Le site (Antoine) /
- Le sujet n’est pas tant de savoir quand paraîtra enfin un nouveau papier qui ne soit pas des Punchlines hebdomadaires que de déterminer quand débutera la trêve estivale de ces dernières. Pour l’instant la rédaction en garde sous le pied ; la formule relève de l’euphémisme lorsque l’on considère la rubrique cinéma de la présente édition, et nous vous souhaitons bon courage pour trouver plus informatif ailleurs sur la situation chaotique d’aujourd’hui à Hollywood.

Il est temps de rallumer la littérature (Antoine) /
- Milan Kundera est mort mardi dernier à 94 ans, petit ange parti trop… petit ange parti. Le romancier franco-tchèque ne s’exprimait plus publiquement depuis un fameux bail. Il avait cependant fait l’actualité en mars dernier, comme évoqué à l’époque dans les Punchlines, avec l’ouverture d’une bibliothèque constituée sur son fonds personnel dans la ville de Brno où il naquit en 1929. La mode Kundera a correspondu avec l’éveil de la génération X aux lectures des adultes ; je me rappelle avoir lu L’insoutenable légèreté de l’être après l’avoir chipé dans la chambre de mes parents. Je peux avouer pas mal d’années plus tard avoir été surtout marqué par l’introduction sur la pesanteur et la grâce, puis, au-delà des considérations plus profondes de l’auteur, par le fait que même un loser comme Franz ait eu une sexualité raisonnablement épanouie ; il ne me semblait pas être un Tomas et le spectre d’un avenir pauvre en bête à deux dos m’oppressait un chouïa. Du même auteur, j’ai lu un ou deux autres classiques sans devenir un authentique fan pour autant. Si j’ai aimé Risibles amours, lu sur le tard, il me semble que j’apprécie l’idée de Kundera plus encore que son œuvre, le principe d’un romancier qui avait choisi la France et s’échinait à renvoyer à ses textes plutôt qu’à se répandre en discours sur ce qu’il fallait penser ou pas. Quel sens ont les polémiques du moment sur ses mérites prétendument supérieurs à ceux d’Annie Ernaux dans la course au Nobel de littérature, sinon de bien refléter une époque où il importe de se clasher sur tout et n’importe quoi ? Je m’en fous, de toute manière je l’aurais donné à Philip Roth ou Cormac McCarthy avant Kundera. C’était notre rubrique « Putain de nécro, bon sang ».

- En parlant de McCarthy, je m’aperçois que son décès est survenu en pleine trêve dite du Hellfest et qu’il n’en fut donc pas question dans les Punchlines. Histoire d’en conserver une trace sur ce blog, voici le petit post dont je m’étais fendu pour l’occasion sur les réseaux sociaux :
Je dois à La route de Cormac McCarthy mon premier passage au courrier des lecteurs du Masque et la Plume. Pendant quantité d’émissions mensuelles consacrées à la littérature, Jérôme Garcin avait poursuivi à l’antenne le feuilleton ininterrompu des réactions de lecteurs bouleversés. Il me semble qu’il retint ma lettre parce que j’y précisais avoir été incapable de toucher à tout autre livre que le Guide Hachette des vins pendant les 6 mois ayant suivi ma lecture. Dans le studio, on rigola. Si l’effet était voulu, l’anecdote n’était pas moins vraie.
Je ne me répandrai pas en paragraphes extatiques sur McCarthy ; d’autres le feront mieux que moi et puis je dois admettre n’avoir jamais lu quantité de ses romans. Pour dire ce à quoi j’associe ce monsieur, il me suffit d’évoquer une unique impression tirée de cette Route, la plus extraordinaire de ma vie de lecteur : au détour d’un passage presque anodin du roman où « l’homme » lave « le petit » en le frictionnant avec de la neige, il m’a semblé éprouver d’un coup tout ce que signifie la paternité. Ça m’est tombé dessus comme jamais dans un bouquin – ou plus largement dans ma vie de trentenaire de l’époque.
