Le site (Antoine) /
- Deux billets cette semaine, auront constaté quelques incrédules, l’un consacré aux lauréats de la 7e édition des Prix 130 livres et l’autre compilant deux billets publiés sur les réseaux sociaux dans la foulée de l’incroyable soirée de boxe vécue le 26 décembre dernier à Tokyo. Veinards.
- Les Punchlines ont un lectorat reflétant sa ligne éditoriale : joyeusement hétéroclite. Aussi nous abstiendrons-nous de vous adresser à tous des vœux identiques. Soyez juste assurés de leur raisonnable bienveillance. Ils sont accompagnés d’une reproduction du Jardin des délices de Jérôme Bosch, parce qu’on peut y lire tout et n’importe quoi mais surtout parce qu’il s’agit d’un bien joli tableau.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /
- Livres Hebdo annonce une « rentrée explosive » plus concentrée qu’à l’ordinaire, puisqu’au volume en baisse de 6,7% — dont -8,2% pour les fictions en langue française et -15,3% pour les premiers romans. Les voyants Elizabeth Teissier et Jacques Attali peuvent déjà vous annoncer que le nombre de titres à visibilité nationale restera stable autour de la vingtaine.
- Dans sa représentation la plus courante, l’autoentrepreneur pédale pour Deliveroo. Il s’avère que bien des lecteurs-correcteurs œuvrent eux aussi sous ce statut au profit des maisons d’édition et que la justice commence à sanctionner les habitudes abusives de ces dernières. Ainsi, le site Actualitté rapporte que Robert Laffont s’est vu condamné par le Conseil de Prud’hommes de Paris pour « licenciement sans cause réelle et sérieuse, travail dissimulé et préjudice causé à la profession » suite à la plainte d’une lectrice-correctrice à laquelle l’autoentreprenariat fut imposé. Dans les faits, l’éditeur fixait tarifs et cadences de travail dans le cadre d’un authentique lien de subordination, tout en économisant significativement sur les charges patronales. 10 ans après la bataille de la profession pour refuser le paiement en droits d’auteur, le système s’acharne toujours sur les plus petits. Restons vigilants. Lecteur-correcteur est un métier précieu.

- On avait vu assez d’adaptations télévisées complètement sagouinées des chefs d’œuvre de la littérature pour aborder avec circonspection cette Chute de la Maison Usher, disponible sur Netflix. Le spécialiste du cinéma d’épouvante né à Salem (Massachussetts) — ça ne s’invente pas — Mike Flanagan n’était pas non plus réputé que pour ses succès, même s’il s’était sorti très honorablement du Jessie d’après Stephen King ou de la série The Haunting. On passera vite sur les contraintes propres à la plateforme, dont l’introduction de tant de diversité obligée dans l’univers d’Edgar Allan Poe qu’elle en paraît vite artificielle : vu que l’écrasante majorité des personnages s’avèrent haïssables, il est même réjouissant que chaque orientation sexuelle et nuance d’épiderme en prenne également pour son grade. Autre motif d’inquiétude, le traitement scénaristique des œuvres adaptées, une pleine brassée de contes, romans et nouvelles compactés dans une seule et même trame narrative inspirée de La chute de la maison Usher. Au principe d’une transposition respectueuse si souvent vouée à décevoir, Flanagan a préféré celui du patchwork aimablement foutraque. Dans cette histoire d’empire familial maudit régi par les jumeaux Roderick et Madeline Usher, on voit ainsi passer au gré des épisodes un corbeau, un pendule ou un scarabée d’or, un personnage d’avocat se nomme