Punchlines du 4 février 2024

Le site (Antoine) /

  • On retiendra que le running gag le plus long dans l’histoire de 130livres.com est arrivé à son terme cette semaine, puisque la seconde partie du compte-rendu du Hellfest 2023 est bel et bien publiée. Croyez bien que je regrette presque l’effort tardif en question, tant il privera notre estimé lectorat d’un copieux filon de plaisanteries fines. En tout cas croyez bien qu’en dépit de la longueur du papier en question il ne saurait être exhaustif ; quantité de phénomènes explicables ou non resteront gravés dans la seule mémoire de ceux qui ont participé (cf. figure ci-dessous).
Exemple de phénomène explicable ou non.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /

  • Les conclusions de l’étude commandée au cabinet KPMG par le Syndicat National de l’Édition sur la répartition de la valeur entre auteurs et éditeurs étaient très attendues, presque autant que l’inévitable polémique qui devait s’ensuivre. Nulle déception ici, bien au contraire. En résumé : 51% du chiffre d’affaires hors taxes de la vente de livres en France (1,12Md€) revenant aux libraires, diffuseurs et distributeurs, les éditeurs, fabricants et auteurs seraient réputés s’en partager les 49% restants. Un énième camembert explicitant la répartition des fameux 49% fait jaser : un tiers irait à la fabrication, un quart aux auteurs et le reste serait éclaté en quantité de sous-catégories… dont 16,2% aux équipes éditoriales et 4,9% de résultat d’exploitation. Une misère. Après quoi certains auteurs s’étranglèrent, puisqu’une écrasante majorité touchent finalement entre 8 et 11% du prix de vente d’un livre — le quart d’une moitié mis en avant paraît dès lors bien trompeur — tandis que la vraie part touchée par les éditeurs dans la valeur hors distribution est la somme des sous-catégories mises en avant par KPMG, soit 43%. La morale de l’histoire est qu’il est bien imprudent de laisser commenter des chiffres par des gens de lettres : personne ne se gave, dans cette affaire-là. Oui, la plupart des auteurs tirent moins qu’un SMIC de l’écriture, et oui, 4,9% de résultat d’exploitation font de l’édition un secteur peu lucratif, aux salaires d’ailleurs rarement spectaculaires rapportés aux heures travaillées. Quant on ajoute à cela que les librairies produisent les plus faibles marges de tous les commerces de centre-ville, on ne peut qu’admirer la faculté qu’a l’industrie du livre de maintenir dans la dèche un si grand nombre d’intervenants. À moins bien sûr qu’imprimeurs, diffuseurs et distributeurs ne s’arrogent le monopole des soirées cocaïne et Dom Pérignon que finance indirectement notre amour des belles lettres. En tout cas ces gens-là s’expriment moins sur les réseaux sociaux. Coïncidence ? Je ne crois pas.
  • En tout cas l’analyse conjoncturelle du chiffre d’affaires de la culture au 3e trimestre 2023 produite rue de Valois révèle que le prix du livre a augmenté de 5,2% en moyenne sur un an. Plaignez-vous donc, coyotes (vous pouvez nous adresser tout message d’insultes en page « Contact »).
  • Embrouilles germanopratines rigolotes, épisode 3752 : on devait à Maxence Caron la préface, un tantinet pompeuse et autosatisfaite mais s’étonnant à juste titre de l’absence jusque-là de traductions françaises des livres écrits sur l’immense Robert Penn Warren, du pavé signé Joseph Blotner consacré à l’intéressé et paru l’an passé chez Séguier. Voilà t’y pas que Juan Asensio, blogueur littéraire chez lequel j’ai pioché plus d’une idée de lecture en dépit de son goût affirmé — et partagé avec François Mitterrand ou Matthieu Galey — pour les écrivains hexagonaux qui choisirent la mauvaise équipe en 1940, y trouve un prétexte pour répondre à d’anciennes attaques de Caron à son endroit. Ça donne un texte aussi long que fielleux dans lequel est notamment brocardée sa « non-préface ressemblant à une bassine qu’un ragondin dédaignerait de souiller si on lui avait fait boire un tonneau rempli de macrogols » de la traduction de Blotner. J’ai ri.
On rigole, mais l’important reste de lire la biographie en question.
  • Star incontestée des bibliothèques de maisons de vacances pour ses cycles romanesques consacrés à l’Égypte antique, Christian Jacq a confié au Figaro « penser en hiéroglyphes ». Après quoi on se demande si Bernard Werber pense en pattes de mouche. Vous l’avez ? Je suis fatigué.
  • La loi de libéralisation massive de l’économie promise par le nouveau président argentin Javier Milei prévoit l’abolition du prix unique du livre en vigueur depuis plus de 20 ans. Quand l’essentiel des librairies locales auront fermé et que les survivantes feront exploser leurs prix, on saura pourquoi s’accrocher à la loi de 1981. Et désolé pour les Argentins.
  • Intitulé Madly, deeply en version originale, le journal d’Alan Rickman est sorti chez Hachette Heroes. Peu d’acteurs se livrant à l’exercice me passionneraient, j’en suis certain, mais dans le cas d’Hans Gruber je serais bien foutu de laisser le livre en question griller ses 270 concurrents dans ma pile à lire. Il est rigoureusement impossible que le monsieur ne soit pas intéressant.
  • C’est officiel : pour la 50e édition du Prix du Livre Inter, Isabelle Huppert en présidera le jury. Si amusante que soit la perspective de voir Emma Bovary exercer une telle responsabilité, pour la poilade on aurait quand même préféré Sylvain Tesson.

Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /

  • Parlons cinéma, parlons choc des cultures, et des méthodes. Cette semaine, le magazine Teknikart s’est fendu d’un long papier sur le cauchemar américain de Thomas Bidegain, scénariste brillant (notamment pour Jacques Audiard) et réalisateur doué (Les cowboys). Car avant de devenir un bitchage de couple à ciel ouvert et en nature sauvage avec Gilles Lellouche et Mélanie Laurent, le très français Soudain Seuls devait être le premier film US de Bidegain, avec Jake Gyllenhaal et Vanessa Kirby. Comme souvent chez les cainris, tout se passe bien avant que ça commence. Le film se monte pendant le Covid, l’acteur se monte tout en dythyrambes pour le projet (au point de passer producteur), Alain Attal et Bidegain dégagent 26 millions d’euros… Pour rien. Gyllenhaal débarque sur le plateau pour les repets avec un dialoguiste, n’est d’accord sur rien, parle d’amour de la nature, fond en larmes en écoutant un discours de Greta Thunberg devant toute l’équipe, fait trempette dans l’eau glacée des côtes islandaises pour se rapprocher de Gaia…
Suddenly last winter.
  • Bref, le spectacle son et lumière d’un burn-out à l’hollywoodienne en grande pompe. Moins loufoque mais pas plus accommodante, Vanessa Kirby achève d’épuiser la bonne volonté du Frenchie, qui passe une semaine à essayer de faire rentrer les ronds dans les carrés avant de dire adios. Il reprend pied quelques temps plus tard, revient avec le film sorti dans nos salles en novembre dernier, et sort les squelettes du placard de son expérience US dans cet article qui fait le tour du monde et d’internet dans toutes les langues. En quelques jours, Gyllenhaal passe du statut de star in et cool qui défend le cinéma au cinéma contre les GAFA (voir Punchlines de la semaine passée) à cry baby green washé en descente de Valium, façon Ron Burgundy qui découvre Sea Sheperd. Ça la fout mal, et Bidegain fait marche arrière dans les colonnes de Variety : on parle plutôt de « désaccords artistiques » et de façon de faire des films qui diverge des deux côtés de l’Atlantique. M’est avis qu’il y en a un qui a du se prendre un suppositoire auditif par agent interposé. Quoi qu’il en soit, et même si le portrait du nervous breakdown bigger than life de Jake est trop énorme pour ne pas être au moins un peu vrai, on se permettra de tirer quelques plans sur la comète.
  • C’est connu, quand ils font un film, les Ricains ne laissent RIEN passer. La plus petite fissure se transforme en faille sismique, le courant d’air le plus léger en Mistral perdant, la moindre question sans réponses en échec à l’organisation. Autrement dit, pour faire un film là bas, il vaut mieux arrivé armé. Guitarisé comme AC/DC et blindé comme une culotte de Christine Boutin bref : in-at-taqua-ble. Ce qui n’est clairement pas le cas du film sorti en salles il y a quelques mois. Soudain Seuls ne réconcilie jamais ses deux pôles antagonistes: le survival minimaliste qui confronté ses personnages à la pénurie d’essentiel, et la crise conjugale expansive qui se répand en verbiage superflu. Soudain Seuls ne résout jamais ses contradictions, pire les creuse en les avançant. Et ça, ça n’a pas du échapper à Jake la gâchette, qui reste un acteur avisé derrière la star qui murmure à l’oreille des dauphins. Tout le monde a ses raisons, comme dirait Renoir.
  • Il y a de meilleures façons de démarrer l’année : Carl Weathers nous a quittés ce vendredi, à l’âge honorable de 76 ans. On appelle ça un deuil intergénérationnel : qu’il s’agisse évidement d’Apollo Creed dans les Rocky, Dillon « sale enfant de putain » dans Predator ou Chubbs Peterson dans Happy Gilmore (pour les gourmet les plus fins), ce sont des spectateurs de tout âge qui se retrouvent orphelin de l’un de leur héros de grand écran. La filmographie de Carl Weathers n’est pourtant pas des plus conséquentes. Et en dépit de ses efforts, il n’a jamais réussi à s’imposer en leading role : le bide d’Action Jackson en 1988 mit immédiatement un terme à ses ambitions de tête de liste. Pourtant, il en fallait du talent, et de la présence pas que physique, pour occuper dans l’inconscient populaire la place qui était toujours la sienne. Un bon second rôle, c’est l’équivalent d’un gatekeeper valeureux en boxe : un roi sans couronne par lequel il faut passer pour arracher le trône. Il faut relever le défi, sortir le soit même face au bestiau qui était en face pour gagner sa place. Sylvester Stallone n’a pas dit autre chose dans l’hommage qu’il lui a rendu à l’acteur : si Rocky Balboa est devenu ce qu’il est aujourd’hui, c’est aussi grâce à lui. Pourtant, même s’il existait dans les galaxies d’autres astres, Carl Weathers a eu le temps d’écrire sa propre histoire dans le cœur des spectateurs. Les étoiles ne meurent jamais, leur lumière continuent de briller depuis les profondeurs de l’espace-temps. So long.
« There is no tomorrow. You’re gonna have to go through hell. Worse than any nightmare that you’ve ever dreamed. But in the end, you know you’ll be the one standing. »

