Le site (Antoine) /
- La riche activité pugilistique de ce week-end a largement accaparé mon attention (diminuée). Pas de littérature ce coup-ci. C’est comme un coup de tonnerre.

- Oui, bon, vous survivrez, hein.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /
- On a dit que non, pas cette semaine. Désolé.
Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /
- Parlons cinéma, parlons de Quentin Dupieux, et de son refus de faire… Du cinéma justement.
- La nouvelle récidive de celui qui sort un film comme d’autres une story Insta vient de sortir en salles. Ça s’appelle Le deuxième acte, et Thierry Frémaux a jugé bon d’en faire l’ouverture du festival de Cannes. Logique au fond : Dupieux marche avec un public de fidèles qui répond présent à chaque fois, et trimballe une hype générationelle à côté de laquelle il s’agit de ne pas passer pour rafraîchir la façade du festival des festivals du cinéma en salles. Les rageux rageront, les lécheurs lécheront, et à la fin de la journée la planète cannoise se sera payée un tour de manège sans dévier de son axe de rotation. Tout va bien dans Le meilleur des mondes, donc ? Ben pas vraiment.
- Soyons clairs : l’auteur de ces lignes ne fait partie ni des pro ni des anti Dupieux. À vrai dire, je n’en pense pas grand-chose, sinon qu’il n’y a pas grand-chose à en penser. À mon sens, comme tous les mecs qui se prennent beaucoup moins au sérieux que ne le font ses exégètes, Dupieux a surtout compris comment travailler et exister dans un système qui a toujours eu la cuisse légère avec les auteurs excentriques dépositaire d’un UNIVERS. « C’est du Dupieux » qu’on vous dit. À charge ou à décharge d’en avoir rien à foutre, ou de s’amuser à trouver ce que ça peut signifier en cherchant le sens caché de ses deux sorties salles par an. Mais comme Jean-Luc Godard en son temps, il y a fort à parier que de sens il n’y ait point ; sinon les évidences systématiquement réfutées par les biais cognitifs de ses admirateurs. À savoir : c’est marrant 5 minutes mais pas 50, une idée de court-métrage ne fait pas forcément un long, et surtout c’est… long justement. Étrangement long pour des films qui tapent 1h20 maximum au compteur. Même salement et foutrement long dans le cas Deuxième Acte. INTERMINABLE SA MÈRE. À tel point qu’il n’y a guère que les fans les plus hardcore du bonhomme qui seront susceptibles d’y trouver leur compte. Ça tombe bien, y a moyen que ça soit à eux qu’il s’adresse.
- On ne prendra pas la peine de vous présenter le pitch. Comme tout les films « impossibles à raconter », Le deuxième Acte ne se résume pas il se subit. Sachez juste que M. Oizo nous fait le coup du film dans le film dans le film. Oui, comme The Fall Guy la semaine passée, mais ici il n’est pas question de partager son amour du cinéma au spectateur, mais d’utiliser le médium pour se payer sa poire. Il y a Raphaël Quenard, Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel et un figurant. Les quatre premiers sont des connards et des connasses d’acteurs et d’actrices qui parlent de tout et n’importe quoi comme si c’était intéressant (bref, pléonasme), le dernier un figurant rongé par le stress. Il y a d’autres trucs mais on s’en fout, on ne spoilera pas pour ceux et celles que ça peut intéresser, et toutes façons il n’y a pas grand-chose de plus à en dire.

- Dupieux ne fait même pas semblant de s’intéresser à ce qu’il filme, ou de traduire sa quête de disruption en cinéma. Mieux : il semble tourner le dos à TOUT ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à une solution de mise en scène susceptible de dynamiser un tant soit peu son bordel. Et ça parle, et ça renverse le pinard, et ça parle, et ça dit tout ce qu’il faut dire et pas dire actuellement, et ça…. Ça fait rien en fait. Ça brasse de l’air en soufflant à plein poumons au visage du spectateur, qui se retrouve à compter les secondes au bout de 20 minutes de film. On dirait même la finalité du projet : aligner les plots pour ne rien en faire et dilater le temps ressenti autour de la moindre ligne de dialogue. On prend 10 ans en 1h15, un peu comme lorsque dans La Chinoise, Godard filmait deux personnes en train de discuter dans un train pour acter son échec à en faire autre chose que deux personnes en train de discuter dans un train.
- Autrement dit, tout ça semble un peu (beaucoup) foncièrement fait exprès. À la lueur de la conférence de presse cannoise complètement lunaire, on même tenté de se laisser aller à la certitude que Dupieux a repris à son compte la profession de foi du réalisateur suisse: troller le cinéma ; surtout et en premier les spectateurs qui y chercheront du sens. « Le génie, c’est de faire des films de 3 heures qui en paraissent une. Moi je fais l’inverse ». On ne saurait être plus transparent, mais faute avouée faute pas à moitié pardonnée pour autant.