Arthur Gordon Pym — formidable Mark Hamill —, on scande des poèmes d’un romantisme macabre, voire on assassine rue Morgue… chacun de ces éléments venant s’incorporer de manière inattendue à un vaste jeu de massacre volontiers sanglant. Propriétaires d’une grande compagnie pharmaceutique, les Usher — dont les six enfants légitimes et bâtards de Roderick — s’apprêtent à passer sans encombre un énième procès au pénal lorsque le procureur abat son atout maître : il dispose cette fois d’un témoin, un traître anonyme disposé à témoigner contre son clan. On imagine les effets d’une telle secousse sur un panier de crabes à ce point méchants… L’histoire des Usher s’inspire ici largement de celle de la famille Sackler, fameuse pour avoir amassé une fortune colossale en déclenchant ni plus ni moins qu’une pandémie, celle de la dépendance aux opioïdes ; au fil des épisodes, le scénario étend sa critique du capitalisme contemporain à l’industrie du bien-être, aux réseaux sociaux ou au trafic de drogues prétendument récréatives… voire à Netflix (oui, c’est roublard). Plus d’un fan puriste supportera mal ce parti-pris scénaristique, comme d’ailleurs la transposition d’une œuvre si empreinte de XIXe siècle aux années 1960, 1980 et 2020. Les autres salueront la qualité de costumes et décors intégrant à merveille l’esprit gothique de l’auteur, le casting haut de gamme et des dialogues au venin succulent — ah, la tirade sur les citrons et la limonade… Pourquoi diable en parler dans la rubrique bouquins ? Parce que le grand succès de cette mini-série consiste justement à donner à son public une envie irrépressible de lire ou relire Edgar Allan Poe, dans le texte ou traduit par un certain Charles Baudelaire. Ce que je fais.

- Il était temps : après 35 ans, Jérôme Garcin abandonne le pupitre du Masque et la Plume. J’aimais bien, je châtie un peu. Si l’objectif premier d’offrir un authentique spectacle radiophonique hebdomadaire fut tenu jusqu’au bout, si l’on se complut dans le confort des postures attendues au sein de chacune des trois bandes de critiques historiques, j’avoue que je goûtais de moins en moins la neutralité évanescente du maître des lieux ainsi que la porosité avec son équipe du Nouvel Observateur. On connaît mieux Rebecca Manzoni en mélomane qu’en amoureuse des belles lettres, reste que la plus belle voix d’Inter présente de solides garanties en stricts termes de connaissance des us de la maison. Cruciale, la qualité des nouveaux équilibres entre les intervenants se jugera dans le temps, en commençant par dimanche prochain à 20h côté bouquins — non, le Masque ne s’écoute PAS à 10h du mat’. Je n’ai pas d’avis particulier sur Raphaëlle Leyris du Monde, mais entre Nelly « Go woke or go broke » Kaprielian, Arnaud « Voldemort » Viviant et Patricia « César d’honneur » Martin le bouleversement devrait demeurer raisonnable dans un premier temps. J’aurai sans doute une petite pensée pour les disparus, enfin surtout pour Jean-Claude Raspiengeas avec qui j’étais souvent d’accord les trois fois de l’année où j’avais lu l’un des titres au programme. L’épée en mousse d’Olivia de Lamberterie me manquera un peu moins, quant à Frédéric Beigbeder on dira qu’un retrait en janvier 2024 n’est pas complètement inopportun — et ce bien que le bougre fût talentueux dans l’exercice. Charge à la nouvelle équipe d’aider à digérer le dîner du dimanche et la perspective du matin suivant. Espérons donc châtier un peu parce que l’on aimera bien.
