Punchlines du 15 mai 2022

Le site /

  • Le papier de la semaine aura des airs de patchwork, voire de recyclage éco-responsable, cependant j’en garantis la qualité des composants : il s’agit du Pot-(pas)pourri printanier de 130livres.com, compilation de chroniques littéraires plus brèves qu’à l’accoutumée publiées à l’origine sur Instagram. Vous noterez l’astuce : en les additionnant, j’obtiens un seul article trop long pour une publication sur internet, soit conforme aux standards de ce site.
  • Parmi les papiers recueillant régulièrement des clics épars plus d’un an après leur parution, celui consacré à L’architecture de Marien Defalvard, dense roman d’un abord délicat tristement jugé « imbitable » au Masque et la Plume. De quoi hasarder l’hypothèse que ce livre deviendra culte à défaut d’avoir séduit un abondant lectorat.

Les auteurs /

  • Les présentes Punchlines auront été marquées par le dévouement d’un reporter zélé, viscéralement attaché à rendre compte de l’actualité des belles lettres, fût-ce au péril de sa santé. La première étape, jeudi soir dernier à la librairie l’Attrape-cœurs de Montmartre, fut le lancement du premier texte publié de Thael Boost intitulé La mère à côté. On saluera la belle constance de l’établissement dans l’accueil de ce genre d’événements, attirant dans cette jolie boutique une foule compacte et enthousiaste manifestement ravie de se retrouver autour d’un verre et parfois même de parler bouquins. Dans ce cas particulier, la rencontre s’ouvrit sur un mot des hôtes, puis une brève prise de parole de l’éditrice avant de laisser un temps conséquent à la lecture d’extraits choisis, agrémentés d’un fort joli accent transalpin. L’autrice conclut la séance d’un discours empreint d’une émotion non feinte. Dans les instants qui suivent, l’espace-temps s’est étonnamment distordu. Tout juste puis-je évoquer le soin apporté par l’autrice à ses dédicaces, force détonations de bouchons dans le même temps, et une cavalcade frénétique dans le long colimaçon de la station Lamarck – Caulaincourt pour attraper le dernier métro en évitant plusieurs fois la cascade avinée et inopportune. Bref : une soirée très réussie (et oui, on a eu le métro).
  • À propos de soirées réussies, Varions les éditions en live organisait hier la remise de ses prix 2020 et 2021 au Labo de l’édition, à deux pas des Arènes de Lutèce. Rappelons que l’objectif de ces rencontres via Zoom (et parfois en présentiel) animées par Anthony Lachegar et son équipe consiste à donner aux éditeurs indépendants et à leurs auteurs une exposition méritée auprès d’un public largement composé de chroniqueurs en ligne souvent appelés Bookstagrammeurs. On est parfois venu de loin de loin pour recevoir prix et accessits, voire on s’est connecté de plus loin encore. Parmi les lauréats présents, citons David Meulemans des Forges de Vulcain, Yan Lespoux, auteur de Presqu’Îles (Agullo), ainsi que son éditeur Sébastien Wespiser, ou Léa Petitdemange venue recevoir les récompenses des éditions du Tripode et de leur auteur Dimitri Rouchon-Borie. S’il convient de tirer le voile de la charité sur les ultimes développements de la soirée survenus autour de la rue Mouffetard (dont les étonnants choix de titres musicaux entonnés a cappella par les ami.es de la culture toujours présents dans un rade de la Contrescarpe), je dois ici insister sur l’intérêt des discussions qui précédèrent avec l’aréopage présent, en particulier sur l’épineuse question du pouvoir de prescription (et la curiosité relative) des médias « traditionnels » par rapport aux alternatifs – même si j’aurai encaissé une tomate perdue ou deux en tant que rare plumitif présent sur les lieux.
Entre mecs, enfin presque
  • La maison Gallimard n’était certes pas concernée par la soirée VLEEL, et il n’y a guère que Louis-Ferdinand Céline pour surpasser Annie Ernaux à l’actuel palmarès des ventes en littérature générale. Même si 8 euros font toujours cher ramenés à la page, Le Jeune Homme se vend par palettes, comme le laissait supposer le tapis rouge médiatique déroulé à son autrice. Les esprits taquins, en grattant un peu, noteront toutefois dans les comptes-rendus de lecture qu’exprimer quelques réserves sur ce dernier opus n’est pas un tabou chez les Ernauphobes, comme de juste, ni chez un certain nombre d’Ernaulâtres, ce qui surprendra plus. Est-ce à dire que la reine serait nue et qu’on peinerait à séparer la femme adulée de l’artiste faillible à la Grande Librairie ou dans la Matinale d’Inter ? N’exagérons rien : Le Jeune Homme recueille sensiblement le même nombre d’étoiles que les livres précédents de l’autrice sur Babelio. Reste qu’entendre s’exprimer des voix un tantinet dubitatives face au concept de « chef d’œuvre de 38 pages » à des tribunes à forte exposition ferait sans doute un peu de bien – et je suis ici à ça de recevoir ma propre tomate perdue.

