Punchlines du 28 mai 2023

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  • Une fois n’est pas coutume : j’ai fait bref mais efficace pour évoquer sur Instagram le troisième tome de la série Service Action proposée par l’ami Vincent Crouzet, intitulé Louve Alpha. Les amateurs de romans d’espionnage et de géopolitique contemporaine devraient y jeter un œil ou deux.
En 2022, Malko Linge s’appelle Coralie.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /

  • On ne s’attendait pas nécessairement à entendre Tom Hanks livrer un point vue très tranché sur l’actualité des belles lettres. On se trompait : en pleine promotion de son premier roman, intitulé The Making of Another Major Motion Picture Masterpiece (il y est question du tournage d’un film de super-héros à gros budget), Hanks s’est répandu sur la cancel culture lors d’un passage à la BBC. « Laissez-moi décider de ce qui m’offense et de ce qui ne m’offense pas » a-t-il clamé sans ambiguïté à propos de la réécriture contemporaine des œuvres de Roald Dahl et Agatha Christie à l’aune des critères du sensitivity reading. Il affirme aussi qu’il ne lirait jamais un bouquin dont la couverture indiquerait qu’il aurait été édulcoré de la sorte. « Pourquoi ne pas croire en notre propre intelligence, au lieu de laisser quelqu’un décider de ce qui serait susceptible de nous blesser ? » conclut-il, audacieux en diable, vu qu’il importe désormais de réinventer cette roue-là. Si les réécritures contemporaines collent aussi de l’urticaire à l’incarnation de l’inoffensif neuneu Forrest Gump, peut-être finira-t-on par s’apercevoir de leur toxicité.
  • Nul ne sait si la nouvelle de la mort de Kenneth Anger eût été plus relayée une semaine moins riche en nécrologies de stars de la chanson ; le natif de Santa Monica décédé à 96 ans était plutôt habitué à l’obscurité des marges. Le bonhomme fut avant tout un cinéaste expérimental habitué des films où les morceaux de rock n’roll se substituaient aux dialogues, cité comme référence par des artistes du calibre de David Lynch ou Martin Scorcese. Il suffit de savoir qu’il fut attaqué en justice par le Parti Nazi américain pour son court métrage Scorpio Rising au motif que le film « insultait son drapeau » pour que Kenneth Anger suscite une certaine sympathie. Il s’assuma très tôt publiquement comme homosexuel et le vaste tatouage « LUCIFER » qu’il arborait sur la poitrine contribua à sa légende aux relents sulfureux. Après Hanks, voici deux artistes connus pour leur œuvre cinématographique que j’évoque à la rubrique littérature, et pas uniquement pour faire bisquer Guillaume. Dans le cas d’Anger, c’est parce que je l’ai découvert via son livre Hollywood Babylone (et non pas Babylone Hollywood, n’est-ce pas Livres Hebdo…), dont une première version fut éditée en France par Jean-Jacques Pauvert plusieurs années avant sa sortie aux États-Unis, publié aujourd’hui chez Tristram. Fauché comme les blés à la fin des années 50, Anger s’était décidé à raconter l’impressionnante somme de ragots sordides appris au contact prolongé de l’industrie du cinéma. Le livre est richement illustré, précis dans les descriptions des crimes et délits dont il est question et écrit sur le ton férocement ironique des chroniqueurs mondains croisés dans les romans de James Ellroy. Il n’y est d’ailleurs pas question que d’exposer la dépravation consubstantielle au star system puisque l’auteur règle également ses comptes avec la censure, le maccarthysme et la presse à scandales. Le succès d’Hollywood Babylone encouragea Anger à publier une suite intitulée Retour à Babylone. Allez-y, c’est franchement goutû.
Saint Anger, priez pour nous.
  • On peut désespérer de la succession monotone des rentrées littéraires et de leur cortège de succès programmés, pseudo découvertes et débats convenus, mais enfin tout n’est pas perdu : Alexandre Jardin ressort un roman chez Albin Michel, intitulé Frères. Alléluia !
  • C’est donc Rebecca Manzoni qui remplacera Jérôme Garcin à la production et la présentation du Masque et la Plume. Sans doute le fait que je m’intéresse autant à cette succession trahit-il une certaine avancée en âge. Soit. Je garde un souvenir plaisant de sa quotidienne culturelle Eclectik sur Inter, qui date déjà d’il y a 15-20 ans. On connaît plus Manzoni pour ses chroniques musicales ou cinéphiles que pour son regard sur la littérature ; mon a priori reste positif, et puis dans le long sketch du Masque et la Plume la voix de l’animateur compte énormément quel que soit le sujet, or la sienne sonne comme il faut. Je me suis longtemps enorgueilli de bien imiter Garcin, il me tarde de savoir reproduire les intonations manzoniennes quand retentira « Bonsoir à toutes et à tous, bienvenue en public au Théâtre de l’Alliance Française pour un Masque et la plume consacré ce soir à l’actualité littéraire… », ou l’équivalent.
  • On l’évoquait la semaine passée après son apparition au gala de PEN America : Salman Rushdie vient d’être honoré à nouveau d’une récompense qui claque, en Grande Bretagne cette fois. À vrai dire on se cogne un peu que la Princesse Anne en ait fait un « compagnon d’honneur », mais ses déclarations pour l’occasion méritent qu’on les reprenne. L’auteur des Versets sataniques a surtout affirmé avoir repris l’écriture, ce qui n’avait rien d’évident au regard de ses premières prises de parole depuis l’attentat dont il fut la victime. C’est une défaite pour les bigots, donc une joie pour l’humanité.