- Inter toujours, repost honteux : « Rendons cette justice à l’émission littéraire du samedi sur Inter qu’elle joue un rôle d’utilité publique en dénichant pléthore de jeunes auteurs prometteurs, parfois touche-à-tout de talent. Ainsi aujourd’hui : Sybil Veil, incidemment directrice générale de Radio France — le reste du programme consistant peu ou prou à enchaîner les ronds de jambe devant Philippe Besson. #PunkNotDead«
Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /
- Parlons cinéma, parlons bonnes nouvelles, pour démarrer l’année du bon pied. Le rapport annuel du CNC le confirme : le cinéma en salle se porte bien, merci la France et merci les français. Vous avez été 181 millions de spectateurs à vous ruer notamment sur Barbie, Super Mario Bros, Avatar 2 (sorti fin 2022, mais carrière faite en grande partie sur l’exercice 2023), et Astérix et Obelix : L’empire du milieu. Bon, un esprit taquin rétorquerait qu’il y avait de meilleures façons de dépenser son argent en période d’inflation. Mais on est qu’à J+ 7 du 1er de l’an, joie et bonne humeur s’imposent, donc on va se garder de cracher dans la soupe même si les mouches se sont déjà servies. Au rayon des bonnes surprises, signalons la grosse perf de Christopher Nolan et son Oppenheimer de 3h mi-noir et blanc mi-dialogues mahousses costauds, ou la palme d’or Anatomie d’une Chute de Justine Triet. Là encore c’est un sur le style et moins deux pour le fond (en tous cas concernant le Triet), et les questions auxquelles personne ne peut (veut) répondre ne vont pas se résoudre du jour au lendemain. Reste que si on attendait d’avoir le Pérou pour sabrer le champagne, le dry january se transformerait en dry annuary, et un peuple de France qui ne picole pas, ça c’est inacceptable. Donc acte.
- D’autant que le flou artistique plombe les premiers horizons de 2024, qui ne pourra pas compter qu’à minima sur les blockbusters US pour remplir les salles. La grève des scénaristes et des acteurs ayant gravement impacté le calendrier des majors, la situation prendra des mois pour revenir à la normale. D’autant que les survivants de la tempête — Argylle, Dune 2 et Deadpool 3 —, pour aussi attendus qu’ils soient, n’ont pas le profil de crowd-pleaser universels susceptibles de lever des raz-de-marée de spectateurs aux quatre coins du globe. Et on ne parle même pas des Marvel que plus personne n’attend. Reste donc une possibilité : et si l’originalité, la nouveauté, la prise de risque, l’inattendu bref L’ART venait de bénéficier d’un coup de pouce inespéré du Karma pour reprendre ses droits ? Il n’est pas interdit d’y croire, même un petit peu. Ça fait partie des bonnes résolutions de 2024.

- Petit coup de lèche sur le flanc de l’ennemi, à savoir les plateformes et en l’occurrence Amazon Prime. La succursale entertainment de la Faucheuse des petits commerces et du bilan carbone de la consommation irraisonnée n’a toujours pas de ligne éditoriale digne de ce nom concernant sa production. Mais Jeff Bezos a les moyens de vous faire arrêter de parler : sa boîte (r)achète TOUT, et notamment les films qui avaient encore leur place dans les salles obscures 15 ans auparavant. C’est pas compliqué : le cinéma que vous aimez est forcément sur Amazon.
- À titre personnel, j’ai pu rattraper Fatman avec Mel Gibson en père Noël de l’Ancien Testament ; The Outsider sur Chuck Wepner, le boxeur dont la vie n’a rien du destin de cinéma qui a inspiré Rocky ; CopShop de Joe Carnahan qui continue de faire du genre high-elevated à s’envoyer comme un shot d’adrénaline; Sons of Philadelphia avec Matthias Schoenaerts et Joel Kinnaman où quand le fratricide devient une question morale, Clean avec Adrien Brody en John Wick arty qui sent le ter-ter et l’impact de la clé à molette en pleine face… Bref, du cinéma d’hommes qui repoussent les limites posés par d’autres hommes, essaient de marcher droit dans des existences balafrées par le karma et les mauvais choix de vie, portent dilemmes moraux et culpabilité judéo-chrétienne en bandoulière, et tournent le dos à la hype pour raconter ce qu’ils doivent raconter COMME ils doivent le raconter.
