Punchlines du 30 juillet 2023

Le site (Antoine) /

  • C’est les vacances. La rédaction annonce une succession de tentatives de noyade dans du rosé des côteaux varois pour une durée indéterminée. Disons au moins d’ici la mi-août, si elle survit.
Règle n°1 : en choisir beaucoup.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /

  • Ils avaient à grand-peine survécu au Covid et voici que les Jeux Olympiques de 2024 pourraient bien les finir à coups de talon : les bouquinistes des quais de Seine devraient être priés par la préfecture de Paris de débarrasser les parapets, histoire de ne pas boucher la vue des heureux détenteurs de billets hors prix pour la cérémonie d’ouverture. Pertes sèches et dégâts irréversibles aux coffres verts ainsi déboulonnés sont annoncés. So romantic.
Au moins, s’ils vendaient des trucs utiles comme des hand spinners ou des perches à selfies, je dis pas.
  • Guillaume l’évoque beaucoup dans le domaine du cinéma : le développement des intelligences artificielles est aussi contesté outre-Atlantique dans le domaine de la littérature. Il s’agit en particulier des IA génératives auxquelles leurs concepteurs ont appris à digérer des quantités de textes pharaoniques en vue de savoir en rédiger de nouveaux « à la manière de ». Si cinq auteurs ont déposé des plaintes visant les entreprises en question, il s’agit probablement d’une avant-garde : 10000 acteurs des professions de l’écrit ont d’ores et déjà réclamé qu’un accord explicite des auteurs soit nécessaire pour que leurs textes soient ainsi utilisés, mais aussi le fait d’être crédités et rémunérés pour l’entrainement des IA ou toute requête d’écriture « à la manière de ». Selon l’Authors Guild, qui a publié une lettre ouverte aux leaders de l’intelligence artificielle, les revenus des auteurs de l’écrit ont baissé de 40% lors de la dernière décennie aux États-Unis, et l’on imagine mal la tendance ne pas s’accentuer. Côté Union Européenne, un « AI Act » est en cours de négociation. Il se limiterait à la transparence sur les données d’entraînement et l’affichage de l’origine générée ou originale des contenus. Pas question pour le moment de rémunérer les auteurs régurgités. Bref : avant de manger les petits enfants, tout porte à croire que Skynet aura consciencieusement broyé les écrivains.
  • D’après le classement hebdomadaire des meilleures ventes GFK/Livres Hebdo, les cahiers de vacances reculent au profit des éditions de poche de Virginie Grimaldi, Fred Vargas ou Melissa Da Costa. Tout rentre dans l’ordre. On respire. À noter « l’effet nécro » dopant la version Folio de L’insoutenable légèreté de l’être, actuel 31eme du classement. 34 ans plus tard, il est grand temps que la France apprenne la mort de Robert Penn Warren.
  • Le Syndicat National de l’Édition (SNE) est à la manœuvre pour instaurer l’outil interprofessionnel « booktracking », soit un suivi en temps réel des ventes de livres de la rentrée. On saura ainsi très vite si des centaines de romans publiés atteignent ou pas les 500 ventes.
  • Affaire Bien trop petit, la suite : le SNE, toujours lui, demande le réexamen de la loi de 1949 en vertu de laquelle le Ministère de l’Intérieur avait pu procéder à l’interdiction de la vente aux mineurs du livre signé Matthieu Causse. Gardons un œil sur le dossier, des fois que la torpeur estivale accélère son oubli. Ce qui se joue ici n’est pas complètement anodin – au fait, Bien trop petit est sûrement une très bonne lecture de plage, un avis qui semble largement partagé puisque d’après Actualitté les ventes du livre ont connu 666% d’augmentation la semaine dernière…
  • Toujours dans la rubrique « censure », des nouvelles de notre futur : la Digital Public Library of America vient de lancer The Banned Book Club, une application rendant accessibles à ses utilisateurs les livres censurés dans un ou plusieurs états. L’algorithme leur propose ainsi un choix d’ebooks interdits en fonction de leur lieu de connexion. Barack Obama s’en est fait l’écho au moment de révéler sa traditionnel liste de lecture de l’été : « La tendance semble être de réduire au silence plutôt qu’affronter, contester, apprendre de ou tenter de comprendre les points de vue d’autrui. Je crois qu’il s’agit d’une profonde méprise, et qu’elle est contraire à ce qui a rendu notre pays si grand ». Je préfère ma liste à la sienne, mais l’effort de communication de l’ancien président est à saluer. Rappelons que le nombre de titres retirés des bibliothèques est passé de 1858 à 2571 entre 2021 et 2022, le Texas ayant la palme du plus grand nombre d’interdictions dans les établissement scolaires (801) devant la Floride et la Pennsylvanie. Voilà qui fait envie.

