Punchlines du 10 mars 2024

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /

  • Interviewé au Salon du Livre de Genève pour La librairie francophone sur France Inter, Joël Dicker a confié qu’il n’aimait pas écrire de longues descriptions car il ne les appréciait guère en tant que lecteur, déplorant qu’elles brident son imagination. Je sais bien que c’est par conviction et pas par défaut de compétence ou de volonté que l’auteur de La vérité sur l’affaire Harry Quebert ne s’abaisse pas à des procédés littéraires aussi triviaux, mais enfin je confesse souffrir moi-même d’une créativité au ras des pâquerettes et m’autoriserai donc à rappeler ici qu’une description élaborée, fût-elle prosaïque au possible, est souvent susceptible d’éclairer ma lanterne défectueuse de lecteur bas du front. Un jour peut-être aurai-je assez mûri pour lire Joël Dicker ; d’ici-là je me complairai à user les béquilles simplettes qu’un Harry Crews aura eu l’obligeance de mettre à ma disposition dans des textes aussi poussivement didactiques que Par le trou de la serrure. Que d’efforts vains, avouons-le, pour décrire par exemple dans l’extrait qui suit une Madonna dont on connaît déjà si bien la tête et le reste.

Mais, elle, elle est toujours belle à voir et je me tourne vers elle, assise à côté de moi sur la banquette, contrainte de faire ce qui lui plait le moins : attendre, attendre que les limousines traversent l’air épais, bleui par l’odeur de combustion, empli des cris braillards des vendeurs de T-shirts et de programmes du combat de boxe. Sa peau est d’une finesse diaphane sur les os délicats de son visage et blanche comme seule peut l’être une peau n’ayant jamais vu le soleil. Ses yeux sous un front large et lisse sont directs, d’une couleur indéterminée et changeante, tour à tour mauve foncé avec des éclats de vert et d’or, et bleu intense avant de s’assombrir et virer à une couleur difficile à nommer. Ses cheveux ont dégusté après toutes ces années à être blonde mais elle est revenue à sa couleur naturelle, une chevelure épaisse et brune, d’un bel éclat sain lorsque la lumière s’y reflète comme il faut.

Mais elle n’est pas belle au sens conventionnel du terme. Lorsque j’ai fait sa connaissance quelques heures plus tôt dans son appartement, ma première pensée a été : si tu habitais juste à côté de chez moi, jamais je ne proposerais d’aller boire un verre, ma chérie. Mais ma seconde pensée a été : doux Jésus, le musc enivrant du sexe, cette allure, cette odeur vaguement salée, cette façon de se mouvoir, tout cela se dégage de toi comme la chaleur se dégage d’un four.

Voilà qui a suffi à me plonger dans un état d’extrême nervosité et à m’y maintenir.

La magie est dans les à-plats de son visage et dans la façon qu’elle a de bouger. Son ossature est telle que, quel que soit l’angle – légèrement de côté, orienté vers le haut ou le bas – son menton, la fine arrête de son nez, les hautes pommettes plates, tout contribue à une beauté inattendue et séduisante. C’est en fait la beauté dont sont faits les rêves sexuels, ceux des hommes comme ceux des femmes.

Et lorsqu’elle marche, on la dirait montée sur roulements à billes.