- Les plus inspirés et réfractaires aux fêtes de fin d’année d’entre nous ont su profiter comme il se devait des magnifiques cadeaux que Netflix leur avait préparé. 25 décembre jour de Noël BIM : Armageddon, le nouveau spectacle de Ricky Gervais. 31 décembre, jour de réveillon BIM : The Dreamer, le dernier Dave Chappelle. Du mauvais esprit, de la provocation pas si gratuite, du gros sel versé en camion-benne sur les zones érogènes de la susceptibilité woke, de la vanne en trois dimensions qui agit sur plusieurs temps, des cœurs gros comme ça sous leurs costumes de Vlad l’Empaleur des teams 1er degré… Et du talent à fâcher les arguments de leurs détracteurs. Bref, les antidotes parfaits au 49.3 de bonheur imposé de saison. J’espère que vous avez tous passé de bonnes fêtes, sincèrement. Mais si vous avez fait péter champagne et canapés sans Gervais et Chappelle, je vous le dis en toute transparence : vous avez raté votre fin d’année. Voire votre vie.

- Une petite dernière pour les salles afin de ne pas occulter l’essentiel : le meilleur film de ce début d’année est sorti fin décembre. Ça s’appelle Une affaire d’Honneur, c’est le 4ème film de Vincent Pérez, et on parle en toute simplicité d’un petit miracle de cinéma qu’on espère très fort voir reconnu comme tel pour l’avenir de la production hexagonale. Fin du XIXème siècle : encore traumatisée par sa sanglante défaite face à la Prusse, l’armée française trompe l’ennui de la vie civile en s’engageant dans des duels d’honneurs dont le nombre finit par atteindre des proportions délirantes. Une lutte à mort s’engage entre Clément Lacaze, maitre d’armes légendaire jamais vraiment revenu du front, et Louis Berchère, noble et cuirassier qui ne veut pas en revenir. À ça s’ajoute les tensions socio-politiques de l’époque figurée par la militante féministe Marie-Rose Astié de Valsayre, et l’éditorialiste réactionnaire Ferdinand Massat…
- Il y aurait de quoi nourrir deux long-métrages de deux heures chacun dans Une affaire D’honneur. Vincent Pérez et sa co-scénariste Karine Silla s’en tirent avec un film d’1h40 tout mouillé à la pesée, par ailleurs articulé autour d’au moins 4 scènes d’action majeures. Comment, pourquoi ? Parce que le cinéma, c’est deux outils qui s’appellent le hors champ et l’ellipse, et Pérez s’en sert avec un sens du timing qui ne relègue AUCUN sujet à sa périphérie. Savoir aller à l’essentiel, c’est avoir le sens du détail qui permet de garder le cap en n’oubliant personne sur la route. Une affaire d’honneur en fait un mantra dans tous les compartiments de la production. Un scénario qui dit en une scène ce qui prend un acte à développer chez d’autres, une reconstitution qui privilégie l’exactitude des intérieurs aux plans d’ensembles onéreux et génériques, des scènes d’action qui mettent l’accent sur le geste et la technique comme les meilleurs films de kung-fu hong-kongais… Du vrai cinéma qui innove sur la forme et sur le fond, n’impose jamais sa modernité sur les traditions, prend le beurre et l’argent du beurre sans réclamer le cul de la crémière à la hussarde. Ridley Scott et son Dernier Duel en prennent pour leur grade, et les Trois Mousquetaires de Jérôme Seydoux se font reléguer en troisième partie de soirée télévisuelle. Et en prime, le casting est impérial. Bref, courez-y.

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /
- La rubrique littérature a ses Prix 130 livres, la rubrique boxe aura ses 130 livres Boxing Awards. Ne cherchez pas l’équivalent ailleurs : ils font autorité.
- Boxeur de l’année : chacun ses critères, ici il faut avoir (bien) boxé plus d’une fois.
- 1 : Naoya Inoue. Le Japonais a pris ses aises chez les super coq comme un renard dans un poulailler. Une année pour tabasser les champions unifiés Stephen Fulton et Marlon Tapales, s’emparant ainsi d’un second titre incontesté. よくやった, Naoya.
- 2 : David Benavidez. Il savait déjà réclamer un superfight contre Canelo Alvarez dès qu’on lui tendait un micro, mais David Benavidez a désormais appris à le mériter rien qu’en faisant son métier : deux succès éclatants sur un autre prétendant heureux d’avoir survécu (Caleb Plant) et un vétéran invaincu éparpillé façon puzzle (Demetrius Andrade) auront fait l’affaire.