- À l’instar de ce plan final INTERMINABLE où l’on sent pratiquement l’haleine du réalisateur pendant qu’il nous rit au nez : on sait que ça va durer des plombes, on sait que ça ne va mener à rien. MAIS Dupieux sait qu’on ne quittera pas nos sièges, et prend notre espoir de récompense in fine en otage. Évidemment, ce n’est pas le cas. Motherfucker.
- Continuons sur les pérégrinations cannoises: Furiosa, le nouvelle « Mad Max Story » de George Miller a été montré sur la Croisette et, de l’avis général, il s’agit bien du chef-d’œuvre attendu. Aussi proche de Fury Road que différent dans son approche narrative, blindé de bruits et de fureurs à 24 images secondes, d’une ambition visuelle et thématique dantesque, doté d’un morceau de bravoure à mi-parcours qui mettrait la fessée à tout ce que Miller a pu faire jusqu’à présent. Ce mercredi 22 mai, SOYONS TÉMOINS.
- Megalopolis, le gigantesque plan tiré sur la comète par Francis Ford Coppola, a également été projeté cette semaine, en compétition cette fois. De l’avis (quasi) unanime, le retour autofinancé du Parrain aux affaires a des airs de catastrophe. Moche, naïf, boursouflé, neuneu, sont les mots qui reviennent le plus souvent. On dirait son Dracula. Mais on l’écrivait en ces pages il y a quelques mois, Coppola c’est le monde ou rien, Megalopolis réinventerait son médium ou se désagrégerait sur place. A en croire les retours cannois, c’est malheureusement la première option qui semble s’imposer. M’en fous, je continue d’y croire un peu : même dans le monde ultra imparfait qui est le nôtre, un geste artistique aussi grandiose est quand même censé trouver un minimum de résonnance à l’écran. À checker en septembre si la vibe de Francis Ford résiste aux vices de fabrication.
Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /
- Beaucoup de choses seront dites ou écrites à propos d’Olexandr Usyk dans la foulée de sa victoire sur Tyson Fury par décision partagée hier soir à Riyad. On insistera sur la formidable ampleur de son palmarès, deux titres incontestés chez les professionnels après l’or olympique et mondial en amateurs. On rappellera qu’il devint le premier homme à unifier le championnat du monde des poids lourds à l’ère des quatre ceintures majeures, et plus simplement encore au XXIe siècle. On pointera sa stature de road warrior ultime, puisqu’il dut conquérir loin de ses bases chaque nouveau trophée de sa collection. On soutiendra ses prétentions au rang de meilleur boxeur du moment toutes catégories confondues face à ses homologues invaincus Terence Crawford et Naoya Inoue. On dissèquera sa technique de maître pugiliste gaucher, ses qualités athlétiques rares au-delà du quintal et son étonnante robustesse. On épuisera les hyperboles sur la portée symbolique de ses exploits, victorieux de toutes ses guerres sur le ring alors que son pays ferraille contre un envahisseur. On louera son attitude, celle d’un champion qui démontre sa valeur le jour J plutôt qu’il ne la revendique ad nauseam en conférences de presse ou sur les réseaux sociaux, et qui laisse sans broncher la part du lion des bourses aux adversaires pour qu’ils acceptent de l’affronter. Tous ces éloges et commentaires seront justifiés.
- Mais ce qui m’épate le plus, chez « Le Chat », est ailleurs. Face à des adversaires de premier plan, Usyk remporte des combats qu’il a laissés échapper, ceux dont les Américains diraient qu’il a perdu le momentum, l’élan irrésistible qui porte le futur vainqueur après qu’un affrontement a atteint son point d’inflexion. Lors de son premier duel avec Anthony Joshua, sa domination des rounds initiaux fut contrariée à mi-combat par une série de droites au corps qui l’éprouva durement en même temps qu’elle réveilla le public du Tottenham Hotspur Stadium. Le soir de la revanche, il vacilla au 9e round d’un combat qu’il contrôlait, puni à tous les étages, jamais plus proche d’un knockdown. Contre un finisseur de la trempe d’AJ, une souffrance ostensible vaut perdition, mais par deux fois Usyk inversa la tendance avec une agressivité renouvelée — songez qu’il plaça presque 40 coups nets à la 10e reprise du rematch. Floyd Mayweather et Bernard Hopkins tissaient leur toile round après round jusqu’à rendre inopérants leurs rivaux prestigieux. Usyk les domine d’entrée, perd la main, puis ressuscite. On pourrait inclure au tableau le coup pas-si-bas reçu de Daniel Dubois ayant précédé son succès par KO, et surtout ce fut à nouveau le cas sur le ring de la Kingdom Arena contre Fury.