À presque cinquante ans ce souvenir-là demeure tout à fait intact ; il est ma boussole lorsque je tente de me figurer les instincts et préoccupations qui structurent l’existence des parents que je côtoie. Ce qu’ils vivent, eux, et pas moi. On galvaude ce qu’est le supposé pouvoir de la littérature. Qu’elle puisse procurer plaisir et distraction est déjà noble, et bien suffisant pour y consacrer un temps certain. Plus rarement, elle élève, et c’est une gratification sans beaucoup d’équivalents. Et puis une poignée d’auteurs, quand ils vous parlent, donnent l’impression que les virtuoses autour d’eux, si talentueux soient-ils, ne faisaient que bavarder avec vous. McCarthy était de ceux-là.
- Il est dit qu’on peine de plus en plus à intéresser nos chères têtes blondes à la lecture alors que le dernier classement hebdomadaire GFK/Livres Hebdo des meilleures ventes de livres les concerne au premier chef : en tête, un manga, le volume 36 de My hero academia de Kohei Horikoshi et Ki-hoon, suivi par pas moins de 5 cahiers de vacances Passeport édités par Hachette couvrant toutes les étapes du CP à la 6eme. Je suis formel : dans les années 80, je réclamai chaque été à ma mère l’un de ces cahiers sans jamais en avoir fini aucun, et c’était au temps où l’ennui infantile n’avait pas encore été éradiqué par les écrans. Après quoi il faut saluer le savoir-faire séculaire des éditeurs français. C’est la dèche, soit, mais ils conservent de fameux atouts pour y survivre.
- JC Lattès le premier, qui vient d’annoncer la publication prévue pour le 24 octobre prochain de l’autobiographie de Britney Spears intitulée La femme en moi. Il s’agira d’une sortie mondiale. « Avec esprit, humour et sans fard, Britney Spears met en lumière dans ses mémoires le pouvoir indéfectible de la musique et de l’amour, ainsi que l’importance, pour une femme, de se réapproprier son histoire, et de la raconter avec ses propres mots, enfin. »
- Et voilà : on tente de rigoler malgré tout et Jane Birkin nous quitte à son tour. Sa place légitime serait dans une rubrique « chanson » ; à défaut, dans celle qui parle de cinéma. Cela dit le site Actualitté rappelle opportunément les liens de la Londonienne de naissance avec la littérature dans un papier où il est question de son journal et d’un roman publiés chez Fayard et Albin Michel. J’en parle ici, donc, même si je n’ai jamais croisé la disparue qu’à l’entrée d’un restaurant et pas à celle d’une librairie.
- Tiens, à propos de librairie, le feuilleton sur la reprise de L’écume des pages se poursuit. Le personnel de l’établissement, une vingtaine de libraires représentant quinze équivalents temps plein, a publié cette semaine un communiqué prenant acte des inquiétudes suscitées par le projet de Vivendi tout en assurant que leur façon d’exercer leur métier demeurerait inchangée. On apprit au même moment que d’autres repreneurs potentiels, sollicités par la direction de la librairie et constitués en un groupe dirigé par le dénommé David Frèche, étaient en négociation avec son actuel propriétaire. Directeur général d’une chaîne de magasins de vêtements, Frèche avait déjà lancé en 2021 le Prix Méduse et organisé un espace dédié aux livres dans sa boutique de Saint-Tropez (notons que la ville de Brigitte Bardot, Jean Roch et le Gendarme était jusque-là dépourvue d’une librairie). Son offre serait inférieure de 500000 euros à celle de Yannick Bolloré. L’Empire contre-attaque ou Sapés comme jamais : le suspense est à son comble.
