Punchlines du 7 octobre 2024

Le site (Antoine) /

  • On commence par de l’autopromo assumée et méritée : le camarade Guillaume Meral, lorsqu’il n’œuvre pas au présent billet d’informations pugilistico-culturelles, œuvre parfois en qualité d’expert du cinéma américain. Ce fut le cas pour le documentaire de Michèle Dominici intitulé Kathryn Bigelow : Hollywood sous adrénaline, présenté en avant-première mardi dernier dans l’écrin très bobo (normal, c’est près de chez moi) du Cabaret Voltaire dans le XIe arrondissement de Paris. Pour évoquer la réalisatrice la plus secrète des États-Unis, point n’était besoin de revenir sur son Oscar du meilleur film ou ses affinités avec James Cameron : il n’est ici question que de cinéma et de rapport à une image irréductible à son commentaire. On y voit ainsi quantité d’extraits de ses courts et longs métrages, de The Set-Up à Detroit, et lorsque la caméra se pose sur les collaborateurs et exégètes de la cinéaste, ils sont eux-mêmes en train de les regarder. Emballant et instructif. Pour les allergiques au streaming, le documentaire sera diffusé sur Arte le 13 octobre prochain à 23h et il en vaut la peine. Vous y trouverez Guillaume au générique parmi d’autres contributeurs estimables.
Ajoutons que l’IPA proposée à la buvette était parfaitement buvable.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /

  • Si les principaux prix littéraires restent à attribuer, la poussière de la foire d’empoigne institutionnelle qu’on nomme « rentrée littéraire » commence à se dissiper. Profitons-en pour revenir sur quelques titres estimables parus depuis fin août. Peu d’éblouissements cette année – « Pour changer », susurreront les médisants – mais du valable, à commencer par le coup de cœur de 130livres.com, le premier roman d’Alexandre Billon évoqué dans notre édition du 15 septembre dernier et intitulé Le Tutoiement des morts (L’Arbre vengeur). Il fallait être à la fois ingénieur, philosophe et poète pour rendre compte avec une langue aussi unique d’une enfance passé auprès d’un père douloureusement génial et parfaitement déroutant. On parle plus de Nagui Zinet, autre petit nouveau dont le décapant Une Trajectoire exemplaire (Joelle Losfeld) a une bonne gueule de Prix de Flore. La grosse centaine de pages évoque la descente aux enfers d’un loser alcoolotabagique revendiqué et spécialiste en romans noirs qui rappelle beaucoup le compte Instagram autobiographicofictionnel de l’auteur (@nestormaigret). Primo romancière elle aussi, Marie Kelbert signe avec Le Buzuk (Viviane Hamy) l’histoire douce-amère et plus profonde qu’il n’y paraît d’une retraitée flanquée d’un teckel et prise en sandwich entre un comité de seniors et une bande de zadistes également engagés dans la préservation d’un site naturel breton. « Il faudra bien que jeunes et vieux accordent leurs sensibilités pour préserver notre espèce » semble nous dire l’autrice. La planète survivra. Nous… c’est moins sûr. Dans Le Club des enfants perdus (P.O.L), Emmanuelle Bayamack-Tam alias Rebecca Lighieri se montre bien pessimiste quant aux chances dudit fossé intergénérationnel d’être comblé dans un futur proche. Il y est question d’un couple de la génération X, acteurs de théâtre jouisseurs et fiers de leur succès, et d’une fille effacée qu’ils peinent à comprendre. L’alternance de leurs points de vue met au jour l’effrayante incommunicabilité des angoisses de la jeunesse d’aujourd’hui – qui n’exclut certes pas l’amour. Un poil long, mais ça tape juste.