  • Sans surprise, ledit Joël Dicker caracole en tête des ventes de livres en France avec son nouveau roman intitulé Un animal sauvage. Sinon, côté bestsellers, vous pouvez aussi lire Holly. C’est le dernier Stephen King, et il est très bon.
« Alors c’est un monsieur avec un pull et des cheveux sur la tête. Il sourit. (…) »
  • Gros vendeurs, suite : on déplore le décès à 68 ans dl’Akira Toriyama, survenu le 1er mars dernier. Il était l’auteur des aventures de Son Goku, très populaires sur le gros marché du manga qu’est la France. Sa version télévisée Dragon Ball fut diffusée à partir de 1988 dans le Club Dorothée ; natif de 1974, j’y échappai d’assez peu, mais autour de moi quadras et trentenaires sont en deuil. Le site Actualitté révèle d’ailleurs qu’Emmanuel Macron lui-même y est allé de son hommage sur Twitter, ce qui le rendrait presque humain.
  • Gros vendeurs, fin : Guillaume Musso, numéro un des ventes chaque année de 2011 à 2022, a inauguré le 4 mars dernier une école élémentaire à son nom dans sa ville d’origine d’Antibes-Juan-les-Pins. Nul ne sait combien des premiers 500.000 exemplaires de son dernier roman Quelqu’un d’autre seront consacrés à l’apprentissage des belles lectures en classe de CE2.
  • Isabelle Saporta, directrice générale de Fayard, est convoquée à un entretien préalable à un licenciement le 20 mars prochain. Elle refusait de partager ses prérogatives avec Lise Boëll, proche de Vincent Bolloré dont le groupe Vivendi contrôle désormais Lagardère, auquel appartient Hachette, donc la maison Fayard. Lise Boëll est pressentie pour reprendre les Éditions Mazarine, spécialisées dans la publication d’essais… et propriété de Fayard (vous suivez ?). Or il est question que Mme Boëll utilise la marque Fayard pour publier des textes politiques selon une ligne éditoriale calquée sur celle de CNews, dont le livre à paraître de Jordan Bardella, un principe auquel s’opposait Isabelle Saporta au nom du positionnement historique de sa maison. Qui paye, décide. Rien d’illégal dans tout ça. Reste le début du commencement d’un malaise. Dans l’édition du 10 décembre dernier, on s’étonnait déjà que Fayard ait retiré de la vente le 7 novembre un ouvrage polémique intitulé Le nettoyage ethnique de la Palestine et signé par l’historien israélien Ilan Pappé, en rappelant pour l’occasion que « Fayard s’enorgueillissait jusque récemment de publier « Serge Klarsfeld et Renaud Camus » dans un souci de pluralisme ». On disait aussi que « cet événement ne rend(ait) pas plus optimiste à propos de l’ère Bolloré chez le troisième acteur mondial de l’édition ». L’éviction d’Isabelle Saporta, non plus.
  • Et puis on célébrait le 8 mars dernier la journée internationale des droits de la femme, l’occasion pour L’Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication de publier sa 12e enquête annuelle. Celle-ci précise notamment que les femmes représentent 59% des demandes d’aide au Centre National du Livre et 58% des primes octroyées. Les montants moyens des aides allouées aux femmes sont inférieurs de 29% à ceux dont bénéficient leurs homologues masculins, alors que les femmes sont majoritaires dans les commissions qui en décident. 15% seulement des postes de direction dans le secteur du livre sont occupés par des femmes. En revanche les femmes ont remporté 54% des 14 principaux prix littéraires entre 2020 et 2023, contre 25% de 2000 à 2009. Les jurys des 6 principaux (dont le Fémina, exclusivement féminin) ont désormais des compositions globalement paritaires. Les écarts de rémunération entre autrices et auteurs d’oeuvres dramatiques ne sont pas disponibles cette année — ils étaient de 14% en 2018 en faveur des hommes. À noter enfin que le nombre de signalements de cas de harcèlement et violences sexistes ou sexuelles à la cellule dédiée du Ministère de la Culture a sensiblement augmenté, de 18 en 2019 à 57 en 2023. Peut sans doute mieux faire.

Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /

  • Relâche cette semaine, mais le débriefing des Oscars promet beaucoup…

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /

  • Au plus haut niveau, la boxe est un métier, dangereux et exigeant. Et au plus haut niveau, le MMA est un métier tout aussi exigeant et dangereux, très différent de la boxe. Des promoteurs se sont mis en tête d’opposer des professionnels des deux sports, en particulier un champion du monde de MMA qui infligeait de gros KOs en techniques de poings, et qu’on a fait rencontrer un champion du monde de boxe. Tout un public s’est passionné pour ce combat. Le champion de MMA a failli gagner contre un adversaire pas très concerné. On lui a redonné une montagne de brouzoufs pour affronter un ancien champion du monde de boxe. Tout un public s’est à nouveau passionné pour ce combat. Le champion de MMA s’est fait démolir en deux rounds par un adversaire cette fois très concerné. Il serait vain de reprocher à Francis Ngannou d’avoir tenté l’expérience : en deux combats de boxe, il a gagné bien plus d’argent qu’en quatorze avec l’UFC. On peut en revanche en vouloir aux promoteurs Eddie Hearn et Frank Warren de monter ce genre de main event dans un sport déjà malade de trop rarement opposer ses plus grands noms entre eux. On peut en vouloir au ministre Turki al-Shaikh de sortir le chéquier sans une once de culture pugilistique, pourvu que le soft power saoudien en soit renforcé. On peut en vouloir à la WBC de Mauricio Sulaimán d’avoir octroyé un classement mondial à un boxeur au palmarès d’une défaite en autant de combats. Et on peut en vouloir au public qui se régale des crossover fights d’ignorer avec obstination les faits suivants : au plus haut niveau, la boxe est un métier, dangereux et exigeant. Et au plus haut niveau, le MMA est un métier tout aussi exigeant et dangereux, très différent de la boxe.
  • Francis Ngannou, a-t-on rappelé, a gagné une fortune en affrontant des boxeurs d’élite sans expérience professionnelle de ce sport. Il doit aussi à sa constitution de super-héros d’avoir évité une blessure très grave des mains lourdes et expertes d’Anthony Joshua vendredi soir sur le ring de Riyad. Sans surprise, les chambrages puérils entre partisans déclarés de la boxe et du MMA se poursuivent depuis sur les réseaux sociaux. Rien n’est plus facilement monétisable qu’une fierté mal placée ; le filon est bien trop juteux pour que l’on cesse d’un coup de l’exploiter. Il faudra peut-être un mort, qui sait, la boxe est une tueuse des plus expérimentées. Quoi qu’il en soit, la vielle dame indigne qu’elle est tout autant a trouvé une façon de plus de se déshonorer. De leur côté, bien des fans de MMA semblent se satisfaire de voir régresser leurs champions accomplis d’aujourd’hui au rang des gladiateurs qu’étaient les pionniers de l’UFC. Est-ce bien de sport qu’il est question ? Commenter ce putain de cirque, dorénavant, ce sera sans moi. Je me bornerai à répéter la seule réalité qui vaille à chaque nouveau crossover fight : au plus haut niveau, la boxe est un métier, dangereux et exigeant. Et au plus haut niveau, le MMA est un métier tout aussi exigeant et dangereux, très différent de la boxe.
« ARE YOU NOT ENTERTAINED? » Bah non. Vraiment pas.
  • À propos de boxe, l’évènement de vendredi en proposait quand même sur sa sous-carte. Les fans de Michel Soro auront goûté la confrontation entre deux de ses anciens adversaires, contre qui le destin ne l’avait guère épargné : arrêté plusieurs secondes après le gong puis blessé précocement sur coup de tête contre Israil Madrimov, le Villeurbannais avait subi un braquage en règle à Ekaterinburg contre Magomed Kurbanov dans la foulée, perdant sur décision partagée et inexplicable. Lui qui affirmait souhaiter une victoire de Madrimov fut joliment exaucé. Après deux rounds à se régler, l’Ouzbek fit admirer sa faculté à alterner travail de positionnement en feintes et enchaînements fluides et dynamiques, renvoyant vite le Russe à ses lacunes de tâcheron ordinaire. L’arrêt de l’arbitre au 5e round sanctionna une série encaissée dos aux cordes sans réaction, valant à Madrimov la ceinture WBA des super welters. Vu la forme étincelante affichée