Le cinéma est mort , la preuve : il bouge encore (Guillaume) /
- Parlons cinéma, reparlons IA. Oui encore, mais l’actualité justifie le rebond. Car il y a une chose que les studios hollywoodiens redoutaient encore plus qu’un été de blockbusters « too big to fail » qui se vautrent les uns après les autres au box-office. C’était que le syndicat SAG-AFTRA représentant les acteurs américains rejoigne celui des scénaristes sur le plan de la dissidence gréviste. Et c’est exactement ce qui s’est passé. Après des semaines de pourparlers infructueux avec l’AMTPT (le syndicat représentant les studios), le comité de négociations a voté à l’unanimité ce mercredi 12 juillet de l’an de grâce 2023. La stratégie des studios de jouer l’usure en laissant mourir la grève des scénaristes tout en temporisant avec les acteurs n’aura donc pas dissous l’unité du mouvement, bien au contraire. Les premiers effets n’ont pas tardé à se faire ressentir : après avoir flatté le tapis rouge déployé en l’honneur de son avant-première londonienne jeudi, le casting d’Oppenheimer de Christopher Nolan a plié bagage avant de présenter le film aux spectateurs.

- Pourquoi ? Parce que les statuts de la SAG prévoient la suspension de toute activité liée à la conception ou la promotion d’un long métrage en cas de déclenchement d’un mouvement social. Autrement dit, vous pouvez éteindre les lumières et appeler votre fournisseur pour mettre le compteur Linky à l’arrêt : y’a plus rien. Plus de son, plus d’image, zéro, nada, que tchi, wallouh. Dans une société aussi procédurière que les États-Unis, même la taille du poil de cul fait l’objet d’un petit paragraphe. Si Dwayne Johnson utilise Instagram pour parler d’autres choses que de la congestion de ses fibres musculaires, soyez sûrs que la taille de ses jambons ne le préservera pas d’une soufflante syndicale façon réacteur de Boeing. Pour ne pas faire les choses pour rien, il ne faut pas les faire à moitié : on a suffisamment d’occasions de reprocher aux Ricains leurs sens de l’exagération pour ne pas en reconnaitre les vertus le moment venu. Car concrètement, et même si l’ampleur des conséquences sera forcément exponentielle avec la durée effective du mouvement, les studios ont déjà des raisons à court terme de faire des stocks de crème anti-hémorroïdes.
- Déjà, plus de promo. Donc aucun acteur et aucune actrice ni sur un plateau télé, ni sur les réseaux pour vendre les films déjà emballés et en attente de sortie. Dans l’immédiat, y a pas péril en la demeure. Le dernier Mission : Impossible est sorti ce mercredi, Barbie et Oppenheimer débarquent la semaine suivante, et à ce stade les dés de la com sont jetés, et l’été U.S sera déjà en mesure de clôturer les comptes. Les semaines suivantes seront rythmées par la sortie de films aux enjeux industriels moindres (Gran Turismo, Le Manoir Hanté, The Equalizer 3), qui ne sauveront ni ne couleront le bilan des majors. Pour la suite, ça se corse : la fin d’année va arriver très vite, et avec elle son cortège de grosses sorties (à la louche : Kraven, Dune 2, Aquaman 2, ou même Killers of the Flower moon, le prochain Scorsese etc.) qui risquent de se retrouver sans accompagnement. La stratégie des studios hollywoodiens consistant à monopoliser le calendrier des exploitants pourrait donc bien se retourner contre eux. Surtout après une saison estivale désastreuse qui va coûter cher en agios pour certaines des maisons mères emblématiques de l’usine à rêves (Disney et Warner, notamment).