- L’essentiel des interrogations d’avant-combat portaient sur ce dernier, qu’on avait trouvé bien fébrile et fuyant en conférence de presse. D’une, serait-il en mesure de donner son maximum ? Le tondu de Manchester était connu pour décevoir lors des combats faciles sur le papier – la farce contre Francis Ngannou l’illustra tristement – et se hisser à la hauteur de ses plus grands défis en carrière, comme face à Wladimir Klitschko ou Deontay Wilder. Certes engoncé dans un short vert aux allures de jupe-culotte, c’est bien un Fury de gala, jamais plus léger depuis 5 ans, qui se présenta face à Usyk. Et puis on hésitait sur ce que seraient ses choix tactiques : aurait-on affaire à l’échassier très mobile ou au bulldozer de 260 livres ? Les premières reprises y répondirent rondement : l’homme et demi avait tablé sur la guerre en mouvement, laissant l’Ukrainien s’éreinter à le suivre autour du ring et puncher vers sa bouille ronde comme on viserait la lune. Prenant l’initiative, les mains hautes, Usyk marquait les coups les plus nets et empochait les reprises initiales. Mais Fury, peu à peu, mettait le piège en place : un jab lourd en guise de péage pour entrer à distance, puis des uppercuts du droit à la face et (surtout) au corps assénés à un homme d’1m91 semblant étrangement court en comparaison. Aux 4e et 5e rounds, un Fury chambreur dictait les termes du combat et coupait Usyk à l’arcade droite. À la fin du 6e, il le faisait reculer sur une énième droite au corps. Or le « Gipsy King », on le sait, a la force mentale qui fait parfois défaut à un Anthony Joshua, et le pousser à abandonner une tactique payante ne sera jamais une sinécure. C’est alors qu’Usyk fut grand.
- La rumeur le disait enclin à poser ses appuis plus fermement qu’à son habitude à l’entraînement, histoire de tester le menton du Goliath anglais, et si ce choix est avéré il porta ses fruits à la 8e reprise, en plus d’un différentiel de cardio favorable. Travaillant les bourrelets pour dégager la voie vers le haut à sa gauche plongeante, Usyk ébranla Fury au plexus avant de lui casser le nez. Il avait regagné un round avec autorité, laissant son adversaire en sang, mais le meilleur était à venir. La même gauche poursuivit son ouvrage de démolition au round suivant, envoyant carrément dinguer dans les cordes puis tout autour du ring un Fury qu’on eût dit sorti d’un pub ivre à cinq heures du matin. L’arbitre Mark Nelson aurait pu clore ici les débats, l’Anglais ne prenant plus la peine de se défendre, mais il fit le choix réglementairement correct de juger que seules les cordes lui avaient évité le tapis et initia un compte debout. C’était déjà la fin de la reprise, et les facultés surhumaines de récupération de Tyson Fury connues depuis Wilder I lui permirent de tenir physiquement après un léger flottement d’après pause. On aurait même pu lui octroyer la 12e reprise, mais les quatre précédentes bonifiées du knockdown en plus du début de combat pesaient déjà trop lourd en faveur de l’Ukrainien. Les deux hommes s’étaient copieusement refait le portrait au cours d’un combat historique, riche de rebondissements et passionnant au plan tactique, que Tyson Fury aura eu l’élégance de garder propre jusqu’au bout. « Le Chat » est le nouveau champion incontesté des poids lourds. Peut-être est-il aussi celui des remontadas pugilistiques d’anthologie.

- Par son ampleur, Usyk vs Fury éclipse le reste d’un week-end pugilistique assez dingo, à commencer par sa sous-carte. En moins de 2 rounds, le prospect lourd anglais de 19 ans Moses Itauma a confirmé contre le vétéran transi d’effroi Ilja Mezencev que la catégorie était peut-être bien en régence jusqu’à son avènement. Dieu que ce môme a les mains rapides. Autre pépite de grand talent, le mi-lourd ukrainien David Lapin s’est montré encore plus expéditif, en une parfaite allégorie du plus beau tube de Chantal Goya. L’invaincu léger anglais Mark « Thunder » Chamberlain s’est lui aussi imposé au premier round contre un étonnant (et étonné) sosie de Victor Osimhen. L’ombre quadragénaire de Sergey Kovalev s’est faite rosser par un jeune Robin Sirwan Safar intelligent et vif à défaut de cogner très dur en lourds-légers, bien qu’il ait scoré un impressionnant knockdown en point d’orgue du 10e et dernier round. Après avoir proprement déboîté le chaînon manquant Arslanbek Makhmudov, le lourd allemand invaincu Agit Kabayel a de nouveau prouvé face au surgonflé Frank Sanchez que la plupart des poids lourds sont plus perdus que Nadine de Rothschild à la fête de l’Huma quand on les sort du confort de la mi-distance et qu’on leur masse consciencieusement les côtes flottantes. À force de s’assassiner pour faire les 130 livres, le Gallois Joe Cordina a cédé avant la limite son titre des super plume à l’improbable vétéran nord-irlandais Anthony Cacace, dont l’énergie et la générosité sur le ring valent bien mieux que mes (nombreux) jeux de mots pourris. Et puis l’Australien Jai Opetaia a reconquis son titre IBF des lourds légers perdu sur tapis vert en battant aux points le grognard letton Mairis Briedis, non sans une petite suée dans les derniers rounds après un combat en vitesse de croisière.
