Punchlines du 24 novembre 2024

Le site (Antoine) /

  • C’est la reprise après deux semaines de relâche, l’occasion de rappeler que notre équipe a parfois quelque chose à faire de ses week-ends. Si, si.
Dé-bor-dés.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /

  • À défaut d’un consensus politique suffisamment explicite, nos auteurs hexagonaux font le boulot, y compris ceux réputés ne pas appartenir à la même famille politique (Annie Ernaux, Nicolas Mathieu en tête) : il faut exiger la libération immédiate de Boualem Sansal, écrivain français arrêté par un état de moins en moins démocratique, qu’on soit d’accord ou pas avec l’ensemble des prises de positions de celui qui décida – pour faire vite – que les ennemis de ses ennemis étaient ses amis. Il sera bien temps de débattre avec lui lorsqu’il aura été relâché par l’Algérie, où il naquit en 1949 et dont il est aujourd’hui l’un des critiques les plus ardents du régime politique en place. On n’enferme pas nos écrivains.
  • Détente toujours, Antoine Gallimard dénonce les campagnes de dénigrement dont fait l’objet Kamel Daoud dans la presse algérienne depuis qu’il a remporté le Prix Goncourt 2024 pour Houris. Rappelons que le livre avait déjà valu à l’éditeur français de ne pas être invité au Salon international du Livre d’Alger. Le médias algériens reprochent notamment à Daoud d’avoir spolié de son histoire personnelle une Algérienne soignée par sa compagne, médecin de son état. Ayant moi-même visionné un reportage de TV2 mélangeant allègrement la récompense du journaliste et écrivain, l’arrestation de Boualem Sansal, la guerre à Gaza, le Sahara occidental et le régime « macrono-sioniste » de Paris, j’ai bien peur que nos relations diplomatiques avec Alger mettent quelque temps à revenir au simple – et habituel – stade de « glaciales ».
  • Livres Hebdo nous rapporte que Hugo Publishing, éditeur réputé pour ses cartons récurrents sur le segment très contemporain de la New Romance, lancera début 2025 une collection de polars baptisée « Impact », car abordant des sujets « impactants » d’aujourd’hui tels que le post #MeToo ou les crises environnementales. Si l’on en juge par l’importance des files d’attentes devant leur stand au Festival du Livre de Paris, il y a des chances que le succès soit là encore au rendez-vous. Pendant qu’on épiloguera sur la valeur littéraire de leurs publications – sans nécessairement y avoir jeté un œil ou deux -, la maison française d’Anna Todd – autrice américaine de la saga After – et de l’ineffable chroniqueur de RMC Sport Daniel Riolo continuera à étendre le domaine de ses succès.
  • Rubrique « petit commerce » : Amazon aime tellement les libraires français qu’elle compte manifestement les remplacer. Dernier projet dans ses cartons, la livraison gratuite de livres dans des casiers automatisés répartis sur plus de 2500 grandes surfaces, autant dire un contournement de la loi Darcos votée en 2021. Autour du Syndicat de la Librairie Française et de Fnac Darty, la résistance s’organise, en commençant par une tribune publiée dans Le Monde de jeudi dernier. La ministre de la Culture Rachida Dati a saisi le médiateur du livre, dont les conclusions sont attendues pour fin janvier. D’ici-là, on serait bien avisé d’acheter en librairie les livres de tables basses qu’on offrira immanquablement pour Noël.
Librairie de quartier (France, 2025)
  • Cela faisait quelque temps que les Punchlines n’avaient pas évoqué les aventures de Vincent Bolloré au pays des livres. Le moins que l’on puisse dire est que le groupe Hachette sait se montrer réactif : Livres Hebdo nous apprend que deux jours après l’élection de Donald Trump, il lançait aux États-Unis la marque Basic Liberty, dont le propos sera de publier « des travaux sérieux d’analyse culturelle, sociale et politique d’auteurs conservateurs conformes aux standards élevés de pensée originale et pénétrante (!) pour lesquels est réputée sa marque mère Basic Books ». On se demande pour quelle date est prévue la traduction américaine de Ce que je cherche de Jordan Bardella.
  • À propos de l’autobiographie de Bardella, qui a récemment dépassé Houris de Kamel Daoud en tête du classement hebdomadaires des ventes en France, le site ActuaLitté estimait hier samedi à 84.420 les consultations et potentiels téléchargement pirates de ce fleuron de littérature française contemporaine (pour 59.611 exemplaires vendus). Prends ça, la New Romance.
  • Alors voilà, j’étais plus Astrapi et Je bouquine, mais apprendre la disparition à 83 ans de Bernadette Després, dessinatrice de Tom-Tom et Nana pour J’aime Lire, m’a fait quelque chose. La série a eu tellement de succès (15 millions d’albums vendus) que son éditeur Bayard Presse avait fini par la salarier. C’est pas rien.

Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /

  • Parlons cinéma, parlons d’un film comme vous n’en verrez peut-être qu’un dans votre vie, en salles ou en streaming. Car il y a beaucoup à dire sur le Here de Robert Zemeckis, et pas que du positif. Mais on ne pourra attaquer ni sa singularité, ni l’intégrité absolue avec laquelle le cinéaste fait en sorte d’honorer sa proposition. Quitte à perdre le grand-public en cours de route comme en témoignent les chiffres. À peine 13 millions/monde au bout de deux semaines, c’est peu et bien moins que ça, même pour une enveloppe de production qui ne dépasse pas les 50 millions de dollars. C’est ainsi : même à petite échelle, Zemeckis ne peut s’empêcher de faire du cinéma autrement, et réussit à rentrer les ronds dans les carrés avec des budgets presque ridicules au regard de l’ambition des projets. Alors certes, il n’y a qu’UN seul plan dans Here. Mais quel plan.
  • Selon son pitch, Here nous raconte l’histoire, mais en réalité il s’agit plutôt d’un point cardinal. Au sens strict et géographique du terme, c’est-à-dire cartographiable mais invisible à l’œil nu. Un point parfaitement immuable et inamovible au milieu d’un monde qui bouge et se transforme, de la Préhistoire à aujourd’hui, qui devient maison lorsque l’Amérique moderne se met à poser des murs et des toits sur les territoires autrefois vierges. Un point parfaitement inoxydable qui regarde les époques et les civilisations venir et s’en aller, les gens passer et trépasser, Tom Hanks et Robin Wright vieillir et rajeunir au gré d’une vie à deux compliquée et d’un de-aging inégal.
  • Comment réconcilier le mouvement (de la vie, de l’espèce, du cinéma) avec l’éternité qui ne bouge pas, son opposé absolu ? Comment faire pour incarner le désincarné ? Ils ne sont pas nombreux, le ils, elles ou iels capables ne serait-ce que de commencer à y penser. Mais Zemeckis n’est pas le même cerveau de cinéma. Chez lui, la caméra ne sert pas à montrer le miroir, mais à passer derrière. Pas pour dévoiler ce qu’il voit, mais COMMENT il le voit. Se souvenir du célèbre plan-séquence de Contact, dans lequel le réalisateur convertissait un flash-back (donc au passé, forcément) en événement au présent et en temps réel, au détour d’un effet de caméra nous faisant basculer du point de vue de l’espace-temps non linéaire. Chez Zemeckis, le temps n’est pas une ligne droite, mais une série de courbes qui entrelacent passé/présent/futur, parfois et même souvent en même temps. Revoir le climax de Retour vers le futur II, et ses différentes temporalités qui se juxtaposent et se mélangent dans le même espace de jeu. Ça s’appelle penser non pas en 4 dimensions, au sens propre : 3 pour l’espace, et UNE pour le temps.
  • C’est toute la différence entre filmer l’inanimé (exemple : Christopher Nolan, avec la fin d’Interstellar) et filmer du regard de l’inanimé : nous n’éprouvons plus l’espace-temps tel que nous sommes câblés pour le concevoir en temps qu’espèce (autrement dit, hier, aujourd’hui et demain linéairement séquencés sur la même droite), mais comme Tom Hanks finit par l’expérimenter après des années à vivre Seul au monde : des routes d’hypothèses qui se croisent, et autant d’hypothèses de destin possibles.
  • C’est d’ailleurs ce film que l’on pourrait le plus rapprocher Here, dans la mesure ou Zemeckis procède finalement de la même démarche : raconter l’homme en adoptant le point de vue de ce qui l’entoure. Si ce n’est que Here se heurte malheureusement bien vite aux limites conceptuelles d’un tel exercice. Pour la première fois de sa carrière, Bob échoue à traduire en cinéma ce qui est intraduisible autrement, et tombe dans les deux pièges auxquels on pensait le voir échapper.
  • D’abord le côté répétitif, tant dans la succession de saynètes de la vie quotidienne que du procédé employé pour passer de l’une à l’autre et d’avant en arrière (ces images dans l’images qui remplacent les coupes du montage). Là-dessus, Zemeckis fait moins bien que les Wachowski sur Cloud Atlas en échouant à trouver la musicalité, et les résonnances entre les destins et les époques. Ensuite, une certaine unidimensionnalité (un comble !) émanant du plan unique, malgré le regard toujours très bien dirigé dans le cadre.
  • Au fond, Here se montre fidèle à son concept : on regarde toujours tout de la même façon, neutre et surtout linéaire (un comble ! bis). On pourra néanmoins mettre au crédit de Bob d’avoir effectué l’expérience de laboratoire que Francis Ford Coppola n’est plus en mesure d’en mener. À savoir une collection de vues Lumière comme George Mélies était derrière la caméra, pour démonter le mythe de l’American Way of life. Car contrairement à ce que vends l’affiche et la bande-annonce, les tranches d’Americana découpée par Zemck’ présentent toutes un goût de dinde de Thanksgiving mal cuite. Des vies déçues et décevantes, des victimes du temps qui passe et ne reviens pas et la réalité d’un pays hors-champ mais pas hors-cadre. Chez Zemeckis, filmer entre quatre murs ne veut pas dire s’y enfermer, et rester à l’intérieur ne protège pas de l’extérieur. La fin du rêve américain passe peut-être par la : le home sweet home n’est plus une forteresse imprenable de bonheur.
Les murs parlent, mais ne disent pas grand-chose, malheureusement.