Deux bons kilos de rentrée littéraire.
  • Toujours chez nos romanciers confirmés, le dernier Richard Morgiève intitulé La Mission (Joëlle Losfeld) divise, si l’on en croit Le Masque et la plume. Entre coup de foudre improbable et rebondissements inattendus, ce roman d’initiation à l’aube de la Libération qui sonne comme une parabole a certes de quoi décramponner le lecteur en quête de rationalité. Les autres se laisseront porter par la voix d’un protagoniste simple mais pas simplet, épris de nature, de liberté et d’intégrité. Dans La Bonne nouvelle (Anne Carrière), troisième livre de Jean-Baptiste de Froment chroniqué ici et évoqué dans l’édition précédente des Punchlines, c’est une voix radicalement différente, celle d’une châtelaine agnostique en quête de vérité sur la prétendue résurrection de son époux, qui porte le roman et assure sa réussite. Un mot sur la littérature dire de genre : le journaliste Thomas Bronnec nous livre avec Coliseum (Série Noire) une fiction politique noir foncé dans laquelle on choisit les candidats à la présidentielle dans une émission de télé-réalité et les plus radicales des féministes répondent au sang par le sang. Ça fonctionne, donc ça pique un peu.
  • Dans le domaine étranger, Colm Toíbin piègera avec subtilité un public pas forcément porté sur le mélodrame s’il se lance dans la lecture de Long Island (Grasset) : ni dialogues démonstratifs, ni excès de violons dans le parcours de cette immigrée américaine trahie par son mari qui revient un été dans son Irlande natale et y recroise un amour de jeunesse – fiancé en secret à sa meilleure amie. Toute la narration à combustion lente de cette suite de Brooklyn (2009) repose sur des non-dits et oblige à saluer le travail de l’artisan. Avec L’Italien (Gallimard), Arturo Pérez-Reverte propose une histoire d’amour plus classique mais pas moins palpitante, celle d’une libraire espagnol de Gibraltar et d’un plongeur de combat transalpin chargé d’y couler des navires britanniques en plaine Seconde Guerre Mondiale. Cet épisode méconnu vu du côté des vaincus – l’arrogance anglaise en prend pour son grade -, servi par un fameux souci d’exactitude dans la reconstitution de l’époque, ravira les amateurs de romans historiques. Ceux qui prisent l’expérimentation formelle iront plutôt du côté de Rachel Cusk. Son Parade (Gallimard), quasiment dénué d’intrigue et de descriptions, pousse loin l’étude des rapports entre vie personnelle et création artistique, notamment lorsque les artistes en question sont des femmes. On peut saluer la justesse du propos tout en l’ayant espéré un poil plus romanesque. Quitte à goûter à des formes innovantes, je me suis senti plus proche d’un Gonzalo M. Tavares, dont L’Os du milieu évoque lui aussi le destin de quatre personnages, mais une sorte de conte grinçant où la cité est conçue pour aliéner, les bas instincts priment sur la raison et la voix du narrateur personnifie les choses et les idées. Amusez-vous donc à tenter d’en sortir indemne.

Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /

  • Parlons cinéma, parlons du punching-ball sur lequel s’affermissent les phalanges des spectateurs de salles obscures du monde entier. Non, on ne parle pas du Megalopolis de Francis Ford Coppola sur lequel nous sommes revenus la semaine passée ; autre ambulance lancée à tombeaux ouvert sur le canon scié du sens commun. Non aujourd’hui c’est le Joker : Folie à deux de Todd Phillips qui occupe nos lignes dominicales, et ça tient aussi bien la chandelle du suicide assisté que le film de Coppola. Mais pour des raisons différentes. On va voir tout ça en essayant de pas succomber à la tentation du lancer de cailloux complètement gratuit.
  • Ici, Arthur Fleck se demande qui est ce Joker qu’il est devenu dans le précédent épisode. L’enfant d’une misère sociale maquillée avec le filtre Instagram du Martin Scorsese des 70’s ? Le Norman Bates de wish qui se regarde sou(ff)rire dans le miroir sans teint de la caméra ? Le super vilain pas si méchant parce ce que tout ça, c’était-de-la-faute-de-la-société ? Le Che Guevara des t-shirts de grandes surfaces et son Grand Soir à la gloire de lui-même ?
  • Tout ça, tout ça… Et rien de tout ça à la fois. Arthur est interné à l’asile d’Arkham, hôpital de jour beaucoup moins menaçant que ce que la mythologie poisseuse de DC a pu nous dépeindre. Ici, les roomates prennent leurs médocs sans les recracher, les matons échangent des clopes contre des bonnes blagues, et des ateliers chants sont organisés avec les petites peines contre bonne conduite. C’est là que notre oiseau tombé de son nid va rencontrer Harley Quinn, fan du mythe Joker et maitresse toxique de l’homme Arthur ; appelé à embrasser son côté obscur par amour et en chansons. Oui, pour les distraits : ce Joker-là se veut une comédie musicale, et parce qu’il faut le dire quand c’est pas si mal que ça, les parties chantées sont pas si males que ça.
« Happy together… »
  • Enfin, disons que ça prend un peu, pas longtemps, parfois. Ce qui est toujours plus que le récent Émilia Pérez, même si Phillips partage avec le film de Jacques Audiard les écueils inhérents aux musicals qui le sont par fantaisie artistique plus que par logique cinématographique intrinsèque. Notamment au travers de cette impression d’avoir imposé une partition au scénario comme s’il s’agissait d’une voix off qui chantait ce qui aurait mieux fait d’être dit, ou tu. Résultat : un effet de larsen permanent entre la parole et les notes ainsi qu’une musicalité atone, notamment au cours d’interminables scènes de procès prétextes au one-man show de Joaquin Phoenix. Dans le rôle du Calimero affublé d’un gros pet à la coquille, l’acteur force encore plus l’aumône à la compassion du spectateur que dans le précédent : chaque gros plan de son visage tordu par la misère de lui-même donne envie de voter à droite. C’est moins La La Land que Ouin Ouin Land, et plus encore que ses partis-pris aux antipodes des attentes des (nombreux) fans du premier film, on se demande si ce n’est pas le timing qui fait défaut à ce Joker, Folie à Deux.
  • Car Joker, premier du nom, c’était finalement jamais que l’adaptation du thread Twitter d’un no-life qui se plaignait pour attirer l’attention, et déclenchait sa révolution par accident et sans rien faire. So 2010’s, trop pour 2020 : aujourd’hui les plaques tectoniques ont bougé, la victime de raison (et de réseau) sociale a perdu sa place dans le débat public . En capitalisant tête baissée sur les raisons pour lesquelles le premier a rencontré son public en 2019, sa suite change l’emballage mais pas le contenu et loupe le coche avec son époque.
  • Dommage, il y avait dans la romance déglinguée avec Harley Quinn matière à transcendance. La mayonnaise manque même parfois de prendre… avant de systématiquement retomber. L’Amour, c’est ce qui nous élève tous, nous inscrit dans quelques instants de grâce qui résistent à la sinistrose éternelle. Sauf ce pauvre Arthur Fleck, condamné à rester un clown triste et sans éclats même quand il chante et danse son amour… Et à devenir pour de bon le Joker qu’il ne veut pas être pour une femme qui ne l’aime pas sans son nez rouge. Encore et toujours la faute des autres. Vie de merde.

