Sale année pour le noble art

C’est un triste enchaînement après l’hommage à Ron Lyle, mais la nécrologie déjà chargée de l’année 2012, tant côté champions que coachs mythiques, vient de s’alourdir un peu plus avec la constatation de l’état de mort cérébrale du portoricain Hector « Macho » Camacho, âgé de 50 ans, suite à de graves blessures par balles peut-être liées à une affaire de drogue.

Comme c’était le cas l’an dernier pour feu Edwin Valero, les démêlés judiciaires et le comportement hors du ring du Macho Man pouvaient laisser imaginer une fin en forme de tragédie pour cet ancien champion de 3 catégories dans des fédérations majeures (super plumes, légers, super légers). Et à l’image du destin du vénézuélien, le mélange entre énorme talent naturel, tempérament incandescent, succès précoce et environnement hyperviolent s’est avéré fatal à Hector Camacho.

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Passé pro à 18 ans, il a remporté son premier titre mondial en super plumes avec un succès sur la référence Rafael Limon trois ans plus tard en 1983. Bénéficiant d’une certaine allonge pour les premières catégories où il s’illustra, Camacho était un gaucher doté d’une technique très solide, d’une incomparable vitesse de bras comme de jambes, et d’un punch honorable en début de carrière (38 KOs sur 79 succès au final).

Les 6 défaites qu’il concéda furent toutes des décisions – ce qui montre la qualité de son jeu défensif et la solidité de son menton – essentiellement face à des cogneurs capables de lui couper la route et efficaces de près. Ce furent notamment Julio Cesar Chavez pour le titre WBC des super-légers en 1992, son jeune compatriote Tito Trinidad qui conserva face à lui la ceinture IBF des welters 2 ans plus tard, ou un Oscar De la Hoya faisant de même avec le titre WBC en 1995. La perte de sa ceinture WBO des super-légers en 1991 (et première défaite en carrière, vengée 3 mois plus tard) face à l’américain Greg Haugen tient du sketch, puisque le point qui aurait permis le match nul lui fut retiré dans des conditions passablement absurdes : il frappa Haugen au début du 12e alors que celui-ci tardait à accepter de toucher les gants, comme c’est la coutume.

Camacho s’est surtout illustré par des victoires significatives (Limon, Haugen, Vinnie Pazienza, José Luis Ramirez, Edwin Rosario), parfois comme fossoyeur d’adversaires en bout de course : Ray Mancini en 1989 pour le titre WBO des super-légers, Ray Leonard pour son dernier combat en 1997, et Roberto Duran à deux reprises alors que celui-ci avait 45 et 50 ans.

Il est permis de penser qu’avec ses qualités physiques et techniques, cet homme qui boxa en pros jusqu’à l’âge de 47 ans – et eut parfois bien du mal à faire le poids la veille de ses combats – serait encore plus haut dans le panthéon de son sport s’il avait eu un mode de vie plus conforme à celui d’un boxeur de haut niveau. On peut aussi affirmer que la victoire contre Rosario, qui le laissa éprouvé comme jamais, rendit Camacho plus prudent et moins spectaculaire durant toute sa seconde moitié de carrière. Reste qu’il fait partie des meilleurs combattants de l’histoire d’un pays d’où nous vinrent aussi Wilfredo Gomez, Esteban de Jesus, Wilfried Benitez, Danny Garcia, Tito Trinidad, ou le toujours actif Miguel Cotto, pour ne citer que ces noms-là.

Cette mort violente vient s’ajouter à celle du poids lourd sud-africain Corrie Sanders, tué en septembre dernier dans ce qui semble être le braquage d’un restaurant où « The sniper », 46 ans, fêtait l’anniversaire de l’un de ses proches. Si Corrie Sanders n’a pas le profil d’un futur membre du hall of fame, il restera à jamais présent dans la mémoire des amateurs de boxe des années 2000 en devenant le deuxième tombeur de celui qui détient des ceintures en lourds depuis maintenant plus de 7 ans, l’imposant Wladimir Klitschko. L’explosivité et le punch du gaucher Sanders avaient fait merveille face à un ukrainien encore un poil mécanique, et au menton vulnérable aux frappes d’un vrai puncheur. Notons que Vitali avait vengé l’honneur de la famille quelques mois plus tard, Sanders encaissant une terrible correction sans aller à terre, pour finir arrêté au 8e round. Sa victoire sur Wladimir reste un grand moment de rock n’roll, et qui a contribué comme ses collisions avec Ross Purrity et Lamon Brewster à rendre l’ukrainien plus circonspect, et très efficace au moment de s’accrocher.

