Après sa défaite contre Jones, Hopkins reste en moyens et obtient difficilement la ceinture IBF après un nul et une victoire sur un obscur équatorien. C’est le début de la plus longue série de défenses victorieuses d’un titre dans cette catégorie. Hopkins est un ascète qui n’a aucune difficulté à faire le poids malgré un gabarit de mi-lourd naturel. Son allonge lui donne indéniablement un avantage sur la plupart de ses adversaires, qui lui rendent de 5 à 10 cm, ce que les sceptiques ne manquent pas de faire remarquer pendant ses 20 défenses de rang. 20 défenses qui lui permettent de battre le record légendaire de Carlos Monzon, sur lequel Marvin Hagler se cassa les dents en son temps.
Reste que Hopkins, on l’a dit, est surtout un professeur de boxe. Là où Jones estoque ses adversaires avec la classe d’un danseur mondain, Hopkins les entraîne dans un sous-sol lugubre, les travaille posément à la moyenâgeuse et les use autant physiquement que psychologiquement jusqu’à la rupture. Rien de glamour dans le style, juste de la domination et un art consommé du dirty boxing. Sur ses premières défenses, l’Exécuteur (son doux surnom) bat quelques beaux noms, tels le jamaïcain Glen Johnson (on en reparlera), les américains Brown (vainqueur surprise de Terry Norris), Allen, et Vanderpool. Mais il reste désespérément snobé par le public, faute de grands combats, de charisme et de KOs sur un coup. Ici, la fin du combat contre le dur Glen Johnson, à qui personne d’autre n’a infligé pareil traitement :
La lumière viendra pour lui à 36 ans, dans le cadre d’un tournoi d’unification du titre des moyens. Il bat Keith Holmes (tombeur de notre Hacine Cherifi) en demie, et se retrouve confronté en finale à la mégastar portoricaine Tito Trinidad, venu des super-welters. Ce dernier, invaincu et vainqueur controversé d’Oscar De La Hoya quelques mois auparavant, a la faveur des pronostics. Il sera Hopkinsisé en mondovision, battu comme plâtre, cruellement impuissant et mis KO en fin de match.
Enfin le public connaît et reconnaît Bernard Hopkins. Il bat 2-3 adversaires passables, dont le français Morade Hakkar, avant de mettre KO De La Hoya d’un rare et plaisant crochet du gauche au foie. D’aucuns prétendent que le Golden Boy resta volontairement à terre pour abréger la punition.
La fin de série viendra pour lui en 2005, où il est battu 2 fois aux points par le jeune Jermain Taylor. Celui-ci, à la fois plus rapide et fuyant, arrivera à gagner sans jamais rien scorer de décisif, face à un quadragénaire dont la carburation en début de combat est assez lente. A titre personnel, je vois comment les juges ont pu donner les 2 matches à Taylor, mais faire tomber une légende comme Hopkins sans vraiment aller chercher le titre peut laisser une certaine amertume aux observateurs.
Voilà un extrait du 1er combat :
Et un extrait de la revanche :
En tout cas, défait et d’un âge désormais canonique, Hopkins a un profil de retraité en puissance. Et c’est là qu’il surprend une nouvelle fois son monde. Mais n’anticipons pas et revenons justement à Roy Jones, que nous avons laissé invincible et roi des mi-lourds en 2002 à 33 ans.
Face au manque de compétition dans sa catégorie, Roy Jones décide l’année suivante de tenter un pari pour l’histoire : devenir le premier boxeur à conquérir un titre mondial en lourds après avoir commencé par la ceinture des moyens depuis l’anglais Bob Fitzsimmons, plus de 100 ans auparavant. Le challenge est énorme sur le papier, mais moins important en considérant l’identité de l’adversaire choisi : John Ruiz, un combattant limité et souvent ennuyeux à mourir, dont le principal fait de gloire fut de prendre la ceinture à un Evander Holyfield usé jusqu’à la corde après une trilogie passablement soporifique.
10 bons kilos séparent quand même les deux hommes le jour où Jones réussit son pari, dansant 12 rounds autour de Ruiz et faisant étalage d’une classe infiniment supérieure.
Jones continue à écrire l’histoire en redescendant aussi sec en mi-lourds, pour se réapproprier une ceinture face mondiale à Antonio Tarver, bon gaucher endurant et doté d’un certain punch (et interprète de l’adversaire de Stallone dans Rocky Balboa). Il gagne difficilement ce combat et la perte de 20 kg a manifestement laissé des traces. Moins de vitesse, moins de mobilité face à un mi-lourd naturel … on sent venir le déclin. L’homme est orgueilleux et accorde sa revanche à Tarver. Arrive l’impensable : un énorme KO sur une praline que le Jones de la grande époque n’aurait probablement pas ramassée aussi brutalement.
Les spéculations vont bon train sur le devenir de Jones, qui enchaîne en défiant Glen Johnson (l’ancienne victime de Hopkins, pour ceux qui suivent) pour la ceinture IBF. La défaite est plus dure encore : Jones est dominé pendant 9 rounds, et finit KO pour plus du compte.
Un type aussi narcissique et brillant récolte nécessairement l’opprobre quand il se met à perdre, et beaucoup ricanent, d’autant plus que Jones perdra son 3e combat d’affilée, aux points cette fois, en disputant une belle contre Tarver. Son image est salement amochée par rapport à ses années de gloire, quand bien même tout le monde s’accorde à dire qu’il reste un grand champion, probablement l’un des 30 à 40 meilleurs de tous les temps. La suite, c’est 2 victoires sans beaucoup d’intérêt, un succès insignifiant contre un Tito Trinidad en chaise roulante en 2008, et une défaite large et humiliante aux points contre l’invaincu gallois Joe Calzaghe (après que les 2 se sont évités pendant 10 ans environ) dont on reparlera..
Le résumé de son combat contre Calzaghe :