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /

  • Les dieux de la boxe nous détestent, l’affaire est entendue, mais enfin on touche au but : après un temps de marinade conséquent agrémenté de reports divers, le superfight pour le premier titre incontesté des mi-lourds attribué depuis un quart de siècle aura lieu ce samedi à Riyadh, et opposera le Russo-canadien d’origines tchétchène et daghestanaise Artur Beterbiev au Russe d’origine kirghize installé aux États-Unis (vous suivez toujours ?) Dmitry Bivol. Non seulement tous deux sont invaincus et clairement considérés comme les deux meilleurs au monde dans leur catégorie, mais ils devraient offrir au public de Riyadh une passionnante opposition de styles.
  • D’un côté, le champion unifié WBC-IBF-WBO Beterbiev ne s’est jamais imposé autrement que par KO. On en déduira à juste titre un punch assez effrayant, combiné à une science du ring sous-estimée : le bougre sait couper la route de son adversaire et frappe rarement en pure perte. Même son jab est douloureux, et il parvient à concentrer une puissance appréciable en esquissant des gestes courts. Si l’on y ajoute une endurance d’ascète – sa vie nocturne est un poil moins tumultueuse que celle d’Errol Spence – et une usure relative, puisqu’il compte à peine 20 combats professionnels, nous sommes toujours en présence d’une parfaite machine de guerre à l’âge canonique de 39 ans. Éparpillé sans pitié en janvier dernier, Callum Smith peut en témoigner. De quoi parier sur lui le pavillon familial et les études des enfants ? C’est un peu plus compliqué que ça.
Le conseil de 130livres.com : misez tout sur le Russe.
  • Nul ne comptera sur Dmitry Bivol pour tenter d’éteindre ce brasier-là à la dynamite. Le champion WBA n’est pas spécialement redouté pour son punch, et surtout sa boxe ne consiste pas à chercher le parpaing qui tue. Même contre un adversaire à sa main, il bosse avec application dans un style classique et léché, engrangeant les rounds jusqu’au coup de gong final. Bivol est servi par un réservoir d’essence capable de soutenir une activité rare chez les hommes de sa corpulence, et ses 50 à 75 coups par round – souvent en combos, rarement au corps – qui avait fini par noyer Canelo Alvarez. Il bouge excellemment, contrôle la distance, déclenche au moment opportun – soit quand l’adversaire n’est pas en position -, et conserve sous la mitraille un sang-froid que n’eurent pas la plupart des victimes de Beterbiev.
  • Les caractéristiques des deux trentenaires sont bien connues, et aucun ne devrait beaucoup amender son plan de vol préférentiel, tant il leur a donné raison jusque-là. Reste donc à recenser les interrogations qui demeurent. Le premier point d’attention est d’ordre psychologique : beaucoup ont souligné la grande assurance de Beterbiev en conférences de presse. Le type n’a rien d’un trash talker patenté d’aujourd’hui, et le voir adopter un discours aussi catégorique en dit long sur sa confiance (« He knows »). Bivol semblait bien effacé en comparaison, mais il est vrai que voir un ogre pareil à ce point détendu et offensif n’incite pas nécessairement à l’être autant. Bluffe-t-on d’un côté ou de l’autre ? La deuxième question porte sur le contexte matériel du combat : selon les dimensions du ring, sa physionomie est susceptible de varier. Une cabine téléphonique du genre de celles dans lesquelles Beterbiev boxe à domicile est bien sûr de nature à le favoriser, autant balancer un quartier de viande dans la fosse de l’ours, tandis qu’un ring plus large donnerait davantage d’options à Bivol pour éviter le très risqué voisinage des cordes. Qu’en sera-t-il à la Kingdom Arena ?
  • Restent les questions portant sur les combattants eux-mêmes. On l’a dit, Beterbiev a atteint l’âge auquel le temps qui passe peut vous punir d’un coup, quand 100% de ses facultés physiques seront requises pour soumettre un pugiliste du calibre de Dmitry Bivol. L’homme a beau se prévaloir d’une parfaite hygiène de vie, d’autres que lui ont vieilli brutalement en l’espace d’une dizaine de mois. Lenteur ou fatigue excessives pardonneraient peu. Verra-t-on un Beterbiev au sommet de ses capacités ? Côté Bivol, on s’interroge sur sa robustesse : s’il n’est fragile ni physiquement, ni dans la tête, la démonstration contre Canelo faisant foi, le défi que représente Beterbiev dépasse de beaucoup les précédents. L’opposition de styles rappelle celle du combat contre Olexandr Gvozdyk, où l’Ukrainien fit bonne figure jusqu’à rompre aux 9e et 10e rounds, le regard dans le vague, le terrible travail au corps ayant prélevé son écot. Bivol tiendra-t-il le choc promis ? Pour tenir en respect Beterbiev et impressionner les juges, se risquera-t-il à poser ses appuis ?
  • Je ne serai pas cruel au point de vous laisser terminer cette lecture sans un pronostic. Les cotes des deux boxeurs sont proches, avec un très léger avantage à Bivol. Je parierais sur un succès de ce dernier aux points, après un possible voyage au tapis et sur une marge réduite suscitant une inévitable controverse – au hasard, une décision partagée. Et puis n’oublions pas que les dieux de la boxe nous détestent, et que l’hypothèse d’un match nul n’est donc pas la plus farfelule…

Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /

  • Parlons de MMA, parlons de… Alex Pereira, qui vient d’ajouter une nouvelle tête à son collier de crâne en la personne du valeureux Khalil Roundtree Jr à l’UFC 307. Combat après combat, défense de titre après défense de titre, Pereira s’affirme comme une anomalie dans le roaster des futurs Hall of Famer de l’UFC. Pas seulement en raison de sa proverbiale surpuissance de frappe, que l’arbitre Marc Goddard (qui en a pourtant vu d’autres) en fonction ce soir a lui-même qualifié de « contre-nature« . Mais aussi parce que peu auront autant fait autant dans la cage avec si peu d’outils. Là où la nature même du sport et la logique de compétition qui en découle tend à valoriser la quête de polyvalence pour ses têtes de gondoles, Pereira s’en tient à quelques notes de solfèges pour écrire sa symphonie de destruction. Calf-kick pour détruire la capacité de son opposant à échapper à son pressing, gestion de la distance qui permettant d’avancer les mains (un peu trop) basses, et ce crochet gauche qui fissure le permafrost à chaque atterrissage.  » Je me méfie plus de l’homme qui a répété 10000 fois un coup que de l’homme qui a répété 10000 coups une fois« : Pereira, comme l’aurait encore dit Bruce Lee, c’est le comble de la sophistication dans son apparente simplicité. Une caisse à outil composée d’un marteau, suffisant pour bâtir une maison après avoir défoncer les murs porteurs de la précédente.
  • Pourtant, ce soir Poatan a pour la première fois semé le doute dans la tête de ses fans depuis le KO encaissé face à Israel Adesanya. Parce que ce coup de pied sauté ole-olé en entame de combat, parce que l’explosivité agressive d’un Roundtree Jr manifestement ultra-préparé, parce que l’incapacité du brésilien à coincer son adversaire contre la cage, là où son instinct de grand blanc aime dévorer ses proies. Pendant deux rounds, « The War Horse » fait tout ce qu’il fallait faire contre Pereira : une hyperactivité en série de deux-trois coups en fausse patte pour brouiller le radar du Predateur, des déplacements en sortie pour ne jamais rester dans l’axe du sniper, et assez de puissance pour ébranler le chêne Amazonien. On a même vu des trucs franchement hasardeux, comme ce high kick sans préparation saisit par Roundtree jr qui a suivit d’un crochet gauche en plein dans la mâchoire du boogeyman. Le menton de Pereira fait l’objet de beaucoup de controverses depuis son KO infligé par Adesanya, mais au vu de ce que l’élève de Glover Texeira a essuyé ce soir, deux remarques pour un constat.
  • D’abord, Pereira sait reculer avec suffisamment de timing pour absorber la plupart des assauts sans les prendre plein pot, ensuite son stoïcisme marbré résiste même quand il prend le vent de face par l’un des plus gros punchers de la catégorie. Conclusion : Adesanya frappe avec une puissance que ne suggère peut-être pas sa silhouette longiligne.
  • Mais forcément, la nature finit toujours par imposer sa loi, et un châssis comme celui de Roundtree ne pouvait pas encaisser une sur plus de trois rounds. En revanche, l’économie de mouvement de Pereira ne cède rien à la domination de son adversaire, qui finit par accuser assez de signes de fatigue au troisième round pour offrir les ouvertures attendues par son adversaire.
La mélodie des briques
  • C’est à la fin du quatrième que Poatan finit par emballer le bébé, dans une séquence de finish violente et virtuose. Face à un Roundtree jr qui refuse de baisser les bras même quand il ne parvient plus à les lever, Pereira « entre dans la matrice » : esquive arrière avec le buste, remise en crochet, genou… Sous nos yeux, l’insubmersible Brésilien prend la forme de l’eau et élargit sa palette comme un super Saiyen qui découvre ses cheveux jaunes. Khalil lui continue d’essayer, envers et contre tous les chaudrons qu’il encaisse plein pot. C’est comme de regarder l’arbre de Pandora résister à son écroulement, jusqu’à un enchaînement de crochet au corps qui vient (enfin) à bout de la résistance héroïque du pensionnaire du Syndicate MMA. Alex Pereira, c’est le méchant que Jean-Claude Van Damme se félicite de ne jamais avoir rencontré dans ses films : le monstre qui joue avec ses adversaires comme un chat, et leur donne l’impression qu’ils peuvent gagner avant de les empaler comme Tong Po. En attendant de se faire sérieusement tester par le grappling de Magomed Ankalaev, le striking de Pereira est d’ores et déjà assure d’entrer dans la légende de l’UFC.
  • Quelques mots quand même pour la légende José Aldo, qui a une nouvelle fois démontré que l’âge n’est qu’un nombre, et que du haut de ses 38 ans il pouvait continuer à inspirer ses (con)frères d’armes. Notamment en termes de défense de lutte pour striker de vocation contre Mario Bautista, certes « seulement » 11ème de la caté, mais grappler tacticien bien décidé à garder coller l’ancien roi des batamweights contre la cage et temporiser le combat. Ce qui a fonctionné, dans une certaine mesure, mais jamais sur la longueur d’un round, et pas assez pour épuiser Aldo et l’emmener au sol. « Scarface » accusait le coup, puis reprenait l’initiative dans un pieds-poings au tranchant absolument pas entamé par ses 38 ans. Largement suffisant pour emporter la décision, mais manifestement deux juges (qui n’étaient plus à une sortie de route près) ont décidé le contraire. La vie continue, mais pour Aldo l’horloge continue de tourner : on adorerait le voir tenter un dernier run jusqu’au titre, pour une revanche contre Merab Dvalishvili. Pour rappel, si leur précédente confrontation avait tourné à l’avantage du Géorgien, jamais il n’avait réussi à emmener Aldo au sol, en dépit de toutes ses tentatives – Sean O’Malley est loin de pouvoir en dire autant.  Once more into the fray.

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