’un sang-froid peu banal. Son mérite premier, opposé à un épouvantail dont on ne répètera jamais assez qu’il arrêta tous ses autres adversaires en professionnels, fut peut-être de boxer pour gagner plutôt que pour retarder la Faucheuse.
Un jab s’infiltre.
  • Battre Artur Beterbiev, fût-ce par décision serrée, est littéralement un exploit unique en son genre. Dmitry Bivol y ajouta la manière, la quintessence du style de l’ex-URSS monté sur coussin d’air, et cette fois ajusté pour faire mal. L’homme n’est pas un puncheur très réputé, ses quelconques 50% de succès avant la limite en témoignent, mais on subodore qu’il est de ces techniciens qui lâchent rarement les chevaux parce qu’ils s’appliquent avant tout à gagner les rounds. La recette avait fonctionné durant les trois quarts de la première manche, après quoi Bivol avait échoué à endiguer la montée en régime du cyborg daghestanais. Samedi soir dernier, il a suffisamment appuyé ses frappes pour ralentir ou désorienter la machine adverse dans la seconde moitié de l’affrontement – le visage de Beterbiev finit passablement grêlé. Alors oui, comme son prédécesseur ce combat revanche manqua peut-être de moments dramatiques, nul knockdown ou compte debout à se mettre sous la dent, mais enfin les sucreries stylistiques abondèrent : l’une des combinaisons de Bivol en remise aérienne après pivot m’aura autant marqué que quantité de mythiques patates de forain. À cet égard, on peut rapprocher ce combat d’un autre rematch fameux de ce premier quart de siècle, le très intense et incertain Golovkin vs Alvarez II. C’est dire le sommet pugilistique dont on parle, et comme la revanche entre Canelo et GGG – ou le duel d’octobre dernier – il dut aussi son niveau d’exception à la magnifique prestation du vaincu.
  • Car la quarantaine va bien au teint d’Artur Beterbiev : distribuant la bagatelle de 57 coups (lourds) par round tout au long d’un championnat du monde, il est tout aussi effrayant qu’à 35 ans. Méthodique comme un médecin légiste, traqueur inlassable et oppressant malgré des pieds qu’on dirait plats, le diesel Beterbiev décida carrément d’accélérer dès le 3e round pour contrecarrer la tactique agressive de Bivol, et le moins qu’on puisse dire est qu’il donna au coin de ce dernier toutes les raisons de s’inquiéter vers la mi-combat. Les courtes droites au corps et à l’étage dont il est coutumier avaient alors leur petit effet. Peut-être a-t-il brûlé un poil trop d’énergie entre les rounds 3 et 6, puis abandonna-t-il prématurément un travail au corps qui semblait payant dans la foulée, toujours est-il qu’il maintint quand même sur l’ensemble du combat une pression qui eût terrassé l’essentiel des concurrents sérieux chez les moins de 175 livres – ce qui rend Bivol d’autant plus grand. Pour l’ex-champion incontesté de la catégorie, en rester là serait une porte de sortie des plus honorables, tant il reste loin du combat de trop. Il semblait d’ailleurs hésitant sur la pertinence d’une belle dans l’immédiat après-combat. Reste qu’une troisième opposition reste l’hypothèse la plus probable selon Turki Alalshikh. Il faudrait alors croiser les doigts pour que Beterbiev conserve sa forme de jeune homme et échappe de nouveau aux blessures à l’entraînement qui ont tant freiné sa carrière chez les pros. Pour Bivol, les choix alternatifs abondent, à commencer par un David Benavidez désigné challenger officiel par la WBC. Gageons que peu de défis effraient aujourd’hui l’homme qui a battu Artur Beterbiev.