- 3 : Devin Haney. Ici, on ne raffole pas de l’hyper rationalité de sa gestion de carrière, mais on est légaliste. Il a battu — fût-ce par la peau des dents — la légende Vasyl Lomachenko puis jonglé Regis Prograis comme trois balles multicolores pour une première ceinture à 140 livres. C’est bon pour cette fois, circulez.

- Performance de l’année : de la concurrence, tant 2023 fut une année de champions en démonstration.
- 1 : Terence Crawford KO9 Errol Spence Jr. Un récital contre un homologue du Top 10 pound-for-pound qui valide tout le récit d’une carrière, celle d’un boxeur évité comme la peste à juste raison. Était-ce le meilleur Spence ? La question est sans objet. Implacable.
- 2 : Naoya Inoue KO8 Stephen Fulton. Que Crawford ait pu faire encore mieux contre Spence reste passablement inconcevable, 6 mois après les faits. On se serait cru sur National Geographic.
- 3 : Teofimo Lopez UD Josh Taylor. On sait que Lopez était un beau poulet chez les légers. On sait que Taylor s’était loupé en battant Jack Catterall de (trop) peu. Reste qu’une telle leçon donnée à l’ex-champion incontesté, toujours invaincu à 140 livres, n’allait pas de soi.

- Combat de l’année : dans ces 12 mois où les vedettes surclassèrent leurs rivaux, il fallait chercher les grands combats un ou deux étages plus bas.
- 1. Seiya Tsutsumi UD Kazuki Anagushi. Un championnat du Japon des poids coq dont j’ignore si j’arriverai à le revoir un jour en entier. Disons que ça dépendra des nouvelles du vaincu. Ce combat est insensé.
- 2. Rafael Espinoza MD Robeisy Ramirez. Un virtuose des plume affronte un adversaire inconnu à côté duquel Sandy Saddler aurait fait un « petit » 126 livres. Le rush du challenger Espinoza pour l’emporter dans les championship rounds peut se visionner sur La chevauchée des walkyries.
- 3. Christian Mbilli UD Carlos Gongora. Où la propension du Français et Montréalais d’adoption à manger les uppercuts comme des oursons à la guimauve confère un suspense extrême à un combat dans lequel il imposait son habituelle supériorité athlétique. Pfiou.

- Surprise de l’année. Là encore, pas mal de choix sans vraiment de candidat qui sorte du lot. La note de style aura compté.
- 1. Rafael Espinoza UD Robeisy Ramirez. On croyait le double médaillé d’or olympique Ramirez parfaitement acclimaté au monde professionnel. C’est là que les Mexicains lui ont envoyé « El Divino », improbable spécimen d’1m85 pour 57 kilos propulsé à l’énergie atomique. Mais où les fabriquent-ils, bon sang ?
- 2. Joseph Parker UD Deontay Wilder. Sur le papier, le vétéran Parker pouvait battre Wilder, mais le voir serein comme pour un 9h-17h de gratte-papier face au pire croquemitaine du XXIe siècle eut de quoi étonner.
- 3. Brian Mendoza KO7 Sebastian Fundora. Poreuse en défense, la « Tour infernale » Fundora était certes vouée à s’effondrer tôt ou tard. Mais pas forcément contre « La Bala » Mendoza, dernière étape avant la chance mondiale. Puis on cria « Timber ! ».

- KO de l’année. Un KO, c’est comme tout : meilleur encore quand il y a une histoire autour.
- 1. José Valenzuela KO6 Chris Colbert. En mars, Chris Colbert s’en était fort bien sorti en remportant la décision malgré un knockdown subi d’entrée et une fin de combat difficile. Le bougre ne s’était alors guère privé de chambrer son adversaire toute langue dehors. Lors de la revanche de décembre, Valenzuela a laissé sa droite de forain couper court à toute polémique. Poetic justice.