- Ensuite, on arrive au point le plus critique de la situation : l’arrêt des tournages. Et là, on n’attend pas l’automne pour sortir les parapluies. Alors qu’ils devaient reprendre le tournage du deuxième volet de Mission Impossible : Dead Reckoning dans la foulée de la tournée promo du premier, Tom Cruise, Christopher McQuarrie et toute leur équipe sont laissés au chômage technique. Les troisièmes opus de Deadpool et Venom ont également interrompu les prises de vues. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg : on parle là de TOUTE une industrie suspendue au-dessus du vide, séries TV comprise. Car si le conflit dure, c’est toute la chaine d’approvisionnement qui sera frappée d’une pénurie de contenus en provenance d’Hollywood. Autrement dit, à l’orgie de blockbusters de cet été 2023 risque de succéder une saison 2024 au pain sec et à l’eau. On peut déjà spéculer sur les conséquences, et imaginer que les exploitants, plutôt que de rester le bec dans l’eau, se tourneront vers d’autres cinématographies pour faire bouillir la marmite. L’hégémonie déjà fragilisée de Hollywood pourrait bien prendre un coup décisif dans la gueule, particulièrement dans une période où le second souffle fait défaut à un modèle englué dans une crise dont il ne voit pas le bout (voir cet été U.S, again). Même chose pour les plates-formes de streaming, qui se reporteront probablement encore plus qu’ils ne le font déjà sur les films et séries asiatiques, qui occupent déjà une part grandissante du temps de visionnage de leurs abonnés. Autrement dit, même après que le mouvement se sera éteint et quelque soit l’issue, les studios continueront de payer des intérêts bien après avoir réglé la note.

- La grande question est donc : pourquoi ? Pourquoi les majors s’entêtent à résister aux revendications des scénaristes et des acteurs ? Et inversement, pourquoi les scénaristes et les acteurs se déclarent prêts à vivre d’amour et d’eau fraiche tant que leurs exigences n’auront pas été entendue. On a déjà évoqué la question en ces lignes, mais on va tenter de refaire un point sur les grandes lignes.
- D’abord, la question de la rémunération liée au streaming. Avant l’arrivée des plateformes et du contenu accessible en deux clics, le monde fonctionnait ainsi. Pour un film ou une série TV, un acteur et un scénariste signaient un contrat pour céder leur travail et leur droit à l’image en échange d’un salaire et des rémunérations dites « résiduelles ». C’est-à-dire qu’à chaque diffusion de l’œuvre à la télévision, les créateurs touchent une somme calculée en fonction du taux d’audience et des revenus publicitaires. Bref, ce qu’on appelle plus communément des « royalties ».
- Et si vous avez tout à fait le droit de ne pas verser une larme pour le patrimoine immobilier de Sylvester Stallone, n’oubliez pas derrière les invisibles et moins visibles de l’entertainment payés au minimum syndical et sans couverture santé qui en ont besoin pour payer leurs loyers. Bref, des gens qui bossent pour manger : le show-business est un business comme un autre. Or, la situation s’est singulièrement compliquée avec l’arrivée des platesformes de streaming, qui cultivent l’opacité sur leurs chiffres d’audiences notamment pour payer leur « employés » au forfait calculé pour ne pas dépasser le minimum syndical. Qui plus est pour travailler sous des cadences de plus en plus infernales afin de fournir des munitions aux GAFA dans leur guerre ininterrompue de contenu (voir le créateur de Squid Games, qui en a perdu des dents pour gagner de quoi reprendre un Mc Fleury).
- Bien entendu, comme à chaque fois que le prolétariat tape du poing sur la table, le capital l’essuie avec ses larmes de crocodile : « Y a plus de sous », « les caisses sont vides », « Ah la la, Covid GroS malheur ». À leur décharge, il faut admettre que la situation est critique. Ainsi, le pognon de dingue perdu par Disney entre ses tôles au box-office et le dévissage de Disney + (dont l’horizon de rentabilité a été repoussé aux calendes grecques) doit causer quelques problèmes de transit dans les bureaux. Mais forcément, l’argument passe mal aux oreilles des smicards de l’entertainment quand il émane des CEO qui se sont pété le bide à coups d’augmentations et de bonus de fin d’année. Et pour garder leurs ronds de serviettes bien pliés et amidonnés, les argentiers disposent de l’argument massue pour montrer la sortie aux créateurs qui auraient la mauvaise idée de leur opposée des revendications salariales « si t’es pas content, y ‘en a d’autres qui font la queue ». Bref, une véritable armée industrielle de réserve prête à sauter sur le biftek du voisin s’il fait la fine bouche. Vous avez un sentiment de déjà-vu ? Normal : encore un remake d’Hollywood d’un film que tout le regarde deux fois fois par an à la télévision depuis 30 ans. À méditer pour tous ceux qui pensent que le monde disruptif d’après a fait sauter les modèles de celui d’avant : Karl Marx est toujours à l’avant-garde de la lecture des rapports sociaux. Et du coup, on en revient aux IA.