Le cinéma est mort : la preuve, il bouge encore (Guillaume) /

  • Parlons cinéma, parlons (un peu) de Cannes. Cette année, c’est Anatomie d’une chute de Justine Triet, qui a été distingué par le jury présidé par Ruben Östlund de la récompense la plus convoitée du cinéma d’auteur mondial. A défaut d’avoir vu le film, on se contentera d’être content pour sa réalisatrice, la troisième femme à recevoir la palme d’or de l’histoire de la manifestation, qui a profité de son discours de remerciements pour se fendre d’une tribune évidemment très politique. On ne reviendra pas sur l’éternel débat lié à la valeur ou non de la contestation en robe de créateur pour se concentrer sur l’un des points abordés lors dudit discours. La lauréate y fustigeait en effet l’exigence de rentabilité qui rattraperait désormais le cinéma français jusqu’alors protégé par l’exception culturelle. Bref, le gros mot est lâché, mais mérite qu’on s’y arrête. Parce que c’est quoi, un film rentable en fait ?
  • On ne saurait évidemment soumettre l’art à des critères bassement mercantiles en ces pages. Mais il convient de préciser que « l’exigence de rentabilité » s’exerce sur le cinéma depuis que le médium est devenu une industrie, c’est à dire depuis toujours. On ne fait pas un film comme on écrit au coin du feu : ça demande du matériel, de la logistique, des moyens humains. Bref ça coûte des sous, et ceux qui les sortent sont dans leur droit d’espérer un retour sur investissement. Et pour qu’un film devienne rentable, il y a pas 36 solutions: il faut qu’il soit vu. Dans l’idéal par le plus grand nombre, mais plus prosaïquement par un nombre de bipèdes qui soit proportionnel à ses ambitions et son budget. Oui c’est triste, mais c’est pour ça qu’on a construit des salles de cinéma, créée le support physique, diffusé les œuvres à la télévision etc. : pour que les film soient vus le plus possible, donc rentables. Pour le dire plus simplement : c’est parce qu’un film est soumis à cette exigence de rentabilité que vous êtes en mesure de le voir.
  • Bien sûr, on caricature. Et évidemment qu’on ne feindra de croire que les choses ne sont pas infiniment plus compliquées en pratique que le cercle vertueux utopique dépeint plus haut. Mais on touche peut-être au schisme qui sépare la fameuse exception culturelle de ses détracteurs qui ont l’impression de subventionner une production artistique qui ne les concerne pas, et se concentre en happy few doré de strass et de paillettes sur la Croisette. Ce n’est peut-être qu’un problème de sémantique mais les mots ont l’importance, alors disons-le : un film qui n’est pas fait pour être rentable est un film qui n’est pas fait pour les spectateurs. « Le cinéma soumis aux SEULS critères de rentabilité », un film fait pour être vu et ne pas être oublié : voilà qui permettrait de clarifier le débat et de définir un point de rencontre acceptable entre l’art et l’industrie. Si le festival de Cannes veut dépasser les procès d’intention qui lui sont faits (à tort, mais aussi à raison), il faudrait peut-être commencer par là.
  • Cinéma toujours, Cannes encore. En salles cette semaine Omar La Fraise d’Élias Belkeddar avec Reda Kateb et Benoit Magimel, l’histoire de l’exil forcé et algérien d’une tête de gondole du grand banditisme français. Rien à faire à part flâner, boire, sniffer en compagnie de son partner in crime de toujours incarné par Benoit Magimel épais comme un tonton flingueur du bled. Le film reste judicieusement au niveau de l’errance de ces deux personnages qui cherchent à tuer le temps dans un endroit où il s’est arrêté, jusqu’à une ce qu’une affaire de cœur ne fasse repartir l’horloge. Autrement dit, Omar La Fraise repose sur la capacité de ses acteurs à remplir l’espace ouvert par une caméra qui filme Alger comme une lueur de défi permanente à la raison. C’est fragile, mais avec Reda Kateb et Benoit Magimel devant l’objectif, ça devient une réalité tangible qui frôle parfois le niveau Un singe en hiver (le plus beau film français du monde, le saviez-vous ?) de l’alcoolisme magnifique. À eux deux, ils ressuscitent ce qui fut autrement une spécialité française au même titre que le béret et la baguette de pains : les Tontons de caractère, qui restent grandioses dans le ridicule, séduisants sans chercher à plaire, transforment la décadence en grand spectacle et allument un feu d’artifice à chaque fois qu’ils ouvrent la bouche. Des personnages quoi, des vrais en capitale d’imprimerie. Bref, un film qui mérite d’être rentable.
Alors on danse ?