Sale année pour le noble art, donc, qui vit aussi le décès de deux autres grands boxeurs : Carmen Basilio à l’âge de 85 ans (plus de détails sur « The Upstate Onion Farmer » dans la bio de Willie Pep), et Teofilo Stevenson à 60 ans à peine.

Stevenson était un cubain, champion olympique des lourds trois fois de suite de 1972 à 1980, et triple champion du monde amateurs. Il a refusé des ponts d’or pour affronter Muhammad Ali, faute d’une entente sur le format des combats (pro ou amateurs) et d’un appât du gain plus fort que le patriotisme qu’il clamait et proclamait. Une technique sobre et classique au service d’un boxeur élégant et délié, doté d’un jab excellent et d’une très méchante droite. Sur un ring, un pur bonheur à regarder. Au final, 302 victoires pour 22 défaites. Difficile de dire qui fut le plus grand poids lourd amateur de l’histoire entre lui et son compatriote Felix Savon.

Enfin, trois coaches de légende méritent une mention : Angelo Dundee, Emmanuel Stewart et Goody Petronelli. Dundee, qui avait travaillé avec George Foreman, Sugar Ray Leonard et surtout Muhammad Ali, est décédé à l’âge de 90 ans. Assister cette année aux 70 ans d’Ali ne lui aura pas vraiment réussi. Foreman, Dundee l’a entraîné pendant son come-back victorieux. Ce qui est assez amusant quand on sait que Big George lui a longtemps reproché d’avoir fait en sorte que les cordes du ring du combat de Kinshasa contre Ali soient desserrées, pour donner à ce dernier plus d’espace en s’appuyant dessus (la fameuse tactique du « rope-a-dope »). En dehors de cette polémique et d’un ou deux échanges musclés avec Don King (comme beaucoup de gens en ont eu), Dundee était un professionnel unanimement apprécié et reconnu.

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Autre anecdote, Angelo Dundee a poussé Ray Leonard à aller finir Thomas Hearns lors de leur premier combat (relaté ici dans la bio de Sugar Ray), lui hurlant qu’il était derrière aux points : « You’re blowing it, son ». Il faut ajouter à la liste de ses boxeurs des cracks comme Carmen Basilio (qui ne lui aura pas survécu bien longtemps), Wilfredo Gomez, José Napoles (j’en parlerai un jour), Willie Pastrano, et sûrement d’autres encore.

Emmanuel Stewart restera aussi connu comme entraîneur d’un paquet de grands noms, parmi lesquels Thomas Hearns, Lennox Lewis, Gerald McClellan et Wladimir Klitschko, qu’en tant que patron du célèbre Kronk Gym de Detroit, un lieu mythique de la boxe aux Etats-Unis où les oppositions en casque et débardeur (parfois filmées) sont souvent aussi intenses que des combats pros.

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Goody Petronelli, disparu à 88 ans, est lui connu pour avoir oeuvré aux côtés de son frère Pat à faire le champion que l’on sait de Marvelous Marvin Hagler. 20 ans de collaboration au début desquels Hagler, même passé pro, dut régulièrement travailler dans leur entreprise de construction pour boucler des fins de mois difficiles.

Les Petronelli ont coaché bon nombre de jeunes talents à Brockton, Massachussets, dont le propre demi-frère de Marvin Hagler Robbie Sims, et le « Celtic Warrior » Steve Collins, ancien champion des super moyens et adversaire des McCallum, Kalambay, Benn et Eubank dans les années 90. Les Petronelli étaient sur le point de conclure un deal avec le retraité Rocky Marciano, également originaire de Brockton, le jour où son avion s’écrasa…

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Goody Petronelli a continué à entraîner jusqu’à la vente de sa salle en 2011, mettant encore les gants à un âge canonique. Son frère est mort l’an dernier.

Espérons que, pour ce qui lui reste à vivre, cette funeste année 2012 laisse enfin nos légendes tranquilles.

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