- On ne va pas répéter sur le sujet ce que l’on avait déjà abordé les semaines précédentes. Mais il faut comprendre que tout ça au fond, n’est qu’une histoire de partage du capital. On l’a déjà écrit, mais L’IA, c’est l’équivalent de la Révolution industrielle pour le prolétariat de l’entertainment. La situation des acteurs et scénaristes américains ne fait que nous rappeller la descente d’organes en rappel que Chat GPT a provoqué chez les « créatifs » il y a quelques mois, qui prenaient tout d’un coup conscience de leur « remplaçabilité ». Soit exactement ce qu’ont connu les cols bleus avec l’arrivée des machines. Le progrès c’est bien, sauf quand il devient un outil de pression du patronat sur la masse salariale. Il a fallu que la patrouille rattrape les métiers qui s’en pensaient préservés pour réveiller les consciences et l’empathie des damnés de l’offensive technologique.
- Car c’est précisément la raison pour laquelle chacun campe sur sa position dans cette grève. Les acteurs et scénaristes américains, parce qu’ils savent que bientôt ce ne sera plus avec leurs congénères qu’ils seront mis en concurrence pour tirer leur condition de travail et leur rémunération à la baisse. Ce sera avec une IA à coût fixe, pas contrariante pour deux sous sur le montant de ses royalties. Et là, ça sera vraiment la fin des haricots : ils pourront faire autant de grèves qu’ils voudront, les studios s’en émouvront à peine, et demanderont à des ingénieurs de promptement combler le manque à gagner le temps que les enfants rentrent manger ce qu’on voudra bien leur donner. Les studios, quant à eux, savent très bien qu’ils sont assis sur une mine d’or susceptible de terminer définitivement le rapport de forces en leur faveur. Bien entendu, tout le monde dans les bureaux des majors fait valoir sa présomption d’innocence : tout ça c’est loin, l’état d’avancement actuel de la technologie ne permet même pas d’y penser. Les joueurs d’échecs à quatre coups d’avance adorent se faire passer pour des joueurs de dames.
- Lorsqu’il révélait au grand public les technologies de surveillance des citoyens américains par le « deep state » dans Ennemi d’État en 1999, Tony Scott déclarait que tout ce qui était montré dans son film était déjà obsolète depuis 20 ans. On ne peut que supposer qu’il en est de même pour l’IA, qui plus est à l’aune du mélange des genres auquel s’adonnent les gagnants du monde d’après. Car les dirigeants des studios sont bien plus au courant des avancées de l’IA en coulisses que vous et moi. On peut même imaginer une ligne spécialement reliée au chevet de Bob Iger pour l’informer des évolutions au jour le jour de la technologie. Bref, ces gens ont déjà fait leurs plans pour l’avenir. Les acteurs et scénaristes américains, qui ne sont pas non plus des lapins de six semaines, le savent. Comme l’a dit Fran Drescher, présidente de la SAG et ancienne Nounou d’Enfer de nos après-midi devant le tube cathodique, dans un discours de combat qui a même dû pousser Philipe Poutou à entonner l’internationale derrière son poste, « C’est maintenant ou jamais ». Choisis ton camp, camarade.
- Pour vous donner une idée d’à quel point l’élastique il est tendu, un executive non identifié (mais que d’aucuns soupçonnent d’être Bob Iger) a confié à Deadline que le mouvement durera « jusqu’à ce que les grévistes commencent à perdre leurs appartement et leur maisons ». Charmant. Ce à quoi l’acteur Ron Perlman, pas le faciès le plus avenant du cinéma américain, a répondu dans un post depuis supprimé sur Instagram : « On sait qui a dit ça, et on sait où il vit ». Ambiance.