- 2. Zhang Zhilei KO3 Joe Joyce. « Votre mec indestructible, là ? Je l’ai arrêté en 6. » « Non mais c’était sur blessure, c’est pas du jeu. Et puis là il aura compris qu’il fallait éviter la gauche. » « Et si je l’étends au 3e avec une droite ? » « Alors là, OK. »
- 3. Mauricio Lara KO7 Leigh Wood. Pure joie sadique. Un Mexicain coutumier du fait traverse l’Atlantique pour climatiser une salle anglaise. Six rounds durant, son adversaire travaille intelligemment, et tout le monde y croit. Puis le Mexicain climatise la salle d’une gauche mahousse. Hihihi.

- Bide de l’année. Vanté par les observateurs, l’an pugilistique 2023 apporta pourtant son lot de déceptions quatre étoiles. La boxe, quoi.
- 1. Les poids lourds. Tyson Fury frôlant la catastrophe contre un débutant issu du MMA, Olexander Usyk prenant 4 minutes de pause le cul par terre pour un coup sur la ceinture, Deontay Wilder dans le rôle de l’herbivore pourchassé à travers la savane… Le Cap’tain Crochet a tout bien expliqué ici sur les piteux 12 derniers mois de la catégorie reine.
- 2. Jermell Charlo. Perdre contre Saul « Canelo » Alvarez, son homologue champion incontesté deux catégories plus haut, n’avait rien de déshonorant. Prendre son (gros) chèque pour ne se mettre à boxer qu’une fois le combat perdu, après le knockdown subi au 7e round, c’est une bonne manière d’assassiner le respect à coups de pelle.
- 3. Ryad Merhy SD Tony Yoka. *long, long soupir*

- Vol de l’année. La rigueur l’impose : sachons distinguer le vol du bide.
- 1. Rolando Romero KO9 Ismael Barroso. Un boxeur de 40 ans sort la performance de sa vie pour prendre sa première ceinture mondiale en battant la pire tête à claques du circuit ? On l’arrête pour rien, lol. #TonyWeeksÀLEHPAD
- 2. Magomed Kurbanov SD Michel Soro. En galère depuis ses deux combats contre Israil Madrimov — arrêt APRÈS la cloche et no contest sur blessure —, Soro nous gratifie d’une performance remarquable face à l’invaincu Kurbanov, jamais sorti de son fief russe… et l’on comprend pourquoi, vu qu’il chaparde une décision rigoureusement injustifiable.
- 3. Gervonta Davis KO7 Ryan Garcia. Un vol peut aussi concerner le public, voire les acheteurs consentants d’un pay per view à 84,99$. En tête d’affiche, flanqué d’une sous-carte passable, ils eurent droit à un combat sans titre en jeu au résultat joué d’avance entre un agresseur domestique récidiviste et un minet d’Instagram au jeu de jambes de petit faon. Et ils furent plus d’1,2 million à voir Gervonta Davis bombardé sans rire « The new face of boxing » par une équipe de Showtime alors en sursis. Que fait la police ?
- Moment de l’année. La boxe, la pute. Soit. Mais elle continue à produire de l’indélébile.
- 1. L’entrée de Terence Crawford avec Eminem sur Lose Yourself. Rien de plus éculé en 2023 qu’un boxeur faisant son entrée aux côtés d’un rappeur. Sauf quand il s’agit du superfight de l’année et de LA chanson parfaite. « Bud » ne pouvait pas perdre après ça.
- 2. La joie de Nathan Heaney après son succès sur Denzel Bentley. L’année de la boxe, c’est une poignée de millionnaires qui twittent H24 et parfois combattent, tandis qu’une armée de cols bleus porte tout le bazar à bout de bras. Le 18 novembre, Nathan Heaney n’est guère devenu que champion de Grande Bretagne des moyens. Mais pour cet ascète de 34 ans au punch inexistant, hanté par le fantôme d’un daron suicidé et issu d’un vieux furoncle industriel du Staffordshire où se remplissent des bus de fans qui le suivraient en enfer, le titre britannique arraché à un ancien challenger mondial avait un goût de ceinture galactique. Et ça s’est vu.