Le cinéma est mort, la preuve : il bouge encore (Guillaume) /

  • Brèves de grèves. Les choses ne s’arrangent pas à Hollywood, loin s’en faut. Les studios se préparent à une grève au long cours, et ont commencé à rayer quelques échéances de leurs agendas de sorties. Chez Sony, les films déjà tournés sont repoussés à l’année prochaine (voir Kraven le chasseur), et ceux qui ne le sont pas encore disparaissent des lines-up (la suite de Spiderman, Accross the Spiderverse). On le rappelle, les statuts de la SAG interdisent à leurs membres toutes activités liées à la production d’un film en cas de grève, y compris la promotion. Autant dire que les exploitants devraient avoir de la place pour organiser quelques rétrospectives d’ici la fin de l’année.
  • A ce rythme-là, seul Aquaman 2 pourrait maintenir sa date de sortie : promo ou pas promo, le réalisateur James Wan aurait menacé la Warner d’une action en justice si la date de sortie de son film était une nouvelle fois repoussée aux calendes grecques. Il faut dire que la suite de l’un des cartons les plus incongrus de ces dix dernières années a coché toutes les cases de la production hell. Du général – projections-tests catastrophiques, allers-retours sur le banc de montage, reshoots à foison… – au plus spécifique. Du genre Amber Heard en premier rôle féminin, après son procès contre Johnny Depp et le blacklistage planétaire qui s’en est suivit. On n’est pas là pour refaire le match, ni pour distribuer les points. Mais sur le plan de la com’, c’est compliqué pour Warner et à l’heure actuelle, on ne sait toujours pas quelle place occupera l’actrice dans un film dont on se bat quand même un peu les valseuses. 
  • Peu connu pour son intransigeance envers les collectionneurs de bouchons des réseaux sociaux, le studio, accompagné de James Gunn, nouvel homme fort du DCU, aura sans doute pris toutes les précautions qui s’imposent pour la faire passer en coup de vent au montage final. Bref, on n’a pas hâte.
  • Au rayon pas bien, les studios ne semblent pour le moment absolument pas disposés à la désescalade. Alors que l’inquiétude des acteurs et des scénaristes concernant l’IA gagne chaque un peu plus le débat publique, Disney et Netflix ont publié des annonces de recrutements pour développeurs/ingénieurs d’IA. Certes, les boulots ne concernent pas (encore ?) les départements créatifs. Mais c’est comme croiser Patrick Balkany à la fête de la musique après sa sortie de prison : on s’en fout qu’il soit libre de ses mouvements, il est censé avoir trop mal au dos pour bouger. Timing foireux donc, et un manque de pédagogie qui apporte un supplément d’eau au moulin des inquiétudes des acteurs et des scénaristes :  impossible de faire confiance à des gens qui s’en foutent autant d’avoir l’air de donner raison au pire sans essayer d’arrondir les angles. Y’a un loup.
  • Au rayon « on est encore trop loin du centre de la Terre pour s’arrêter de creuser maintenant », signalons Disney (encore), qui est en train de catalyser toute la contre-révolution anti-woke avec son adaptation live de Blanche-Neige et les Sept nains… sans nains (mais avec une troupe cosmopolite), et avec une Blanche-Neige latina. On se contrefout autant du second point que de la pigmentation de la peau de la dernière Petite Sirène : la physionomie des mythes n’a pas forcément à être figée dans le marbre. En revanche, le remplacement de personnes de petites tailles par un casting United Colors of Benetton X drapeau arc-en-ciel = gros cœur avec les mains fait franchement tiquer. D’abord parce que la justification avancée par l’actrice Rachel Zegler (en gros : « il faut moderniser l’histoire, on ne peut plus montrer ça en 2023 ») donne raison à tous ceux qui estiment qu’un tweet de Donald Trump sera toujours moins con et racoleur que la soumission de l’imaginaire qui traverse le temps au révisionnisme des mœurs du moment.
