Punchlines du 29 octobre 2023

Le site (Antoine) /

  • Publié la semaine dernière, un nouveau papier de blog mérite qu’on s’y attarde : il porte sur Le ciel a des jambes, de Benoit Jeantet, un recueil de nouvelles portant sur le rugby, soit autant d’histoires d’hommes. Enfin d’humains, quoi. Disons de belles personnes. Ou pas. De quoi vous réconcilier avec ce sport, même après que l’Angleterre a fini devant la France à la Coupe du Monde.
  • Une sciatique de tous les diables m’a privé du mariage d’une amie samedi dernier. Tout à ma contrariété, j’ai préparé un non-discours à l’attention des nouveaux époux. Il s’avère que c’est ce que j’ai écrit de meilleur depuis longtemps. Attendez que je reste plié en deux quelques semaines de plus et je prédis une explosion des connexions sur 130livres.com.
L’autre intérêt de ne pas se soigner étant de préserver sa dignité.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /

  • C’est le dernier tour du Goncourt 2023 et je suis cette année en mesure de livrer un pronostic parfaitement impartial, attendu que je n’ai lu aucun des quatre livres de nos finalistes. Procédons par élimination : dans ce quatuor, Jean-Baptiste Andrea semble proposer avec Veiller sur elle l’œuvre la plus proche de l’idée que nous pouvons nous faire d’un grand roman classique, sur la forme comme sur le fond, ce qui le disqualifie tout à fait. On parle du Goncourt, pardi : Andrea a une bonne tête de finaliste. Avec Humus, Gaspard Koenig joue astucieusement la toujours efficace carte du thème d’actualité, cela dit son roman réaliste écoanxieux serait justement assez dépourvu de matière romanesque, et puis le Goncourt a ceci de commun avec la Champions League qu’il sacre rarement de nouvelles équipes alors que Koenig est publié à l’Observatoire. Éliminé aux portes de la finale. À propos de Ligue des Champions, que vaut le Real Madrid de cette édition ? Gallimard aligne cette fois un Éric Reinhardt dont le Sarah, Susanne et l’écrivain semble cocher pas mal de cases, dont un entre-soi suffisamment puissant pour amadouer le corps arbitral : repassez-vous Lamberterie, Kapriélian et Viviant au Masque et la Plume du 27 août dernier et vous trouverez sobres les éloges habituels à ses copains d’un Beigbeder étrangement dissonant sur ce coup-là. Depuis l’an 2000, Gallimard gagne le Goncourt un coup sur quatre, le dernier date de 2020… bref, les étoiles ont l’air alignées. Seulement voilà : Madrigal a dans la manche un autre atout, à la fois dévastateur en librairie et un tantinet moins conventionnel que l’emblématique quinqua germanopratin Reinhart : Neige Sinno, autrice d’un Triste Tigre salué de Bookstagram au Garcin show. Une thématique de l’inceste très actuelle en littérature française, ce qui semble être un tour de force narratif et une possible seconde lauréate de rang ? N’en jetez plus, je vote Sinno… sauf si le Fémina la sacre la veille du Goncourt, naturellement.
40 Goncourt à 4 éditeurs, ça claque (Gallimard en a 39)