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /

  • « Nos régions ont du talent. » Derrière ce qui ressemble à s’y méprendre à un slogan un tantinet parisianiste se cache un constat sur la scène pugilistique tricolore d’aujourd’hui : loin des caméras nationales et du Boulevard Périphérique, on sait monter des réunions qui en valent la peine. Prenez David Musset, qui proposait vendredi une quatrième soirée au Zénith de Nantes sous pavillon Celtic Fighters, du nom de son écurie résolument occidentale. Parfois diffusé, parfois boudé par RMC Sport mais avec une belle régularité, il a construit le parcours de sa tête d’affiche jusqu’à en faire l’un des meilleurs pugilistes français toutes catégories confondues. On parle bien sûr de David Papot, qui signa une 30e victoire en carrière en éteignant son second adversaire invaincu de l’année, le massif Canadien Josh Wagner, dans la foulée du retour fracassant de l’inusable Karim Guerfi face à Terry Le Couviour (KO4) en sous-carte. Des quelques images disponibles, on devine que la descente en poids welters a été profitable au punch du gaucher nazairois. S’il s’est toujours montré supérieur techniquement à ses adversaires, travaillant mains basses par la grâce de son coup d’oeil, de son timing et de son sens de l’anticipation, ses frappes ont plus de venin à moins de 147 livres. Saoulé de coups précis et arrêté au 7e round, le très prévisible Wagner peut en témoigner. Bien plus exposé médiatiquement mais inactif depuis un an, Souleymane Cissokho aurait toutes les raisons de redouter ce qui serait sans doute la plus belle confrontation franco-française organisable en 2025. Croisons les doigts à défaut d’y croire tout à fait.
Il fallait punir cette coiffure-là.
  • À propos d’exposition médiatique, Bakary Samaké boxait ce samedi à Paris dans le décor original – et très télégénique – de la canopée du Forum des Halles. Il serait un peu simpliste d’opposer le gamin flashy d’Aubervilliers très (trop ?) vite monté en graine au besogneux patient et méritant de Saint-Nazaire. Tout n’est pas parfait, tant s’en faut, dans la copie rendue hier soir par celui que Google qualifie de « personnalité d’internet » face à l’expérimenté mais inoffensif gaucher australien Wade Ryan. Le toujours très musculeux Français s’est montré constant dans son pressing et soucieux de travailler de manière cohérente sur plus d’un coup à la fois plutôt que de soigner ses habituelles poses à la Floyd Mayweather. Inévitable, l’arrêt survint à la 7e reprise à la demande du coin du très soft « Boogeyman ». Sans doute un adversaire plus puissant aurait-il fait payer à Samake le prix de son obstination à se défendre en Philly shell, une attitude aussi stylée qu’hasardeuse faute d’une expérience que le jeune homme n’a pas encore accumulée . Reste qu’il est plutôt en progrès d’un point de vue tactique et que le choix de ce lieu atypique par la société de promotion qui porte son nom s’est avéré payant (5000 spectateurs étaient présents). En fan français si souvent frustré par le noble art tricolore, on aurait tort de trop faire la fine bouche ou de choisir entre Papot et Samaké : réjouissons-nous plutôt du carton plein de ce week-end.
  • Nos deux têtes d’affiche tricolores sont des raretés. Bien souvent, leurs compatriotes de bon niveau ont à résoudre un dilemme cornélien : des affiches régionales peu rémunératrices en termes de bourse et de notoriété, ou bien des contrats de journeyman pour le douteux privilège de jouer la victime sacrificielle sur une scène plus exposée. Difficile de croire très franchement aux chances de notre champion EBU Silver des moyens Bruno Surace, opposé au bagarreur galonné Jaime Munguia le 14 décembre prochain. Une catégorie qui n’est pas la sienne, celle des moins de 168 livres, un adversaire expérimenté