les types de 60 kilos les écoutent.
- Séquence « Antoine passe une tête » : Nanni Moretti est un adorable vieux scrogneugneu et son dernier film Vers un avenir radieux, un tantinet moins léger et plus démonstratif que le fut Journal intime dans un style presque aussi autobiographique, laissera ses fans historiques dans un rare état d’euphorie nostalgique. Indispensable, donc.
Ce qui reste de la boxe anglaise (Antoine) /
- Si l’envie de s’affronter entre cadors fait trop souvent défaut aux poids légers, le talent disponible à 135 livres n’est pas en cause, et le gaucher Frank « The Ghost » Martin vient encore densifier la catégorie. Il restait sur une victoire très convaincante face au Dominicain Michel Rivera mais connut hier soir au Cosmopolitan de Las Vegas son plus sérieux test en carrière dans un duel d’invaincus l’opposant à l’Allemand d’origine arménienne Artem Harutyunyan. Médaillé de bronze aux JO de 2016, ce dernier n’est pas le plus flashy des boxeurs et il souffrait face à Martin d’un évident déficit de vitesse, mais à force de pressing intelligent et de timing judicieux dans ses frappes, acceptant d’en prendre pour en rendre et ciblant bien le corps d’un adversaire fuyant, il fit douter Martin pendant de longues portions du combat. The Ghost peina tout du long à passer la seconde ; lorsqu’il y parvint il domina les échanges de la tête et des épaules. Il dut la décision unanime des juges en sa faveur à un genou à terre d’Harutyunyan dans la 12e reprise, l’Allemand étant passablement incommodé par un œil abîmé… sur un coup de tête. Bref, on imagine que Martin, pas malheureux sur ce coup-là, aura beaucoup appris du traquenard proposé. Comme c’est la coutume après une première victoire serrée, d’aucuns affirment déjà que l’Américain a montré des limites rédhibitoires au plus haut niveau. Je me garderai bien de hurler avec les loups. Il reste au boxeur établi dans l’Indiana à retourner au tableau noir pour mieux gérer le tempo et les angles de ses prises d’initiative. De la bonne graine malgré tout. Harutyunyan, lui, mérite de faire souffrir à nouveau des commentateurs américains chargés de bien prononcer son nom. À noter le succès plus tôt dans la soirée du « Dominican Kid » Elvis Rodriguez sur un Viktor Postol faisant cruellement ses 39 ans. « The Iceman », qui ne s’inclina qu’aux points contre Terence Crawford en 2016, reste ainsi sur 2 défaites avant la limite… et se rendrait service en envisageant une reconversion.

- Toujours chez les légers, on attendait beaucoup des débuts professionnels du Cubain Andy Cruz, triple champion du monde et médaillé d’or olympique en 2021, hier soir à Detroit. Son choix initial d’adversaire et de format aurait pu s’avérer un péché d’orgueil, tant les exemples de désillusions chez ses compatriotes brillants en amateurs abondent – telle la défaite de Yoelvis Gomez la semaine passée. Cruz avait opté d’emblée pour un combat prévu en 10 rounds contre le vétéran mexicain Juan Carlos Burgos, jamais arrêté en 45 sorties dont des duels face à Mikey Garcia, Devin Haney ou Keyshawn Davis, finaliste malheureux de Tokyo contre Cruz après un succès sur Sofiane Oumiha et passé pro dans la foulée. Si Cruz n’a pas non plus arrêté Burgos, il a remporté toutes les reprises, gérant son effort dans la durée comme un briscard et faisant admirer la pureté de ses contres et enchaînements des deux mains. Seule réserve pour le moment, un relatif manque de punch à confirmer les prochaines fois. Le futur proche de la catégorie promet beaucoup.