  • Quitte à jouer les Madame Irma je mettrais bien une pièce sur Sorj Chalandon, une fois de plus boudé par les bambocheurs de chez Drouant, pour gratter une sorte de Prix Renaudot de consolation. Récompenser un écrivain de gauche dont les engagements ne sentent pas le toc ni la posture morale, voilà qui irait bien au teint d’un jury si souvent dit réactionnaire.
  • Elle n’aura pas non plus le Goncourt mais pourrait bien vendre quelques palettes de bouquins chez Carrefour et Super U : Britney Spears signe La femme en moi, publié en français chez Lattès. « Avec esprit, humour et sans fard, Britney Spears met en lumière dans ses mémoires le pouvoir indéfectible de la musique et de l’amour, ainsi que l’importance, pour une femme, de se réapproprier son histoire, et de la raconter avec ses propres mots, enfin. »
  • Tiens, pour clore le sujet du plus vendeur des prix, la cellule investigation de Radio France a consacré une édition de Secrets d’Info, diffusée hier, à « La face cachée du prix Goncourt : entre pressions et conflits d’intérêt ». Ouvrez l’oeil, on n’est pas à l’abri de révélations fracassantes sur le dopage dans le cyclisme, la corruption au CIO ou la cocaïne chez les mannequins.
  • C’est bientôt décembre et la sortie du numéro du magazine Lire consacré aux 100 livres de l’année. On m’y a notamment confié des papiers sur deux œuvres d’écrivains décédés cette année et un troisième dont l’auteur se remet d’un attentat. À croire que des années de nécros express sur Facebook finissent par vous conférer un certain style de beauté. Notons que pour l’édition actuellement disponible en kiosque m’a tout de même échu le portrait d’un quadragénaire canadien en bonne santé, Craig Davidson, dont le dernier recueil de nouvelles intitulé Cascade mérite qu’on y jette un oeil ou deux… surtout si l’on prise Stephen King.
  • Le 12 octobre dernier, à l’occasion de sa niche parlementaire, le RN avait proposé un texte interdisant l’écriture inclusive tellement mal troussé que les Républicains les avaient abandonnés en rase-campagne. Ces derniers ne sont néanmoins pas totalement détendus sur la question et viennent de proposer leur propre texte au Sénat. Il s’agirait d’amender la loi Toubon de 1994 pour considérer un document dans lequel il fut usé d’une telle écriture comme écrit dans une langue étrangère ; cette règle s’appliquerait à la sphère publique mais aussi à quantité de champs du droit commercial et du droit du travail. Est ici considéré comme « inclusif » l’usage de certains néologises (dont le « iel ») et celui du point médian (« cher.es ami.es, bonsoir »). Je suis assez d’accord. L’âge, je sais.
  • Et puis il importe de saluer la très jolie initiative d’un aréopage de fanatiques, en l’occurrence les inconditionnels de l’oeuvre de Gabrielle Wittkop : ils viennent de fonder une association loi 1901 nommée « Société des Amis » de la vénéneuse et sublime autrice du Nécrophile. Cette joyeuse bande veut « mieux faire connaître la vie et l’œuvre de Gabrielle Wittkop auprès des professionnels du livre et des amoureux de la littérature, organiser des événements culturels et encourager des travaux de recherches et des publications, ainsi qu’à propager l’esprit wittkopien dans les lettres et les arts ». Souhaitons l’accomplissement d’objectifs d’une telle nécessité.

Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /

  • Parlons de cinéma, parlons … Grève à Hollywood. Bah oui, faites pas comme si ne vous avait pas manqué après une semaine de hiatus. D’autant qu’il y a de la nouveauté sur le front de l’Ouest ensoleillé. Cette semaine, les studios ont dégoupillé une grenade au syndicat des acteurs, et menacé de laisser tomber les négociations si un accord n’était pas trouvé dans la semaine. Pourquoi ? Parce que même si la machine redémarrait demain, il est peu probable que le moindre projet puisse se conclure à temps pour remplir les grilles de diffusion du printemps. Autrement dit : les studios sont prêts à faire une croix sur la saison estivale. Ce qui repousse la prochaine échéance à la rentrée 2024 et d’ici là, les grévistes auront épuisé leurs ressources financières leur permettant de tenir le piquet. Laisser l’ennemi s’asphyxier pour le contraindre à capituler en rase campagne : à Hollywood comme ailleurs, l’art de la guerre profite souvent au plus fort.  Un groupe d’acteurs mené par George Clooney a bien essayé de faire une médiation, sans succès. Fran Drescher, la très populaire Nounou d’Enfer et présidente de la SAG-AFTRA appelle à tenir bon, mais pas sûr que ses discours galvanisent autant ses troupes lorsque les réserves de pain sec et eau seront taries. Triste.  
  • On apprend que Vin Diesel aurait mis son veto à la participation de Jean-Claude Van Damme aux Fast and Furious. Aucune information n’a filtré concernant le rang qu’aurait pu (du) tenir le no su kow dans la Familia, mais on se demande bien quelle mouche a pu piquer l’égo de Baboulinet pour priver son public chéri d’un tel moment d’histoire. Parce que tous les scénarios se bousculent dans nos têtes, et c’est la fête du slip qui allume nos synapses comme des néons de 206 gt. Jean-Claude en ballroom dancing avec les petites en tanga sur les carrosseries, Jean-Claude en grand-écart entre deux bagnoles à 300 à l’heure sur l’autoroute, Jean-Claude en cousin germain au 7ème degré qui revient hanter Dominic Toretto pour une dernière course au volant d’un vaisseau spatial sur jantes chromés… L’histoire n’est qu’une suite de rendez-vous manqués.
« Putain, j’avais refait le mulet exprès ! »
  • Ridley Scott aurait vu le nouvel Alien, réalisé par Fede Alvarez (le remake de 2013 d’Evil Dead, Don’t Breathe 1 et 2 ), et aurait trouvé ça « flippant ». Bref, ça va être nul.
  • Matthew Perry a été retrouvé mort à son domicile par la police de Los Angeles, apparemment noyé dans son jacuzzi. Ayant toujours profondément exécré Friends, mais bien conscient de l’impact que la série a pu avoir sur beaucoup de gens (apparemment) très bien, je me contenterai d’un RIP pudique. Comme la plupart des comédiens associés à une série trop culte pour la longévité professionnelle de ses acteurs, Perry n’a jamais vraiment réussi à se dissocier du rôle qui l’installa dans le salon de centaines de millions de spectateurs 10 saisons durant. Et bien au-delà, si on compte les rediffusions qui ont toujours court aujourd’hui. Des mauvais choix de carrière, une vie privée noyée sous les addictions ont eu raison d’un come-back longtemps espéré par ses fans. Que l’on aime ou pas, on est bien forcé de tirer son chapeau à quelqu’un qui conserve un tel impact à long terme.
