Le site (Antoine) /
- Tel Le Masque et la Plume, les Punchlines adoptent cette fois-ci un format alterné : cinéma et pas livres, boxe sans MMA. Parce que.
- Rassurez-vous, a priori votre rendez-vous vaguement hebdomadaire reprendra la formule qui ne fit jamais son succès dès la prochaine édition.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /
- Si vous avez suivi : cette semaine, on fait court.
Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /
- Parlons cinéma, parlons… CINÉMA. Celui qu’on va voir en se retenant de péter pendant 3h30, et devant lequel on pose un genou à terre pour le principe. Non, on ne parle pas du dernier Paul Thomas Anderson mais de The Brutalist de Brady Corbet, LE chef-d’œuvre qu’il faut aller voir pour se rendre compte à quel point le monde se divise en deux catégories. À savoir ceux qui sont assez géniaux pour faire The Brutalist, et ceux qui ont au moins assez de jugeotte pour réaliser leur chance de pouvoir se prosterner devant l’autel.
- Bref, vous l’avez compris : à 130livres.com, le résultat nous laisse plutôt mi-figue mi-raisin, et plus d’humeur à dégommer le vin de messe qu’à gober l’hostie.
- Pourtant, The Brutalist ne manque d’arguments pour se hisser aux dimensions pharaoniques de ses ambitions. Au début en tout cas, et particulièrement au cours de sa scène d’ouverture. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale Un bateau surpeuplé de Juifs d’Europe de l’Est rescapés des heures sombres de l’histoire du Vieux Continent accoste sur la côte newyorkaise. À son bord Laszlo Toth, architecte de son état, est entassé avec ses compagnons d’infortune dans un pogo obscur et à fond de cale, où même la caméra joue des coudes pour se frayer un chemin vers la sortie. En quelques minutes, l’Amérique redevient le Nouveau Monde, le genre humain renoue avec la lumière, et le cinéma ouvre les yeux comme pour la première fois, au pied de la statue de la liberté déployant sa silhouette en dutch angle sur le grand écran.

- Pendant une bonne heure, The Brutalist semble tenir les promesses matraquées par sa hype. On y croit, à cette tour de Babel qui semble se diriger vers l’infini et l’au-delà avec le budget d’un Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu (10 millions de dollars, merde), servie par un casting aux abois (Adrien Brody mériterait une cérémonie à lui seul) et des échelles de plans comme on n’en voit plus (ou moins) depuis que le cinéma s’est mis à parler. Bref, un film qui prend les dimensions de son histoire de bâtisseur de cathédrale. Ou plutôt le centre communautaire que Laszlo est missionné de concevoir et construire par un nouveau riche qui s’efforce de dépasser son complexe d’infériorité culturel dans la philanthropie. Un bâtiment protéiforme et pluridisciplinaire, au carrefour de l’avant-garde européenne et des promesses de l’Amérique cosmopolite de demain- donc d’aujourd’hui OUF !!! Tout ça en même temps, mes aïeux. C’est presque trop beau pour durer.
- Et ben justement.
- Car la suite coupe progressivement les ponts avec le récit vendu par sa mise en place. Brady Corbet commence un film et en continue un autre ; comme si on vous vendait une maison sur pilotis avec vue sur la mer, pour vous remettre les clés d’un plain-pied sans fenêtres. Le réalisateur confisque mesquinement l’espoir d’un monde nouveau et meilleur sous les pieds du personnage, arbitrairement rattrapé par la condition martyrielle et atavique de son peuple.
- Tout ce qui n’était pas mis en place pour aller de travers dans la première partie part en sucette dans la seconde, avec une gratuité qui frôle parfois la complaisance. The Brutalist devient alors sa propre caricature : un wannabe grand film qui théorise plus qu’il ne conçoit ce grand film qu’il aspire à être, fige ses personnages dans des postures de drama queens qui parlent fort dans des décors très larges (pour l’écho), charge le spectateur de symbolisme mais le met devant le fait accompli de tout ce qu’il ne réussit pas à traduire sans explications de texte. Un film doit donner au public le mode d’emploi de son expérience et de ce qu’il veut lui raconter, pas de son message et de ce qu’il veut lui dire. Or, la montagne The Brutalist accouche d’une souris dès lors qu’il passe de l’autre côté, et que les warnings auxquels on ne prêtait pas attention dans la première heure se mettent à clignoter plein phares.
- Brady Corbet enfonce même le clou dans un épilogue aussi douteux idéologiquement que méthodologiquement. Comme s’il avait délibérément mis le spectateur de côté pendant deux heures pour lui imposer in fine son évidence jusque-là bien cachée. « Ce n’est pas le voyage qui compte, c’est la destination » qu’on dit. Ici, on a plutôt entendu « La fin justifie les moyens » : ça s’appelle un red flag, dans la salle comme à l’extérieur. Surtout en ce moment.
