Punchlines du 16 juin 2025

Le site (Antoine) /

  • Le compte-rendu le plus à l’arrache de l’histoire du Hellfest est officiellement bouclé depuis vendredi et la publication de sa seconde partie. Ceux qui se contrefoutent des musiques extrêmes peuvent le lire comme un drame du milieu de vie, le suspense en prime. Bref.
Parfaitement, je prends la même photo chaque année.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /

  • Quand vient l’automne, difficile de rentrer dans un rade du Quartier Latin à l’heure de l’apéritif sans tomber sur une remise de prix littéraire. Celles de juin sont (un peu) plus exotiques : ainsi, le Prix de l’Instant 2025, décerné jeudi soir dernier au mythique Café de la Mairie situé Place Saint-Sulpice, qui inspira à Georges Pérec Tentative d’épuisement d’un lieu parisien et fut le repaire de l’écrivain Antoine campé par Fabrice Luchini dans La Discrète. Dans le décor très fifties et bas de plafond de la salle du haut, guère fraîche lorsque l’été approche, la gérante de la librairie éponyme du prix sise rue de Lourmel Sandrine Babu procéda à la proclamation officielle du résultat en compagnie du tondu et tatoué Luc Dagognet, lauréat pour son roman Scarborough (éditions Do). L’oratrice rappela le charme certain d’une histoire qui « à force de digressions, nous emmène jusqu’à on ne sait pas quoi », sans doute une manière d’en souligner le mystère. C’est d’ailleurs le livre qu’elle-même proposa en tant que membre du jury : chacun des douze en fit autant, dont l’amie Thael Boost, après quoi plusieurs tours de scrutin et le vote conjoint des clients de la librairie désigna le vainqueur.
  • Celui-ci affirma ne pas beaucoup aimer parler en public, remercia les votants pour lui avoir donné l’impression que son second roman était bien « un vrai livre » et pas une somme d’élucubrations solitaires, et se dit d’autant plus ravi que le retour de Sandrine fut son premier, l’occasion de rappeler les circonstances de leur rencontre. Représentant de sa maison d’édition, il s’était présenté à l’Instant pour faire l’article du bouquin sans annoncer en être l’auteur. Et la libraire de conclure : « Il en parlait vraiment très bien, je l’ai démasqué en direct ». Dernier motif de satisfaction pour Luc Dagognet, avoir senti sourire au téléphone un éditeur qui « fait toujours la gueule » (sic). Il échut alors à la lauréate 2024 Adeline Fleury de remettre le prix, après quoi on salua les partenaires et remit au vainqueur un fameux filet garni (liseuse, chocolat, ex libris, papier cadeau, etc.) et deux extraits furent lus dans la fournaise, l’occasion de rappeler qu’Anne Brontë est morte à Scarborough et de constater que la tonalité introspective et mélodique du texte à la première personne s’accorde bien à Scarborough Fair de Simon & Garfunkel. Je n’exclus même pas de lire le bouquin.
Un prix pas bas de plafond malgré le plafond bas.
  • Et puis je m’autorise un moment recyclage, (plus ou moins) justifié par l’imminence du Hellfest : je reprends ici un message du 1er juin dernier posté sur les réseaux sociaux à propos d’un bien joli livre sur le gros rock n’roll qui tâche :

J’ai déjà évoqué le podcast Children Of The Sabbath, qui revient en détail et album par album sur la carrière des créateurs de la première grammaire complète du heavy metal – un concert hommage réunissant les 4 membres du lineup d’origine et une palanquée d’invités de prestige est d’ailleurs prévu le 5 juillet prochain à Birmingham.

Ses fondateurs Mathieu Yassef et Gabriel Redon, aux côtés de leur invité régulier Guillaume Fleury, en ont fait un livre qui porte son nom. Children of the Sabbath liste 66 chansons de Black Sabbath, les classant par ordre de préférence collective, en n’omettant aucun album studio ni compilation ou enregistrement live comportant des titres bonus. L’occasion de parcourir à nouveau leur carrière en accéléré tout en interrogeant ses propres préférences. Spoiler : si leur top 20 est très solide et forcément un poil attendu, je ne m’attendais pas nécessairement à voir aussi représentée une galette comme Technical Ecstasy dans les 66.

