Punchlines du 14 juillet 2024

Le site (Antoine) /

  • Le triptyque Hellfest – élections – Covid étant réputé achevé, les Punchlines reprennent une activité normale. Enfin jusqu’à la trève estivale, s’entend, donc d’ici peu. Si les vents sont portants, la chronique bouquins déjà promise plusieurs fois aura été livrée. Si un fameux alignement de planètes et d’étoiles survient sans crier gare, vous aurez peut-être aussi pu lire le compte-rendu in extenso d’une riche édition 2024 du plus grand festival français consacré aux musiques extrêmes.
Ça planait pour lui.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /

  • Celles et ceux qui cherchent de quoi lire à la plage, pourvu qu’il s’agisse de fiction, peuvent se rabattre sur les bouquins évoqués ci-dessous, tous éminemment estimables et chroniqués dans Lire depuis le début de cette année.
  • La Bibliothèque du beau et du mal, Undinė Radzevičiūtė, Viviane Hamy : le choc de ce premier semestre 2024 en ce qui m’aura concerné. Le Berlin décadent de la République de Weimar est raconté par le truchement de Walter, riche bourgeois s’abandonnant à une nouvelle passion bien particulière, la bibliopégie anthropodermique, soit l’art de recouvrir les livres de peau humaine. On le suit en pleine exploration des quartiers interlopes de la capitale en quête de matière première, ou bien dans les salons de la bonne société où les zélateurs d’Adolf Hitler séduisent un nombre croissant de Berlinois bien nés. C’est ironique, parfois cinglant, et la question de la morale dans l’art y est creusée avec une intelligence rare.
Immoralement bon.
  • Dead Stars, Benjamin Whitmer, Gallmeister : j’étais fan de Benjamin Whitmer depuis Pike et me dois de constater que l’auteur installé dans le Colorado approfondit d’opus en opus sa maîtrise du roman noir. Dead Stars est le portrait d’un homme en colère à la famille dysfonctionnelle, ouvrier dans une usine de combustible nucléaire dont les propriétaires tiennent la ville sous leur coupe, engagé dans recherche éperdue de son fils disparu. Un drame en quasi temps réel, charge puissante contre le pire du capitalisme américain dont le propos ne prend jamais le pas sur l’intrigue. Merci à l’éditeur de traduire en français un auteur toujours pas publié dans sa langue d’origine.
  • Première dame, Amélie Serberg, Héloïse d’Ormesson : un premier roman pas banal, loin de nos autofictions nombrilistes contemporaines, l’histoire d’une palpitante partie de poker menteur entre l’ambassadeur américain à New Dehli et l’épouse du dictateur nord-coréen, dont la demande d’un visa touristique pour les États-Unis pourrait bien cacher des envies d’exil. Tout sonne juste, des luttes d’influence en coulisses de l’appareil diplomatique américain au parcours de l’épouse d’apparat Jul Solri, déchirée entre loyauté et aversion pour son tyran de mari. Rien de plus actuel que l’aveuglement d’un Occident un poil trop sûr de lui…
  • Holly, Stephen King, Albin Michel : le King nouveau est arrivé en février, et il ravira ceux qui goûtent ses incursions hors du fantastique. Un sinistre couple d’universitaires croit retarder son vieillissement en ayant recours au cannibalisme, prétexte à une réflexion de l’auteur – lui-même plus tout jeune – sur la meilleure manière de soigner sa sortie. Ajoutons que King développe ici de magnifiques personnages de femmes, dont la détective éponyme déjà croisée dans la trilogie Bill Hodges, et qu’il observe avec une acuité dépitée combien la crise du Covid aura creusé le fossé entre ses concitoyens libéraux et conservateurs. God save the King.
  • Avec toi je ne crains rien, Alexandre Duyck, Actes Sud : j’avais évoqué ce roman fondé sur un fait divers extraordinaires dans les Punchlines du 29 avril dernier. Grand reporter, l’auteur use ici de la forme romanesque pour expliquer un pan mystérieux de l’histoire dont il est question, la raison pour laquelle Louise se joignit exceptionnellement à son mari Joseph un matin de 1942 pour une course en montagne dont ils ne reviendraient jamais, laissent leurs enfants dans l’incertitude jusqu’à la découverte de leurs corps momifiés 76 ans plus tard. Infiniment humain.

Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /

  • Parlons cinéma, parlons de Kevin Costner, l’Américain le plus américain de l’Americana qu’on aime(ait). Celle qui plonge son regard dans l’horizon d’un champ de maïs, jure sur la Bible par principe plus que par prosélytisme, joue au baseball le dimanche matin et cherche l’assassin de Kennedy au barbecue du midi, qui a suffisamment foi en son destin pour le peindre en grand cinéma bref : celle qui n’existe plus. Sauf pour Kevin, M.Loyal des heures de gloire du soft power même quand la mode est au hard-discount politique.
  • Kevin donc, qui prend sur lui la charge de rappeler au drapeau étoilé le pourquoi de sa vocation universaliste par grand-écran interposé. Ça s’appelle Horizon, premier volet d’une saga pensée en quatre films censés rappeler pourquoi le cinéma c’est l’Amérique, et pourquoi l’Amérique c’est avant tout le western.
  • Un pari fou, insensé, voir même non-sensique, mais au fond pourquoi pas : Kevin a toujours dit merde à l’air du temps, même quand il était à la mode. Les Incorruptibles, Danse avec les loups, JFK…. Rien de « In » dans tout ça, de chic ou de choc mais des cartons qui en firent perdre leur latin aux sachants et autres prescripteurs de ce qui marche et ce qui ne marche pas. Kevin c’est ce mec au lycée qui rentrait sa chemise à carreau dans son pantalon beige, et repartait avec la reine du bal plutôt que de se faire accrocher par le slip à la porte des toilettes. Un autodidacte qui a trop souvent eu raison de ne pas se montrer raisonnable ne peut pas faire les choses à moitié. Et donc Horizon, de et avec, sur les écrans depuis 2 semaines, fruit de son acharnement à faire les films qu’il veut faire comme il voulait les faire. Quitte à mettre 38 millions de sa poche sur les 100 nécessaires à la conception des deux premiers films. Comme Coppola sur Megalopolis, Kevin s’est acheté la liberté de n’écouter que lui-même. Et c’est bien tout le problème.
Moi, cinéma et cinéma western.
  • Car Horizon est un film qui n’écoute rien, ni personne. Comme s’il devait tourner le dos à tout ce qui a pu se faire à la télévision et au cinéma depuis 20 ans pour accomplir la vocation messianique de son réalisateur/scénariste/producteur/interprète. 3 heures pour 5 ou 6 histoires différentes qui ne jamment pas ensemble, et ne racontent pas grand-chose mises bout à bout. Horizon, c’est quoi ? La question elle est toujours pas vite répondue après quatre mi-temps d’expositions empilées par tranches les unes sur les autres sans musicalité, sauf quand le monteur réussit sporadiquement à créer un accord dans les rushs.
  • Qu’on ne s’y trompe pas : du cinéma, il y en a dans Horizon. Costner réalisateur n’a jamais été un manchot, et son 1.85 de grand-écran vaut bien des cinemascope.  Surtout quand il s’agit de faire parler la poudre et de galoper à brides rabattues dans les décors de simili-Monument Valley. Mais malheureusement pas assez pour assumer l’énormité du projet et ses ambitions disproportionnées. Car Costner a beau être capable de déplacer des montagnes pour faire ses films, il n’est pas forcément taillé pour en édifier cinématographiquement parlant.
  • Lui, c’est un cinéaste des grands espaces horizontaux et des dispositifs simples voir minimalistes dilatés en longueur et en largeur sur le territoire d’une Amérique pas encore faite. Un contemplatif qui a besoin de temps pour s’installer, et ne sait pas raconter plus d’une chose à la fois. Donc Danse avec les loups et Open Range OUI mais Postman et Horizon et sa structure chorale qui entreprend rien moins que de raconter l’Amérique en majuscules, forcément non. « Un homme sage connaît ses limites » : Costner aurait dû réecouter le Clint avant de se lancer, mais il s’est mis en position de n’avoir à écouter personne. De fait, Horizon est un film indifférent à tout, y compris aux capacités de son réalisateur-démiurge, et à sa propre pertinence dans une époque où le premier pelé venu peut se prendre dans la gueule 1883, la série de Taylor Sheridan sur Paramount + aux thématiques similaires, moyennant 4 euros par mois et sept jours d’essai offert. En comparaison, sortir plus de 10 euros pour un bon téléfilm HBO des années 2000, ça ressemble à un péché d’orgueil auquel il ne devrait pas y avoir de suite.  Warner a repoussé la sortie de Horizon 2 à la fin de l’année, le temps pour le premier de trouver son public sur la plate-forme. L’Americana de Kevin a surpassé les termes du bail. Deal with it.
  • La bande-annonce de Gladiator 2 vient de tomber, et c’est… La même chose que le premier. Mais vraiment : Paul Mescal reprend l’armure de Russell Crowe, Denzel les toges d’Oliver Reed, les rhinos remplacent les chars, les requins les tigres, Kanye West Lisa Gérard sur l’OST, et deux albinos se partagent le rôle autrefois tenu par Joaquin Phoenix. Seul Pedro Pascal vient introduire une inconnue dans l’équation résolue par Ridley Scott voilà 24 ans. Mais on serait franchement malhonnête de bouder son plaisir. Parce que les promesses d’un spectacle de blockbuster XXL sont bien là, que Denzel a l’air de bien s’amuser, et que si Ridley parvient à mettre son surmoi de côté pour se contenter de faire ce qu’on lui demande de faire (un truc qui pète et qui en fout partout), le tout pourrait valoir ses 15e popcorn inclus. Maintenant, il est possible voir probable que le trailer ait actionné tous les biais cognitifs conduisant l’auteur de ces lignes à se mentir à lui-même, et ce qu’il a écrit sur Ridley Scott encore très récemment dans ces colonnes. Bref.