- 3. Tyson Fury mis sur le derche par Francis Ngannou. Un second 1-2 paresseux de rang, prévisible comme les URSSAF en fin de trimestre, et la sanction tombe sous la forme d’un lourd crochet gauche en haut du crâne. Le champion linéal autoproclamé des poids lourds vacille, regarde le sol, puis tombe presque au ralenti sur le ring d’une pétromonarchie où l’on s’en foutra un peu. Une bien belle histoire pour certains, les derniers outrages à leur passion pour d’autres. Only in boxing.

Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /
- Parlons MMA, parlons Conor McGregor, qui a régalé ses fans le premier de l’an avec une annonce Instagram qui a fait lever plus d’un sourcil chez les sceptiques : l’officialisation de son combat tant repoussé contre Michael Chandler à… -84kg. Soit les poids-moyens, soit deux divisions au-dessus de laquelle les pugilistes ont l’habitude d’évoluer. Difficile de savoir ce qui se trame dans le cervelet de l’Irlandais, et les spéculations vont bon train. Tentative de graver son nom dans le livre des records avec un KO dans une quatrième catégorie de poids, volonté de protéger avec du muscle supplémentaire sa jambe gravement blessée lors de son dernier affrontement contre Dustin Poirier, simple trollage pour mettre l’UFC dos au mur… Bref, on n’en sait rien, mais en parler c’est déjà alimenter la machine publicitaire du « Notorious », qui reste actif dans le game donc pour ses sponsors tant qu’on continue de spéculer sur son retour. De là à penser qu’il y a une retraite déjà prise mais pas encore assumée, il n’y a qu’un pas qu’on se gardera bien de franchir trop hâtivement. Par contre, on évitera également de trop s’emballer sur son come-back. Comme l’avait judicieusement dit M. Faure lors du combat Crawford vs Spence jr : « Je n’y croirais qu’au son du gong ». Donc acte.
- Francis Ngannou continue de mettre le fight game à genoux : un combat contre Anthony Joshua sur dix rounds le 8 mars prochain en Arabie Saoudite. Je laisserais au taulier le soin d’une analyse pugilistique plus poussée. Mais il faut rendre à César ce qui appartient à Ngannou : jamais aucun sportif n’était parvenu à ce point à soumettre une industrie aussi peu accommodante à ses aspirations. Quelque soit le résultat dans trois mois, le « Predato »r continue d’écrire l’Histoire et de faire bouger les plaques tectoniques sur lesquelles les mammouths de la boxe anglaise et du MMA ont pris appui. Spartacus mène l’empire romain par le bout du nez : c’est tellement beau que ça mérite un film de très grand écran.
- Sean Strickland fait parler de lui, avant sa défense de titre contre Dricus du Plessis le 20 janvier. Le tombeur d’Israel Adesanya, véritable bug dans la matrice UFC, continue de repousser les limites de ce qu’un champion de la plus grande organisation de MMA mondiale peut dire et faire. Crever l’abcès en larmes sur son enfance sordide et mettre l’auditeur le plus récalcitrant à genoux dans un podcast, nommer la Chine premier exportateur de plastique et de Covid dans un tweet, faire du tir au mortier, braquer avec un flingue en pleine face l’inconscient qui a essayé de voler sa voiture… Tarzan, c’est le diable de Tasmanie pour la com de l’UFC : un mec qui n’en a fait qu’à sa tête, dit ce qu’il a à dire sans aucun filtre, et renvoie les médias-trainers de la promotion à leurs antidépresseurs. On peut en penser ce qu’on veut, et Antoine a son opinion non-partagée mais respectée à son égard (Note d’Antoine : il me sera plus sympathique quand un descendant de Huguenots français lui aura avaler une molaire ou deux. Na.). Personnellement, j’aurais fortement tendance à voir en Strickland un cousin de Francis Ngannou : un sportif qui fait vraiment bouger les lignes, dont l’authenticité résiste aux sirènes de la hype et désordonne la machinerie bien huilée de l’UFC. Les anarchistes dans l’âme auront toujours le monopole du cœur.
