Le site (Antoine) /
- Tiens, il va peut-être falloir que je me mette au compte-rendu de la dernière édition du Hellfest, moi. On commence à me vanner.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /
- Le Prix Nobel de littérature 2024 a donc récompensé la Sud-coréenne Han Kang, perpétuant la tradition des lauréats dont je n’avais jamais rien lu et frustrant un an de plus les fans de Joyce Carol Oates comme tous ceux qui avaient parié sur Haruki Murakami. Au moins le comité Nobel nous aide-t-il à vieillir sans à-coup.
- La semaine passée, on disait ici-même de Nagui Zinet qu’il avait « une bonne gueule de Prix de Flore », et voici que le sale gosse revendiqué fait bel et bien partie des finalistes 2024 pour son premier roman Une trajectoire exemplaire. Il faut dire que le prix Beigbeder-Viviant paraît taillé pour lui, tant pour l’insolence de son propos que par sa dotation : ainsi qu’il l’explique à longueur de posts sur Instagram, le bougre ferait bon usage du verre de Pouilly Fumé offert quotidiennement au lauréat pendant un an, ne serait-ce que pour faire glisser les tranquillisants qu’il affirme consommer comme d’autres des Smarties, le canaillou.
- Sélections toujours, La bibliothèque du beau et du mal d’Undinė Radzevičiūtė figure sur la deuxième liste du Prix Médicis étranger. Les amateurs de bibliopégie anthropodermique devraient s’en réjouir. Ceux des meilleurs romans historiques également.
- Les plus avisés des pique-assiettes du landernau littéraire parisien, catégorie d’experts à laquelle je me targue d’appartenir, sont en deuil : Orange vient d’annoncer que l’édition 2024 du prix qui porte son nom, attribué à Marianne Jaeglé pour l’Ami du Prince, serait la dernière de son histoire entamée voici 15 ans. Pensées à Jean-Christophe Rufin, qui n’est donc plus guère président que de 47 jurys et associations. De mon côté, je tiens à saluer la qualité constante du champagne et du tataki de thon servis vers la mi-juin à la remise du prix. À l’évidence, il ne s’agissait pas d’un poste de dépenses prioritaire pour une grande entreprise de télécommunications. Reste que la cessation d’une fameuse initiative de mécénat littéraire ne rassure pas sur la conjoncture, et qu’on va manquer de tataki de thon.

- Ah, tout espoir n’est pas perdu : j’apprends que la remise des premiers Prix internationaux Rotary – PEN Club eut lieu le 4 octobre dernier dans le VIIIe arrondissement de Paris. Ils récompensent poésies – dont un recueil de François Cheng, histoire de démarrer sur une note punk – et textes en prose. A priori, on devrait avoir échappé au pain surprise Picard mal décongelé. Il faut absolument que j’y sois l’an prochain.
- Livres Hebdo nous apprend le retour de Valérie Perrin dans les meilleures ventes de livres en France avec Tata (Albin Michel).
- Guère loin du budget « chouquettes » de la fonction publique, celui du Ministère de la Culture devrait rester stable autour de 3,71 milliards d’euros en dépit des mesures d’économie prévues dans la future loi de finances, c’est-à-dire à peine raboté de l’inflation. D’après Acutalitté, la principale contribution du monde du livre à l’effort national est à chercher du côté d’Hachette, seule entreprise du secteur au chiffre d’affaires excédant le milliard d’euros. Hachette, donc Bolloré. C’est toujours ça de pris.
- Après plusieurs projets infructueux d’adaptation au cinéma, Les Corrections, qui valut à Jonathan Franzen le National Book Award 2001 ainsi qu’un compte en banque à sept chiffres, pourrait faire l’objet d’une série pour HBO. L’auteur en serait à la fois scénariste et producteur exécutif, tandis que la rumeur bombarderait Meryl Streep, Ewan McGregor et Maggie Gyllenhaal au casting. Message de service : ne me sagouinez pas ça, SVP.
Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /
- Parlons cinéma, parlons de… séries TV. Une fois n’est pas coutume, l’activité audiovisuelle de l’auteur de ces lignes le conduit à faire une infidélité aux salles obscures, pas vraiment gâtées par une rentrée peu aimable avec les têtes de gondoles attendues.
- De Joker- Folie à Deux à Emmanuelle en passant évidemment par Megalopolis, c’est la douche écossaise sur des projets qui revendiquaient chacun à leur façon une certaine idée du cinéma au cinéma. Ou du moins, celle des décideurs du film d’auteur (bien trop) chèrement produit pour se révéler aussi déconnecté des attentes du public- voir même du sens commun- à l’arrivée. La beauté du geste oui, mais à plus de 10 euros la place, ça fait pas une raison d’être très consistante pour le public pas forcément concerné par l’art pour l’amour de l’art. Il serait peut-être temps pour les gardiens institutionnels du Temple de réaliser qu’ils ne peuvent plus décider seuls de l’avenir de l’expérience salles. Le public n’a d’ailleurs pas manqué de leur rappeler : les seuls hits enregistrés par les cinémas depuis le début du mois de septembre sont les fruits de contrebandiers qui ont pris l’industrie en levrette. Le Youtuber Inoxtag avec Kaizen (disponible gratuitement sur la chaine du monsieur le lendemain de son unique jour de projection rappelons-le), et le film d’horreur canadien Terrifier 3, qui surfe sur le buzz offert par son interdiction aux moins de 18 ans pour faire le plein d’entrées. Décidément, il y a des leçons qui ne sont jamais apprises.

