Bonne nouvelle pour les amateurs du noble art, Manny Pacquiao a regagné un combat hier soir, lui qui restait sur deux défaites en 2012. Contre Brandon Rios, ancien champion des légers resté fameux pour ses deux pugilats contre Mike Alvarado, bagarreur increvable dont la technique frustre, la vitesse limitée et le menton en béton armé évoquèrent hier soir un sac de sable mouillé. Victoire par décision unanime pour la star des Philippines, par au moins 8 rounds d’écart pour les 3 juges. Personnellement, je ne pense pas que Rios en ait gagné un seul, l’essentiel de son activité sur le ring ayant consisté à secouer la tête à chaque série encaissée pour nier l’impact des coups de Pacquiao.
Le combat avait lieu à Macau, sur l’improbable créneau de la mi-journée pour permettre un pay per view en prime time sur le marché US. L’initiative est intéressante en termes de développement à l’international, même si sportivement parlant la réunion a sérieusement manqué d’intérêt. En commençant par une affiche principale au déroulement bien prévisible. Manny Pacquiao a retrouvé ses attitudes et son rythme de lapin Duracell, mais on l’a senti sur la réserve, soignant ses esquives et ses déplacements latéraux en sortie de corps-à-corps, et pas spécialement tenté par la prise de risque pour finir un adversaire doté il est vrai d’un gros punch. Si Pacquiao est bien de retour et reste l’un des 10 meilleurs boxeurs du moment, et si les quelques coups nets placés par Rios ont été encaissés sans grande difficulté, on peut douter de revoir un jour le vrai phénomène Pacman des années 2005-2010 sur un ring – il serait déplacé de parler d’ouragan philippin fin novembre 2013, même si la métaphore est sans doute la plus juste…
La suite de la carrière de Pacquiao pose question. Son promoteur Bob Arum a prétendu qu’une victoire convaincante de Manny ouvrirait la porte à la reprise des négociations avec le camp Mayweather. Il y a toujours beaucoup d’argent à faire autour d’une telle affiche, mais l’animosité persistante entre Floyd et Arum, les engagements respectifs des deux boxeurs auprès d’HBO et Showtime, et le peu de chances de voir les deux camps s’entendre sur le partage des recettes laissent sceptique. Il est plus probable que Pacquiao obtienne une revanche contre Tim Bradley ou Juan Manuel Marquez, ses deux vainqueurs de 2012 également sous contrat avec le promoteur Top Rank et la chaîne câblée HBO.
La logique sportive voudrait que Bradley, qui reste sur des succès sur Pacquiao et sur Marquez, obtienne une chance contre Mayweather. Je mettrais donc plutôt une pièce sur Pacquiao-Marquez V, avec un combat contre Floyd fin 2014 ou en mai 2015 si les deux hommes restent invaincus d’ici-là… et si les nombreux autres points d’achoppement des négociations entre les deux camps sont levés, ce qui fait beaucoup de « si ». La 4eme option serait peut-être son camarade d’entraînement Ruslan Provodnikov, aperçu hier soir dans dans le vestiaire de Manny, même si les liens d’amitié entre les deux boxeurs ainsi que le rapport bénéfice/risque douteux d’un combat contre le terrible « Rocky sibérien » rendent un tel choix assez improbable.
A retenir du reste de la soirée, sur une carte reflétant le souhait de Top Rank de faire décoller la boxe sur le marché chinois, mais des parti-pris bien surprenants dans le matchmaking :
– Le champion IBF des poids plumes Evgeny « The Mexican Russian » Gradovich est un boxeur capable, comme l’a montré la qualité de son pressing et de son timing en contre lors d’une revanche remportée face à l’australien Billy Dib, par arrêt de l’arbitre au 9eme round. Cette performance solide confirme la réelle densité actuelle de la catégorie (Jhonny Gonzalez, Abner Mares, Orlando Salido, Nonito Donaire, Vasyl Lomachenko, Chris John, etc.). Et qu’il reste des arbitres qui connaissent leur métier.
– Le vrai sketch de la soirée : un freak show dans la catégorie des lourds entre le jeune et adipeux mexicain Andy Ruiz Jr et l’ancien espoir US Tor Hammer (ça ne s’invente pas), ce dernier abandonnant tristement à l’appel du 3eme round et apprenant son licenciement par le manager Lou DiBella via Twitter à peine 15 minutes plus tard. Passez-moi l’expression, mais lol.
– Le double champion olympique des mi-mouches Zou Shimming est peut-être le grand espoir chinois de la boxe professionnelle à 32 ans bien tassés, mais un vrai bon boxeur qui sait se déplacer, défendre et contrer lui ferait vraisemblablement sauter le dentier. Heureusement que son adversaire, surnommé « Le poulet », était loin de présenter de tels arguments.
– Il faudra revoir le super léger portoricain Felix Verdejo, qui présente de très belles attitudes sur le ring à 20 piges à peine. De la graine de champion sur une île en perte de vitesse, mais il n’a pas appris grand-chose contre un boxeur thai complètement paumé en anglaise, et dont le mérite fut de tenir les 6 rounds prévus pour le combat.