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /

  • Tout à mon allégresse d’avoir vu se qualifier le RC Lens pour la Ligue des Champions, j’avoue avoir zappé sur Mauricio Lara vs Leigh Wood II animé d’une joie plus malsaine, celle de voir le héros local reprendre une gauche létale qui éteigne simultanément ses fonctions cérébrales et l’enthousiasme des commentateurs anglais. Las, il faut bien constater qu’en boxe comme ailleurs ceux qui réfléchissent et travaillent ont tendance à mieux réussi que les flemmards satisfaits. À ma gauche, un challenger s’employant à contrôler le rythme et la distance des échanges derrière d’excellents jabs au corps et à la face tout en gardant la main droite plus haute qu’en février dernier. À ma droite, un tenant du titre déjà déchu pour cause de surpoids boxant de manière sporadique, imprécis et souvent en déséquilibre sur ses gauches téléphonées, plus concentré sur des mimiques et attitudes destinées à déstabiliser Wood que sur le fait de gagner des rounds. Bien qu’ouvert tôt dans le combat – Lara a toujours la puissance d’un welter – Leigh Wood s’est livré à une démonstration, s’offrant même le luxe de marquer un knockdown sur un jab-uppercut droit d’école au 2e round. Forcément au courant de son retard sur les cartes, Lara n’aura même pas accéléré dans les derniers rounds. Même face à un adversaire aussi disposé à se saborder, il faut rendre hommage à l’Anglais, champion WBA des plumes pour la seconde fois, tant il est délicat d’accepter une revanche à peine 3 mois après avoir subi un énorme KO. Bah, Lens est de retour en Ligue des Champions !
Astuce : le crochet gauche de Lara fait moins mal quand on lui chatouille les côtes flottantes.
  • Dans le reste de l’actualité, le compatriote de Wood aux membres télescopiques Lawrence Okolie a subi une inattendue première défaite en carrière à Bournemouth face à un autre Anglais, le frustre mais déterminé Chris Billam-Smith, au terme d’un combat tout à fait hideux. Okolie pratique un « jab and grab » systématique et lénifiant qui ferait passser le Wlad Klitschko de la grande époque pour un poids coq mexicain très énervé. Pénalisé de deux points par un arbitre visiblement agacé, expédié trois fois au tapis, Okolie a ainsi perdu sa couronne WBO des lourds-légers. On retiendra pour rire (jaune) l’inexplicable carte de 112-112 rendue par le juge Benjamin Rodriguez, sans doute rentré chez lui grâce son labrador et sa canne blanche. Le Nord-Irlandais Michael Conlan, victime de Leigh Wood à l’issue d’un solide prétendant au titre de combat de l’année 2022, a subi à domicile un nouveau KO spectaculaire des mains du champion IBF des 126 livres Luis Alberto Lopez. La cote d’une revanche contre Wood a chu au 5e round en même que Conlan, heurté de plein fouet par un uppercut droit vers lequel il eut la mauvaise idée de faire plonger son menton. Dans le même esprit que son compatriote Mauricio Lara, Lopez semble souvent faire n’importe quoi sur le ring, notamment abuser des uppercuts, mais sa puissance et son activité en font un défi redoutable pour ses adversaires, en particulier un Conlan dont le déficit de punch au plus haut niveau est désormais patent.