Un crochet gauche de Smith atterrit (épisode 334 sur 458)
  • Au fait, l’orgie pugilistique autour de Beterbiev vs Bivol II baptisée The Last Crescendo mérita-elle sa réputation de plus grande carte de l’Histoire ? « Bien sûr que non » répondrai-je avant tout parce que le simple fait de l’avoir claironné aussi pesamment avant l’échéance m’a brisé les noix. Au crédit de Riyadh Season, toutefois, deux choix tactiques des plus avisés : d’une part, avoir veillé à ce que les combats s’enchaînent pour une fois avec une fluidité certaine, en évitant les intermèdes à base de danses folkloriques ou de cirages de pompes inopportuns, et d’autre part en choisissant une enceinte qui sonne moins vide que la Kingdom Arena. Qu’il est dommage, malgré tout, qu’un candidat sérieux au titre de Combat de l’année 2025 se soit tenu dans une ambiance aussi morne. Car les 12 rounds de joyeuses peignées échangées en ouverture par les Anglais Joshua Buatsi et Callum Smith valurent leur pesant de boeuf Wellington. Je dois rendre justice à ce dernier, que je soupçonnais d’un début d’usure à 34 ans dans la foulée de la rouste reçue des mains de Beterbiev, d’avoir mieux que tenu le choc : actif mais posé, toujours propre techniquement et variant ses combinaisons, il remporta une décision méritée (pour peu qu’on jette un voile pudique sur le 119-110 de Steve Gray). Face à lui, la performance de Buatsi laisse perplexe. On sent que le Londonien imaginait qu’un pressing constant suffirait à faire craquer « Mundo », mais l’appliquer sans la moindre espèce de lucidité défensive relève de l’inconscience pure et simple. Quelle que soit la distance, l’interminable Smith s’usa la main gauche à force de marquer proprement en crochet au corps ou à la face. D’ailleurs ce dernier point constitue peut-être la mauvaise nouvelle de la soirée pour le Scouser, puisque son punch ne semble pas tout à fait à la hauteur d’une opposition d’élite chez les mi-lourds.
  • À propos de punch, les deux oppositions proposées chez les lourds se conclurent par un KO de David sur Goliath, ou plutôt du colosse sur l’homme-et-demi. On ignore si Agit Kabayel deviendra champion du monde des lourds, mais un titre en bûcheronnage sportif lui semble promis s’il continue à débiter des séquoias géants avec une telle efficacité. L’Allemand n’a pas spécialement cherché à faire le tour de Zhang Zhilei, ce qui lui valut d’ailleurs d’effectuer une roulade arrière sur un coup de patte tardif du béhémoth chinois : campé devant son imposant adversaire, il s’appliqua dès le 2e round à en scier le tronc, multipliant les frappes au corps à une fréquence rarement vue dans la catégorie. Le cardio incertain du quadra « Big Bang » n’y survécut guère longtemps, sa ceinture abdominale non plus, et l’on imagine qu’il fait encore pipi tout rouge à l’heure où ce billet est publié. Alors que les ambitions planétaires de Zhang semblent définitivement éparpillées, Kabayel est désormais champion intérimaire, une distinction qu’il partage avec Joseph Parker. Difficile de savoir si son adversaire démissionnaire Daniel Dubois a tenté le coup de Jarnac du siècle pour s’assurer une revanche contre Olexandr Usyk en invoquant une gripette inexistante, en tout cas son duel expéditif avec un Martin Bakole qu’on eût dit prêt pour l’hibernation manque paradoxalement d’un vainqueur net. Le Kiwi n’a embouti qu’un type complètement hors de forme tandis que le Congolais abandonnait sa place dans la file d’attente des ceintures mondiales en même temps que sa toute fraîche aura de croquemitaine. Positivons malgré tout : le Parker en version 267 livres a l’air taillé pour la guerre, et le Bakole de 140 kg est enfin millionnaire. L’acheteur du pay-per-view ? Un tantinet cocu, certes.
TIMBEEEER !
  • D’autant qu’il avait dû s’infliger un ventre de soirée encore plus mou que celui de Bakole pour en arriver là, en regardant tout d’abord le champion du monde WBC des moyens Carlos Adames gâcher la fête saoudienne en privant Hamzah Sheeraz d’un premier titre mondial annoncé. D’abord circonspect – l’Anglais sortait d’une fameuse série de KOs sur des adversaires choisis avec soin -, le Dominicain enclencha la marche avant dès qu’il s’aperçut de l’attentisme et du manque de venin adverses, engrangeant les rounds sans faire d’étincelles. À sa décharge, il semble que le Britannique télescopique se soit abîmé la main gauche tôt dans le combat. Reste que lui accorder un 115-114 est au-delà du généreux, et que les manœuvres d’un Turki courroucé s’autorisant carrément à venir causer à ses hommes de coin entre deux rounds fleurent bon le marionnettisme assumé. Au moins le match nul permit-il à Adames de conserver sa breloque. Dîner pendant ce pensum m’aura évité de trop en souffrir, mais le plus lénifiant restait à venir : neufs rounds à subir les efforts comptés de Shakur Stevenson pour finir un électricien prévenu une poignée de jours plus tôt qu’il serait de la fête. Entendons-nous bien : d’une, le môme a les mains fragiles comme des gâteaux secs et relevait justement d’une opération, et de deux Josh Padley a porté ses couilles en champion – qu’il puisse désormais se consacrer au noble art à temps plein grâce au chèque de sa pige n’est que justice. Mais vu les circonstances, Shakur, mon lapin, était-il bien nécessaire de chambrer le type venu sauver ton chèque à sept chiffres ? La question est rhétorique et le bonhomme toujours aussi peu attachant.