Blanche-Naige et les Sept.. euh, Huit… quoicoubeh.
  • Ensuite, parce que la photo de production ressemble à une blague de South Park où à une pub du Parti Démocrate, ce qui revient peu ou prou à la même chose. Quand on sait que le CEO de Disney Bob Iger songeait un temps à briguer l’investiture du Parti de l’âne, tout fait subitement sens dans la pyramide des neuneus. D’un côté, une politique d’actionnaire dirigée contre ces salauds d’artistes qui essaient d’arrêter le progrès de l’IA parce qu’ils ne savent pas voir plus grand que leur petites personnes. De l’autre, une putasserie sociétale pour gratter le dos de la gôche de San Francisco de l’autre. Si Bob Iger n’existait pas, une IA l’aurait sans doute déjà inventé.
  • En parlant de South Park, un épisode entièrement généré par une IA a été diffusé cette semaine… Dans ce qui ressemble à un gigantesque happening pour soutenir le combat des acteurs et des scénaristes U.S. Mais en même temps, il s’agirait également d’une sorte de programme d’entrainement visant à atteindre l’AGI, à savoir l’intelligence artificielle générale, soit une parfaite reproduction du fonctionnement cognitif humain… Bref, ça ne rassure que moyennement. En attendant, l’épisode serait particulièrement plat et peu inspiré. C’est toujours ça de pris.
  • Pour terminer sur l’AI, la parole au prophète pour remettre l’église au milieu du village. Interrogé sur le conflit qui nous occupe, James Cameron a commencé par un « Je vous l’avais dit » bien mérité, avant de souligner qu’il se souciait bien davantage- et à raison- de la course à l’IA dans le domaine militaire, qui devrait suivre la logique de l’armement nucléaire. Et remarque que pour écrire une bonne histoire, il manquera toujours le principal à une IA : « Ça ne m’intéresserait certainement pas qu’une IA écrive un scénario pour moi… à moins qu’elle ne soit vraiment douée. Attendons 20 ans, et si une IA remporte un Oscar du meilleur scénario, il faudra qu’on les prenne vraiment au sérieux. La question n’est pas de savoir qui l’a écrit, mais de savoir si c’est une bonne histoire. Un esprit désincarné qui rassemble et mélange ce que d’autres esprits désincarnés ont dit – leur vie, leur amour, leurs mensonges, leur peur, leur mortalité – pour mieux le régurgiter, je n’y crois pas. Ça ne pourra émouvoir un public. Il faut être humain pour écrire ça. »
  • Et pour conclure sur une note « Il y a du bon en ce monde, M. Frodon », signalons le don exceptionnel fait par Dwayne « The Rock » Johnson à la SAG-AFTRA. « Une somme à 7 chiffres » qui permettra de soutenir financièrement les grévistes les plus précaires, et les aider à ne pas « perdre leurs maisons » comme le souhaitait anonymement un exécutif des studios mal intentionné. Bon, en conservant un peu de cynisme, on peut se dire que la somme ne manquera pas au bas de laine de la famille Johnson pour les fêtes de Noël. Par contre le coup de com réussi par l’acteur, en disgrâce depuis quelques temps, risque de surement profiter à la promotion de ses futurs projets une fois la grève terminée (et quelle que soit l’issue). Mais en s’abandonnant à l’enthousiasme, on se prend à rêver d’un monde dans lequel toutes les grands de Hollywood mettent la main à la poche pour soutenir les petits, et où la Mecque du cinéma renouerait avec la meilleure version d’elle-même pour donner au monde une leçon de solidarité et de lutte contre le capital. Tom Cruise, tu fais quoi ?!

Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /

  • Rien de très étonnant à voir Naoya Inoue s’emparer des ceintures WBC et WBO des super coqs ce mardi aux dépens de Stephen Fulton. Classé dans le top 10 mondial de Ring Magazine depuis 6 ans, le Japonais boxait à domicile et il était donné favori par les bookmakers, bien que montant de chez les moins de 118 livres. On ne sera pas non plus tombé de sa chaise en voyant « The Monster » s’imposer avant la limite : le punch d’Inoue avait fait des ravages en poids coqs (8 succès par KO en 9 combats disputés, tous des championnats du monde) et on ne l’imaginait guère distribuer des caresses une fois lesté d’à peine 4 livres supplémentaires. Non, ce qui aura surpris et marqué les esprits fut l’autorité avec laquelle il domina l’Américain en boxe pure avant de finir le travail au 8e round pour devenir champion du monde dans une 4e catégorie de poids. Originaire de Philadelphie, réputée pour la solidité des fondamentaux de ses combattants, Fulton était largement reconnu comme le meilleur super coq du monde ; s’appuyant d’ordinaire sur un jab excellent, il pouvait aussi compter sur un net avantage d’allonge. Or dès l’entame du combat, Inoue a sidéré par son aisance à maîtriser les échanges à distance : l’incroyable tonicité de ses appuis lui permettait de jaillir sur un pas et de toucher à la tête ou au corps d’un direct du bras avant sec et précis. On eût dit, par moments, un Manny Pacquiao droitier doté d’une technique supérieure. Quatre rounds durant, Inoue domina ainsi la partie d’escrime de poings. Il lâchait de temps à autre un large crochet droit, souvent bloqué en partie par la main gauche gardée bien haute de « Cool boy Steph » mais touchant l’oreille en bout de course. Connaissant la puissance du bonhomme, ça devait picoter.
Boule de feu !
  • En retard de 4 points après autant de rounds, l’Américain n’avait plus le choix : pour échapper à une large défaite, il devait appliquer un plan B. On le vit alors s’engager davantage, une prise de risque considérable face à un frappeur du calibre d’Inoue. Ce dernier n’est pas un boxeur parfait : Fulton le cueillit une fois ou deux avec de puissantes droites d’école qui eussent assommé leur homme s’il avait eu un poil plus de punch. Las, le principal défaut de Cool Boy Steph est justement de manquer de jus dans les gants. Inoue pouvait alors dérouler ses enchaînements des deux mains et la conclusion des débats n’était plus qu’une question de temps. Elle survint quand Fulton stationna une seconde de trop a portée des enclumes adverses et qu’Inoue lui fit garder les mains basses en envoyant sa gauche au corps ; le violent cross du droit qui suivit frappa la mâchoire de plein fouet, puis un crochet gauche donné pieds décollés du sol expédia un Fulton titubant au tapis. En plus de cogner dur, Inoue sait finit le travail. Il ne dut s’appliquer qu’un instant de plus. Le désormais trentenaire a fait jusqu’à hier soir un prétendant légitime au titre honorifique de meilleur boxeur du moment et sa place au Hall of Fame est d’ores et déjà assurée. Un second sacre mondial incontesté en super coqs puis une campagne victorieuse chez les plumes pourraient le porter au sommet de la riche histoire pugilistique de son pays, dépassant sans conteste les Fighting Harada, Shinsuke Yamanaka ou Kazuto Ioka… sans même évoquer une place assurée aux côtés des plus grands de son sport. Voir boxer The Monster est un privilège.