- On boxait aussi hier soir à la Pechanga Arena de San Diego, où le poids lourd américain courtaud et gaucher au look d’acteur de prono 70s Richard Torres Jr a triomphé de son homologue invaincu Brandon Moore après 5 rounds d’un tabassage en règle. Très impressionnant face à Alexis Rocha en octobre dernier, le welter local Giovani Santillan est tombé de haut contre le jeune Brian Norman Jr, très à l’aise sur le pied arrière pour le contrer dans son registre de prédilection du bagarreur infatigable. Santillan saigna abondamment avant de déguster les deux uppercuts de trop au 10e round. Une fameuse réponse de Norman, en somme. Et puis Denys Berynchyk a bouclé une semaine royale pour la boxe ukrainienne en remportant le titre WBO vacant des légers aux dépens d’Emanuel Navarrete, dont ç’aurait été le quatrième sacre en autant de catégories. Si le style peu orthodoxe du Mexicain perturbe habituellement ses adversaires, celui du tombeur d’Yvan Mendy le laissa carrément perplexe. Berynchyk change souvent de garde et ses déplacements le rendent difficile à toucher nettement, ce qui empêcha Navarrete de procéder à son sulfatage habituel. La perspective d’une unification 100% Top Rank face à Shakur Stevenson a du plomb dans l’aile.
Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /
- Parlons de MMA, parlons de Cedric Doumbé, qui effectuait son grand retour sous les spotlights du Bellator à Bercy ce vendredi, mais à l’ombre des caméras. Car une fois n’est pas coutume, Doumbe s’est bien gardé de faire du Doumbé, et s’est fait remarquer par son absence sur les réseaux avant la rencontre. Sans doute l’échardegate lors du combat contre Baki y est pour quelque chose : Doumbé l’entertainer y avait perdu des plumes, et Doumbé le combattant n’avait pas assumé ses grands mots. Il s’agissait donc de se taire et de couper les bruits du monde autour pour se recentrer sur l’essentiel. À savoir : le combat, le combat, et encore le combat ou, comme le dirait Conan : écraser ses ennemis, les regarder vous supplier, et écouter les lamentations de leurs femmes. Ça tombe bien, c’est exactement ce qu’il s’est passé contre l’Américain à Paris Jaleel Willis, pas vraiment premier violon de sa catégorie mais pas venu non plus faire de la figuration. Doumbé restant Doumbé, le facétieux s’était autorisé une petite fantaisie en passant l’aspirateur pendant son entrée.

- On serait bien mesquin de faire la fine bouche devant un trait d’esprit, d’autant que le partenaire d’entrainement de Salahdine Paransse a déroulé. Face à un Jaleel Willis qui enclenche direct la lutte en troisième, « The Best » confirme les belles défenses de takedown qu’il avait eu l’occasion de dévoiler contre Baki. Jamais mis en danger, l’ancien champion du Glory se permet même une téléportation à la Dragon Ball Z pour échapper à une tentative d’amené au sol de son adversaire, qui finira arrêté par l’arbitre peu de temps après. Doumbé réussit à l’emmener sur son terrain de prédilection : le brawl à mi-distance, ou son ultra-puissance de frappe fait la différence, ici sur un enchaînement de crochets. Cédric Doumbé assure l’essentiel : une victoire nette et sans appel pour le remettre sur les bons rails sportifs, même s’il en faudra encore quelques unes pour enterrer définitivement cette fameuse écharde dans le pied. Peut-être lors de son combat contre l’ancienne star de l’UFC Anthony Pettis ?
- Au rayon insolite, un KO lunaire est survenu ce we à l’UFC : une combattante s’est faite arrêter par l’arbitre suite à… un direct dans le sein de son adversaire. Une mise à jour des règles à venir ? L’arrivée de soutien-gorge en Téflon ? Une diminution mammaire imposée avant l’entrée en cage ? Les options se bousculent.