- Sinon, le film à VRAIMENT aller voir en salles en ce moment est bien évidemment celui que personne- ou si peu ne va voir. Ça s’appelle Better man, et c’est le biopic du chanteur britannique Robbie Williams joué par un… singe, en images de synthèse. Oui, oui, et chez n’importe quel être humain (a)normalement constitué, la proposition devrait susciter la curiosité. Ce qui n’a malheureusement pas été le cas, puisque le film de Michael Gracey ne devrait même pas récupérer la petite monnaie sur ses 110 millions de dollars de budget. A bloody shame, comme on dit dans la langue des Spice Girls.

- Parce que Better Man est bien plus que le biopic gentiment décalé vendu par son affiche. C’est tout ce que le cinéma VRAIMENT populaire devrait être ou aspirer à devenir : enivrant, fiévreux, insatiable, l’envie d’y aller et de le faire à 200% et tant mieux si ça déborde. De l’art et essai au sens (pas toujours) propre du terme. Sur une même proposition – la comédie musicale comme outil d’introspection d’un personnage torturé par son reflet – le Joker : Folie à Deux de Todd Phillips trouve de bonnes raisons de retourner manger ses crottes de nez au stade régressif de l’évolution. Michael Gracey ne distingue pas la scène des gradins, le fantasme du réel, le cinéma et la vie : tout s’enlace dans une continuité presque parfaite, comme le mash-up rétrospectif d’un showman hors-pair qui ne sait pas se raconter autrement qu’en spectacle.
- Bref, à l’académisme mécanique du biopic, Better Man substitue le tempo qui n’obéit qu’à sa propre musicalité. Au fond, le vrai problème du film, c’est peut-être de ne pas avoir su clarifier sa proposition au public. Le choix de confier le rôle principal à un singe numérique ne traduit pas une volonté de disruption, mue par une volonté narcissique d’abattre en permanence le quatrième mur pour signifier sa propre audace au spectateur de Sundance. C’est au contraire la mise à ne d’un homme qui a décidé de tout mettre sur la table, et de s’affronter. Droit dans les yeux et devant les nôtres. Ce qu’un acteur même le plus doué se serait efforcé de traduire, Monkey Williams l’incarne sans filtres ni intermédiaires, en 8K et en 9G : le reflet de ce qui LUI voit dans le miroir lorsqu’il se plante devant. Mais aussi celui que nous reconnaissons de nous-mêmes, dans la bataille menée quotidiennement par tout un chacun avec son propre ego. Rarement une star aussi populaire aura paru aussi proche du commun des mortels, sans descendre de son piédestal. Better man rappelle au cinéma numérique sa vocation un peu trop oubliée aujourd’hui: enfoncer des portes fermées pour ouvrir le dialogue entre les êtres, et pas diluer l’humain dans la matrice.
Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /
- Mieux vaut s’appeler Floyd Mayweather Jr. si l’on souhaite s’assurer la décision en étant délibérément moins actif et agressif que son adversaire : telle est la leçon que pourra retenir Jake Catterall de sa seconde défaite en carrière subie samedi soir des mains d’Arnold Barboza Jr.. Ce n’est pas qu’il ait subi la grêle à domicile, puisque l’Américain se contenta pour l’essentiel de boxer sur un ou deux coups, attentif à garder le pied arrière à l’extérieur contre un gaucher tout en profitant de son allonge supérieure et d’un timing au point. Mais il n’en faut parfois pas beaucoup pour grapiller un round, surtout lorsque l’adversaire en fait aussi peu que Catterall sur le ring de la Co-op live Arena de Manchester. Entre un Barboza aux mains molles et un Anglais avare de ses efforts, c’est peu dire qu’on s’ennuya ferme avant la mi-combat. Le pire, finalement, fut de constater que Catterall reprenait sans guère de problèmes le contrôle des opérations pour peu qu’il s’en donnât la peine, comme aux 8e et 9e rounds lorsqu’il remit la marche avant, mais il interrompit son effort bien trop tôt. Il faut inversement saluer la constance de Barbosa, qui réussit à imposer le tempo (mollasson) du combat sans se faire punir en contres à l’inverse de Josh Taylor et Regis Prograis, les deux derniers adversaires de Catterall. Reste que le knockdown refusé à l’Anglais au 10e round sur une glissade peu évidente eût pu inverser le résultat du combat, une décision partagée de deux juges contre un en faveur de Barboza, ce dernier démontrant une fois de plus la propension des boxeurs d’origine mexicaine à gâcher la fête outre-Manche. Il est désormais champion WBO par intérim des super légers, et un éventuel affrontement contre le titulaire de la ceinture officielle – si et seulement si celui-ci daigne se remettre à boxer – ne promet pas forcément des étincelles, tant Teofimo Lopez n’adore pas les boxeurs fuyants. Côté Catterall, très sportif à l’annonce du résultat, cette seconde défaite discutable en carrière devra provoquer une remise en question tactique, faute de quoi un statut définitif de roitelet sans couronne poindrait à l’horizon.