  • Intermède entre superfights : on doit le le cocorico de la semaine à Mohamed Mimoune. Inactif depuis plus d’un an, le Toulousain restait sur deux défaites aux points passablement rageantes et se voyait opposé au prospect newyorkais invaincu Steven Galeano sur le ring floridien du Kissimmee Civic Center. Les 3 KOs enregistrés en 22 succès antérieurs par « Le Problème » Mimoune auront induit le management de Galeano en erreur s’ils cherchaient un combat sans risque, car le gaucher français sait faire mal lorsqu’il pose ses appuis – une tactique inhabituelle de sa part mais ô combien efficace mercredi soir. C’est lui qui prit le centre du ring d’entrée et il n’éprouva guère de difficultés à encaisser, mains bien hautes, les répliques sporadiques de l’Américain alors qu’il lui coupait la route et plaçait des combinaisons pleines de venin. Mimoune inscrivit un premier knockdown au 5e round avant de finir posément dans la reprise suivante. Présent dans son coin aux côtés de Sofiane Oumiha, son promoteur Roy Jones Jr avait toutes les raisons d’être satisfait. À 35 ans, Le Problème peut rêver d’un ou deux jolis chèques et peut-être de mieux. En tête d’affiche, le duel Puerto Rico vs Mexico opposant Orlando Gonzalez à Ramiro Cesena, remporté aux points par le Portoricain Gonzalez, tint toutes ses promesses.
  • Il fallait à Terence « Bud » Crawford une performance hors norme face à Errol Spence Jr. pour ravir à Naoya Inoue la couronne de numéro un toutes catégories confondues dans la foulée de sa démonstration face à Fulton, et force est de reconnaître que ce fut précisément le cas ce samedi soir à la T-Mobile Arena de Las Vegas. Hors norme, parce que le désormais champion incontesté des welters n’a jamais semblé aussi affûté et performant qu’à 35 ans, la preuve étant qu’il s’est cette fois ajusté à un adversaire d’élite en un claquement de doigts. On se rappelle le Bud disséquant soigneusement le style des Yuriorkis Gamboa et Shawn Porter, voire secoué d’entrée par ses deux meilleurs adversaires à date, avant de caler la réplique adéquate ; hier soir, régler sa mire lui prit à peine un round. Une gauche plongeante trouva la cible d’entrée alors que Spence cherchait en tâtonnant le défaut dans la cuirasse : la différence de vitesse et de précision était avérée. « The Truth » avait peut-être gagné la reprise initiale mais déjà livré assez d’informations à son adversaire pour la suite. Son jab, habituelle rampe de lancement d’un travail soutenu à mi-distance, manquait de tranchant en comparaison, et c’est un bras avant de Crawford qui l’envoya une première fois au tapis dès le 2e round. Le vainqueur du soir confia après coup avoir travaillé spécifiquement la puissance de ce direct du droit pour arrêter Spence dans les starting-blocks. Dire que la tactique fonctionna est un euphémisme. Surclassé round après round lorsqu’il travaillait en directs et incapable de gagner le respect adverse chaque fois qu’il atteignait sa cible, blessé très vite à l’œil gauche, le triple champion WBC-WBA-IBF eut l’autre mauvaise surprise d’être rudement accueilli en cassant la distance. De près, Crawford fit admirer ses gauches au corps et ses contres en crochet droit. Ce furent d’ailleurs un uppercut et un crochet du bras avant qui lui permirent de signer deux knockdowns au 7e round. Si Spence ne renonça pas dans la reprise suivante, son sort était réglé face à un finisseur de la trempe de Crawford, et l’arrêt de l’arbitre survint presque trop tard juste avant les championship rounds.
Punition au sommet.