qui fit bonne figure contre Canelo Alvarez himself, et la promesse d’un public de stade de foot venu pour voir Munguia rejouer littéralement le Cinco de Mayo – à l’origine, un succès sur notre Second Empire – en empilant un 36e succès par KO en carrière… le moins que l’on puisse en conclure est que « Super Brunello » Surace n’aura pas laissé ses gonades dans le vide-poches de l’entrée à l’heure de signer pour un tel scénario. On a certes vu le Canadien d’origine arménienne Erik Bazinyan faire bonne figure contre le Mexicain en septembre dernier à Glendale avec guère mieux qu’un jab efficace et une paire de jambes fonctionnelles, mais enfin Munguia avait fini par résoudre le problème posé au 10e des 12 rounds prévus. Le combat de décembre durera au plus 10 rounds, et l’on peut penser qu’une défaite honorable, voire à la décision, serait déjà synonyme d’une sacrée performance du Français. L’invaincu minot est malin, confiant et appliqué sur le ring, en plus d’être costaud pour son habituelle catégorie des moyens. Munguia ne s’attend pas forcément à une opposition acharnée, quand bien même la résistance de Bazinyan l’aura peut-être rendu vigilant. Croisons les doigts, souhaitons à Bruno Surace la meilleure des préparations, et espérons que les dieux de la boxe seront d’humeur joueuse.
  • Un compatriote de Munguia vit une seconde jeunesse 32 livres au-dessus des super moyens, parmi lesquels il passa sa première décennie de boxeur professionnel. Il s’agit de Gilberto « Zurdo » Ramirez, champion du monde WBO des lourds-légers après un succès impressionnant arraché à Chris Billam-Smith le 16 novembre dernier à Riyad. On le sait depuis son succès surprise de mai 2023 sur Lawrence Okolie : ce dont l’Anglais manque en virtuosité, il le compense par la résilience et l’obstination d’un Terminator. Ce fut encore le cas face à Zurdo, après un premier round où son agressivité s’avéra payante. Légèrement enrobé à 200 livres mais sûrement plus endurant qu’à 168 ou 175, Ramirez installa alors une boxe très intelligente de matador expérimenté, un jab efficace de gaucher, une opportune alternance corps-face, des pivots de ballerine (massive) pour se dérober aux contres adverses, le tout servi par un plein d’essence en apparence inépuisable. La chance de « The Gentleman » Billam-Smith, jamais résigné malgré les importants dégâts subis, eût été de bénéficier d’un coup de fatigue adverse qui ne vint jamais. Autant dire que la version épaissie de Ramirez, victorieuse par décision unanime, impressionna les observateurs. Il est aujourd’hui le challenger le plus crédible au titre de meilleur lourd-léger du monde officieusement détenu par l’Australien Jai Opetaia, actuel possesseur de la ceinture décernée par The Ring.
  • Non, je ne parlerai pas de la tête d’affiche de la réunion du 15 novembre dernier à Arlington (Texas), sauf pour annoncer la sortie en librairie le 10 janvier prochain de Desiree, aux éditions Allia, texte dans lequel Frédéric Roux réexamine avec soin le procès pour viol qui envoya Mike Tyson derrière les barreaux. Si quantité de fans restent aujourd’hui convaincu de la réalité d’une manipulation, l’auteur de Lève ton gauche ! n’a jamais mordu à cet hameçon-là, lui préférant l’examen minutieux des faits (abordé entre autres dans Le livre des 1001 reprises à l’entrée Desiree Washington). Il y avait cependant un peu de boxe en sous-carte, ce soir-là à Arlington, et l’amateur fervent des pugilistes boricuas peut s’estimer une fois de plus lésé par la décision rendue en faveur de Katie Taylor face à Amanda Serrano. La Portoricaine sembla encore marquer les coups les plus nets tandis que l’Irlandaise confirmait sa réputation de femme de (coups de) tête. Taylor se dit ouverte à un troisième combat. On pariera sur sa victoire aux yeux des juges.

Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /

  • Parlons MMA, parlons de Jon Jones, qui effectuait son grand retour dans la cage la semaine dernière lors du pantagruélique UFC 309 au Madison Square Garden. Un an après son annulation pour cause de blessure au poignet de l’intéresse, son derby contre Stipe Miocic fit office de cerise sur le gâteau d’une carte qui aura par ailleurs tenu toutes ses promesses. Soit le GOAT, qu’on n’avait plus revu dans la cage depuis sa prise de titre contre Cyril Gane en mars 2023 ; contre le Greatest Heavyweight Of all time, qu’on avait plus revu dans la cage depuis mars 2021 et la perte de sa ceinture par KO des enfers contre Francis Ngannou, le diable en personne.
  • Un combat pour le legacy pas vraiment représentatif de l’élite de la catégorie (coucou Tom Aspinall et sa ceinture interim), mais qui devait permettre au moins de situer le niveau réel de Jones dans la division. Car sa victoire contre « Bon Gamin », si impressionnante fût-elle, restait néanmoins trop expéditive pour ne pas laisser quelques questions en suspens. Donc Jon Jones poids-lourds, version épinards ou cuisine au beurre du Jon Jones lourds-légers et ses 16 (!) défenses de titres ? Épinards, défintivement.
  • Car le Jones poids lourd, c’est jamais que le Jones précédent avec un Dad Bod. Ni le plus rapide, ni le plus puissant des combattants, mais le fight IQ d’un satellite de guerre animé de très mauvaises intentions, toutes entières dirigées contre la cible ennemie. En l’occurrence un Stipe Miocic qui ne faisait pas trop ses 43 ans malgré une explosivité entamée par les kilomètres de vol, pas plus qu’il n’a démérité à essayer de faire du lui-même. À savoir avancer en anglaise et pousser l’adversaire à s’engager pour lui ouvrir un chemin pour ses poings de lauréat des Golden Gloves. Ce qui, contre un combattant qui sait aussi bien se servir de son allonge hors-norme pour éluder l’affrontement, n’eut que peu d’effets.
  • A chaque tentative d’entrées de Miocic, Jones dépliait les bras, trottinait, reprenait sa distance et réengageait le combat dans sa safe zone. Un coup à la fois, jamais le même pour varier les zones de frappe, et toujours pour faire mal. Une amenée au sol dans le premier round, suivie d’une averse de coup de coudes en ground and pound faillit mettre un terme précoce à la démonstration. Pas de doute, le Jones méchant était bien de retour. Celui qui massacra les genoux de Rampage Jackson, fit tomber Lyoto Mashida dans les pommes avec un seul bras, envoya Daniel Cormier dormir d’un high kick vicieusement et soigneusement placé.
  • Bref, face à un monstre qui pioche dans tous les compartiments du MMA pour composer une salade sur mesure à chaque adversité, Stipe le grand ne pouvait rien faire. Stipe, qui compte le plus de défense de titres dans la caté la plus éphémère. Stipe, qui a réussi à absorber la tempête Ngannou lors de leur première confrontation. Stipe, qui est sorti vainqueur d’une des plus belles trilogies de l’histoire récente contre Cormier, et a dansé une gigue de working class hero comme Bruce Willis dans Le dernier Samaritain lors de leur seconde rencontre.
Mortal Kombat : Endgame
  • Certes, il y a le ring rust de ses trois ans d’inactivité, mais quand même. Plus le combat allait, plus Jones prenait le dessus, touchait à chacune de ses tentatives d’entrées, et dépeçait la bête morceau par morceau. Jusqu’à un coup de pied retourné qui s’enfonce avec le talon dans les côtes du sosie non officiel de Woody Harrelson pour mettre fin aux débats au troisième round. La technique est parfaite, le timing d’une autre dimension, et le NMF (pour Nastiest Mother Fucker) de l’UFC vient encore de rappeler pourquoi, malgré toutes les sorties de route qui jalonnent sa carrière, il ne vit pas tout à fait dans le même monde que les autres. On attend désormais la réunification des ceintures contre Tom Aspinall, qui devrait en toutes logiques survenir malgré les réticences de Bones. Il est vrai que les caractéristiques athlétiques uniques du Briton représentent une paire de manches autrement plus compliquées à relever qu’un Stipe Miocic en fin de carrière. Raison de plus pour écrire la légende, ou essayer.

Laisser un commentaire