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /

  • Qu’a-t-on appris de neuf à l’occasion du succès du nouveau poulain de Matchroom Boxing Jaron Ennis sur David Avanesyan par abandon à l’appel de la 6e reprise, cette nuit au Wells Fargo Center de Philadelphie ? Rien, ce à quoi les sorties de « Boots » nous ont hélas un tantinet habitués. Le champion du monde IBF – sur tapis vert – des welters s’est livré à une nouvelle démonstration prévisible sur un adversaire dominé en tout. C’est avec son talent coutumier qu’Ennis a cuisiné les restes de « Bud » Crawford, très actif offensivement derrière son jab de gaucher, capable de doubler bras avant et bras arrière avec précision dans des combos douloureux à la face et usants au corps. Le natif de la « ville de l’amour fraternel » a très vite accepté la bagarre contre un Avanesyan qui semblait terriblement sous-dimensionné et dénué d’un plan B lorsqu’il n’avançait pas garde haute. Sans doute lui faudra-t-il agir rapidement s’il vise le titre incontesté des moins de 147 livres tant il semble déjà massif pour la catégorie. Notons qu’Avanesyan profita d’une main gauche souvent basse pour passer plusieurs courts crochets droits de près ; si Boots y fut largement insensible, preuve supplémentaire de ses avantages physiques considérables à ce poids, gageons qu’un Crawford ou un super welter costaud pourrait autrement mieux exploiter la faille. L’Arménien, lui, dut baisser pavillon après un 5e round où il enchaîna de bonnes séquences, mais fut envoyé à terre sur un méchant cross du gauche en contre – il avait passé un certain temps à genoux lors de la reprise initiale suite à un méchant coup bas (NB : c’est-à-dire administré SOUS la ceinture). À 35 ans et sauf à officialiser de fait son statut de marchepied, on ne lui imagine d’avenir qu’au niveau européen. Quant à Ennis, son rayonnement n’aura guère augmenté dans la foulée de ce succès facile. Lui qui se verrait bien unifier les titres mondiaux jusqu’aux super moyens serait bien avisé de commencer par agir en aspirant patron des welters.
Rien que la photo pique.
  • Séquence « ça lui pendait au nez » : Janibek Alimkhanuly, champion unifié IBF-WBO et croquemitaine officiel d’une catégorie des moyens sinistrée, a tourné de l’œil alors qu’il tentait de faire le poids pour un combat prévu hier soir au Palms Casino Resort de Las Vegas contre Andrei Mikhailovich. Le bougre est hospitalisé pour déshydratation, ce qui n’aura pas fait tomber de leur chaise ceux qui trouvent au gaucher Kazhakh un châssis de mi-lourd depuis ses premiers pas dans l’élite au début des années 2020. J’en suis, et le fait qu’il semble autant aimer faire mal sur le ring tout en bénéficiant de tels avantages physiques m’a toujours un tantinet perturbé. Souhaitons-lui en tout cas de bien se remettre de l’incident, et de reprendre sa carrière dans une catégorie plus conforme à sa morphologie – Vergil Ortiz aurait peut-être un ou deux conseils à lui prodiguer.
  • La forfait d’Alimkhanuly a propulsé en haut de l’affiche de Vegas la confrontation entre deux aspirants à une ceinture chez les légers, le vétéran Tevin Farmer au strabisme légendaire et l’invaincu Raymond Muratalla. Ce dernier a remporté par décision un combat âprement disputé, imposant sa tactique de pressure fighter mais régulièrement contré en cross du gauche et crochet droit par un Farmer toujours vaillant, qui vacilla sans céder lors de l’ultime reprise. « Danger » Muratalla n’est pas le plus fameux des animateurs de la catégorie, mais avec Keyshawn Davis et Abdullah Mason ou Floyd Schofield il représente une génération montante américaine guère moins excitante que le très sélectif Gervonta Davis et le très sédatif Shakur Stevenson à moins de 135 livres.
  • À propos de Gervonta Davis, un superfight contre Vasyl Lomachenko se profilerait en novembre prochain. Faut-il que « Hi-Tech » ait ralenti, en dépit de sa démonstration de mai dernier contre George Kambosos, pour que Floyd Mayweather Jr le juge à point pour affronter son protégé. S’il est difficilement défendable de se plaindre qu’une belle affiche soit sur le point d’être signée, on rappellera que Lomachenko a désormais 36 ans et que les premières rumeurs autour d’une confrontation datent de 2018… Le timing est une science.
  • On évitera d’être trop exigeant vis-à-vis de Naoya Inoue tant « The Monster » dévore catégorie après catégorie sur un train d’enfer, et pourtant le duel annoncé pour le 9 septembre avec l’Irlandais T.J. Doheny a des allures de pause dans sa course effrénée vers la légende de son sport. Certes Doheny a un certain punch et un passé de champion du monde des super coq, mais à 37 ans il a montré ses limites contre Daniel Roman, Michael Conlan ou Sam Goodman. Sur le papier le combat promet d’être « fun while it lasts », comme disent les fans américains. On espère qu’Inoue affronte l’Ouzbek Murodjon Akhmaladiev dans la foulée avant de monter semer la terreur chez les plume.

Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /

  • Parlons MMA, parlons… Potins, en l’absence d’événements récents à chroniquer. Donc :
  • Sean Strickland présente ses excuses. Le champion éphémère des middle-weights fait son mea culpa à David Goggins, ancien Navy Seal devenu ultra-athlète en ultra-tout (marathon, course, cyclisme), après avoir l’avoir bâché pendant des semaines sur Twitter lui et l’aura d’invincibilité qui entoure la célèbre unité d’élite. En gros, selon ses propres dires « Je m’ennuie, je suis prêt mais j’attends le title-shot ».  Le mérite de la transparence.
  • Après avoir joué le rôle de l’amoureux éconduit pendant deux ans face à Conor McGregor, Michael Chandler se rebiffe et décide enfin d’aller de l’avant : l’ancien champion du Bellator réclame un title shot à Islam Makhachev. Ce à quoi l’intéressé a répondu (en gros) : dès que le leprechaun irlandais te sifflera, tu rappliqueras à tes pieds. On ne devient pas champion de la caté la plus chiante de l’UFC pour jouer les relations pansements.
Oh, Djadja 
Y a pas moyen, Djadja
J’suis pas ta catin, Djadja, genre, en catchana baby, tu dead ça
  • L’UFC Paris 3 se dévoile petit-à-petit. Sans Cyril Gane, calé pour une revanche contre Alexandre Volkov à Abu Dhabi, mais avec Benoît Saint-Denis et Nassourdine Imavov, et pas pour des promenades de santé. Le premier tentera de défendre son titre de génocidaire de brésilien sans Daniel Woirin au coaching face au redoutable grappler Reinato Moicano, tandis que le second s’efforcera de sécuriser son title shot contre Brendan Allen, titulaire d’une impressionnante série de sept victoires à l’UFC. La dernière en date étant une décision partagée contre Chris Curtis, défait par No Contest par Imavov l’an passé. C’est l’heure pour la France de défendre sa place dans le concert des nations MMA.

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