Le livre recèle des anecdotes inédites pour qui a suivi le podcast, ce qui est à saluer vu le travail de fourmi déjà entrepris : les auteurs rappellent volontiers les heures passées à vérifier et contre-vérifier la moindre information, en particulier les témoignages à la fiabilité approximative des musiciens eux-mêmes. Il est aussi joliment illustré (les chasseurs d’Easter eggs seront satisfaits) et mis en page. Le bouquin est commandable sur le site des éditions des Flammes Noires et vaut ses 19€.

« Ne faites confiance qu’à vous-même et à ces 66 morceaux de Black Sabbath », comme l’indique la couverture en reprenant la formule culte d’Henry Rollins à propos des 6 premiers albums du groupe. Cet échantillon-là occuperait dignement tout habitant d’une île déserte ouvert au rock qui pèse.

Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /

  • Parlons cinéma, parlons de… La vie, la mort. L’être dans l’infini et l’infini dans l’être, l’infiniment grand dans l’infiniment petit et vice-versa, le sens de tout ça dans TOUT ÇA, la place de notre petite histoire dans la grande, bref : l’existence au sens large. On pensait que la grande Toile avait renoncé à sa condition de portail du vertige métaphysique, susceptible de déterrer en chaque spectateur le « nous » profond partagé par tous et le connecter en circuit direct aux chakras de l’inconscient collectif. Une telle entreprise requiert du talent mais aussi et surtout une croyance absolue dans LE CINÉMA : 2001, Contact, Happy Feet 2, Agora, Cloud Atlas… À ce niveau-là, on ne parle même plus d’art mais de spiritualité (à moins que ce ne soit la même chose), ni d’expérience salle mais de cérémonie chamanique.
  • Bref, on parle de Life of Chuck.
L’ombre du divin
  • Life of Chuck fait partie de ces films difficiles à pitcher car essayer revient déjà à déflorer le projet. Disons simplement qu’il s’agit à la base d’un livre de Stephen King transposé par Mike Flanagan, son nouvel intermédiaire vers le grand écran déjà à la troisième adaptation de l’auteur du Maine. Que ça commence par la fin pour terminer par le début, mais parce que la fin n’est que le commencement. Que la même histoire se divise en trois actes distincts, sachant que chacun de ces actes peut se voir comme la continuité (à rebours) et le palimpseste de l’histoire précédente. Qu’on peut faire un feel good movie avec une tranche d’Apocalypse, de la poésie avec les maths, refaire le monde et l’univers en dansant une bonne moitié de film, réaliser un film de fantômes avec les vivants, voyager très loin et très haut à partir de trois décors répétés sur une 1h50, des monologues sur l’astrophysique qui s’adressent directement au cœur. Qu’on rendre évident à l’image ce qui ne l’est pas en quelques lignes, entreprendre tout et son contraire.
  • Life of Chuck, c’est un exercice d’écriture et de réalisation rigoureusement réfléchi sur lui-même, un traité comparatiste qui parvient à gérer toutes ses strates dans cette ligne claire chère à King, et dont Frank Darabont (Les évadés, La ligne verte, The Mist) fut jusqu’à présent le dépositaire du 7ème Art le plus zélé.
  • Et tout ça ramené au grand thème articulant l’œuvre pléthorique de l’auteur : comment vivre avec la conscience de sa propre mortalité, en tant qu’individu et en tant qu’espèce ? Mike Flanagan répond à la question avec ce sens du cinéma qui transforme des morceaux de quotidien en vision de grand spectacle et les coins de banlieue paisibles en surface de très grand écran. Soit exactement ce qui caractérisait l’école Amblin (ces films produits par Spielberg qui firent les beaux jours des glorieuses 80’s : Gremlins, Retour vers le futur, E.T) et partagé par King lui-même, toujours prompt à transformer la banalité en théâtre mythologique. Life of Chuck est le film d’une autre époque parfaitement en phase avec la nôtre, une uchronie qui regarde le monde actuel droit dans les yeux sans lui concéder son euphorie. Vous cherchez à vous évader sans vous anesthésier ? Life of Chuck est le remède qu’il vous faut. Si vous cherchez du grand cinéma, idem.