Les puncheurs /

  • Patatras : Tony Yoka n’aura donc pas passé avec succès son premier test sérieux en carrière, un adversaire classé au Top 15 de 3 des grandes fédérations mondiales. Contre un Martin Bakole épaissi pour l’occasion, Yoka a semblé surclassé en puissance, incapable de tirer profit d’une vitesse et d’une mobilité supérieures et timide sur ses rares temps forts. En dépit du grotesque 94-94 octroyé par l’aveugle de service, la victoire d’un Congolais agressif d’entrée et sachant varier ses attaques ne souffre aucune contestation – le Français lui-même l’a reconnu tout en évoquant de probables changements à venir. Et si Martin Bakole est un « vigile de supermarché », comme le champion de Rio se plaignait qu’on le considère par chez nous, nous dirons alors que l’établissement en question est très bien gardé. On reverra avec plaisir le vainqueur d’hier soir, sparring partner d’Usyk, Fury et Joshua, cette fois contre des adversaires d’une élite mondiale à laquelle Tony Yoka est encore loin d’appartenir. Poser ce dernier constat ne signifie pas forcément hurler avec les loups : on doit au jeune trentenaire un titre olympique d’un prestige inespéré pour la boxe tricolore, ne l’oublions jamais. Quant à le blâmer pour une attitude prétendument arrogante, ce serait oublier qu’elle témoigne avant tout de la stratégie d’ensemble très critiquable dessinée pour lui. Faire d’un minot une tête d’affiche dès son premier combat chez les pros revient vite à en faire un citoyen d’honneur de Cavaillon. Le voir louper trois contrôles antidopage montre qu’il fut fort peu habitué à prendre des coups de pied au derrière. Compter ses 12 combats professionnels en 5 ans révèle un manque crucial d’expérience accumulée. Le découvrir malmené dans le clinch contre Hammer ou guère capable d’accélérer face au lourd-léger d’origine Djeko interroge sur ses fondamentaux – et sur l’opportunité d’avoir choisi l’entraîneur Virgil Hunter, dont la principale réussite est d’avoir eu en André Ward un poulain supérieurement mature et capable de se coacher tout seul. L’histoire est certes facile à réécrire après coup, mais qui peut vraiment regarder Yoka donner à Bakole des airs de George Foreman pendant 10 rounds sans être envahi par une formidable impression de gâchis ? Au moins le Francilien a-t-il évité un KO des plus traumatisants. Souhaitons-lui maintenant de faire les bons choix.
Retour sur Terre
  • À propos de bons choix, coup de chapeau à Jermell Charlo pour son succès d’hier soir à Carson City sur l’Argentin Brian Castaño, dans un remake du combat d’unification des 4 titres majeurs des super-welters soldé par un nul en juillet dernier. Je doutais de la capacité d’un Charlo confiant en ses avantages physiques conséquents (taille, allonge, punch) à procéder aux ajustements techniques et tactiques de rigueur : il a au contraire récité sa nouvelle partition avec maestria. Se présentant très affûté, il s’est montré capable de tenir tout le combat au rythme imposé par Castaño, sans avoir à prendre de pause. Il a très bien anticipé les séries de près que l’Argentin aime conclure sur une droite, trouvant ainsi l’ouverture sur des contres tranchants en crochet du bras avant. Bien qu’ayant violemment touché Castaño de nombreuses fois, il ne s’est jamais précipité, attendant que le champion WBO atteigne un seuil critique de dommages accumulés et tombe comme un fruit mûr. Il faut ici rendre hommage à « El Boxi », modèle de professionnalisme qui tire la quintessence de moyens naturels limités pour sa catégorie et doit boxer les meilleurs loin de chez lui. On savait qu’il se présenterait hier avec le seul plan de vol lui permettant de menacer l’Américain. Le grand mérite de ce dernier fut d’y répondre point par point, avec application. Jermell Charlo fait un très beau champion incontesté des 154 livres.
  • Bons choix, suite et fin : l’après Dmitry Bivol vs Canelo Alvarez. Dans sa gestion de carrière, le Mexicain a pour habitude de prendre le temps de la réflexion. Avant d’activer sa clause de revanche, l’ex-roi du classement « Pound-for-pound » serait fort bien avisé d’évaluer ses chances réelles de battre un vrai mi-lourd capable d’encaisser son punch et d’envoyer plus de 70 coups par round. On sait qu’un Alvarez plus léger de 20 livres avait déjà le capot qui fume lorsqu’il entrait en surrégime, au point de devoir couper son effort des rounds entiers. Dès lors, l’équation proposée par Bivol est-elle bien soluble pour lui ? Déconcertant de naturel en interview, le Russe n’a certainement pas peur de sa victime du 7 mai. Pire encore pour Canelo, lui-même aura sans doute tiré bien des enseignements de sa victoire, dont plusieurs pistes d’amélioration. S’il prétend pouvoir descendre sans encombre en super-moyens, on est tenté de le croire. Dès lors, défendre son titre à 168 livres contre d’autres adversaires apparaît plus sensé pour Canelo que viser une revanche ou une nouvelle ceinture à 175, sans même verser dans les hypothèses fantaisistes l’envoyant défier Ilunga Makabu ou Olexander Usyk à 190 ou 200 livres. Gennady Golovkin, David Benavidez, Jermall Charlo voire Demetrius Andrade : les adversaires intéressants ne manquent pas en super-moyens. Et quelle que soit l’option retenue, peut-être lui faudra-t-il revoir son mode de fonctionnement avec un Eddie Reynoso fort peu utile dans son rôle d’homme de coin face à Bivol, alors que sa palette technique semble s’être restreinte depuis ses victoires sur GGG et Jacobs. Bref : ici encore, les (bons) choix à faire ne manquent pas.

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