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /

  • Cette semaine, le champion WBC des poids légers Shakur Stevenson, âgé de 26 ans, a brutalement annoncé sa retraite. En cause, la décision de son promoteur Top Rank d’opposer le champion WBO des super plume Emanuel Navarrete à Denys Barinchyk plutôt qu’à lui, titre WBO vacant des moins de 135 livres à la clé. Stevenson est très fâché. Le public, lui, n’aime pas beaucoup sa propension à ne pas en foutre une rame sur le ring, lui qui gaza le le terrier 12 rounds durant en novembre dernier contre Edwin De Los Santos au lieu d’engager franchement les hostilités. « Tu fais d’abord ton métier comme il faut, puis tu te permets » est-on tenté de lui suggérer. Teofimo Lopez nous a fait la même le 10 juin dernier, après son succès sur Josh Taylor. Lui est carrément borderline quand Stevenson a tout de l’enfant gâté. La boxe est un cirque.
  • Pour le retour du grand show PBC d’Al Haymon sur les écrans, ceux d’Amazon Prime après Showtime, nous voilà gratifiés d’une étrange tête d’affiche pour le 30 mars prochain : Tim Tszyu, qui veut devenir le nouveau sheriff des moins de 154 livres, affrontera un poids welter ouvertement préretraité en la personne de Keith Thurman. Après avoir tiré toutes ses cartouches en 2023 pour convaincre TV Bezos, Davis-Garcia, Spence-Crawford ou Canelo-Charlo, Haymon nous vend du frelaté en pay-per-view, l’illégitime demeuré Rolly Romero en prime pour le co-main event histoire d’ambiancer les conférences de presse. Face à lui, pour une ceinture WBA régulière des 140 livres en rotin tressé, un Isaac Cruz qui débute dans la catégorie. La boxe est un cirque.
Ça va finir par se voir, Tonton Al. Ça va finir par se voir.
  • Alors que la planète boxe se surprenait à sentir monter la hype pour le 17 février prochain, impatiente de voir se concrétiser enfin l’impossible unification des 4 ceintures majeures des lourds, Tyson Fury a annoncé s’être coupé à l’entraînement et révèle une blessure rappelant beaucoup celle subie contre Otto Wallin. Son superfight contre Olexandr Usyk est remis au 18 mai à Riyad, et preuve de la fameuse gueulante qu’a dû pousser le ministre saoudien Turki Al-Sheikh, nouvel argentier de la catégorie reine, les deux protagonistes accepteront une pénalité de 10 millions en cas de nouveau sketch. Les rumeurs vont bon train sur le réel état de forme du « Gipsy King », 3 mois après sa performance historiquement pathétique contre Francis Ngannou, et le surentraînement qu’il souhaiterait provoquer chez Usyk en décalant le combat à grand renfort de maquillage. Lui se disait bien sûr dans la forme de sa vie. La boxe est un cirque.
  • On a parlé de Teofimo Lopez, champion WBO des super légers. Alors que la catégorie déborde de talents, Devin Haney et Subriel Matias en tête, mais aussi Richardson Hitchins, Arnold Barboza, Liam Paro ou le vétéran José Carlos Ramirez, « The Takeover » cuisinera jeudi prochain à Las Vegas les restes de son rival Vasyl Lomachenko chez les légers en la personne de Jamaine Ortiz. Comme son surnom l’indique, « The Technician » est un boxeur très capable, il avait donné du fil à retordre à l’Ukrainien en octobre 2022, mais enfin ses références à moins de 140 livres sont minces et son punch était déjà mollasson à l’étage du dessous. Alors oui, l’intérêt de voir boxer une tête brûlée comme Lopez est qu’il peut briller de mille feux comme se rendre le combat compliqué tout seul, tel un grand garçon, son attitude d’avant-combat n’incitant d’ailleurs pas à l’optimisme, toutefois on espérait mieux d’un des combattants les plus doués de sa génération. La boxe est un cirque.