- Mais revenons à nos moutons, en l’occurrence ceux du scénariste Taylor Sheridan, à la tête d’un cheptel de premier ordre sur Paramount +. Yellowstone avec Kevin Costner, c’est lui, ainsi que ses deux préquelles (1883 et 1923), Lioness avec Nicole Kidman, Tulsa King avec Stallone, bientôt Lawmen : Bass Reeves et The Mayor of Kingstown, qui va nous occuper aujourd’hui. Kingstown, c’est une ville du Michigan qui compte pas moins de sept pénitenciers sur son territoire. Une économie à part entière dont dépend ce morceau d’Amérique abandonné par les dieux, et un territoire sous très haute tension. Les gangs contre les gangs, contre les gardiens, contre les flics… Autant de clans disparates absolument pas faits pour s’entendre, qui coexistent tant bien que mal dans un semblant de paix sociale maintenue par Mike McClusky, le maire du titre, incarné par un Jeremy Renner incandescent, jamais meilleur que dans le rôle de la tête brulée qui crache sa tension nerveuse à 24 images/secondes.
- Mike n’a ni électeurs, ni mandat officiel, ni même un casier judiciaire vierge de citoyen respectable. Pourtant c’est lui qui veille au grain, c’est vers lui que les gens se tournent quand ils ont besoin d’un service (à l’intérieur et à l’extérieur des enceintes pénitentiaires), et c’est lui qui assure le dialogue nécessaire et difficile entre les deux côtés de la loi. Bref, tout ce que peut faire le maire officieux, mi-gangster mi-médiateur, d’une ville tout juste habitable par ceux et celles qui n’ont pas eu la chance de naitre sur une terre plus clémente. Sheridan continue de faire l’anthropologie de l’Amérique en confrontant ses mythes fondateurs à la modernité. The Mayor of Kingtown, c’est jamais que l’histoire de colons qui essaient encore de dompter une terre qui ne veut pas d’eux. Des communautés qui se regardent en chien de faïence, et n’attendent qu’un éclat de violence pour répondre par la violence. Le miroir des contradictions et des archaïsmes de l’Amérique, qui prône le vivre-ensemble tout en stimulant une compétition mortifère entre ses enfants. Une prison à ciel ouvert, régulée non pas par la loi et l’ordre mais par les efforts de Mike, Don Quichotte en costard et greffé à son téléphone, qui se bat (presque) tout seul pour faire entrer la ville dans l’âge de la coopération.

- Efforts qui se soldent par de petites victoires et de grosses défaites, à l’instar de cette gigantesque émeute qui conclut la saison 1, véritable morceau de chaos halluciné qui n’épargne pas grand-chose ni aux personnages, ni aux spectateurs. Des temps forts, The Mayor of Kingstown n’en manque pas sur les deux saisons que votre serviteur a pu regarder jusque-là. Des moments d’accalmie aussi : comme toutes les œuvres de romantique torturés, la série est une quête de douceur et de poésie dans un univers qui baisse parfois suffisamment sa garde pour offrir des parenthèses enchantées aux personnages. À l’instar de cette superbe scène dans laquelle Mike regarde les étoiles en compagnie de Bunny, chef de gang aussi dangereux qu’affable joué par l’incroyable Tobi Bamtefa, la révélation majuscule de la série.
« – En Allemagne, ils ont découvert une grotte, avec les dessins de ces étoiles sur les murs. Ça date de 38000 ans. Tu sais ce que ça veut dire ? –
Non.
-Qu’il y a 38000 ans, les hommes faisaient déjà ce qu’on est en train de faire, et regardaient la même chose que nous ».
- Prendre le temps de regarder vers hier, c’est entretenir l’espoir qu’il y a encore un demain. C’est pas la moindre des qualités de Mayor of Kingstown, qui survit plutôt bien aux scories inhérentes au travail de Sheridan (lags narratifs et lourdeurs d’écritures à prévoir) : réussir à rester optimiste quand tout conduit à baisser les bras. Par les temps qui courent, c’est un médicament universel.
Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /
- Trop souvent la boxe est hideuse en plus d’être inutilement complexe. Elle peut heureusement être belle et simple à la fois. Les deux meilleurs boxeurs d’une catégorie s’affrontent, ils sont au sommet de leur art et livrent chacun une performance de premier plan tout au long d’un combat disputé à l’extrême. Les juges sont partagés face à un duel aussi serré, un vainqueur est désigné, il devient champion incontesté et rend hommage à son adversaire, qui accepte le verdict avec dignité. Et basta.