  • Guillaume passe une tête : la boxe redeviendrait un sport pour les fans ? Après Davis vs Garcia et Lomachenko vs Haney, voici que se concrétise une affiche que nos petits cœurs tellement essorés par la déception n’osaient plus espérer. J’appelle à la barre Errol Spence Jr. et Terrence Crawford, qui devraient avoir enfin l’occasion de s’affronter pour la legacy du plus grand welterweight de leur génération ce 29 juillet 2023 à Las Vegas. Le boxing game étant ce qu’il est, ces deux-là nous auront fait subir plusieurs fois la tour Khalifa de l’ascenseur émotionnel avant d’officialiser le clash de l’année (au moins, on espère). Notre ami Antoine, mis en garde par son docteur contre l’excès d’hypertension, n’ose y croire avant le coup d’envoi de peur de se retrouver à cours de bêtabloquant. Je vais donc profiter de l’arrogance de ma relative jeunesse pour me hyper comme un gros débile. YOLO.
I want to believe.
  • Et bien oui, Guillaume : « On peut tromper mille personnes une fois mais on ne peut pas tromper une personne mille fois » comme peinait à dire le brave Émile dans La cité de la peur. Ainsi en va-t-il du fan de boxe qui espérait un Errol Spence Jr. vs Terence Crawford depuis de (trop) longues années pour le titre incontesté des poids welters. Le superfight est désormais annoncé pour le 29 juillet prochain à la T-Mobile arena de Las Vegas. J’attendrai personnellement le premier coup porté, voire les engueulades à propos des cartes des juges, pour considérer que l’affaire est bien conclue. Apparemment le contrat signé comporte une clause de revanche, ce qui ne nous met pas à l’abri d’une trilogie tant l’opposition paraît serrée sur le papier. J’attends presque plus de la façon dont se décantera la situation du reste de la catégorie pendant l’explication des deux trentenaires, à commencer par l’alléchant Vergil Ortiz vs Eimantas Stanionis décalé au 8 juillet prochain. Voilà qui devrait satisfaire les amateurs de duels intenses dans une cabine téléphonique. Les prochains pas de la terreur Jaron Ennis et de son compatriote américain Alexis Rocha, vainqueur hier soir du technicien Anthony Young par KO au 5e round, seront aussi intéressants à suivre. Je manque encore d’un pronostic tranché sur Spence vs Crawford, pourvu qu’il ait bien lieu. Disons que pour l’heure le facteur décisif me semble être le suivant : si Spence a la boxe pour gagner des rounds via une activité supérieure, il lui faudra aussi fatiguer Bud pour éviter d’être puni dans les championship rounds. Si Crawford a encore du jus sur la fin, ses qualités de finisseur devraient faire la différence. Je m’attends à voir Spence insister au corps, à la manière dont il travailla Kell Brook en première partie de combat. On a tout le temps d’approfondir l’analyse… ou de déplorer une surprise désagréable d’ici fin juillet.
  • Bonne chance pour finir à notre champion EBU des super moyens Kevin Lele Sadjo, alias « Le Phénomène », en quête ce soir d’une 20eme victoire en autant de sorties chez les professionnels face à l’Allemand Sven Elbir. On souhaite à Elbir d’avoir bien travaillé ses abdominaux avant le massage qu’ils devraient recevoir sur le ring du Palais des Sports de Créteil.

Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /

  • Il va tellement qu’il joue relâche cette semaine.

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