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /

  • Tous ceux qui virent Junto Nakatani troquer le scalpel pour un marteau de guerre à l’heure d’affronter son compatriote et homologue gaucher Ryosuke Nishida, titres unifiés WBC et IBF en jeu le 8 août dernier à l’Ariake Colosseum de Tokyo, ont pu en nourrir un étonnement certain. On connaissait « Big Bang » Nakatani patient derrière son jab télescopique et avare en mouvements parasites, et voilà qu’il choisit délibérément la bagarre de saloon dès le premier rond de leur confrontation. On peut y voir le souci d’asseoir plus nettement encore sa domination sur une catégorie très « japonaise » (même si Seiya Tsutsumi n’est plus que « champion in recess » pour la WBA), mais aussi un parti-pris tactique, celui d’écourter les débats au maximum face à un adversaire qui frappe peu mais presse longtemps. Agressif d’entrée, Nakatani eut certes du déchet, mais Nishida étonna à son tour en encaissant sans broncher quantité de gauches au but d’ordinaire si létales. Rassuré sur la solidité de son menton, ce dernier enclencha même la marche avant au 3e round pour dicter les termes du combat, et toucher à son tour en crochets et uppercuts un Nakatani déjà fatigué. Las, le menton n’est pas la seule variable qui détermine la résistance d’un combattant : il faut aussi que le visage tienne le coup, et celui de Nishida prenait peu à peu l’allure d’un Picasso période cubiste. Le gonflement incontrôlable de son œil droit le rendit de plus en plus vulnérable, au point de requérir un arrêt sur blessure en fin de 6e round. Nakatani est donc toujours invaincu en 31 combats dont 24 succès avant la limite, et désormais champion unifié des poids coq. Naoya Inoue exploiterait sans doute à merveille une défense aussi poreuse que celle affichée contre Nishida, mais enfin on peut parier que Nakatani évitera d’aller ainsi au carton s’il croise la route du « Monster ». Quoi qu’on puisse spéculer, la hype autour du superfight 100% japonais ne faiblit pas.
Et pan dans l’oeil !
  • Quoi de plus opportun que poser une série de questions existentielles le jour du bac de philo : « La plus belle victoire d’un boxeur peut-elle être sa malédiction ? », « Mieux vaut-il gagner en Ligue 2 que faire le paillasson en Ligue 1 ? » ou « Jusqu’à combien de dollars en banque vaut-il la peine de signer pour se faire casser la gueule ? » On pense bien sûr à l’Australien George Kambosos, tranquillement démantelé par Richardson Hitchins jusqu’à un amour de KO au foie infligé au 8e round sur le ring du Madison Square Garden Theater. Dieu sait si « Africa » Hitchins ne nous a pas habitués à marcher sur son homme, mais contre un Australien sous-dimensionné à 140 livres et surclassé techniquement il put mettre le nez à la fenêtre en père tranquille et imposer un long et douloureux travail au corps avec le résultat que l’on sait. Le champion du monde IBF des super légers a ainsi triomphé sans gloire d’un challenger restant sur 2 succès – dont un très contestable face à Maxi Hughes – en 5 sorties. A-t-on déjà vu un boxeur mieux capitaliser sur une et une seule victoire de prestige enregistrée en carrière, contre un Teofimo Lopez en pleine dépression nerveuse, que « Ferocious » George Kambosos ? La tournure prise par sa carrière depuis novembre 2021 accrédite l’idée que la décision – justement – arrachée à Lopez fut l’une des plus grosses surprises de la dernière décennie. Souhaitons maintenant à l’Australien, déjà battu comme plâtre en mai 2024 pour le jubilé de Vasyl Lomachenko, la lucidité d’en rester là pour ce qui concerne sa carrière au plus haut niveau.
  • Et puis c’était un gros week-end de boxe côté tricolores avec plusieurs de nos boxeurs de premier plan à l’affiche. Dans le Hall des sports Marcel Sultana de Bron, le champion EBU des lourds-légers Leonardo Mosquea s’est sorti d’un bien mauvais pas contre l’Argentin Ivan Gabriel Garcia, surnommé « Le petit Hulk ». À défaut de cogner comme le mutant vert, Garcia aime la chamaille et nous a rappelé pourquoi il serait déraisonnable de sous-estimer tout boxeur inconnu en provenance de la pampa. Fruste bagarreur, le bougre est prodigue en séries des deux mains, et Mosquea avait manifestement décidé d’une soirée portes ouvertes. Ébranlé plusieurs fois en début de combat, le Français dut son salut à son crochet gauche, notamment donné en appui de l’enfer sur la jambe avant, la fléchissant puis la détendant comme un ressort. Il dut un knockdown à l’un de ces crochets atomiques, et plus tard le coin de l’Argentin décida qu’il en avait eu assez. Ce succès par jet de l’éponge à l’appel du 9e round a des airs de désastre évité de peu, ce dont le champion d’Europe est tout à fait conscient – c’est heureux. Michel Soro et Milan Prat, de leur côté, l’ont tous deux emporté à Annecy contre une paire de Mexicains. Pesé à 164 livres, Soro a arrêté Asis Rodriguez Garcia sur sa première accélération au 4e round après avoir montré des signes de corrosion pour sa première sortie depuis un an, et « Natsuko » Prat a géré intelligemment Oziel Santoyo en boxant 8 rounds durant, obtenant un joli knockdown sur une paire de droites et une décision unanime. C’est sa septième victoire de rang depuis sa déconvenue allemande face à Slawa Spomer en octobre 2023. Enfin, mention à Dylan Colin pour son combat valeureux face à Conor Wallace à Broadbeach (Australie). Le boxeur local misait sur son punch et une boxe à distance tandis que Colin tentait – souvent avec succès – de s’approcher et se montrer le plus actif. S’il concéda la décision dans un contexte guère favorable, ce court revers face à un adversaire classé reste plutôt encourageant.
  • Un mot pour finir sur l’intronisation le 8 juin dernier au Hall of Fame de Canastota de la Mosellane Anne-Sophie Mathis, aux côtés de Manny Pacquiao, Vinny Pazienza et Michael Nunn – excusez du peu. Celle que l’on considère comme l’une des plus grandes puncheuses dans la jeune histoire de la boxe féminine s’est distinguée par des titres mondiaux en légers, welters et super welters. On se rappellera ses victoires sur sa compatriote Myriam Lamare, ainsi qu’un succès de prestige aux États-Unis aux dépens d’Holly Holm. Première pensionnaire française du Hall of Fame à être élue de son vivant, elle est la 13e femme et compte par ailleurs des succès sur ses deux homologues Jane Couch et Cindy Serrano. Voilà qui méritait un coup de chapeau.
Mathis vs Lamarre II, le 29 juin 2007

Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /

  • Parlons MMA, parlons de Francis Ngannou, baddest man on the planet pour ses KO d’une autre planète, et pour avoir gardé le poing levé jusqu’au bout dans le bras de fer qui l’a opposé à l’UFC et Dana White.
  • À 38 ans, le « Predator » a livré bien des combats dans la cage et en dehors, et réfléchit aux derbys susceptibles d’imprimer dans la légende ses derniers tours de pistes. Un retour dans les rings de la boxe anglaise pour une revanche contre Tyson Fury ou Anthony Joshua ? Un cross-over PFL/UFC pour son combat tant fantasmé avec Jon Jones en mode « The Winner takes it all » ? Un match aux règles hybrides contre Rico Verhoeven, champion poids lourd undisputed du Glory – seule organisation de kickboxing à résister encore à la déferlante MMA ? La troisième option semble la plus probable : Fury parait (enfin) bien installé dans sa retraite, Joshua a d’autres plans et du côté UFC, Jon Jones semble très bien s’accommoder de ne pas avoir à représenter sa ceinture, défendue à peu de frais contre Stipe Miocic en novembre dernier. De son côté Verhoeven a épuisé ce week-end le dernier semblant d’opposition qui lui restait contre l’ancien mi-lourds Artem Vakhitov, et terminerait ainsi sa carrière sur le genre de challenge qui lui manque pour consolider sa legacy. Quant à Ngannou, il cocherait une nouvelle entrée de sa grande histoire des sports de combats.  Au vu des difficultés que rencontrent respectivement le PFL et le Glory pour faire exister médiatiquement leurs événements face à l’UFC, on suppute qu’il y a de bonnes chances pour que la chose se fasse. On prend rendez-vous le jour J.
À bientôt dans la légende ?

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