- C’est peu dire que le main event proposé par Top Rank au Madison Square Garden Theater pour une très virile Saint Valentin aura été une tout autre expérience : quoi qu’ait pu tenter Denys Berinchyk pour enliser le combat – la grande force du vainqueur surprise d’Emanuel Navarrete en mai dernier -, il fut contrecarré par un adversaire plus rapide, plus technique et plus puissant que lui, sans compter sa bonne catégorie d’avance après réhydratation. On parle bien sûr de l’Américain Keyshawn Davis, connu en France pour avoir brisé les rêves olympiques de Sofiane Oumiha à Tokyo. Finalement médaillé d’argent en 2021, le bougre n’aura pas traîné en route, puisque le voici champion du monde WBO des légers après seulement 13 combats en professionnels. « The Businessman », comme on l’avait constaté en février 2024 contre José Pedraza, n’aime rien tant que les adversaires restant dans l’axe, et l’Ukrainien tourna trop peu, entre deux tentatives d’accrochage, pour éviter la sanction : la solution vit de deux terribles crochets gauche d’école ciblant son foie de gaucher, le premier provoquant un knockdown au 3e round et le second clôturant les débats dans le suivant. Davis sera peut-être vulnérable face à un vrai spécialiste du stick and move, mais son homonyme Gervonta ne devrait pas se presser pour réclamer une unification WBA-WBO.

- En sous-carte de Berinchyk vs Davis, le prospect portoricain Xander Zayas a confirmé ce qu’on savait de lui en arrêtant au 9e round Slawa Spomer, tombeur de Milan Prat en octobre 2023. Le gamin récite avec sérieux ses combinaisons des deux mains et n’oublie jamais d’en mettre une bonne dose dans les côtes flottantes. Reste que le jeune homme de 22 ans aime travailler sur le rythme constant qui lui convient, le rendant un poil prévisible et parfois ouvert aux contres – la vilaine droite qu’il encaissa au 4e round aurait pu coûter cher avec plus de 5 secondes à disputer jusqu’à la cloche. Sans faire injure au très courageux Spomer, on pourra noter à nouveau le relatif manque de punch du Boricua, qui pourrait lui être préjudiciable contre des adversaires d’un autre pedigree. Le voilà désormais vainqueur de ses 20 premières sorties chez les professionnels et susceptible de disputer bientôt une demi finale mondiale. Toujours à l’affiche du MSG Theater, Jared Anderson n’a guère rassuré pour sa rentrée après la correction reçue des (grosses) mains de Martin Bakole en août dernier : jamais le très accessible Mario Kollias, même dominé aux points, ne sembla vraiment redouter son punch, et le Grec se paya même le luxe de le secouer en fin de reprise initiale. Marqué par sa première défaite et connu pour ses frasques hors du ring, le gaucher américain paraît aujourd’hui bien loin de justifier les espoirs placés en lui tant il apparaît emprunté sur le ring. Côté points positifs, on retiendra les angelots et cœurs percés de circonstance qu’il arborait sur son short de Saint Valentin. C’est maigre. On ira plutôt chercher frissons et perspectives emballantes du côté d’Abdullah Mason, gaucher de 135 livres à la palette offensive très complète et dans laquelle il pioche avec discernement. Il infligea plus tôt dans la soirée son premier KO en carrière à un Manuel Jaimes brave mais dépassé, enchaînant les knockdowns sur crochets ou uppercuts donnés en contre ou sur le pied avant. Le môme de l’Ohio n’a que 20 ans, et pas moins de talent que Keyshawn Davis – Curmel Moton, le protégé de Floyd Mayweather, non plus. Et si cette nouvelle génération de poids légers nous offrait enfin les guerres d’exception attendues en vain côté Teofimo Lopez, Devin Haney et Gervonta Davis ?
- Un mot enfin sur le vétéran tricolore Sandy Messaoud qui poussa le champion EBU des welters Samuel Molina dans ses retranchements samedi soir à Malaga. Gêné en début de combat par l’activité et l’allonge du Morbihannais, l’Espagnol dut s’employer et multiplier les coups puissants portés pour s’assurer de conserver la ceinture ravie à Jordy Weiss en octobre dernier. Un poil plus de venin dans ses frappes – il compte un unique succès par KO en 20 victoires chez les pros – aurait pu valoir à Messaoud, aujourd’hui âgé de 38 ans, un bien joli bâton de maréchal. Sa performance reste à saluer.
Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /
- Cette semaine : relâche.