  • A 24, la société de production spécialisée dans le « Elevated Genra » (on leur doit entre autres Everything, everywhere, all at once, la Razzia des oscars 2023), en a marre de sa réputation de boite à films qui se débattent plus qu’ils ne regardent, et a envie de « faire pêter des trucs ».  Bref, finit de se la toucher sans sortir le chibre, il est temps de mettre du muscle dans le corps spongieux. On me souffle à l’oreille que Michael Bay cherche une nouvelle crémerie.
  • Ridley Scott toujours, aurait donné son avis sur Top Gun : Maverick, la suite masterpiece du film réalisé par son défunt frère Tony, et trouve le film…  « Bof ». Bref, une raison de plus de le trouver génial.
  • Petit détour par les salles obscures avec la sortie de Second Tour d’Albert Dupontel, aka le plus grand réalisateur français actuel. Où, à tout le moins, le seul capable de concilier succès populaire, louanges critiques, et brouette de césars à intervalles réguliers. À force de penser que le cinéma français est devenu un territoire balkanisé, on oublie que des gens comme Dupontel peuvent encore amener tout le monde à voir le même film. Et ce sans compromettre ni son intégrité artistique, ni une vision du monde chevillée à la haute idée qu’il se fait du cinéma. Un réalisateur « exigeant », mais vis-à-vis de lui-même avant tout.
  • Dans Second Tour, Dupontel raconte comment le candidat de droite à une élection présidentielle qui n’intéresse personne se fait démasquer par une journaliste, qui découvre que l’homme fort de l’oligarchie des affaires n’est pas celui qu’il prétend être… Le réalisateur ne tarde pas à faire tomber les masques, mais on se gardera bien de le faire à sa place. Car Second Tour fait partie de ces films qui ne s’éventent pas. Non pas pour se préserver du spoiler en soi – le dénominateur le plus bas de l’expérience cinématographique – mais pour ne pas vous donner la moindre raison de vous engager à moitié dans le film. On parle ici d’un prototype, d’une œuvre dense, très dense qui ne laisse pas une seule seconde au spectateur pour se démobiliser. Les personnages réfléchissent vite, parlent vite et agissent vite, et tout concourt à mettre nos synapses au diapason du rythme de l’ensemble. On parle d’une leçon de cinéma, devant et derrière la caméra. Derrière, Dupontel dessine une ligne claire plus cristalline que jamais et devant le trio composé de lui-même, Cécile de France et Nicolas Marié nous font une Aaron Sorkin : réciter mes dialogues aussi vite que le public peut les comprendre. Comédien, c’est vraiment un métier, et pas que. Du montage à la lumière en passant par le scénario, tout est au millimètre, au funambule de ce que le spectateur peut accepter ou pas, comprendre ou non. C’est comme un concert de Busta Rhymes, ou de Bruce Springsteen : celui qui est là pour s’asseoir est prié de quitter la salle.
C’est pas le moment de péter, les copains.
  • Au fond, Second Tour est un manifeste : de cinéma, de politique, de cinéma-politique : en réanimant le spectateur VRAIMENT actif, Dupontel réveille le citoyen qui prend son destin en mains, et participe à ce qui se passe autour de lui et, en l’occurrence DEVANT lui. Une exigence utopique jusque dans une candeur romanesque dont le souffle traverse un film volontiers caustique, mais qui ne feint absolument pas les grands sentiments. Comme dans tous les Dupontel finalement. Oui, la pureté, la naïveté, l’absence totale et absolue de cynisme et d’arrière-pensées, c’est toujours possible en 2023. C’est un choix de vie, et une question de cinéma.

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /

  • À placer plusieurs années un bipolaire accro à la bière, la cocaïne et Burger King en situation de représenter la boxe, soit titulaire invaincu d’un titre mondial dans la plus médiatique des catégories, on risquait de voir l’affaire partir en torche. Ce fut le cas hier soir à Riyad après une soirée d’un kitsch invraisemblable étirée sur des heures de trop, lorsque Tyson Fury remporta une décision partagée très discutée face à Francis Ngannou, ex-champion de l’UFC et novice en boxe professionnelle mais pas en boxe tout court, les images d’un match nul en amateurs avec Carlos Takam faisant foi. On imaginait certes Tyson Fury aussi bien préparé que la France en 1940, cependant rien n’excuse la copie livrée hier soir. Entendons-nous d’emblée : justifiée ou pas, la décision des juges n’a strictement aucun intérêt. Ce que retiendront les fans de boxe et de MMA du monde entier tient en une image : Fury à terre au 3e round sur un contre en crochet gauche qui l’attrapa en haut du crâne quand il tenta d’accélérer. Depuis deux ans et son second succès sur Deontay Wilder à l’issue d’une excitante mais bien vilaine bagarre de saloon, Fury se contentait d’adversaires sur le retour, guère intéressé par le combat d’unification face au triple champion WBA-IBF-WBO Olexandr Usyk. Les dieux de la boxe finissent souvent par punir les pires je-m’en-foutistes et le combat d’hier n’y fit pas exception. Peu varié dans ses approches derrière une collection de feintes répétées ad nauseam, contraint à une posture attentiste et des techniques illégales – tel un splendide coup de coude -, impuissant à piocher la bonne réponse technique dans une palette pourtant étendue chez un lourd, Fury subit pire qu’un KO précoce à propos duquel il aurait pu argumenter à l’infini sur l’imprévisibilité de son sport : il peina 7 rounds de plus à imposer sa boxe contre un combattant de MMA dont on moquait les robotiques images de sparring. L’ironie de la situation est que l’affrontement avec Usyk auquel il finit par consentir à force de promesses de pétrodollars, prévu pour janvier ou février prochain, a d’un coup perdu beaucoup de son intérêt. Tant pis pour Usyk, et bien fait pour sa (gigantesque) gueule toute ronde.
Par qui sonné, le gras ?
  • On le répète, la décision rendue hier est purement anecdotique. L’unique vainqueur de la soirée est bien Francis Ngannou. Il méritait déjà l’admiration pour son parcours, champion UFC après avoir ajusté son style entre les deux combats contre Stipe Miocic, capable de basculer vers le plan B victorieux une fois deux premiers rounds concédés à Cyril Gane, puis impassible dans son bras de fer contre Dana White jusqu’à faire sauter la banque en attirant Fury sur un ring. Au fond, le Prédateur n’a fait que confirmer hier soir ce qu’on savait de lui : il bosse, il est discipliné, et il réfléchit. À 37 ans, Ngannou ne s’est pas réinventé d’un coup : il a travaillé sa caisse pour tenir 10 rounds, il a évité de (trop) boxer dans le vide pour ne pas épuiser son plein d’essence, il a gardé les mains hautes et donné un jab correct, servi par une allonge guère moins impressionnante que celle de Fury, il a alterné les attaques au corps et à la face, il a travaillé des déplacements cohérents, mobile jusqu’au bout et capable de maintenir la pression sur son adversaire (le genou était manifestement plus frais que contre Gane), il a montré dans le clinch combien son expérience du MMA était utile de près contre un adversaire pondéreux, il a même basculé plusieurs fois en garde de gaucher pour que Fury le décrypte moins facilement. Si l’on parlera longtemps du knockdown obtenu au 3e round, il ne faudra pas oublier non plus une 8e reprise où il contraignit le « Gipsy King » à s’accrocher pour survivre, franchement secoué sur une méchante droite. Seuls Deontay Wilder et le baiser de la mort qu’il cache dans son gant arrière avaient fait aussi mal au champion WBC des lourds, ce qui dit beaucoup, gros gants ou pas, de la puissance de semi-remorque du Camerounais. Quoi qu’il advienne à compter d’aujourd’hui dans son parcours en boxe anglaise, sa provision de respect est rigoureusement inépuisable. On lui pardonnera même d’autres tentatives de Superman punch. Des mines de sable du Cameroun aux ors de Riyad en passant par les nuits dans la rue à Paris, gageons que le biopic est d’ores et déjà en préparation.
  • Honte à Fury et gloire à Ngannou, donc. Que retenir d’autre d’une telle soirée ? « La boxe est morte », claironneront les Jean-Kévin biberonnés à l’UFC. « C’était un combat, et le boxeur a gagné » répondront les Jean-Michel Mauvaisefoi nés sous Giscard et au-delà. « On se calme deux secondes », serais-je tenté de conclure, conscient de l’inutilité profonde d’un appel à la raison à l’ère de la polémique inflammable érigée en étalon-or du débat public. Le paradoxe d’un main event dont les faits auront démontré la cohérence sportive contre vents et marées Dieu sait si j’étais sceptique est que sa réussite en tant qu’événement est une défaite pour la boxe ET le MMA lorsqu’on réfléchit plus d’une seconde à ses implications. Côté boxe, on l’a dit, le lustre du plus prestigieux des combats sur le papier, l’unification à venir des quatre ceintures mondiales majeures des lourds, en a pris un fameux coup. Et peu importe qu’une telle surprise advienne justement dans la moins technique des catégories, celle qui nivelle la spécificité du noble art, la petite musique d’une supposée supériorité athlétique des combattants du MMA résonne maintenant comme une fanfare planétaire. Côté MMA, alors qu’on se prévalait d’une structuration lisible et moderne en comparaison, l’UFC fête ses 30 ans en voyant exploser sur un ring de boxe la popularité d’une star qu’elle n’aura pas su retenir, et qui a manifestement eu raison de claquer la porte. On souhaite bon courage aux fans de MMA à l’heure de découvrir le chaos bien connu des amateurs du noble art : des vedettes éclatées contractuellement entre pléthore d’écuries et qui s’évitent soigneusement. Enjoy, les copains.
Le pire, c’est que le bougre a d’autres talents…
  • Si réussi soit-il, Fury vs Ngannou signifie fort peu en lui-même… tout en enterrant un Fury vs Usyk disputé dans des conditions rêvées et en rehaussant en creux l’importance historique qu’aurait pu avoir un Jon Jones vs Ngannou. Triste échec sportif de deux industries malades de leur cynisme, une rombière hautaine aux charmes fanés et un teenager à l’ego de petit frère contrariant. Au surplus, est-on vraiment plus avancé sur la question des athlètes les plus efficaces dans un « vrai » combat ? Les « vraies » bagarres en question impliquent des adversaires multiples, des coups irréguliers, de l’alcool et l’utilisation d’éléments de mobilier, soit tout ce que proscrivent les sports de combat. Même réussis, Dieu que je hais les crossover fights.
  • Parce qu’il n’y a justement pas que les crossover fights dans la vie enfin pour le moment , un mot sur la sous-carte de Fury vs Ngannou : le Néo-zélandais Joseph Parker a acté son (Nième) retour en forme en disposant de Simon Kean d’un joli uppercut droit au 3e round, tandis que notre quadra préféré Carlos Takam a concédé par arrêt de l’arbitre au 4e round le duel des vainqueurs de Tony Yoka à Martin Bakole, trop grand, rapide et puissant pour lui. On s’interroge d’ailleurs sur le potentiel du Congolais : ses 300 livres et la puissance de ses enchaînements à la tête et au corps en feraient un cauchemar pour plus d’un lourd de premier plan si Môssieur Bakole daignait s’intéresser un poil plus à sa carrière. Hier soir également, notons la première défense du titre WBC des super plume d’O’Shaquie Foster, attentiste et débordé par son challenger Eduardo Hernandez pendant la première moitié du combat avant de rendre sa pression au pressure fighter mexicain boxant à domicile et d’obtenir l’arrêt de l’arbitre au 12e round dans la foulée d’un 11e d’anthologie. Après son succès inattendu sur l’invaincu Rey Vargas, l’ex-taulard Foster se construit une intéressante réputation d’empoisonneur au sud du Rio Grande.
  • Les Punchlines jouaient relâche dimanche dernier mais tiennent à saluer deux performances du week-end concerné, en commençant par le démâtage méthodique du Californien Alexis Rocha par son compatriote et homologue gaucher Giovanni Santillan. Ce dernier ne m’avait jamais beaucoup impressionné jusque-là mais la guerre à l’ancienne qu’il sut imposer à Rocha mérite le respect – et divertit franchement le public du Forum d’Inglewood. Dire que Rocha était considéré comme le futur des welters après l’ère Crawford-Spence… Mention aussi au succès de Jack Catterall sur Jorge Linares à Liverpool, non pas parce que Catterall gratta une victoire à l’économie en boxeur empoisonnant qu’il est, mais parce que c’était l’ultime sortie professionnelle d’un Vénézuélien souriant, résigné et sous-dimensionné à 140 livres. Saluons la retraite d’un des plus beaux boxeurs offensifs de la dernière décennie, road warrior à l’éthique de moine-soldat et champion du monde des plumes aux légers. Mieux vaut retenir la figure de Jorge Linares que celle d’Edwin Valero au pays de Chavez et Maduro.

Le MMA va bien, merci pour lui /

  • Il va bien, oui et non. Voir ci-dessus.

Un commentaire sur “Punchlines du 29 octobre 2023

  1. Bon papier, je ne puis qu’acquiescer sur Fury le considérant comme largement surévalué depuis des années et comme mal taillé pour le statut de champion.
    Concernant Foster-Hernandez, je pense qu’avec le 11 ème round nous tenons là un sérieux candidat au titre de round de l’année, un peu de boxe après la mascarade n’était pas de refus…

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