  • En survolant de la sorte un duel opposant les deux meilleurs poids welters de la planète, Crawford a levé toutes les interrogations sur son statut et c’est désormais sa version des faits qui fera l’Histoire officielle : celle de l’outsider redouté venu d’un coin paumé, trop longtemps victime du boxing business, qui prouva définitivement sa valeur au monde entier à la première opportunité de superfight. Gamboa était trop petit à 135 livres, Julius Idongo et Viktor Postol trop tendres à 140 ? Comme d’autres, au-delà des polémiques stériles entre PBC et Top Rank, je trouvais ces doutes-là raisonnables… puis Bud a tout simplement démoli Errol Spence chez les welters. Il appartient maintenant à ce dernier d’activer la clause de revanche prévue au contrat, qu’elle ait lieu à 147 ou 154 livres. De ce que l’on a vu hier soir, cependant, il dispose de bien peu d’avantages concurrentiels sur lesquels travailler pour espérer changer quoi que ce soit au résultat. À 33 ans et cumulant une rouste aussi mémorable avec le KO subi au volant de sa Ferrari en 2019, il serait presque raisonnable de le voir raccrocher les gants. Un délai de réflexion s’impose quoi qu’il en soit. Côté Crawford, alors que le patron des super welters Jermell Charlo va défier Canelo Alvarez deux catégories plus haut, l’avenir passera peut-être par des défenses de son second titre incontesté remporté en carrière (une première depuis la création de la WBO) face à la jeune génération des Jaron Ennis, Eimantas Stanionis ou Virgil Ortiz Jr… à moins qu’il nous surprenne encore à l’étage supérieur. Quoi qu’il décide, en l’an de grâce 2023, la couronne de roi pound for pound lui appartient. Le duel à distance qu’il livrera à Naoya Inoue pour la conserver fait saliver d’avance. Il est des semaines où ce qui reste de la boxe anglaise a tout de même une certaine gueule.
  • Séquence « Guillaume passe une tête » : une fois n’est pas coutume, le spectacle pugilistique a donc clairement penché du côté du noble Art ce week-end, avec le sommet Erroll Spence jr- Terrence Crawford.  Soyons clair : même le crawfordien absolument subjectif que je suis n’avait pas prévu une telle domination du natif et résident d’Omaha. Mais au fond – et c’est oh combien facile à écrire après coup – le résultat n’a rien de si surprenant, si l’on considère que le boxeur qui ne s’adapte pas est tombé contre le boxeur qui n’est qu’adaptation. De fait, on se demandait comment, en bon dictateur du ring, Spence réagirait s’il ne pouvait pas imposer son timing à Crawford. La réponse est tombée dès le deuxième round. En moins de temps qu’il n’en a fallu pour Spence de mettre un genou à terre (déséquilibré, certes), Crawford avait scanné le code barre le Texan et piraté l’intégralité de sa base de données. Bud mettait systématiquement en échec les tentatives de pressing de son adversaire dont le visage avait changé de couleur dès la cinquième reprise. Bien sûr, l’accident de voiture subi par Errol Spence et la reconstitution faciale qui s’en est suivit a sans doute influé sur la sensibilité de ses tissus aux coups. Mais, et il faut rendre à César ce qui lui appartient, il ne combattait pas comme un combattant fuyant la confrontation, loin s’en faut. Une seule vitesse, marche avant toute. Avec une zénitude de samouraï et une précision de sniper d’élite (185 coups portés sur 369 portés !), Crawford a laissé venir le Blietzkrieg à lui pour le détruire méthodiquement et pièce par pièce. Le style implacable de Spence jr devint ainsi le piège tendu par Bud, dans lequel il n’a pas su arrêter de s’engouffrer. Ça devait être une confrontation légendaire, ça a tourné à la démonstration d’une Légende. Même pas un début de débat : il y a aujourd’hui dans la boxe anglaise une République autonome du Crawfordistan. Et même à 35 ans, la forteresse n’a pas l’air prête à laisser un pouce de terrain.

Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /

  • Parlons MMA, parlons… pétard mouillé. En l’occurrence, la carte de l’UFC 291 donnait plus d’une raison de sortir la combinaison antiradiation.  Que des guerres nucléaires en perspective, entre des gros cogneurs qui ne savent pas dire non à une bonne guerre comme votre serviteur ne sais pas refuser le verre de trop. Et puis… En fait, non.
  • Tant mieux, en un sens. Un slugfest profite toujours au spectateur mais se fait systématiquement au détriment des combattants, susceptibles d’y laisser les points de vie qui permettent à chacun de vieillir en se souvenant du prénom de ses petits-enfants. On n’en voudra donc pas à Jan Blachowicz de ne pas avoir essayé de faire du ping-pong debout avec la puissance de feu du brésilien Alex Pereira. Mais la tentative de takedown entreprise par le Polonais dès les premières minutes a autant révélé les faiblesses de « Poatan » en grappling que celles de Blacho, que l’on a connu plus inspiré pour amener son adversaire au sol. Pour le reste, Pereira s’est fait plaisir, notamment en aspergeant la jambe d’un « Polish Power » asphyxié par l’effort et l’altitude de Salt Lake City de ses fameux calf-kicks, qui testeraient la résistance à la douleur du T-800. Pour le reste, un combat ni très emballant ni très engagé, et une décision unanime discutable en faveur du brésilien, qui fait pour l’instant un boogeyman beaucoup moins effrayant chez les lourds-légers que chez les moyens.
  • De même, on ne reprochera pas à Justin Gaethje d’avoir écourté en début de 2nd round le bain de sang annoncé. Le natif d’Arizona éteint Dustin Poirier avec un enchainement voisin à celui qui a coûté à son partenaire d’entrainement Kamaru Usman la perte de sa ceinture de champions des welters en novembre 2021. On reconnait la patte du coach Trevor Wittman dans la tactique comme dans l’exécution :  Gaethje tente le coup la première fois lors des premières minutes du combat, puis attend le début du deuxième pour le repasser avec la réaction de Poirier enregistrée. Manifestement, l’enjeu de la Bad MotherFucker Belt n’a pas constitué une raison suffisante pour que Gaethje refasse du lui-même et parte dans un brawl qui fasse sourire les gens mais beaucoup moins son entraineur. Le combat le plus violent de la soirée s’est donc arrêté avant d’avoir eu le temps de commencer. Et c’est finalement mieux comme ça.
Badly motherfucked.
  • Pour le reste vu, Derrick Lewis a fait ce qu’il avait à faire pour sortir du couloir de la défaite : charger son adversaire comme un bélier, le cogner avec ses poings de tractopelle, et célébrer la victoire en faisant ou en disant n’importe quoi ,pourvu que ça marque. Mission accomplie : the « Black Beast » saute en coup de genou sur Marcos Rogério de Lima façon Jorge Masvidal, lequel s’écroule avant de se faire matraquer d’obus provoquant l’intervention de l’arbitre. Victoire expéditive de Lewis donc, qui en a retiré son short pour fêter la chose en caleçon dans l’octogone. Pourquoi ? Parce que pourquoi pas.
  • Ah oui, et Tony Fergusson continue son agonie en se faisant soumettre par Bobby Green pour la première fois de sa carrière. Et comme on a pas spécialement envie de voir ça, c’est tout ce qu’on pourra en dire.

Un commentaire sur “Punchlines du 30 juillet 2023

  1. J’étais ébahi par la facilité avec laquelle Crawford a disposé de Spence, me concernant le constat est clair: retraite pour le cadet qui me semble passablement diminué. En ce qui concerne la question du p4p je reste mitigé. Si la performance de Crawford tend à lui conférer ce statut, son inactivité relativement à Inoue me dérange quand ce dernier s’est, à mon sens, plus foulé ces dernières années.

    Papier très agréable à lire au demeurant.

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