- Un sport pour une fois simple et beau dispose donc depuis hier soir d’un premier souverain absolu des mi-lourds depuis Roy Jones, le Russe Artur Beterbiev, et c’est peu dire qu’il a mérité son sacre. Oui, même si la décision est serrée et que l’interprétation des juges eût pu différer. Un combat disputé ne saurait donner lieu à un vol caractérisé, quoi qu’en disent les inévitables fâchés sur les réseaux sociaux. D’une, Beterbiev a montré qu’à 39 ans sa condition physique demeure exemplaire en produisant 12 rounds d’une intensité rare une pression constante qui porta ses fruits. De deux, il a fait jeu égal au plan pugilistique avec l’un des meilleurs techniciens contemporains en Dmitry Bivol. Et puis il est allé chercher la victoire là où l’on reconnaît les plus grands, dans les si bien nommés championship rounds, alors que 2 juges le donnaient perdant après la 9e reprise. Si Beterbiev a livré une analyse étonnamment critique de sa prestation, il a battu un homme nettement supérieur à ses 20 victimes par KO, et ne l’aurait sans doute pas fait s’il n’avait pas été à son meilleur sur le ring de la Kingdom Arena.

- Que l’on ne s’y trompe pas : Bivol lui a donné un très, très grand combat, magistralement précis et élusif jusqu’à la mi-temps, et d’un sang-froid jamais vu face à Beterbiev lorsqu’il subit de longs passages dos aux cordes dans la lessiveuse tchétchène. Il a tenu physiquement contre un ours des montagnes nourri au yahourt à 0%, ce qui est en soi une forme d’exploit. Son travail alterné à la tête et au corps s’est longtemps avéré judicieux. Sans doute commit-il une manière d’erreur tactique en passant les 3 derniers rounds à subir l’épreuve de force plutôt qu’à reprendre l’initiative, aussi confiant en son avance aux yeux des juges qu’en la solidité de sa garde haute. Arracher l’un d’entre eux lui eût valu le nul. Plus facile à dire qu’à faire, soit, quand on imagine la fatigue cumulée à l’effet des coups de boutoir adverses, qu’ils aient porté ou non – il finit carrément avec un hématome sur le bras… La quadruple couronne grandit Beterbiev, mais perdre sa ceinture ne diminue en rien l’aura de Dmitry Bivol. On peut parier sur sa capacité à s’ajuster et miser sur une revanche indécise au possible… que la boxe nous accordera si elle reste aussi simple et belle qu’elle le fut hier soir à Riyadh.
- On craignait pour Fabio Wardley que les 12 rounds de sa guerre atomique livrée à Frazer Clarke en mars dernier lui laisse des séquelles préjudiciables à sa carrière, comme un visage prompt à se désintégrer sous les coups adverses. Le bougre a trouvé une parade imparable en prenant cette fois moins d’un round pour disposer de son rival, lui enfonçant littéralement la boîte crânienne d’une grosse droite. Astucieux. Toujours en sous-carte de Beterbiev vs Bivol, Chris Eubank Jr a disposé d’un faiblard Kamil Szeremeta en 7 rounds et peut ainsi viser le chèque rondelet que lui vaudrait un duel de « fils de » britanniques contre Connor Benn, un combat dont on sera pourtant nombreux à se cogner royalement hors de Grande-Bretagne. Le champion IBF des lourds-légers Jai Opetaia a rassuré après sa légère frayeur de fin de combat contre Mairis Briedis, oblitérant cette fois le limité Jack Massey en 6 rounds. Quant à l’espoir anglais des mi-lourds Ben Whittaker, il n’a guère fait monter sa cote en abandonnant bien commodément après sa chute du ring contre un Liam Cameron qui commençait à donner des suées à ses supporters. On te voit, gros.
- On avait vu Seiya Tsutsumi livrer en décembre dernier à Kazuki Anaguchi un combat aussi sublime que dramatique, soldé par la victoire aux points du premier et le décès du second des suites d’un hématome sous-dural. Tsutsumi a de nouveau livré un duel d’anthologie à l’Ariake Arena de Tokyo, cette fois pour remporter sa première ceinture de champion du monde des coqs en battant aux points le détenteur du titre WBA Takuma Inoue. Dès que le très technique frangin du « Monster » a accepté la bagarre au 5e round, il a remis en selle le guerrier Tsutsumi qu’il jonglait jusque-là. La suite est le genre de confrontation à la sulfateuse dénuée du moindre temps mort dont sont coutumières les catégories dites « petites ». Bénies soient-elles. Notez aussi le nouveau succès avant la limite du toujours spectaculaire Kenshiro Teraji, désormais champion WBC des mouche après un joli run chez les moins de 108 livres. De quoi le rapprocher encore un peu plus du top 10 mondial pound-for-pound.