par « The Dream », son cadet de 7 ans, on peut douter de l’intérêt profond du troisième combat que Soro appelle pourtant de ses vœux. En revanche, voir tôt ou tard Madrimov s’expliquer avec le champion WBO Tim Tszyu ne manquerait pas d’intérêt. Le second championnat du monde à l’affiche opposait Ray Vargas, détenteur de la ceinture WBC des plumes, à l’Anglais Nick Ball. Ce dernier avait impressionné en rebondissant 12 rounds durant sur et autour d’un Isaac Dogboe impuissant en novembre dernier à Manchester. Il eut cette fois plus de mal à trouver sa distance, accusant un déficit de taille et d’allonge plus que conséquent et puni en jabs au corps et à la face par le champion mexicain. Mais l’énergie inépuisable de Ball sembla faire la différence en seconde moitié de combat, lorsque son aîné montra quelques signes de fatigue. Les droites plongeantes qu’il envoyait alors à la douzaine lui valurent deux knockdowns certes un chouïa contestables, après quoi le match nul décidé par les juges paraît un tantinet clément pour le tenant. On espère que Vargas attendra cette fois moins d’un an pour remettre son titre en jeu.
  • Enfin, deux poids lourds en pleine bourre se disputèrent une place de choix dans la file d’attente du titre incontesté attribué le 18 mai prochain : Zhilei Zhang et Joseph Parker. Deux scénarios paraissaient envisageables, un succès expéditif du premier à la manière du démantèlement de Joe Joyce proposé en septembre dernier, ou bien une victoire aux points du second s’il savait laisser passer la foudre, attendu que le quadragénaire chinois émet un bruit de chaudière fatiguée passé le sixième round. C’est le Néozélandais qui remporta ce jeu de l’énorme chat et la très grosse souris, non sans se faire peur aux 3e et 8e reprises lorsqu’il visita le tapis. Son activité lui valut d’empocher une huitaine de rounds quand bien même il ne parvint guère qu’à érafler la carrosserie adverse, choisissant souvent de tourner sur la gauche réputée de Zhang pour éviter son plus vif crochet droit. Ainsi va l’étrange carrière de Joseph Parker, délesté de son titre mondial en 2018, exécrable contre Junior Fa en 2021 puis démoli par Joe Joyce l’année suivante avant de disposer avec calme et maîtrise des deux pires croquemitaines de la catégorie quand on oublie la puissance d’arrêt d’Anthony Joshua, à savoir Deontay Wilder et Zhilei Zhang. Qui sait jusqu’où rebondira le Kiwi régénéré.
  • Il y avait aussi de la boxe hier à Levallois, et l’on peut se réjouir que la réunion d’Y12 Boxing ait fait le plein malgré la concurrence du sketch majuscule de Bercy jeudi soir. Tirons d’abord le voile de la charité sur la 11e défaite en carrière du valeureux Nadjib Mohammedi, dont la carrière de journeyman exemplaire méritait mieux que ce triste épilogue — l’homme a quand même boxé un Sergey Kovalev au pic de ses facultés dévastatrices et pris quantité de vols moyen courrier pour qu’on la lui fasse à l’envers, d’Ekaterinburg à Pristina. Respect à lui. En tête d’affiche, le toujours souriant Kevin Lele Sadjo a concassé une 22e victime, la 20e finie avant la limite, en la personne de Giovanni de Carolis. Difficile de faire plus tanké que l’Italien à 39 ans. Plus courageux également, puisqu’il subit longtemps avec flegme le pressing parfois désordonné du champion EBU des super moyens, sa peau marquant les coups de boutoir adverses comme du papier carbone, notamment d’innombrables droites au corps. Plus roué, enfin, car il se baissa souvent au maximum sur ses appuis pour éviter les coups de trique à la tête et se plaindre qu’ils deviennent autant de coups du lapin. Mieux, De Carolis joua sa chance à fond quand le Français sembla ralentir, le contrant efficacement en crochets des deux mains. Mais Kevin Lele Sadjo a une caisse à la hauteur de son physique de personnage dans Street Fighter, et sut finir le travail au 7e round sur une énième série de près récompensée d’un second knockdown. Jamais un sommet franco-français contre l’autre invaincu Christian Mbilli n’aura semblé plus opportun à organiser. Un sommet de L2, mais un sommet quand même, bien plus digne et passionnant pour qui aime ce sport que n’importe quel crossover fight.
Fameux concours d’abdominaux à Levallois.