  • Concluons tout de même sur une note positive le récit d’une soirée forcément historique au vu de sa somptueuse tête d’affiche Beterbiev vs Bivol II, le très sérieux succès par décision unanime du très sérieux Vergil Ortiz sur le moins sérieux Israil Madrimov. C’est peu dire que l’Américain aura fait du Ortiz : patient, il a fort bien géré son effort sur les 12 rounds, condamnant peu à peu les issues de secours, sélectionnant ses coups avec discernement et infligeant plus de dégâts à l’Ouzbek que Terence Crawford lui-même, en particulier au corps. Peut-être trop loué pour ce qui reste une défaite subie des mains de « Bud », Madrimov, lui, a enchaîné les choix discutables. Sa danse de Saint-Guy sans beaucoup d’efficacité des premiers rounds lui aura coûté pas mal de carburant, ses incessants rushs tête en avant une fois coincé par Ortiz auraient pu lui valoir une pénalité, et lorsqu’il se décida enfin à partir à la guerre ses courtes droites et gauches plongeantes finirent bien souvent dans les gants – il y avait plus de place au corps et en uppercuts. Champion WBC des super-welters par intérim, Ortiz mérite une ceinture tout court ; Madrimov, lui, pourrait bien finir gatekeeper de luxe de la catégorie.
Du travail de pro.

Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /

  • Parlons MMA, parlons de William Gomis, qui semble avoir laissé filer son momentum hier soir contre Hyder Amil. À moins que ce ne soit l’inverse : peu importe. Bien malin et avisé celui ou celle qui peut se permettre le fameux  » Moi à sa place… » , la phrase favorite de Jean-Michel MMA, sédentaire diplômé en cholestérol et champion UFC dans trois catégories de canapé différentes. Et ceux qui pourraient le dire sont souvent les premiers à savoir se taire. Bref.
  • Mais c’est bien une histoire de momentum qui a fait défaut au pensionnaire du MMA factory hier soir. Face à lui, un adversaire plus petit, bien moins technique, sans spécialité particulière. Si ce n’est un embrayage bloqué sur la marche avant, et un menton capable de supporter tout ce dont le cerveau n’a pas besoin pour vieillir correctement. Bref, Amil dicte le combat mais Gomis ne subit pas le rythme pour autant.
Échantillon d’une très longue série.
  • Dos à la cage, son anglaise fait la différence en esquives et contres qui font mouche et lui permet d’affronter flegmatiquement la tempête. Gomis a néanmoins l’intelligence de ne jamais y rester assez longtemps pour laisser son adversaire prendre ses aises dans sa zone de destruction, et surtout de faire parler la poudre. Tout l’arsenal y passe, de la tête aux pieds pour abattre le mur pierre par pierre, jusqu’à se trouver la faille. Ce qui semble se produire en fin de round, quand touché sur un magistral coup de poing retourné , Amil tombe… Et se relève avant de commencer à compter les moutons. Une seconde, c’est le temps qu’a pris l’odeur du sang pour arriver au cerveau de Gomis, et ce fut suffisant à Amil pour ne pas flancher, malgré la punition qui persiste jusqu’à la fin de round.
  • Le moment était là, et ne reviendra pas : la suite du combat présente une physionomie similaire, plus en faveur de l’un que l’autre selon les rounds, et la décision partagée pouvait aller dans les deux sens. Les juges ont favorisé celui qui a pris l’espace, à défaut de prendre le combat. Soyons clairs : Gomis n’a rien à regretter d’un combat dans lequel il a littéralement tout donné. Sauf, peut-être ce court moment qui doit laisser plus qu’une nuance de regret dans la bouche, et comme chacun sait, l’être humain adore se fouetter la coulpe avec les « Et si seulement » des occasions perdues. Pas de gâteau sans la cerise au bout.

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