Le site (Antoine) /
- C’est l’essence même de 130livres.com : le lectorat est largement fragmenté entre arts et sports de combats, le lien ténu entre ces deux domaines correspondant aux névroses conjuguées du fondateur du site et de Guillaume Meral, son éminent comparse des Punchlines. Je n’ai pas une traitre idée de la répartition des habitués entre les différentes rubriques ; dans l’attente d’un éventuel sondage sur vos pratiques et attentes je ne puis qu’affirmer que nous nous efforçons de traiter avec un soin égal les amateurs de culture et de pains dans la gueule. Cela étant dit, ce qui suit concerne plutôt la seconde catégorie : j’ai eu l’honneur d’être récemment invité sur deux chaînes Youtube consacrées au plus beau des sports — en attendant une nouvelle apparition la semaine prochaine chez le Cap’tain Crochet.
- D’abord chez l’ami Sendo Pacquiao, en compagnie de l’incontournable Vincent l’Historien, pour évoquer la carrière ultra dominante chez les poids légers de l’icône Roberto Duran.
- Ensuite chez l’ami Jean-Roger Orsini sur sa chaîne Parlons Boxe pour évoquer le choc à venir entre Olexandr Usyk et Tyson Fury qui déterminera enfin le champion incontesté des poids lourds.
Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /
- Saluons d’abord l’initiative de Livres Hebdo de proposer en accès libre une sélection d’ouvrages consacrés à Alexeï Navalny, décédé le 16 février dernier à l’âge de 47 ans dans une geôle de l’Oural polaire. De son côté, le site Actualitté a reproduit en intégralité l’hommage à Navalny publié par le Pen Club français.

- Livres Hebdo nous apprend également que les professionnels du CHU de Québec-Université Laval, en association avec les bibliothèques de Québec, ont défini une collection de lectures recommandées « dans les domaines de la nutrition, de la psychologie, de la pédiatrie et des soins spirituels ». Il est plutôt rassurant de voir d’authentiques spécialistes de la santé aider à faire le tri dans cette littérature, sachant que la liste rappelle en préambule qu’un livre sur le bien-être ne saurait se substituer à un traitement ou un avis spécialisé. En France, le Centre National du Livre invite à de telles coopérations. On imagine avec plaisir les hauts cris d’un fameux paquet de charlatans si la pratique venait à se répandre.
- Nous en avions rapporté l’hypothèse lors de précédentes Punchlines : Diane Lacey, administratrice des Hugo Awards, a confirmé la censure politique d’un certain nombre de textes, déclarés purement et simplement inéligibles à la dernière édition de ces prestigieuses récompenses des littératures de l’imaginaire dont la remise des trophées 2023 eut lieu en République Populaire de Chine. Alors que la World Science Fiction Convention de 2024 — au cours de laquelle seront décernés les prochains Hugo Awards — se tiendra à Glasgow, ses responsables sont sur la sellette ; ils promettent transparence et sanction des responsables. Que la légitimité d’une telle institution soit à ce point entachée fout quand même pas mal les jetons.
- La poésie française n’en finit pas de faire l’actualité, pour des raisons ayant certes fort peu à voir avec l’art lui-même : après les remous provoqués par la désignation de Sylvain Tesson comme parrain de l’édition 2024 du Printemps des Poètes, on apprend que Jean-Michel Maulpoix, professeur d’université, critique et lauréat du Prix Goncourt de la poésie 2022, vient d’être condamné à 18 mois de prison avec sursis pour violences conjugales. Quantité de détails glaçants liés à cette sinistre affaire devraient suivre. De là à affirmer qu’un #MeToo du monde de l’édition serait en gestation, il reste un grand pas à franchir. On espère quoi qu’il en soit au moins autant de condamnations émanant du milieu français de la poésie pour un délinquant avéré que pour un monsieur auquel il est reproché de penser mal.
- En plus d’occuper la tête du classement des ventes de livres en France selon Datalib et l’Adelc avec D’or et de jungle, Jean-Christophe Rufin fait aujourd’hui la une des pages littéraires en ligne de Libération et du Figaro. Qu’il est rafraîchissant de voir de jeunes talents faire consensus en 2024.
- La syntaxe au secours de la liberté d’expression : sanctionnée par une amende de 32000€ pour »affichage et promotion de l’homosexualité » en ayant proposé à la vente des exemplaires de la série britannique Heartstopper, la chaîne de librairies hongroise Lira a fait valoir en appel qu’une virgule du texte de loi concerné rendait inopérante l’obligation de vendre lesdits ouvrages sous plastique. Allons, je refuse de croire que les rédacteurs d’un tel texte aient pu louper quoi que ce soit à l’école.
Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /
- Parlons cinéma, parlons… Du remake de Road House, dont le feuilleton des coulisses condense décide plus de rebondissements que sept saisons de Game of Thrones. Cette semaine, c’est Variety qui a remis une pièce dans la machine avec les révélations d’une source anonyme. Rappel : en 2021, Amazon rachète la MGM, et récupère son catalogue ainsi que tous les projets en cours de la major historique. Dont le remake de Road House, déjà avec l’attelage Doug Liman à la réalisation, Jake Gyllenhaal dans le rôle de Patrick Swayze et Joel Silver à la production. Le géant du streaming pose alors un choix simple au trio : un budget de 60 millions de dollars et une sortie en salles, ou 85 millions et une diffusion directement sur la plate-forme. « Ils ont tous pris l’argent », rappelle la source, qui déplore le drama qui s’en est suivit, et dont nous vous avons dument fait la chronique en ces pages (voir de précédentes punchlines pour le récap). Licenciement de Silver, tentative d’Amazon de pousser au cul pour terminer la conception du film à coup d’IA, sortie tonitruante de Liman pour la défense du cinéma au cinéma vs les plateformes qui font du cinéma un produit de consommation courante et rapide… Et là, on apprend même qu’Anthony Pellicano, le sulfureux détective des stars passé par la case prison il y a quelques années, est mouillé dans le schmilblick. Bref, un sacré panier de crabes qui actionne autant de biais cognitifs qu’il y a d’intérêts dans le projet. Grisé par son amour des muscles qui se cognent en tête à tête, de l’inestimable contribution de Joel Silver à ce noble patrimoine, et son léger biais anti GAFA, l’auteur de ces lignes confesse manquer parfois d’un peu de recul. Mon hypothèse actuelle, avec les mises à jour : Liman, Gyllenhaal, et Silver ont essayé d’avoir le beurre et l’argent du beurre en se sécurisant un gros chèque tout de suite, et poussé Amazon au cul après coup quand il s’est avéré que le film avait l’envergure d’un hit de salles obscures. « C’est un super film de streaming », conclut la source. Le résultat lui ne change pas : on ne verra pas le remake de Road House au cinéma, dont le retour sur grand écran des muscles qui se cognent en tête à tête comme à l’ancienne. Et c’est le plus triste.

- Léa Seydoux ne comprend pas pourquoi Tom Cruise n’a jamais eu d’Oscar. « C’est la plus grande star, quand on parle de stars », dit celle qui accompagna l’Atlas du cinéma en majuscules dans l’excellent Mission Impossible : Protocole Fantôme. « Pouvoir jouer des choses aussi subtiles que Eyes Wide Shut et en même temps faire des films d’actions comme ça, c’est hallucinant ». Elle est bien cette petite.
- Les dirigeants de la Paramount auraient été subjugués par les premières images de Gladiator 2, suite du film culte des 2000 et énième vanity project de Ridley Scott sur le papier. On demande (du bout des lèvres) à voir. Dans un élan d’enthousiasme, le studio aurait même lancé le réalisateur sur un biopic des Bee-Gees. Voilà une statue qui ne devrait pas être trop difficile à déboulonner.
- Luc Besson va réaliser un prequel de Dracula. Le réalisateur français se concentrera sur la relation du célèbre comte caniné avec une femme avant l’arrivée de Jonathan Harker. L’excellent Caleb-Landry Jones (Dogman, le précédent Besson justement) enfilera la cape, et Christoph Waltz est annoncé dans un rôle encore indéfini. À tous les coups, l’histoire d’un homme mûr à travers les âges qui va s’aiguiser les chicots sur la carotide d’une jeunette fascinée par la vie de château. On attend le carton rouge de Télérama et les Inrocks, la nouvelle task force des bonnes mœurs du cinéma français, revenus récemment d’une opération des yeux (maintenant, ils distinguent les formes parait-il). C’était le double coup de langue de pute de la semaine, pour votre bon plaisir.
Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /
- Il ne fait pas bon disputer un 12e round contre O’Shaquie Foster : le Portoricain à la barbe dorée Abraham Nova l’a vérifié au Madison Square Garden Theater vendredi soir, alors que le gain de l’ultime reprise eût pu lui faire arracher le match nul. À 20 secondes du terme, le champion du monde WBC des super plume contra un assaut désordonné du challenger d’une droite au sommet du crâne suivie d’un parfait crochet gauche, marquant l’unique knockdown de la confrontation. Si la boxe en ligne d’Abraham Nova recèle peu de surprises, on avait dû reconnaître jusque-là à « El super » d’avoir su rester dans le combat en augmentant à volonté l’intensité de ses attaques, travaillant de près lorsque l’Américain imposait sa technique supérieure à mi-distance. Car Foster a une fois de plus impressionné par sa polyvalence, capable de boxer aussi efficacement en appui avant et sur le pied arrière, en garde de droitier comme de gaucher, avec une efficacité similaire. On ne peut guère reprocher à « Ice Cold » Foster que de prendre son temps sur le ring, relâchant son effort dès qu’il semble avoir craqué le code adverse. L’intérêt de cette boxe à l’économie, certes coûteuse en rounds, consiste à conserver de l’énergie pour les fins de combats, ainsi que put le constater Eduardo Hernandez en octobre dernier — le Mexicain menait sur deux cartes quand il fut arrêté au dernier round — avant Nova vendredi soir. Âgé de 30 ans, le Texan Foster semble mûr pour succéder à Emanuel Navarrete, détenteur de la ceinture WBO mais annoncé en légers, comme patron des super plume. L’ex-taulard dispose aussi d’une histoire personnelle à base de rédemption dont les médias US sont particulièrement friands. Une unification contre Joe Cordina ou Lamont Roach, champions IBF et WBA, mériterait un ring de prestige. Gageons que ces derniers auront noté de rester vigilant jusqu’au bout des 12 rounds. À retenir de la sous-carte, la vaporisation au 4e round de l’infortuné Bernard Torres par le talentueux prospect des plume Bruce « Shu-shu » Carrigton, ainsi que la progression continue de l’Américain Andres Cortes en moins de 130 livres, vainqueur convaincant du Boricua Bryan Chevalier par arrêt de l’arbitre dans la même reprise.

- Les super plume étaient décidément à l’honneur vendredi soir, puisque l’ancien champion IBF Shavkatdzhon Rakhimov visait une revanche contre Joe Cordina en affrontant sur ses terres le redouté puncheur Eduardo Nunez. Hélas pour le public de Dushanbe (Tadjikistan), ce dernier a confirmé qu’il avait le parfait profil du gâcheur de fête mexicain en inscrivant son 27e KO en autant de succès chez les professionnels. Le gaucher Rakhimov avait à coeur de briller, mettant son adversaire sous pression d’entrée, mais Nunez cache dans son gant droit l’équivalent de quatre ou cinq fers à cheval. Dès le deuxième round, il donnait au Tadjik de quoi réfléchir d’un méchant cross qui l’ébranla momentanément. Côté Nunez, la consigne semblait être de ne pas reculer, histoire de ne pas donner aux juges le prétexte rêvé pour aider le favori local. On eut alors droit à des échanges intenses durant lesquels Nunez s’employait à travailler au corps. La tactique paya en seconde partie de combat, quand Rakhimov fut contraint de réduire la cadence. Ce dernier fut arrêté au 11e round alors qu’il subissant une vraie punition dos aux cordes. Pas sûr que Cordina gagne à affronter Nunez plutôt que Rakhimov.
- À propos de gâcheur de fête mexicain, des nouvelles du pays des schtroumpfs : en novembre dernier, l’inconnu Adrian Curiel avait éteint d’une méchante droite au 2e round le champion IBF des mi-mouche Sivenathi Nontshinga sur le ring du casino de Monte Carlo. Pour la revanche organisée hier soir à Oaxaca, Curiel avait décidé d’étrenner son titre en boxant tel un authentique patron, imposant au Sud-africain de durs échanges de près et l’acculant dans les cordes à la moindre occasion. Il faut rendre justice à Nontshinga d’avoir accepté cette pression, répliquant d’abord avec maladresse — car desservi par la longueur de ses segments — puis de plus en plus précisément. À force e fatigue et de contres venimeux, la machine Curiel s’enraya vers la mi-combat. Le challenger put enfin boxer à sa distance, alternant le travail au corps et à la face, et en toucha les dividendes au 10e round : d’abord compté dos aux cordes, Curiel fut sagement arrêté par l’arbitre. Reprendre une ceinture au Mexique n’ayant rien d’une sinécure, on saluera la performance du Sud-africain.
- On avait annoncé un peu vite une première défense à domicile de son titre IBF des moins de 140 livres pour le Portoricain — et chouchou officiel de 130livres.com — Subriel Matias contre le dangereux gaucher australien Liam Paro. Las, le PDG de Matchroom Boxing Frank Martin a démenti la tenue de cette affiche sur X. Notons aussi qu’on ne sait toujours rien des intentions de Canelo Alvarez pour le Cinco de Mayo ; le divin rouquin a annoncé qu’il boxera un Américain alors qu’il a démenti vouloir affronter Terence Crawford faute d’un challenge sportif à la hauteur, que Jermall Charlo affirme n’être au courant de rien — c’est certes plus ou moins son état naturel —, et que David Benavidez affiche un ratio bénéfice/risque toujours aussi peu séduisant. À propos de Canelo, PBC sur Amazon n’a toujours rien annoncé au-delà d’une peu séduisante soirée Tszyu vs Thurman le 30 mars prochain. C’est maigre. Au moins a-t-on appris officiellement la tenue d’une revanche entre Josh Taylor et Jack Catterall à Leeds le 27 avril prochain. Leur premier combat de 2022 fut à la fois hideux et polémique, Taylor pouvant s’estimer heureux d’obtenir la décision. Il a depuis affirmé avoir pris Catterall à la légère, avant de s’être présenté rouillé face à Teofimo Lopez lors de sa défaite de l’an dernier. Qu’il aligne une troisième performance médiocre de rang et le sosie pugilistique du Jessie Pinkman de Breaking Bad, quelle que soit l’excuse avancée, risque un oubli accéléré. Quand on se rappelle la qualité de son ascension vers le titre incontesté des super légers, voilà qui aurait de quoi attrister les aficionados. C’était la rubrique « mornes brèves de boxe ».
Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /
- Parlons MMA , parlons rapidement d’UFC, qui déroulait son 298ème Pay-Per-View ce week-end à Las Vegas, avant un UFC 299 qui soufflera sur les braises de l’enfer avec Benoit Saint-Denis vs Dustin Poirier, et un UFC 300 qui n’arrive pour l’instant pas à passer le stade de la demi-molle. En main event, Alexander Volkanovski rendait sa couronne après un KO de forain passé au 2ème round par l’Espagnol Ilia Topuria. Ce n’était pourtant pas un défaut de méthode de Volk, qui dominait les débats et marquait ses points à distance, lacérant à coups de jabs le visage de son adversaire qui fonctionnait par explosion. Après plus d’un round à subir les changements de garde et les déplacements d’Alexander the Great, Topuria réussit à la cadrer sur un enchainement de crochets corps-tête qui ne laissa aucune chance au désormais ancien taulier du bazar. Coup dur pour Volkanovski, encore dans la conversation des all time-greats il y a quelques mois, qui subit son deuxième KO d’affilée.
- Toutefois, la grosse bastos de cet UFC 298 était anticipée du côté des poids-moyens, avec le clash en 5 rounds de Robert Whittaker vs Paulo Costa, un beef-cake 100% colorants et conservateurs en provenance du Brésil, de retour aux affaires après deux années à troller son come-back. Face à lui, le valeureux Whittaker, gars sûr de la caté qui ne perd que face aux champions, et devait se remettre de son KO contre Dricus Du Plessis, actuel détenteur de la ceinture depuis sa victoire contre Sean Strickland. Tacticien polyvalent qui ne cède jamais sur l’élégance de son style, Whittaker avait fort à faire contre un Costa qui avance comme un bulldozer sur un bout de forêt amazonienne : en ligne droite et pour détruire. Mais à l’instar de ses deux combats des enfers contre Yoel Romero, ancien monstre de la division au profil similaire, « The Reaper » a réussi à garder la tête froide et le menton derrière la fenêtre, malgré les kicks à abattre un sequoia de son adversaire. Rob trouvait sa distance, touchait avec parcimonie et se dégageait même un chemin vers les combos quand le brésilien, malgré l’embrayage bloqué sur la marche avant, se montrait beaucoup plus monolithique dans son exécution. Belle victoire à la décision de Whittaker, qui a réussi à dicter les termes de la guerre réclamée par Costa. Ce dernier ne semble désormais beaucoup moins intéressé par la victoire que le spectacle à proposer. On aimerait pas être à la place des deux hommes ce matin : au vu du volume de calf et low-kicks envoyés et reçus à pleine puissance pendant 25 minutes, on doute que l’un et l’autre soient en mesure de jouer à la marelle d’ici le mois de juin.