Ce qui reste de la boxe anglaise, bis (Guillaume passe une tête) /

  • Francis Ngannou avait fait trembler la planète boxe il y a quelques mois en infligeant à Tyson Fury une défaite non concédée par les juges, mais constatée par la majorité des spectateurs. Un « Gypsy King » non préparé et désinvolte reste le champion linéal poids-lourd, et le tombeur par deux fois du terrible Deontay Wilder. La présence de Ngannou sur un ring d’anglaise face à l’élite mondiale des poids lourds devenait d’un coup legit, et ses ambitions plausibles. À savoir, s’asseoir sur le trône de la catégorie reine. Lui, le transfuge d’un autre sport. Lui, l’ancien champion de l’UFC, qui a fait sédition contre Dana White pour entreprendre ce que personne d’autres avant lui n’avait fait. L’histoire était digne de ces grandes fresques épiques et inspirantes que Hollywood ne sait plus faire. Sa conclusion amère comme une gueule de bois à l’absinthe : après l’ivresse, la descente en piste en noire foncée.
  • Car la soirée a été cruelle, très cruelle pour « The Predator ». En face de lui, un Anthony Joshua récemment revenu des enfers, bourreau stoïque venu pour abattre la sentence divine sur the baddest man on the earth : tu n’as pas ta place ici. La boxe académique mais d’une précision implacable de Joshua n’a laissé à Ngannou ni le temps de trouver ses marques, ni la moindre marge d’erreur. Chaque coup faisait mal, chaque direct plongeant une punition au ventre du Franco-camerounais, qui n’a pas tardé exposer son menton pour protéger le bas. Un changement de garde hasardeux du tombeur de Cyril Gane ouvrit l’espace que Joshua attendait pour envoyer son missile. Premier knockdown au premier round : Ngannou survécut, mais la suite s’écrivait malheureusement toute seule. Rebelote au second, l’ancien pensionnaire du MMA Factory se relève, mais n’est déjà plus là.  Le direct de Joshua trouve un créneau dégagé comme la route 66 pour rouler à tombeaux ouverts vers la tête de son opposant, aligné comme un ballon de fête foraine. À titre personnel, je n’avais pas assisté à un KO aussi terrifiant depuis… Celui que Ngannou avait infligé à Alistair Overeem en 2016. Karma is a bitch.
  • Antoine estime qu’il faudrait arrêter les crossover fights. Peut-être, surement, en tous cas les images plaident en sa faveur. La prochaine étape pour Ngannou ? Surement un retour dans la cage de MMA avec le PFL face à Renan Ferreira, lui-même auteur d’un arrêt sur images terrifiant contre Ryan Bader la semaine passée. On lui souhaite sincèrement bon courage car, comme l’a dit un Joshua over-classe avant d’avoir sa main levée par l’arbitre : « Tu es une inspiration ».
Du respect. Déjà ça.

Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /

  • Parlons MMA, parlons de la France, Mesdames et Lessieurs. Pas celle du Général De Gaulle mais d’aujourd’hui, passionnée par les sports de combats et le MMA en particulier, terre d’accueil en devenir de la guerre de l’homme contre l’homme dans les cordes et surtout dans la cage (sorry Antoine). Cette France-là était donc invitée cette semaine à communier autour de trois événements pugilistiques qui ont suspendu les horloges à leur calendrier et les réseaux sociaux à leur échéance. L’équipe de 130 livres.com ne fut pas en reste. En effet, les livreurs de vos Punchlines hebdomadaires entamèrent une communication épistolaire 2.0 épique, étalée du jeudredi au samedimanche qui fera peut-être un jour l’objet d’un succès de librairie équivalent au versus entre Bernard-Henri Lévy et Michel Houellebecq. Un Kiss Kiss Bank Bank est en cours de gestation : les premiers donateurs auront droit à une photo dédicacée du duo de BG qui fait le bonheur de vos dimanches soirs. À vos PEL.
Pas que des plumes : des physiques aussi.
  • Commençons dans l’ordre, avec la meilleure blague de l’entertainment français depuis que Renaud a embrassé un flic. Enfin, bonne ça dépend pour qui. Peut-être pas pour celles et ceux qui ont parfois déboursé jusqu’à 400 euros pour voir en live le choc Cédric Doumbé vs Baysangur « Baki » Chamsoudinov avorté à cause… D’une petite épine logée dans le gros orteil du premier. Trois jours après, c’est toujours aussi étrange à écrire mais c’est comme ça : l’affiche la plus attendue du MMA francophone s’est soldée par une victoire par TKO de Baki au troisième round, après que Doumbé ait tenté d’interrompre la rencontre le temps d’enlever le bout de bois de la discorde. « Not on my watch » siffla l’arbitre Marc Goddard, sous les huées de consternation de Bercy.
  • On a assez rigolé aux dépends de « The Best » pour ne pas redire tout ce qui a déjà été dit, et se garder de tirer sur l’ambulance. Mais en quelques mots : oui, terminer comme ça après avoir harcelé les fils d’actus des 7 à 77 ans pendant deux mois, ça donne un petit goût de carotte dont Doumbé est entièrement tributaire. On ne juge pas le combattant ici, mais le Youtuber pris à son propre piège. Car Doumbé s’est construit à la puissance de ses poings, mais aussi à l’aune d’une machine de communication qui a déporté la logique sportive sur le terrain de l’entertainment pur. La déception ici découle donc moins celle d’un combat qui a bien eu lieu (on va y revenir) que d’une promesse de spectacle rompue parce que tout n’était pas comme il faut au goût du maître de cérémonie. The Show Must Go On, en (presque) toutes circonstances : la règles s’appliquent même aux bouts de bois qui viennent titiller la sensibilité plantaire du meneur de troupes.
  • Maintenant, soyons justes. Car si la tentation est érogène à chaud et le reste à froid, tout n’est pas à mettre sur le dos de « Doumced ». D’abord, parce que la confrontation de styles avec Baysangur Chamsoudinov a tenu toutes ses promesses et répondu aux questions qui se posaient d’un côté comme de l’autre. Surtout concernant l’ancien champion du Glory, qui a révélé tout son travail de lutte défensive effectué off camera depuis 6 ans sur les tatamis de par le globe. Visiblement imperméable à la pression qui avait poussé Jordan Zebo, son collègue du MMA Factory à l’erreur fatale contre le même adversaire en septembre dernier, Baki garde la tête froide d’un bout à l’autre de la confrontation. Le jeune combattant travaille à distance de frappe, dévie constamment de l’axe de son adversaire pour l’empêcher d’ajuster sa mire et au premier calf kick, il enclenche le piston du takedown. Emmené 4 fois au sol dans le premier round, Doumbé se relève 4 fois, et fait taire les médisances sur ses capacités à gérer tous les aspects du MMA.
Mais deux secondes, j’ai juste besoin d’une pince à épiler !
  • Les termes du combat posés, le deuxième round fut à l’avenant : Baki gérait son travail de sape en jab et en feintes de lutte tandis que Doumbé, contraint à un monolithisme qui évoquait quelque peu un Deontay Wilder soucieux des amenées au sol, scorait sans éteindre la lumière mais en attendant l’occasion de placer la golden.
  • Difficile à tirer des plans sur la comète passée, à deviner ce qui aurait pu advenir si écharde dans l’octogone il n’y avait pas eu. Si l’arbitre Marc Goddard, plutôt que de tirer le carton rouge sans sommations, avait pris le temps d’emmener Doumbé dans un coin pour lui faire la remontrance. Si ledit Doumbé avait fait avec, et s’était dégagé un chemin vers la victoire même avec une puissance de frappe privée de ses appuis par un morceau de menuiserie rebelle. ET SI ? Ça rend la revanche teasable à chaud, évidente et désirable, comme un cliffhanger de série TV qui fait du chantage au prochain épisode, et annoncé un peu cavalièrement par les deux belligérants en fin de combat à un public dépité.