- Ce qui n’est pas tout à fait le cas des poids lourds, chez qui Tyson Fury dispose bien d’une dispense de la WBC pour affronter Francis Ngannou le 28 octobre prochain en Arabie Saoudite plutôt qu’un autre boxeur de premier plan. Il se confirme que le Franco-camerounais fit un choix judicieux en termes financiers lorsqu’il quitta l’UFC avec perte et fracas, lui qui devrait toucher une bourse garantie de 8 millions de dollars… à comparer avec les 3,6 touchés jusque-là en 20 combats professionnels. Il reste à préciser les modalités exactes de la confrontation ; on s’oriente pour l’heure vers un combat de boxe des plus classiques. À l’intérêt sportif à peu près nul, de fait, ce qui n’empêche aucunement un buzz conséquent. Bah, le simple fait d’imagine le patron de l’UFC Dana White jouer aux fléchettes sur un portrait de Ngannou suffit à prendre la farce avec philosophie.
- Surprise, surprise : alors qu’il avait annoncé sa retraite sportive à 25 ans au lendemain de son succès tonitruant sur Josh Taylor, Teofimo Lopez a choisi de conserver la ceinture WBO des super légers. En d’autres termes, « The Takeover » poursuit sa carrière, ce qui n’étonnera à peu près personne de sensé. Ce qui ne surprend pas non plus est d’observer un comportement erratique chez l’Américain ; on lui souhaite beaucoup d’apaisement maintenant que son divorce est derrière lui – il avait évoqué le poids psychologique de la procédure pour expliquer sa contre-performance face à George Kambosos. Lopez défie maintenant le champion incontesté des légers Devin Haney de monter l’affronter à 140 livres et la perspective d’un tel affrontement n’est pas pour déplaire.
- On l’avait quitté sur un succès plus difficile qu’escompté sur Charles Martin le 1er juillet dernier : le poids lourd américain invaincu Jared Anderson remontera en selle dès le 26 août prochain contre le vétéran ukrainien Andrii Rudenko. Mis KO en décembre 2021, ce dernier avait tenu la distance lors de défaites contre Alexander Povetkin, Agit Kabayel et Zhang Zhilei. On saluera la volonté du jeune Anderson d’accumuler les heures de vol avant de se mesurer au gratin de la catégorie. C’est ainsi que le métier rentre (non, on ne vise évidemment personne, et surtout pas chez les Tricolores).
Le MMA va bien, merci pour lui (Guillaume) /
- Parlons MMA, donc ne parlons pas des deux milliardaires qui se fritent sur les réseaux en vue d’un combat dans l’octogone qui présente autant de chances de se faire qu’Evgueni Prigojine n’en a de gagner l’élection présidentielle russe. On laisse passer la caravane à neuneu pour revenir à une activité normale.
- Parlons plutôt de ceux dont le nom mérite d’être mentionné. En l’occurrence Francis Ngannou, qui a donc une fois de plus déjoué tous les pronostics (y compris ceux de 130 livres) en ramassant le cul de la crémière : un combat contre Tyson Fury en boxe anglaise. Officialisé cette semaine, les règles qui entoureront l’affrontement demeurent encore floues. Mais même si l’intérêt sportif d’une telle rencontre frise le 0, on applaudit des deux mains la performance de Ngannou pour avoir glissé une nouvelle quenelle à l’UFC. Visiblement pas remis de la signature de la signature de son ancien champion poids lourd avec l’organisation concurrente qui monte, Dana White tentait de contrecarrer ses projets d’anglaise en faisant monter de son côté la hype d’un fight entre le Gipsy King et Jon Jones, actuel taulier de la catégorie reine. Ça fait 2 pour Spartacus, 0 pour l’Empire Romain. En attendant d’écrire son biopic, les acteurs et les scénaristes américains ont une figure inspirante et contemporaine pour les guider en la personne de Francis Ngannou, qui a dû subir les conséquences de ses choix avant d’en recueillir les bénéfices. Et si le premier héros populaire du XXIème siècle était un camerounais d’1,93 m qui « tape les gens pour vivre ? »

les types de 60 kilos les écoutent.