  • Pour concurrencer la soirée londonienne de son rival Ben Shalom, Eddie Hearn allé jusqu’à programmer sa réunion de Las Vegas hier à l’heure du brunch. Par la grâce de mes abonnements (et mon incompréhension totale du streaming illégal), j’ai donc loupé le très bon Joshua Buatsi vs Dan Azeez tout en m’infligeant le très dispensable Conor Benn vs Peter Dobson. Le fils du glorieux « Dark Destroyer » Nigel Benn boxe comme il twitte, tel un caïd de cour d’école, soignant son attitude de prédateur et visiblement peu habitué à ce qu’on ose lui rendre les coups. Il est heureux pour lui que l’intermittent Dobson ait du jus de chique dans les bras, vu qu’il mettait dans le mille à chaque fois fois qu’il lançait sa droite. À propos, Conor Benn, réputé puncheur à 147 livres, n’a pas fait beaucoup de dégâts en dépit du nombre de coups portés. Sa puissance en super welters est en question suite à cette laborieuse victoire aux points, et les esprits mal tournés l’auront trouvé étrangement moins efficace depuis son contrôle positif de l’an passé au clomifène pour lequel il avait incriminé des oeufs… le bougre avait pourtant déclaré vouloir en finir en moins d’un round. De ce qu’on a vu hier, Benn se fera mettre en pièces par le premier vrai méchant qu’il croisera dans la catégorie et Chris Eubank Jr le fumerait au bois de hêtre. Ce dernier fait partie des prochains adversaires que Benn a réclamé à Hearn sur X. Vu la tête du promoteur en conférence de presse d’après-combat, on l’imagine disposé à vite le jeter sous un bus. La boxe est un cirque.
  • Kazuki Anagushi avait été placé en coma artificiel depuis son opération du 26 décembre dernier visant à résorber l’hématome sous-dural dont il souffrait suite à sa défaite par décision en championnat du Japon des moins de 118 livres face à Seiya Tsutsumi. Un combat sublime, doublé d’un dilemme moral délicat pour l’arbitre et les hommes de coin qui le renvoyèrent quatre fois au combat après autant de visites du tapis. Il menait aux points jusqu’à l’avant-dernier round, on était en parfaite zone de gris moyen, loin des flagrants délits d’incompétence crasse qui font hurler les spectateurs dotés d’une conscience. Reste que le gamin de 23 ans est mort vendredi dernier. La boxe est un cirque, qui peut tuer.
Kazuki Anaguchi, 2000-2024.

Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /

  • Parlons MMA, parlons de Dustin Poirier, qui nous a causé une petite descente d’organes en rappel en annonçant l’annulation de son combat contre Benoit Saint-Denis sur les réseaux, avant de revenir dessus quelques heures plus tard. Il se murmure que « The Diamond » aurait fait pression sur l’UFC pour négocier chèrement à la hausse la guerre de plus qu’il se prépare à livrer contre le Français, en espérant que ce ne soit pas celle de trop À 35 ans, Poirier sort d’un KO contre Justin Gaethje, et sait qu’il ne combattra probablement plus jamais pour le titre. Il a tout fait, sauf accrocher la ceinture à sa taille, et notamment des duels nucléaires inscrits dans la légende de l’octogone ( Gaethje I, Eddie Alvarez I et II, Dan Hooker…). Aujourd’hui homme d’affaires prospère, le tombeur de Conor McGregor n’a aucun intérêt à faire le gatekeeper pour payer les factures. Son combat contre Saint-Denis, aberration managériale sur le papier, a les allures du tout ou rien : ou il gagne et se relance encore une fois contre le cauchemar de la catégorie, ou il perd et quitte la scène dans un déluge d’Apocalypse comme il en a le secret. On a beaucoup dit à Poirier d’arriver prêt comme jamais pour affronter BSD. L’inverse est tout aussi vrai.
« Faudrait voir à pas me prendre pour une pomme. »

Laisser un commentaire