  • Toujours est-il que la perspective d’une séquelle immédiate parait compromise par un joker qu’on a eu tort de ne plus attendre. Car le manager et main-coach de Baki n’est autre que … Fernand Lopez. Oui, l’homme fort du MMA français, affiché par Doumbé pour des faits de violences conjugales en septembre dernier suite à sa victoire contre Jordan Zebo, moqué et ridiculisé à longueur de réseaux sociaux par les zélotes de l’ancien champion du Glory. Autant dire que ce n’est pas une épine dans le pied, mais un sacré caillou dans la chaussure avec lequel va devoir composer Doumbé : Lopez a déjà annoncé qu’une revanche immédiate n’était pas dans l’intérêt de Baki.  La vengeance est un plat qui se mange froid.
  • En termes de caillou dans la chaussure justement, le PFL devrait revoir sa pointure. Car dans un souci de justesse et de l’avis des observateurs, le fiasco du main event n’était qu’un point de ponctuation dans une soirée à la syntaxe plus que problématique. Carte trop longue, sorties de routes lunaires dans l’arène, speakerine qui invite la foule à hurler « Baki t’es mort » (!!!)  pour chauffer la salle, people et guest de prestige qui prenaient des selfies à la queue leu leu dans la cage comme si le grillage n’existait pas… Tout ce qu’on ne verrait pas à l’UFC, l’organisation reine du MMA mondial critiquable sur bien des points mais rarement prise en défaut en termes de professionnalisme. Ici, il y avait un air de foire aux casus qui jurent méchamment avec les ambitions affichées de numero uno du PFL. Copie à revoir.
  • Enfin, on termine ce derby avec le co main-event de l’UFC 299, qui opposait notre Benoit Saint-Denis national à notre Dustin Poirier adoré. La guerre brutale, sanglante, mythologique, sans concessions ni portes de sorties : c’est le territoire des deux hommes, et c’était la promesse d’un affrontement qui a mis les planètes pugilistiques de toutes confessions en émoi. On s’inquiétait même pour Dustin Poirier, vétéran des charbons très ardents, face au char d’assaut Benoit Saint-Denis qui n’avait pas encore eu le temps d’user ses chenilles sur les charniers.
  • Le premier round donne raison aux pronostics : le Français opère avec sa stratégie de harcèlement habituel, et fait en sorte d’annihiler l’espace vital du Cajun pour l’empêcher de développer sa boxe. Les deux combattants s’exposent, prennent des risques, mais c’est la règle chez les bagarreurs, la violence l’emporte sur le principe de précaution. Debout, au sol, dans le clinch avec ses coudes, Saint-Denis aspire l’air des poumons de son adversaire comme un Khabib moins performant au sol mais plus versatile dans son arsenal. Au début du deuxième round, on ne donne plus que quelques minutes à tenir à « The Diamond », qui s’acharne à gaspiller son énergie dans d’infructueuses tentatives d’étranglements.
  • Puis, un uppercut entre par effraction dans l’intégrité territoriale du menton de Saint-Denis, qui titube et temporise en lutte. Poirier se relève, et essaie d’absorber les assauts en pieds-poings du Français, qui commence à dangereusement baisser ses mains. Il n’en fallait pas plus au coup d’œil du louisianais : un contre du bras arrière, puis quelques secondes après un crochet d’école du bras avant mettent fin aux débats. Saint-Denis avait passé 15 minutes en enfer contre Elizeu Dos Santos pour son entrée à l’UFC, sans jamais céder ni s’arrêter contre un combattant plus lourd et chargé comme un cycliste au mois de juillet.
Very Hard, Knock Life
  • Mais face à l’élite de l’élite, les défenses poreuses ne pardonnent pas. Peut-être, sans doute même que l’infection que Saint-Denis a révélé avoir contracté sur Twitter a largement contribué à entamer sa lucidité et sa résistance habituelle. Peut-être s’agissait-il d’en finir le plus vite possible, d’une façon ou d’une autre pour ne pas subir sur la longueur. Peut-être, et sans doute, mais dans tous les cas, il ne s’agit pas d’un point final. Saint-Denis reviendra, c’est une certitude. Le spectacle délivré dans la douleur a probablement convaincu Dana White et sa team d’avoir misé sur le bon cheval. Quand à Poirier, aucune bonne raison ne saurait entamer son aura. À 35 ans et en fin de carrière, il a pris contre tout sens commun celui que personne ne voulait prendre, et l’a emporté contre tous les pronostics. Putain de légende comme l’a dit le Boss en conférence de presse. On rêverait de le voir mettre enfin cette fichue ceinture des 70kg autour de la taille avant de tirer sa révérence.

2 commentaires sur “Punchlines du 10 mars 2024

  1. Sur 30 combats, Joshua en a gagné 5 à la première reprise et 8 à la suivante, donc – arithmétiquement – Ngannou n’a pas été ridicule, moins ridicule que le combat lui-même (Rafael Nadal vs Ma Long, champion olympique de ping-pong) et il a touché quelques millions de dollars au passage. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possible.

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire